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17/04/2013 | FRANCE | N°12-12322

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 avril 2013, 12-12322


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa déc

ision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlemen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Sodis par contrat en date du 15 septembre 1997 en qualité de manutentionnaire polyvalent, occupait en dernier lieu les fonctions de magasinier cariste ; qu'il a été licencié, le 15 juillet 2005, pour motifs personnels ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt retient que s'il produit aux débats des attestations de certains salariés qui indiquent que son supérieur le surveillait, usait d'un ton familier, le poussait à bout, faisait régner une tension explosive dans le service, il n'en demeure pas moins que les vingt et une auditions précises, détaillées et circonstanciées, réalisées par l'employeur dans le cadre de son enquête interne révélaient qu'il était difficile, ayant des problèmes avec la hiérarchie, notamment lorsqu'elle était exercée par un salarié plus jeune, comme c'était le cas pour son supérieur, qu'il ne savait pas travailler en équipe, "démarrait au quart de tour", se mettait en congé maladie dès qu'il n'obtenait pas satisfaction, s'était créé des inimitiés parmi les membres de son équipe de nuit, que de nombreux témoins ajoutent que les tensions entre les deux salariés résultaient pour l'essentiel d'une incompatibilité d'humeur entre le salarié et le supérieur, les torts étant partagés, que si les délégués du personnel ont alerté la direction en 2002 de faits d'abus de pouvoirs, de la part d'un agent de maîtrise, aucun élément ne démontre que ce supérieur était celui du salarié, que si l'employeur a entrepris par ailleurs un audit sur le harcèlement moral à la demande des représentants du personnel en 2003, l'affrontement évoqué dans le rapport très complet déposé, stigmatise en ce qui concerne le service de nuit, les tensions entre les équipes diurnes et nocturnes, mais ne mentionne aucun fait de harcèlement moral au sein du service, que le certificat médical produit par le salarié et daté de janvier 2006, soit six mois après le licenciement, n'est pas probant de l'existence d'un lien de causalité entre la dépression constatée et la relation professionnelle passée, que la preuve d'un harcèlement moral n'est en conséquence pas établie ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de se prononcer sur l'ensemble des éléments retenus afin de dire s'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur, pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 23~novembre~2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Sodis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sodis et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon l'article L. 1154-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'application des articles L. 1152-1, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le juge formant sa conviction après avoir ordonné toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que Monsieur X... prétend que son licenciement est intervenu après qu'il ait subi un harcèlement moral de la part de Monsieur Y..., les difficultés relationnelles datant selon lui de 2003 et ayant été dénoncées déjà à cette époque par les délégués du personnel ; que s'il produit aux débats des attestations de certains salariés qui indiquent que monsieur Y... le surveillait, usait d'un ton familier, le poussait à bout, faisait régner une tension explosive dans le service, il n'en demeure pas moins que les 21 auditions précises, détaillées et circonstanciées, réalisées par l'employeur dans le cadre de son enquête interne révèlaient que Monsieur X... était un salarié difficile, ayant des problèmes avec la hiérarchie, notammment lorsqu'elle était exercée par un salarié plus jeune, comme c'était le cas pour monsieur Y..., qui ne savait pas travailler en équipe, démarrait au quart de tour, se mettait en congé maladie dès qu'il n'obtenait pas satisfaction, s'était créé des inimitiés parmis les membres de son équipe de nuit ; que de nombreux témoins ajoutaient que monsieur Y..., de son côté, n'était pas à l'aise dans le relationnel car il était perfectionniste, qu'il avait parfois des problèmes de communication, était trop direct dans ses consignes ; qu'ils soulignaient surtout que les tensions entre les deux salariés résultaient pour l'essentiel d'une incompatibilité d'humeur, l'un ne supportant pas l'autre, et qu'il y avait des torts partagés ; que si les délégués du personnel ont alerté la direction en 2002 de faits d'abus de pouvoirs, de la part d'un agent de maitrise, aucun élement ne demontrait que ce supérieur était Monsieur Y... ; que si la société Sodis a entrepris par ailleurs un audit sur le harcèlement moral à la demande des représentants du personnel en 2003, l'affrontement évoqué dans le rapport très complet déposé, stigmatisait en ce qui concerne le service de nuit, les tensions entre les équipes diurnes et nocturnes, mais ne mentionnait aucun fait de harcelement moral au sein du service ; qu'enfin, le certificat médical produit pas le salarié et daté de janvier 2006, soit 6 mois après le licenciement, n'est pas probant de l'existence d'un lien de causalité entre la depression constatée et la relation professionnelle passée ; que la preuve d'un harcèlement moral n'est en conséquence pas établie ; que le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ;
1°) ALORS QUE selon l'article L. 1154-1 du code du travail, la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié, ce dernier devant seulement établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, à charge pour l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement ; qu'en retenant, pour débouter Monsieur X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, que la preuve d'un harcèlement n'était pas établie, la Cour d'appel, qui a ainsi fait peser sur ce dernier la charge de la preuve du harcèlement, a violé le texte susvisé ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsqu'un supérieur hiérarchique, de par son comportement, soumet ses subordonnés à une pression continuelle, ses méthodes de gestion caractérisent un harcèlement moral lorsqu'elles se manifestent, pour un salarié déterminé, par des agissements répétés ayant entraîné un état dépressif ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que Monsieur Y..., supérieur hiérarchique de Monsieur X..., surveillait ce dernier, usait d'un ton familier à son égard, le poussait à bout, faisait régner une tension explosive dans le service, s'est fondée, pour dire que le harcèlement moral n'était pas établi, sur les circonstances inopérantes selon lesquelles ce supérieur hiérarchique n'était pas à l'aise dans le relationnel, était perfectionniste, avait des problèmes de communication et était trop direct dans ses consignes, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
3°) ALORS QUE les circonstances selon lesquelles un salarié, considéré comme difficile, ne sait pas travailler en équipe, a des problèmes avec la hiérarchie et s'est créé des inimitiés parmi les membres de son équipe ne sont pas de nature à justifier le harcèlement moral que lui fait subir un supérieur hiérarchique ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que Monsieur Y..., supérieur hiérarchique de Monsieur X..., surveillait ce dernier, usait d'un ton familier à son égard, le poussait à bout, faisait régner une tension explosive dans le service, s'est fondée, pour dire que le harcèlement moral n'était pas établi, sur les circonstances inopérantes selon lesquelles le salarié était difficile, avait des problèmes avec la hiérarchie, ne savait pas travailler en équipe, démarrait au quart de tour, se mettait en congé maladie dès qu'il n'obtenait pas satisfaction et s'était créé des inimitiés parmis les membres de son équipe de nuit, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
4°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions et procéder à une appréciation d'ensemble de ces éléments ; qu'en se bornant, pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, à retenir que le certificat médical produit pas ce dernier et daté de janvier 2006, soit 6 mois après le licenciement, n'était pas probant de l'existence d'un lien de causalité entre la dépression constatée et la relation professionnelle passée, sans même analyser l'ordonnance du docteur Z... du mois de juin 2005, établissant que Monsieur X... était traité pour calmer des angoisses, et le certificat médical du docteur A..., certifiant que ce dernier lui avait été « adressé par son médecin traitant le 29 juin 2004 pour des symptômes psychologiques consécutifs à des tensions dans son milieu professionnel, qu' il présentait un état anxio-dépressif qui avait necessité un suivi régulier jusqu'en juillet 2005 et qu'il l'avait revu de nouveau en septembre 2005, l'état étant nettement amélioré à la suite de son éloignement de son milieu professionnel habituel », et rechercher si, dans leur ensemble, ces éléments n'établissaient pas le lien de causalité entre l'état dépressif de Monsieur X... et le harcèlement subi par ce dernier, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-12322
Date de la décision : 17/04/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 avr. 2013, pourvoi n°12-12322


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.12322
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