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19/06/2013 | FRANCE | N°10-25049

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 juin 2013, 10-25049


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 juin 2010), que par lettre d'engagement du 11 décembre 2003 à effet du 5 avril 2004, M. X... est entré au service de la société Multi restauration services (la société) en qualité de directeur du développement, statut cadre ; que sa rémunération se composait d'une partie brute mensuelle à laquelle s'ajoutaient un « intéressement » et une voiture de fonction ; qu'il était prévu que pour la période du 15 avril au 31 décembre 2004 l'intéressé se verrait

garantir un intéressement minimum de 15 000 euros ; qu'un contrat de travail ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 juin 2010), que par lettre d'engagement du 11 décembre 2003 à effet du 5 avril 2004, M. X... est entré au service de la société Multi restauration services (la société) en qualité de directeur du développement, statut cadre ; que sa rémunération se composait d'une partie brute mensuelle à laquelle s'ajoutaient un « intéressement » et une voiture de fonction ; qu'il était prévu que pour la période du 15 avril au 31 décembre 2004 l'intéressé se verrait garantir un intéressement minimum de 15 000 euros ; qu'un contrat de travail conclu le 3 mai 2004 a précisé que M. X... était engagé à compter du 3 mai 2004 en qualité de directeur commercial, qu'il était lié par une clause de non-concurrence d'une durée de deux ans en contrepartie de laquelle il lui serait alloué une indemnité mensuelle de 152 euros, et que sa rémunération mensuelle fixe consistait en un traitement brut de base annuel de 47 450 euros payable en douze mensualités dont une quote-part de treizième mois ; qu'il était aussi prévu à l'article 12 de ce contrat que le salarié percevrait un intéressement basé sur la réalisation des objectifs de développement, avec la mention « voir plan d'intéressement joint » ; qu'en réalité, aucun plan d'intéressement n'a été joint au contrat ; que M. X... a démissionné le 4 avril 2006 et que l'employeur lui a rappelé son obligation de non-concurrence le 12 avril suivant ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant au paiement de diverses sommes, notamment au titre de la part variable de rémunération pour les années 2005 et 2006 ainsi que de dommages-intérêts pour absence de contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes au titre de la part variable de rémunération pour les année 2005 et 2006, alors, selon le moyen :

1°/ que les juges ne sauraient méconnaître la loi du contrat ; qu'en déterminant la part variable de la rémunération contractuelle de M. X... au regard du seul accord conclu pour l'année 2004, sans prendre en considération la condition de réalisation d'objectifs, puis en la calculant pour les années 2005 et 2006, sur la base de cet accord, en faisant droit aux demandes de l'intéressé à ce titre, quand l'article 12 du contrat de travail du 3 mai 2004 stipulait que « M. X... percevra un intéressement basé sur la réalisation des objectifs de développement (voir plan d'intéressement joint », ce dont il résultait que cet intéressement était lié à la réalisation d'objectifs, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'au demeurant, en se bornant à calculer la part variable de la rémunération de M. X... pour l'année 2006 au regard du seul accord conclu pour l'année 2004 et prorata temporis jusqu'à la date de démission de ce salarié, sans répondre au moyen des conclusions d'appel de la société Multi restauration services faisant valoir que, pour l'exercice 2006, l'intéressé, ayant démissionné le 4 avril 2006 à effet du 4 juillet 2006 et n'ayant donc été présent que six mois, ne pouvait prétendre à une prime d'intéressement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'à défaut de détermination par l'employeur des modalités de calcul de la part variable de la rémunération, il appartient au juge de fixer le montant de cette dernière en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, à défaut, en fonction des données de la cause ; qu'ayant constaté que l'intéressement mentionné dans la lettre d'engagement et dans le contrat de travail subséquent constituait la partie variable de la rémunération du salarié, mais qu'aucun objectif permettant la détermination de son montant n'avait été assigné à l'intéressé, la cour d'appel a, sans encourir le reproche de la seconde branche du moyen, souverainement fixé le montant de cette partie de la rémunération pour les deux années 2005 et 2006 au minimum qui avait été contractuellement garanti pour les huit derniers mois de 2004, première année d'exécution du contrat ; que le moyen qui, sous couvert de prétendues violations de la loi, entend remettre en cause cette appréciation, n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour respect d'une clause de non-concurrence illicite, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et, en conséquence, il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office, pour évaluer le préjudice subi par M. X... pour respect d'une clause de non-concurrence illicite, le moyen tiré de l'évaluation de ce préjudice au montant de la somme prévue contractuellement au profit de l'employeur si le salarié avait violé cette clause, sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que si le respect par le salarié d'une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier le montant, ce dernier ne saurait être égal au montant de la somme prévue contractuellement au profit de l'employeur si le salarié avait violé cette clause ; qu'au demeurant, en décidant le contraire pour évaluer le préjudice de M. X... pour respect d'une clause de non-concurrence illicite à la somme de 42 108 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que s'il est exact que dans la procédure orale, le moyen soulevé d'office par le juge est présumé avoir été débattu contradictoirement, sauf preuve contraire pouvant résulter du fait que les conclusions écrites des parties, oralement soutenues à l'audience, ne comportent pas de tel moyen, la critique contenue dans les deux branches du moyen de l'employeur n'est pas opérante dès lors qu'elle ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de l'étendue du préjudice dont ils ont, sans être tenus de le faire, explicité le mode d'évaluation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Multi restauration servces aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils, pour la société Multi restauration services

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société MULTI RESTAURATION SERVICES à payer à Monsieur X... les sommes de 20.000 € au titre de la part variable de rémunération pour l'année 2005 et de 10.000 € au même titre pour l'année 2006, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation ;

AUX MOTIFS QUE, sur la part variable de la rémunération, la lettre d'engagement du 11 décembre 2003, contresignée par Monsieur X... avec la mention « lu et approuvé » à la date du 7 janvier 2004, prévoyait une rémunération brute mensuelle à laquelle s'ajouteraient « un intéressement et une voiture de fonction. Pour la période du 15 avril au 31 décembre 2004, nous vous garantissons un intéressement minimum de 15.000 euros » ; que le contrat de travail du 3 mai 2004 comprenait un article 12 intitulé « intéressement » qui stipulait que Monsieur X... « percevra un intéressement basé sur la réalisation des objectifs de développements (voir plan d'intéressement joint) » ; que, sur le paiement des parts variables 2005 et 2006, en présence d'un désaccord entre l'employeur et le salarié sur le montant de la rémunération variable résultant du contrat de travail, il appartient au juge de la déterminer en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes ; qu'en l'espèce, les parties ne contestent pas qu'au titre de l'année 2004, la part variable, payée, était stipulée dans la lettre d'engagement du 11 décembre 2003 garantissant une somme minimum de 15.000 € pour la période du 15 avril au 31 décembre 2004, ni ne contestent que, contrairement à ses mentions, aucun plan d'intéressement n'était joint au contrat de travail ; que la Société MULTI RESTAURATION SERVICES se fonde ensuite sur un document intitulé « projet part variable encadrement » dépourvu de date et sur un e-mail adressé par Monsieur X... au dirigeant de la Société MULTI RESTAURATION SERVICES le 16 décembre 2005 pour affirmer que les plans d'intéressement des années 2005 et 2006 ont été fixés et remis à Monsieur X... ; que cependant, il y a lieu de constater que le document « Projet part variable encadrement » est dépourvu de date comme de toute signature et que l'email dont il est fait état ne contient aucune approbation de Monsieur X... sur ce document mais, en contenant différentes remarques ou suggestion d'améliorations ou de modifications, constitue manifestement l'expression de négociations au sujet de l'établissement d'un plan d'intéressement ; qu'en l'absence de plan d'intéressement alors que la volonté commune des parties s'était arrêtée sur le principe d'une part variable de rémunération, il y aura lieu dans ces conditions de déterminer celle-ci au regard du seul accord conclu pour l'année 2004 ; que celui-ci s'entend nécessairement comme un minimum garanti pour une période de huit mois, dès lors que les relations contractuelles n'ont effectivement commencé que le 3 mai 2004, et correspond donc, en année pleine, à une somme minimum de 22.500 € (15.000 € / 8 x 12) ; que Monsieur X... cantonne ses prétentions au titre de l'année 2005 à la somme de 20.000 €, dont la Société MULTI RESTAURATION SERVICES sera dès lors tenue ; qu'au titre de l'année 2006, la même base sera appliquée prorata temporis jusqu'à la date de démission de Monsieur X..., soit les 6/12ème de 20.000 €, pour donner lieu à une créance de chef de 10.000 € dont la Société MULTI RESTAURATION SERVICES sera tenue ; que, sur les intérêts, les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation ; que la Société MULTI RESTAURATION SERVICES en sera tenue du chef de la part variable de rémunération des années 2005 et 2006 (arrêt, p. 3 et 4) ;

1°) ALORS QUE les juges ne sauraient méconnaître la loi du contrat ; qu'en déterminant la part variable de la rémunération contractuelle de Monsieur X... au regard du seul accord conclu pour l'année 2004, sans prendre en considération la condition de réalisation d'objectifs, puis en la calculant pour les années 2005 et 2006, sur la base de cet accord, en faisant droit aux demandes de l'intéressé à ce titre, quand l'article 12 du contrat de travail du 3 mai 2004 stipulait que « Monsieur X... percevra un intéressement basé sur la réalisation des objectifs de développement (voir plan d'intéressement joint », ce dont il résultait que cet intéressement était lié à la réalisation d'objectifs, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

2°) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'au demeurant, en se bornant à calculer la part variable de la rémunération de Monsieur X... pour l'année 2006 au regard du seul accord conclu pour l'année 2004 et prorata temporis jusqu'à la date de démission de ce salarié, sans répondre au moyen des conclusions d'appel de la Société MULTI RESTAURATION SERVICES faisant valoir que, pour l'exercice 2006, l'intéressé, ayant démissionné le 4 avril 2006 à effet du 4 juillet 2006 et n'ayant donc été présent que six mois, ne pouvait prétendre à une prime d'intéressement, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société MULTI RESTAURATION SERVICES à payer à Monsieur X... la somme de 42.108 € à titre de dommages-intérêts pour respect d'une clause de non-concurrence illicite, et ce avec intérêts ;

AUX MOTIFS QUE, sur la clause de non-concurrence, une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; que la clause de nonconcurrence contenue dans le contrat de travail de Monsieur X... lui interdisait pendant deux ans de démarcher les clients de la société pour son propre compte ou pour le compte d'une société concurrente, ainsi que la totalité des prospects pour lesquels une proposition commerciale était établie au cours des deux dernières années d'exercice ; qu'il était encore fait interdiction à Monsieur X... pendant deux ans de débaucher l'équipe commerciale de la société ; que cette clause, qui ne stipulait aucune limite géographique et valait pour la durée maximum prévue par la loi, était assortie d'une contrepartie financière dérisoire, fixée à 152 € par mois, équivalente à une absence de contrepartie ; qu'il apparaît ainsi que la clause de non-concurrence était illicite et, qu'en cause d'appel, la Société MULTI RESTAURATION SERVICES l'a reconnue comme telle en se désistant expressément de son appel sur la condamnation à une somme de 3.000 € de ce chef ; que cependant, la Société MULTI RESTAURATION SERVICES a accepté le quantum de condamnation de ce chef en précisant qu'il avait été tenu compte de la circonstance que Monsieur X... avait rejoint un concurrent, la Société EUREST ; que cette affirmation n'est établie par aucune pièce et est contestée par Monsieur X... ; que celui-ci peut, en conséquence, prétendre à des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi ; qu'il convient d'évaluer ce préjudice au montant de la somme prévue contractuellement au profit de l'employeur si le salarié avait violé la clause de nonconcurrence, soit en l'espèce « une somme égale au montant des salaires encaissés pendant les douze mois précédant le jour de la fin du contrat » ; qu'il conviendra, dès lors, de faire droit à la demande de Monsieur X... réclamant douze fois son salaire mensuel et de tenir la Société MULTI RESTAURATION SERVICES d'une somme de 42.108 € à ce titre ; que, sur les intérêts, la somme allouée à Monsieur X... à titre de dommages-intérêts pour respect d'une clause de concurrence nulle est productive d'intérêt au taux légal à compter du présent arrêt (arrêt, p. 4) ;

1°) ALORS QUE , le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et, en conséquence, il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office, pour évaluer le préjudice subi par Monsieur X... pour respect d'une clause de non-concurrence illicite, le moyen tiré de l'évaluation de ce préjudice au montant de la somme prévue contractuellement au profit de l'employeur si le salarié avait violé cette clause, sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE , si le respect par le salarié d'une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier le montant, ce dernier ne saurait être égal au montant de la somme prévue contractuellement au profit de l'employeur si le salarié avait violé cette clause ; qu'au demeurant, en décidant le contraire pour évaluer le préjudice de Monsieur X... pour respect d'une clause de non-concurrence illicite à la somme de 42.108 €, la Cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-25049
Date de la décision : 19/06/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 29 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 jui. 2013, pourvoi n°10-25049


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Laugier et Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:10.25049
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