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19/06/2013 | FRANCE | N°12-20973

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 juin 2013, 12-20973


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 27 avril 2012), que M. X..., engagé le 16 juin 2005 par la société Sertec, a, par lettre du 9 avril 2009 rédigée par son avocat, saisi la juridiction prud'homale de demandes d'indemnités au titre de la rupture ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors selon le moyen :

1°/ que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail résulte d'une lettre du conseil du salarié qui saisit le con

seil de prud'hommes pour faire constater la rupture imputable à l'employeur à la suit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 27 avril 2012), que M. X..., engagé le 16 juin 2005 par la société Sertec, a, par lettre du 9 avril 2009 rédigée par son avocat, saisi la juridiction prud'homale de demandes d'indemnités au titre de la rupture ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors selon le moyen :

1°/ que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail résulte d'une lettre du conseil du salarié qui saisit le conseil de prud'hommes pour faire constater la rupture imputable à l'employeur à la suite d'une modification du contrat de travail ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que la rupture du contrat de travail de M. X... ne pouvait résulter de la lettre du conseil du salarié du 9 avril 2009 qui saisissait le conseil de prud'hommes notamment pour obtenir des dommages-et intérêts « pour rupture imputable à l'employeur suite à une modification substantielle du contrat de travail », la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 et suivants du code du travail ;

2°/ que le juge a pour obligation première de ne pas dénaturer les documents de la cause ; de sorte qu'en décidant qu'il résultait de la lettre du 9 avril 2009 que M. X... demandait la résiliation judiciaire du contrat de travail, bien que dans cette lettre le conseil de M. X... demandait à la juridiction prud'homale de constater que la rupture était imputable à l'employeur et d'obtenir des dommages-intérêts à ce titre, ce qui impliquait nécessairement que la rupture était déjà consommée, la cour d'appel a dénaturé la lettre de la SARL Sertec du 9 avril 2009, violant ainsi les dispositions de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que si la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est soumise à aucun formalisme et peut valablement être présentée par le conseil du salarié au nom de celui-ci, c'est à la condition qu'elle soit adressée directement à l'employeur ;

Attendu, ensuite, que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de la lettre du 9 avril 2009 rendait nécessaire, que la cour d'appel a estimé que le salarié sollicitait la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sertec aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sertec à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société Sertec

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a décidé que la rupture du contrat de travail devait s'analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamnant, par conséquent, la SARL SERTEC, employeur, à payer à M. X..., salarié, diverses sommes au titre des indemnités de rupture, ainsi qu'une somme de 20.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE si la rupture du contrat de travail de Monsieur X... est une réalité admise par les deux parties, elles divergent sur sa nature juridique ; que Monsieur X... soutient avoir été verbalement licencié le 1l mai 2009 à l'occasion de l'audience de conciliation du conseil de prud'hommes qu'il avait saisi d'une demande de résiliation judiciaire, aux torts de son employeur, de son contrat de travail ; que la société SERTEC soutient quant à elle que, en saisissant le 10 avril 2009 le conseil de prud'hommes, Monsieur X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail en la lui imputant mais que, aucun manquement grave à ses obligations envers lui ne pouvant lui être reproché, cette rupture doit produire les effets d'une démission, laquelle le rend mal fondé en ses demandes dirigées contre elle tant au titre de l'exécution qu'au titre de la rupture de son contrat de travail ; que c'est le 10 avril 2009 que Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de ses demandes aux titres de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail ; qu'il est constant, à lire les courriers échangés entre les parties, ou leurs conseils, avant cette date, que Monsieur X... n'a jamais exprimé sa volonté de rompre son contrat de travail en imputant la rupture à la société SERTEC son employeur ; que le premier, et unique du reste, document évocateur de cette rupture est le courrier du 9 avril 2009 au moyen duquel le conseil de Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes puisqu'il y est demandé, entre autres, la condamnation de la société SERTEC à payer à Monsieur X... des dommages et intérêts pour rupture imputable à celle-ci du contrat de travail, outre les indemnités conventionnelles de rupture ; que certes, n'y est-il pas explicitement dit qu'il demande la résiliation judiciaire, aux torts de l'employeur, de son contrat de travail ; que cette précision n'était toutefois pas nécessaire dans la mesure où l'acte de saisine du conseil de prud'hommes n'est nullement équivoque quant à l'intention de son auteur ; qu'il est en effet constant, à le lire, qu'il n'y est nulle part fait mention ou état d'une rupture déjà consommée ; que ce serait donc l'acte de saisine lui-même qui vaudrait prise d'acte de rupture ; Or, alors que la prise d'acte cristallise la rupture à la date où elle est exprimée, il ressort du courrier du 9 avril 2009 du conseil de Monsieur X... saisissant le conseil de prud'hommes qu'il ne correspond pas à cette hypothèse ; qu'après y avoir exposé les difficultés opposant Monsieur X... à son employeur à propos de l'exécution du contrat qui les liait et conclu que ses démarches amiables pour y remédier sont demeurées vaines, il y est dit que Monsieur X... considère que le contrat de travail doit être résilié aux torts de l'employeur ; que celui-ci demande donc, de manière non équivoque, au conseil de prud'hommes de prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur ; que la décision du conseil de prud'hommes statuant sur sa demande était nécessairement postérieure à celle-ci, sa demande portée devant le conseil de prud'hommes ne peut s'analyser en une prise d'acte de rupture ; que cela apparaît d'autant moins équivoque que, alors que Monsieur X... a été en arrêt de travail entre le 27 mars 2009 et le 17 mai 2009, il a toujours transmis, par lettres recommandées avec accusé de réception, ses arrêts successifs à son employeur, dont le dernier date du 22 avril 2009, c'est-¬à-dire après sa saisine du conseil de prud'hommes, transmission qui n'avait plus de raison d'être si la rupture avait été cristallisée à la date de sa saisine du conseil de prud'hommes ; que sur la saisine, effective le 10 avril 2009, du conseil de prud'hommes, les parties ont comparu le 1l mai 2009 à son audience de conciliation ; que Monsieur GERARD y était présent assisté de son conseil et la société SERTEC y était représentée par Monsieur Luc GIRARD son gérant, assisté de son propre conseil ; qu'ainsi qu'en font mention à la fois la décision rendue par le bureau de conciliation et le plumitif de l'audience de conciliation (pièces no4 et 6 de dossier du conseil de prud'hommes), l'employeur de Monsieur X... a alors considéré que son contrat était rompu à la date de sa saisine du conseil de prud'hommes et donc par le seul effet de celle-ci ; or, il vient d'être dit que la seule saisine du conseil de prud'hommes aux ms qu'il statue sur la rupture du contrat de travail et son imputabilité à l'une ou l'autre des parties n'emportait pas rupture de celui-ci ; que c'est en méconnaissance de cette règle que les premiers juges ont considéré rom pu le contrat de travail ici en cause et leur décision doit en conséquence être infirmée ; que la conviction qu'avait la société SERTEC que le contrat de travail de Monsieur X... a été rompu lorsqu'il a saisi le 10 avril 2009 le conseil de prud'hommes, outre qu'elle est par elle réaffirmée devant la Cour, ressort sans équivoque, de ce que, après cette date, elle ne se soit jamais inquiétée des conditions de la poursuite éventuelle de leurs communes relations professionnelles, notamment à l'expiration, le 17 mai 2009, de son arrêt de travail, qu'elle a édité en avril 2009 un bulletin de paye à son nom mentionnant le 10 de ce mois comme terme du contrat et qu'elle a établi le 3 juin 2009 son attestation destinée à l'ASSEDIC ; que la rupture du contrat de travail de Monsieur X... résulte donc de la prise d'acte par la société SERTEC son employeur de sa propre prise d'acte de rupture, laquelle n'existe pas ; que cette rupture ne peut donc qu'être imputée à la société SERTEC et celle-ci, qui s'est entièrement affranchie des règles légales y applicables, s'analyse donc en un licenciement sans cause réelle et sérieuse sans qu'il soit besoin de rechercher si les manquements de l'employeur invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire la justifiaient ou non ;

ALORS QUE, premièrement, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail résulte d'une lettre du conseil du salarié qui saisit le conseil de prud'hommes pour faire constater la rupture imputable à l'employeur à la suite d'une modification du contrat de travail ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que la rupture du contrat de travail de M. X... ne pouvait résulter de la lettre du conseil du salarié du 9 avril 2009 qui saisissait le conseil de prud'hommes notamment pour obtenir des dommages et intérêts « pour rupture imputable à l'employeur suite à une modification substantielle du contrat de travail », la Cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 et suivants du code du travail ;

ALORS QUE, deuxièmement, le juge a pour obligation première de ne pas dénaturer les documents de la cause ; de sorte qu'en décidant qu'il résultait de la lettre du 9 avril 2009 que M. X... demandait la résiliation judiciaire du contrat de travail (cf. arrêt attaqué, p. 4, 3e alinéa), bien que dans cette lettre le conseil de M. X... demandait à la juridiction prud'homale de constater que la rupture était imputable à l'employeur et d'obtenir des dommages et intérêts à ce titre, ce qui impliquait nécessairement que la rupture était déjà consommée, la Cour d'Appel a dénaturé la lettre de la SARL SERTEC du 9 avril 2009, violant ainsi les dispositions de l'article 1134 du Code civil


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-20973
Date de la décision : 19/06/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 27 avril 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 jui. 2013, pourvoi n°12-20973


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.20973
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