La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2013 | FRANCE | N°12-12498

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juillet 2013, 12-12498


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 24 novembre 2011), que M. X... a été engagé le 21 octobre 2001 en qualité de découpeur par la société Lauge, devenue société Viandes du Haut-Béarn ; que par lettre du 31 octobre 2007, l'employeur a proposé au salarié de transférer le lieu d'exécution de son contrat de travail de Jurançon à Oloron-Sainte-Marie en lui indiquant qu'en application de l'article L. 1222-6 du code du travail, il avait un délai d'un mois pour faire connaître son ac

ceptation ; qu'après avoir refusé la modification de son contrat de travail, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 24 novembre 2011), que M. X... a été engagé le 21 octobre 2001 en qualité de découpeur par la société Lauge, devenue société Viandes du Haut-Béarn ; que par lettre du 31 octobre 2007, l'employeur a proposé au salarié de transférer le lieu d'exécution de son contrat de travail de Jurançon à Oloron-Sainte-Marie en lui indiquant qu'en application de l'article L. 1222-6 du code du travail, il avait un délai d'un mois pour faire connaître son acceptation ; qu'après avoir refusé la modification de son contrat de travail, le salarié a été licencié pour motif économique par lettre du 21 mars 2008 ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que la lettre de licenciement qui fait état d'une modification du contrat de travail consécutive à une réorganisation de l'entreprise est suffisamment motivée ; qu'en ayant retenu que la société Lauge invoquait la réorganisation de l'entreprise par le transfert de l'activité découpe sur le seul site d'Oloron-Sainte-Marie mais « ne précise pas dans la lettre de licenciement si cette réorganisation est liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ou si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité », la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1233-3 du code du travail ;
2°/ qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société Viandes du Haut-Béarn reprises à l'audience, soutenant que la société Lauge était sur le point de se faire retirer par les services vétérinaires l'agrément de la salle de découpe, que compte tenu de la vétusté des locaux de Jurançon, l'investissement pour les remettre aux normes dépassait ses capacités et qu'il avait donc été décidé lors de la reprise de la société Lauge par la société Viandes du Haut-Béarn de transférer l'activité de découpe sur le site d'Oloron-Sainte-Marie qui faisait l'objet d'agrandissements, ce qui établissait les raisons économiques du licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge ne peut introduire dans le litige un point qui ne faisait l'objet d'aucune discussion ; qu'en l'espèce, pour soutenir que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, le salarié a seulement soutenu que la lettre de licenciement n'était pas motivée, ne comportant pas de référence à une réorganisation de l'entreprise indispensable pour sauvegarder sa compétitivité, et qu'il n'avait pas reçu de proposition de reclassement ; qu'en retenant que l'employeur n'apportait « aucun justificatif à tous égards », cependant que le salarié n'avait pas contesté au fond les raisons pour lesquelles une réorganisation de l'entreprise avait été décidée, soit le fait que la société Lauge était sur le point de se faire retirer par les services vétérinaires l'agrément de la salle de découpe, que compte tenu de la vétusté des locaux de Jurançon, l'investissement pour une remise aux normes dépassait ses capacités, que « cette situation aurait du contraindre purement et simplement la SA Lauge à fermer, à arrêter toute activité sur place et à supprimer l'intégralité des emplois » et qu'il avait donc été décidé lors de la reprise de la société Lauge par la société Viandes du Haut-Béarn de transférer l'activité de découpe sur le site d'Oloron-Sainte-Marie qui faisait l'objet d'agrandissements, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que l'employeur qui, dans le cadre d'un licenciement économique, propose au salarié son seul poste disponible satisfait à son obligation de reclassement même en cas de refus de ce dernier ; que la cour d'appel a constaté que la lettre de licenciement mentionnait que « dans le cadre de l'arrêt des fabrications à Jurançon de la société Lauge et du regroupement des activités des sociétés Lauge SA et Les Viandes du Haut-Béarn sur le seul site d'Oloron, nous vous avons proposé par courrier du 29 octobre 2007 de transférer votre contrat de travail à Oloron-Sainte-Marie pour le début d'année 2008¿ vous avez refusé cette proposition destinée à maintenir votre collaboration¿ nous ne disposons d'aucune autre possibilité de reclassement » ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que l'employeur, qui avait fait une proposition refusée par le salarié, avait satisfait à son obligation de reclassement, a ainsi violé les articles L. 1222-6 et L. 1233-4 du code du travail ;
5°/ qu'en tout état de cause, lorsque l'employeur, dans le cadre d'un licenciement économique, propose au salarié en lui indiquant n'avoir « aucune autre possibilité de reclassement », un poste qu'il refuse, le juge ne peut retenir qu'il n'a pas exécuté son obligation de reclassement, sans rechercher s'il disposait d'autres possibilités de reclassement ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée par l'employeur, qui soutenait qu'au-delà du poste proposé au salarié et refusé par celui-ci à deux reprises, il n'avait aucune autre possibilité de reclassement, quel poste aurait pu lui être proposé et ne l'aurait pas été, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-6 et L. 1233-4 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, sans méconnaître les termes du litige, constaté que l'employeur n'établissait pas que la réorganisation de l'entreprise était justifiée par des difficultés économiques, par des mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'elle a, par ce seul motif, justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Viandes du Haut-Béarn aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Viandes du Haut-Béarn et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour la société Viandes du Haut-Béarn
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que le licenciement de M. X... ne reposait pas sur une cause économique et était sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que la lettre de licenciement fixant les termes du litige mentionne que « dans le cadre de l'arrêt des fabrications à Jurançon de la société Lauge et du regroupement des activités des société Lauge SA et Les Viandes du Haut Béarn sur le seul site d'Oloron, nous vous avons proposé par courrier du 29 octobre 2007 de transférer votre contrat de travail à Oloron Ste Marie pour le début d'année 2008¿vous avez refusé cette proposition destinée à maintenir votre collaboration¿nous ne disposons d'aucune autre possibilité de reclassement » ; que selon l'article L. 1233-3 du code du travail, « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au premier alinéa » ; que lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, la réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, la menace qui pèse sur la compétitivité étant à prendre en considération ; que la preuve de la nécessaire sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise incombe à l'employeur ; qu'en l'espèce, si la société Lauge invoque la réorganisation de l'entreprise par le transfert de l'activité découpe sur le seul site d'Oloron Sainte-Marie, elle ne précise pas dans la lettre de licenciement si cette réorganisation est liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ou si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, le dossier de la Sarl Lauge ne comporte aucun justificatif à tous égards ; que par ailleurs, selon l'article L. 1233-4, « le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises » ; que les recherches de reclassement doivent s'effectuer à compter du moment où le licenciement est envisagé et l'employeur doit exécuter loyalement son obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, le licenciement n'a pu être envisagé que postérieurement au refus de M. X... de la modification de son contrat de travail, cette proposition de modification ne peut donc pas justifier la recherche de reclassement qui pèse du l'employeur ;
Alors que 1°) la lettre de licenciement qui fait état d'une modification du contrat de travail consécutive à une réorganisation de l'entreprise est suffisamment motivée ; qu'en ayant retenu que la société Lauge invoquait la réorganisation de l'entreprise par le transfert de l'activité découpe sur le seul site d'Oloron Sainte-Marie mais « ne précise pas dans la lettre de licenciement si cette réorganisation est liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ou si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité », la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1233-3 du code du travail ;
Alors que 2°) en ne répondant pas aux conclusions de la société Viandes du Haut Béarn reprises à l'audience, soutenant que la société Lauge était sur le point de se faire retirer par les services vétérinaires l'agrément de la salle de découpe, que compte tenu de la vétusté des locaux de Jurançon, l'investissement pour les remettre aux normes dépassait ses capacités et qu'il avait donc été décidé lors de la reprise de la société Lauge par la société Viandes du Haut Béarn de transférer l'activité de découpe sur le site d'Oloron Sainte Marie qui faisait l'objet d'agrandissements, ce qui établissait les raisons économiques du licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors que 3°) l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge ne peut introduire dans le litige un point qui ne faisait l'objet d'aucune discussion ; qu'en l'espèce, pour soutenir que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, le salarié a seulement soutenu que la lettre de licenciement n'était pas motivée, ne comportant pas de référence à une réorganisation de l'entreprise indispensable pour sauvegarder sa compétitivité, et qu'il n'avait pas reçu de proposition de reclassement ; qu'en retenant que l'employeur n'apportait « aucun justificatif à tous égards » (arrêt p. 5), cependant que le salarié n'avait pas contesté au fond les raisons pour lesquelles une réorganisation de l'entreprise avait été décidée, soit le fait que la société Lauge était sur le point de se faire retirer par les services vétérinaires l'agrément de la salle de découpe, que compte tenu de la vétusté des locaux de Jurançon, l'investissement pour une remise aux normes dépassait ses capacités, que « cette situation aurait du contraindre purement et simplement la SA Lauge à fermer, à arrêter toute activité sur place et à supprimer l'intégralité des emplois » et qu'il avait donc été décidé lors de la reprise de la société Lauge par la société Viandes du Haut Béarn de transférer l'activité de découpe sur le site d'Oloron Sainte Marie qui faisait l'objet d'agrandissements, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors que 4°) l'employeur qui, dans le cadre d'un licenciement économique, propose au salarié son seul poste disponible satisfait à son obligation de reclassement même en cas de refus de ce dernier ; que la cour d'appel a constaté que la lettre de licenciement mentionnait que « dans le cadre de l'arrêt des fabrications à Jurançon de la société Lauge et du regroupement des activités des société Lauge SA et Les Viandes du Haut Béarn sur le seul site d'Oloron, nous vous avons proposé par courrier du 29 octobre 2007 de transférer votre contrat de travail à Oloron Ste Marie pour le début d'année 2008¿vous avez refusé cette proposition destinée à maintenir votre collaboration¿nous ne disposons d'aucune autre possibilité de reclassement » ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que l'employeur, qui avait fait une proposition refusée par le salarié, avait satisfait à son obligation de reclassement, a ainsi violé les articles L. 1222-6 et L. 1233-4 du code du travail ;
Alors que 5°) en tout état de cause, lorsque l'employeur, dans le cadre d'un licenciement économique, propose au salarié en lui indiquant n'avoir « aucune autre possibilité de reclassement », un poste qu'il refuse, le juge ne peut retenir qu'il n'a pas exécuté son obligation de reclassement, sans rechercher s'il disposait d'autres possibilités de reclassement ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée par l'employeur, qui soutenait qu'au-delà du poste proposé au salarié et refusé par celui-ci à deux reprises, il n'avait aucune autre possibilité de reclassement, quel poste aurait pu lui être proposé et ne l'aurait pas été, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-6 et L. 1233-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-12498
Date de la décision : 10/07/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 24 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 jui. 2013, pourvoi n°12-12498


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Blanc et Rousseau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.12498
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award