LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 18 mars 2002 par la société Fidal de Pau en qualité de juriste salarié puis a conclu, le 23 novembre 2006, un contrat de travail d'avocat salarié avec la Selafa Fidal, moyennant un intéressement sur honoraires nets au taux de 31 %, acquis au jour de la clôture de l'exercice social ; que le contrat de travail prévoyait, à titre d'acompte à valoir sur le règlement définitif, le versement mensuel d'une somme de 3 500 euros, ce montant, variable chaque exercice en plus ou en moins étant déterminé conformément aux usages en vigueur de la société ; que le 24 octobre 2007, cette dernière lui a proposé un avenant, rétroactif au 1er octobre 2007, réduisant le montant de l'acompte mensuel à 3 000 euros ; que le salarié a refusé cette modification dont l'employeur a toutefois fait application ; que par courrier du 2 janvier 2008, l'intéressé a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Pau pour obtenir la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts, d'indemnité de licenciement, de rappel de salaire, d'intéressement de congés payés et de régularisation de sa rémunération pour l'année 2008 ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le second moyen du pourvoi :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission et rejeter les demandes du salarié, l'arrêt retient que la réduction par l'employeur de l'acompte mensuel de la somme de 3 500 euros à celle de 3 000 euros à compter du 1er octobre 2007 ne constitue pas une modification du contrat de travail et n'est que l'application des stipulations contractuelles qui prévoient que l'acompte mensuel variera en plus ou en moins conformément aux usages de la société ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les modalités de versement de l'acompte à valoir sur la rémunération variable du salarié résultaient du contrat de travail et ne pouvaient en conséquence être modifiées sans son accord, ce que démontre la proposition d'avenant à ce contrat faite par l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait en jours, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Attendu que pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission et rejeter les demandes du salarié, l'arrêt retient que si celui-ci présente un tableau récapitulatif des jours travaillés, depuis mai 2004 jusqu'en février 2008, il ne fournit toutefois pas le document normalisé (classeur EXCEL Tempo2002) précisant, conformément à l'avenant n° 7 à la convention collective des avocats salariés et à l'accord négocié au sein du cabinet Fidal, le nombre de journées ou de demi-journées de repos prises ; que le document qu'il verse aux débats, particulièrement sommaire, ne permet pas de vérifier les jours effectivement travaillés ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le défaut de production du document prévu par la convention collective des avocats salariés ne saurait interdire au salarié de réclamer le paiement de jours qu'il estime avoir travaillés au-delà de la durée annuelle prévue par la convention de forfait en jours et qu'il résultait de ses constatations que la demande du salarié était étayée, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve des jours effectivement travaillés sur le seul salarié, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes du salarié et dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission, l'arrêt rendu le 17 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la Selafa Fidal aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Selafa Fidal à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur X... produisait les effets d'une démission et de l'avoir débouté de ses demandes relatives à cette rupture ;
AUX MOTIFS QUE (…) selon avenant en date du 24 octobre 2007 au contrat de travail, l'acompte mensuel a été fixé à 3.000 euros, avec effet au 1er octobre 2007 ; que Monsieur X... soutient qu'il s'agit d'une modification du contrat de travail ; qu'il apparaît au contraire qu'il s'agit de l'application des dispositions contractuelles ci-dessus reprises, puisqu'il était prévu que l'acompte mensuel « varierait en plus ou en moins chaque exercice conformément aux usages de la société (…) ; que Monsieur X... soutient qu'il bénéficiait d'un taux d'intéressement de 31 % alors que les avocats salariés de même coefficient que lui bénéficiaient d'un taux de 32 % ; qu'il se réfère au tableau fourni par l'employeur pour observer que les avocats 8, 9, 10, 13, 14, 15, 16 et 17 bénéficient d'un taux de 32 % ; qu'il apparaît toutefois que, ceux-ci avaient au 30 septembre 2007, une ancienneté de six à dix-neuf ans, alors que Monsieur X... justifiait d'une ancienneté largement inférieure, puisqu'il n'est devenu avocat que le 1er décembre 2006 et qu'au jour de sa prise d'acte, il totalisait treize mois d'ancienneté (…) ; qu'il n'est donc pas démontré qu'une distorsion ait existé, puisque le taux de 32 % est réservé à des avocats salariés ayant une expérience plus longue que celle de Monsieur Nicolas X... (…) et que Monsieur X... soutient qu'il a réellement travaillé 230 jours, soit au-delà du forfait de 218 jours (…) ; que Monsieur X... présente un tableau dans lequel il récapitule ses jours travaillés, en tant que juriste du 4 mai au 31 décembre 2006 et en tant qu'avocat salarié de décembre 2006 au 27 février 2008 (…) que l'avenant n° 7 à la convention collective des avocats salariés précise (…) que le nombre de journées ou demi-journée de travail sera comptabilisé sur un document établi à la fin de l'année par l'avocat concerné et précisant le nombre de journée, demi-journée de repos pris ; qu'un accord sur la mise en place de forfait annuel – jour des avocats a été négocié au sein du cabinet Fidal le 2 octobre 2011 (2001 ?) ; qu'il en ressort qu'il a été créé un classeur EXCEL (Tempo2002) de suivi du temps d'activité, qui est mis régulièrement à jour par chaque avocat et qu'un tirage papier du document récapitulatif annuel signé de l'avocat et du responsable du site est transmis à la direction régionale ; que force est de constater que Monsieur X... ne fournit pas le document normalisé précisant le nombre de journées ou de demi-journées de repos prises, prévu par la convention collective ; que le document qu'il verse aux débats, particulièrement sommaire, ne permet pas de vérifier les jours effectivement travaillés ;
ALORS QUE, D'UNE PART, lorsqu'un contrat prévoit que la rémunération mensuelle du salarié lui sera versée sous la forme d'un acompte de 3.500 euros, susceptible de varier en plus ou en moins, et qu'un avenant à ce contrat stipule que le montant en sera désormais fixé à la somme de 3.000 euros, cet avenant ne saurait être analysé comme une « application » de la clause qui prévoyait la variabilité de l'acompte ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a dénaturé l'avenant du 24 octobre 2007, en violation de l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, le juge doit contrôler non seulement la réalité mais encore la pertinence de la raison avancée par l'employeur pour justifier une différence de rémunération entre deux salariés ; qu'en se bornant à retenir que l'ancienneté du salarié à son poste justifiait qu'il bénéficie d'un taux d'intéressement inférieur à celui appliqué aux autres avocats salariés de même coefficient, sans rechercher si l'ancienneté au poste constituait une justification pertinente de cette différence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;
ET ALORS ENFIN QUE le salarié qui produit un décompte des heures qu'il affirme avoir réalisées étaye par là sa demande en paiement des salaires y correspondant ; qu'en retenant que le salarié n'avait pas étayé sa demande, tout en relevant qu'il avait produit un tableau dans lequel il récapitulait ses jours travaillés, en tant que juriste du 4 mai au 31 décembre 2006 et en tant qu'avocat salarié de décembre 2006 au 27 février 2008, pour cette seule raison qu'il ne le fournissait pas sous la forme du classeur EXCEL Tempo2002, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que Monsieur X... avait commis une faute contractuelle et violé les articles 9-1 et 9-3 du Règlement Intérieur national et de l'avoir condamné à payer à la SELAFA Fidal la somme de 26.500 euros en réparation de son préjudice matériel et moral ;
AUX MOTIFS QUE (…) la demande de la SELAFA Fidal ne vise pas à sanctionner les pratiques de démarchage illégal ou des manoeuvres consécutives de concurrence déloyale mais à obtenir réparation du préjudice subi du fait des agissements de Monsieur Nicolas X... qui n'a pas respecté les obligations auxquelles il était astreint (…) ; que Monsieur Nicolas X..., malgré l'injonction qu'il a reçue du bâtonnier, n'a pas fourni la liste des clients pour lesquels il est intervenu, alors qu'il était salarié de la SELAFA Fidal et qui, depuis qu'il a ouvert son cabinet personnel, ont eu recours à ses conseils et prestations ; qu'il se borne à produire une attestation sur l'honneur délivrée par Monsieur Alain Y... qui indique qu'à aucun moment, Monsieur X... ne l'a démarché ; qu'en tout état de cause, Monsieur X... ne justifie pas avoir , d'une part, prévenu par écrit, avant toute diligence, le confrère à qui il succédait et s'être enquis des sommes pouvant lui rester dues, d'autre part, de s'être efforcé d'obtenir de son client de régler les sommes restantes éventuellement du confrère précédemment saisi du dossier ; que ces manquements de Monsieur X... à ses obligations déontologiques ont causé à la SELAFA Fidal un préjudice tant matériel que moral ;
ALORS QUE c'est à celui qui prétend obtenir réparation du préjudice que lui aurait causé le défendeur par sa faute qu'il appartient d'établir que les conditions de sa responsabilité sont remplies ; que la cour d'appel, en retenant que Monsieur X... n'établissait pas avoir exécuté ses obligations, a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article 1382 du même code ;
ET ALORS QUE le jugement doit être motivé ; qu'en retenant que Monsieur X... avait manqué à ses obligations en omettant de prévenir par écrit, avant toute diligence, le confrère à qui il aurait succédé et de s'enquérir des sommes pouvant lui rester dues, ou encore d'obtenir du client qu'il règle lesdites sommes, sans opérer la moindre constatation relative à un seul client qui se serait trouvé dans ce cas de figure, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ET ALORS ENFIN QUE le jugement doit être motivé ; que la cour d'appel, en se bornant à affirmer que les prétendus manquements de Monsieur X... à ses obligations déontologiques avaient causé à la SELAFA Fidal un préjudice tant matériel que moral, sans caractériser ni l'un ni l'autre de ces préjudices, non plus que le lien de causalité avec la faute prétendument commise par Monsieur X..., n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.