La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/04/2013 | FRANCE | N°12-10086

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 avril 2013, 12-10086


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé, le 25 septembre 1980, par la société Compagnie française des pétroles aux droits de laquelle est venue la société Total, a demandé en 2003 et en 2005, à bénéficier du dispositif de préretraite en application de l'article B 74 des règles d'administration du régime du personnel ; que l'employeur lui a répondu que ce dispositif n'était plus applicable depuis 1986 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur la première branche du premi

er moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salari...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé, le 25 septembre 1980, par la société Compagnie française des pétroles aux droits de laquelle est venue la société Total, a demandé en 2003 et en 2005, à bénéficier du dispositif de préretraite en application de l'article B 74 des règles d'administration du régime du personnel ; que l'employeur lui a répondu que ce dispositif n'était plus applicable depuis 1986 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur la première branche du premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié pouvait prétendre au bénéfice de l'article B 74 des règles d'administration du personnel et de le condamner à lui payer une somme à titre de dommages- intérêts, alors selon le moyen, que la remise au salarié lors de l'embauche d'un document résumant les usages et les engagements unilatéraux de l'entreprise, n'a pas pour effet de contractualiser les avantages qui y sont décrits ; que la seule référence dans le contrat individuel à un régime de retraite, n'impliquait pas que celui-ci fût devenu un élément du contrat de travail ; qu'en condamnant la société Total à payer à M. X... la somme de 5 000 euros aux motifs qu'elle aurait commis un manquement à ses obligations contractuelles en ce qu'elle aurait modifié unilatéralement le contrat de travail du salarié sans acceptation de sa part, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu, qu'après avoir constaté que le contrat de travail stipulait que le salarié était soumis aux règles d'administration du personnel qui comprenaient notamment l'article B 74 relatif à l'anticipation de l'âge de la retraite pour les salariés foreurs ou expatriés, la cour d'appel, qui a relevé que par lettre en date du 23 janvier 1987, l'employeur avait indiqué au salarié qu'hormis des modifications dans l'expression de son classement et sa rémunération, l'ensemble des dispositions exposées dans les règles d'administration de la compagnie étaient maintenues sans changement conformément à son contrat, a pu en déduire que l'employeur reconnaissait le caractère contractuel de ces dispositions ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur la seconde branche du premier moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour décider que la règle d'anticipation de l'âge de la retraite était applicable au salarié, l'arrêt retient que l'abaissement de l'âge légal de la retraite à 60 ans ne faisait pas perdre tout intérêt à cette disposition puisqu'elle constituait un avantage d'anticipation par rapport à l'âge normal qui devait être assimilé à l'âge légal ;
Attendu, cependant, qu'en statuant ainsi, alors que dans l'acte en cause, il était précisé que « les avantages accordés par la présente règle ne pouvaient se cumuler avec ceux qui pourraient résulter de nouvelles dispositions légales, conventionnelles ou propres à la Compagnie permettant un abaissement de l'âge normal actuel de la retraite », les juges du fond ont dénaturé l'article B 74 des règles d'administration du personnel ;
Attendu que la cassation du chef de l'application de l'article B 74 des règles d'administration du personnel relative à l'anticipation de l'âge de départ en retraite n'entraîne pas la cassation du chef relatif au changement de statut du salarié, qui n'est pas critiqué par le moyen ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le salarié pouvait prétendre au bénéfice de l'article B 74 des règles d'administration du personnel et en ce qu'il a condamné la société Total à payer à M. X... la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 3 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour la société Total
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Monsieur X... pouvait légitimement prétendre au bénéfice de la règle B 74 « anticipation de l'âge de la retraite (foreurs et expatriés) », et d'avoir condamné la société Total à payer à Monsieur X... la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de la lettre d'engagement en date du 25 septembre 1980, Monsieur Dominique X... a été engagé en qualité d'ingénieur, échelle II, échelon 3, coefficient hiérarchique 342 ; que sa rémunération était composée d'un traitement hiérarchique de 8 796,24 F et un complément d'appointements de 313,04 F ; qu'à ce traitement, payé sur 12 mensualités s'ajoutait en fin d'année une prime de productivité tenant compte de sa notation individuelle par la hiérarchie, correspondant, pour une note moyenne, à une mensualité versée au prorata du temps de service pendant l'année considérée ; qu'en outre, il lui était attribué une gratification bénévole, à la discrétion entière de la Direction Générale dont le montant se situait généralement au niveau de la prime de productivité ; qu'il a été en outre stipulé, qu'il serait soumis d'une façon générale aux Règles d'administration du personnel en vigueur dans la Compagnie Française des Pétroles ; que Monsieur Dominique X... bénéficiait du statut « G » ; que les Règles d'administration applicables comprenaient notamment la Règle B 74 anticipation de l'âge de la retraite (foreurs et expatriés,) selon laquelle les droits acquis auprès des diverses caisses de retraite sont liquidés sans abattement à 65 ans, âge normal de la retraite ; que celle-ci permettait aux agents totalisant au moins cinq années de service continu ou non, affectés à l'étranger, hors Europe occidentale de bénéficier d'une retraite anticipée ; qu'à partir de 1983, la Compagnie Française des Pétroles a proposé à tous les salariés relevant du régime « G » de passer en régime « GA », cette faculté d'opter devant être exercée avant le 31 mars 1985, date limite ; que la note d'information, éditée en décembre 1983, précise que le nouveau système de classement et de suivi de rémunération s'adresse aux ingénieurs et cadres du régime recherche présents à la date du 31 décembre 1983, que l'option pour ce système ouverte jusqu'au 31 mars 1985 était irréversible ; que Monsieur Dominique X..., répondant à la proposition de la société Total Compagnie Française des Pétroles (gérance), s'est porté volontaire, le 20 janvier 1987, pour aller travailler sur les installations Abk offshore qui avaient fait l'objet d'une attaque aérienne meurtrière le 25 novembre 1986 ; qu'il a ajouté dans sa lettre de candidature les mentions suivantes « toutefois, vous n'êtes pas sans connaître mon refus du nouveau contrat GA et l‘annonce de mon licenciement probable ; en conséquence, je conditionne mon accord et signature des annexes à la réception d'un courrier de la Direction des Personnels me précisant l'arrêt des mesures et pressions ainsi que le maintien de tous les avantages tels qu‘exposés dans ma lettre d'embauche du 25 septembre 1980, c'est-à-dire, au niveau du traitement, des primes, des gratifications et règles d'administration en vigueur à cette même date » ; que le 23 janvier 1987, la Direction des personnels et de l'Administration de la société Total Compagnie Française des Pétroles (gérance) a adressé à Monsieur Dominique X... une lettre ainsi libellée : « comme vous le savez, le nombre de collaborateurs ayant souhaité être maintenus au système G est devenu infime ; de sorte que la dualité des systèmes G/GA ne pouvait raisonnablement plus être maintenue ; en conséquence, nous vous indiquons, qu'à compter du 1er janvier 1987, la référence de votre classement et de votre rémunération sera modifiée, conformément aux dispositions de la note de service 00 304 instituant le système GA à cette date, votre classement sera le suivant ingénieur position III A2 coefficient 560 ces classements se substituent à votre ancien classement en échelle et en échelon; votre traitement brut mensuel de référence sera de 20 371,50 F (valeur au 1er janvier 1987) à ce traitement payé sur 12 mensualités s'ajouteront une demi—mensualité des appointements du mois de juin, payable en juin, une demi-mensualité des appointements du mois de décembre, payable en décembre, au prorata du temps de service pendant le semestre considéré ; en outre enfin d'année, à la discrétion entière de la Direction Générale, pourra vous être attribuée une gratification bénévole, tenant compte de la durée des services effectifs pendant l'année, ainsi que de leur qualité appréciée par la hiérarchie par ailleurs, vous bénéficierez désormais du contrat d'assurance de groupe retraite La Nationale, entraînant la déduction des cotisations correspondantes ; hormis ces modifications dans l'expression de votre classement et de votre rémunération l'ensemble des dispositions exposées dans les Règles d'administration de la compagnie sont maintenues sans changement, conformément à votre contrat » ; qu'il convient de s'interroger sur la portée de la dernière phrase de la lettre du 23 janvier 1987, sachant que Monsieur Dominique X... s'est bien rendu sur les installations Abk au large d'Abu Dhabi ; que le salarié soutient que ladite lettre répond aux conditions qu' il avait posées à son acceptation du poste de travail, puisque les modifications ne portent que sur son classement et sa rémunération et que l'ensemble des dispositions exposées dans les Règles d'administration ont été maintenues ; que la société Total fait au contraire valoir : que la lettre du 23 janvier 1987 signifie, que honnis les modifications dans l'expression de son classement et de sa rémunération, l'ensemble des dispositions exposées dans les Règles d'administration de la compagnie, en vigueur au jour de la rédaction de la lettre, étaient maintenues sans changement, conformément au contrat de Monsieur Dominique X... ; que le régime d'anticipation de l'âge de la retraite pour les foreurs et expatriés a été supprimé, après information des instances représentatives du personnel concerné, le 1er mars 1986 ; que la société Total verse aux débats un mémorandum du 2 février 1981 ayant pour objet la mise à jour des Règles d'administration régime recherche, qui précise que la règle B 74 est devenue le § 533 intégrée dans la Règle A 53 « retraites » ; un mémorandum du 13 septembre 1985, de la Présidente de la Commission Rémunération rendant compte de la réunion du 10 septembre ; qu'il y est indiqué à propos de la Règle A 53 portant sur les retraites, que la Commission s'est interrogée sur les points qui devaient être actualisés dans cette Règle d'administration ; les observations en réponse de la Direction qui indiquent que le Chef de Service des Retraites est en train de refondre la règle A 53 pour la rendre plus claire et corriger quelques détails ou inexactitudes qu'il a constatés ; un mémorandum en date du 10 mars 1986, de la Direction adressée au secrétaire du Comité d'Entreprise, l'informant de la refonte totale de la règle A53 un mémorandum de la direction du 24 avril 1986, indiquant que la règle A 53 annule et remplace entièrement la règle A 53 du recueil ; que si ces pièces établissent la consultation du Comité d'Entreprise, elles ne démontrent pas pour autant que le régime d'anticipation de l'âge de la retraite avait été supprimé antérieurement à la date du 23 janvier 1987 ; qu'une note du 28 décembre 1987 de la « commission expatriée » du Comité d'entreprise ayant pour objet des aménagements au projet de Règle d'administration demandés et admis par DPAG, mentionne que l'éventualité d'une bonification d'un an pour cinq années d'expatriation (dans le régime G) ne sera pas reprise, car elle n'a plus de raison d'être, dans la mesure où, bien au contraire, les collaborateurs sont le plus souvent amenés à quitter la compagnie avant l'âge légal de la retraite ; que ce document ne signifie cependant pas le régime d'anticipation de la retraite n'existe plus du fait de la disparition du régime G ; qu'en tout état de cause, la société Total ne produit pas la décision de suppression dont elle se prévaut et qui aurait été prise le 1 mars 1986 et en tout cas ne justifie pas de son opposabilité à Monsieur Dominique X... ; que Monsieur Dominique X... soutient que son accord était nécessaire pour modifier son contrat de travail ; qu'il n'est pas contesté que ce dernier avait la faculté d'opter pour le nouveau système GA avant le 31 mars 1985 ; qu'il soutient ne pas avoir exercé cette option et la société Total ne démontre pas l'acceptation du salarié ; qu'il ressort des 111255/BP/MAM termes de la lettre du 23 janvier 1987 que la référence au classement de Monsieur Dominique X... et à sa rémunération a été modifiée conformément aux dispositions de la note de service n° 304 instituant le système GA, et ce à compter du 1er janvier 1987, au motif que la dualité des systèmes G/GA ne pouvait raisonnablement plus être maintenue ; qu'ainsi, ces modifications ont bien été imposées au salarié, sans que son accord n'ait été recueilli ; que Monsieur Y..., ancien secrétaire du Comité d'entreprise de 1986 à 1988 atteste qu'il a assisté à toutes les réunions du Comité d'entreprise pendant cette période et qu'il n' avait jamais été question que le changement de statut de G vers GA ne relève pas d'un choix de la personne concernée ; il précise que pour tout ingénieur placé sous statut G et qui acceptait de passer en GA, la Direction devait comparer l'évolution de son traitement à ce qu'il aurait été en G et déclencher auprès de la famille professionnelle une augmentation, pour veiller au respect de cette garantie ; que la société Total ne démontre pas que le Comité d'entreprise ait été préalablement informé et consulté sur les modifications apportées par l'employeur au mode de rémunération, au régime des congés payés, à la durée du travail et l'organisation du temps de travail de Monsieur Dominique X... ; que la société Total soutient qu'en tout état de cause, la Règle d'administration afférente aux mesures d'anticipation était un engagement unilatéral de l'entreprise ; que dans le contrat du 25 septembre 1980, il a été expressément stipulé que Monsieur Dominique X... serait soumis d'une façon générale aux Règles d'administration du Personnel en vigueur dans la Compagnie Française des Pétroles et que la Règle B 74 « anticipation de l'âge de la retraite (foreurs et expatriés) en faisait notamment partie ; qu'en outre, dans sa lettre du 23 janvier 1987, in fine, l'employeur précise bien à Monsieur Dominique X... que « l'ensemble des dispositions exposées dans les Règles d'administration de la compagnie sont maintenues sans changement, conformément à votre contrat » ; que la société Total reconnaît par la même, la valeur contractuelle de ce qu'elle dénomme Règles d'administration ; que l'anticipation de l'âge de la retraite par rapport à l'âge normal est selon la règle B 74 égale au 5ème du temps passé soit en expatriation hors d'Europe occidentale, soit dans une équipe de forage, soit en travail posté ; que la commune intention des parties était d'accorder cet avantage d'anticipation par rapport à l'âge normal de départ à la retraite en vigueur, aux agents qui avaient exercé leur activité dans des conditions d'éloignement ou de pénibilité particulières ; que dès lors, l'abaissement de l'âge légal de la retraite à 60 ans en 1982 ne fait pas perdre tout intérêt à la règle B 74, puisqu'elle constitue un avantage d'anticipation à la retraite par rapport à l'âge normal, qui doit être assimilé à l'âge légal ; que la violation par la société Total de ses obligations contractuelles a généré pour Monsieur Dominique X... un préjudice qu'il convient d'évaluer ;
ET AUX MOTIFS QUE Monsieur Dominique X... soutient tout d'abord que l'évolution de sa rémunération depuis 1987 n'a pas été celle dont il aurait dû bénéficier s'il était resté au statut G ; qu'il estime avoir subi une perte de revenus d'un montant total de 298 423,41 €, en se référant au tableau qu'il produit (pièce 33), faisant valoir que la société Total avec l'instauration du système de rémunération GA, a supprimé l'avantage de l'échelon d'ancienneté annuel et mis en oeuvre un système d'échelle comprenant moins de barreaux que dans le système G ; qu'il ajoute qu'il a eu des augmentations au mérite, moins fréquentes et qu'il est resté 10 ans sans changer d'échelle, soit jusqu'au 31 décembre 2000 ; qu'il convient de rappeler que Monsieur Dominique X... ayant saisi le Conseil de Prud'hommes de PAU le 2 août 2007, ses demandes pour la période antérieure au 1er août 2002 sont en tout état de cause, atteintes par la prescription, conformément aux dispositions de l'article L. 3245-1 du Code du travail ; que la société Total produit à son tour des éléments établissant que Monsieur Dominique X... a perçu : en décembre 2008, un salaire de 7 244,39 €, alors que le salaire minimal conventionnel était de 6 126,17 € ; en mai 2009, un salaire de 7 577,72 €, alors que le salaire conventionnel minimal était de 6 310,02 € ; que Monsieur Dominique X... qui n'apporte pas des éléments chiffrés fiables et objectifs et qui n'étaye pas ses affirmations, sera débouté de sa demande de réparation de la perte de revenus qu'il allègue du fait du changement imposé de statut ; que cependant, le manquement de la société Total à ses obligations contractuelles sera sanctionné par l'octroi à Monsieur Dominique X... de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts ;
ALORS D'UNE PART QUE la remise au salarié lors de l'embauche d'un document résumant les usages et les engagements unilatéraux de l'entreprise, n'a pas pour effet de contractualiser les avantages qui y sont décrits ; que la seule référence dans le contrat individuel à un régime de retraite, n'impliquait pas que celui-ci fût devenu un élément du contrat de travail ; qu'en condamnant la société Total à payer à Monsieur X... la somme de 5 000 € aux motifs qu'elle aurait commis un manquement à ses obligations contractuelles en ce qu'elle aurait modifié unilatéralement le contrat de travail du salarié sans acceptation de sa part, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en considérant que la commune intention des parties était d'accorder cet avantage d'anticipation par rapport à l'âge normal de départ à la retraite en vigueur, aux agents qui avaient exercé leur activité dans des conditions d'éloignement ou de pénibilité particulières et que dès lors, l'abaissement de l'âge légal de la retraite à 60 ans en 1982 ne faisait pas perdre tout intérêt à la règle B 74, puisqu'elle constituait un avantage d'anticipation à la retraite par rapport à l'âge normal, qui devait être assimilé à l'âge légal, quand il résultait de la lecture de la Règle d'administration B 74 « anticipation de l'âge de la retraite (foreurs et expatriés) » que les avantages accordés par la présente Règle d'administration ne pouvaient se cumuler avec ceux qui pourraient résulter de nouvelles dispositions légales, conventionnelles ou propres à la Compagnie permettant un abaissement de l'age normal actuel de la retraite et que le cas échéant la présente Règle d'administration ferait l'objet d'aménagements afin d'être en harmonie avec ces nouvelles dispositions, la Cour d'appel a méconnu le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Monsieur X... pouvait légitimement prétendre au bénéfice de la règle B 74 « anticipation de l'âge de la retraite (foreurs et expatriés) », et d'avoir condamné la société Total à payer à Monsieur X... la somme de 50 000 € en réparation de la perte d'une chance de bénéficier d'une dispense d'activité dans l'attente de la liquidation de ses droits à retraite ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de la lettre d'engagement en date du 25 septembre 1980, Monsieur Dominique X... a été engagé en qualité d'ingénieur, échelle II, échelon 3, coefficient hiérarchique 342 ; que sa rémunération était composée d'un traitement hiérarchique de 8 796,24 F et un complément d'appointements de 313,04 F ; qu'à ce traitement, payé sur 12 mensualités s'ajoutait en fin d'année une prime de productivité tenant compte de sa notation individuelle par la hiérarchie, correspondant, pour une note moyenne, à une mensualité versée au prorata du temps de service pendant l'année considérée ; qu'en outre, il lui était attribué une gratification bénévole, à la discrétion entière de la Direction Générale dont le montant se situait généralement au niveau de la prime de productivité ; qu'il a été en outre stipulé, qu'il serait soumis d'une façon générale aux Règles d'administration du personnel en vigueur dans la Compagnie Française des Pétroles ; que Monsieur Dominique X... bénéficiait du statut « G » ; que les Règles d'administration applicables comprenaient notamment la Règle B 74 anticipation de l'âge de la retraite (foreurs et expatriés,) selon laquelle les droits acquis auprès des diverses caisses de retraite sont liquidés sans abattement à 65 ans, âge normal de la retraite ; que celle-ci permettait aux agents totalisant au moins cinq années de service continu ou non, affectés à l'étranger, hors Europe occidentale de bénéficier d'une retraite anticipée ; qu'à partir de 1983, la Compagnie Française des Pétroles a proposé à tous les salariés relevant du régime « G » de passer en régime « GA », cette faculté d'opter devant être exercée avant le 31 mars 1985, date limite ; que la note d'information, éditée en décembre 1983, précise que le nouveau système de classement et de suivi de rémunération s'adresse aux ingénieurs et cadres du régime recherche présents à la date du 31 décembre 1983, que l'option pour ce système ouverte jusqu'au 31 mars 1985 était irréversible ; que Monsieur Dominique X..., répondant à la proposition de la société Total Compagnie Française des Pétroles (gérance), s'est porté volontaire, le 20 janvier 1987, pour aller travailler sur les installations Abk offshore qui avaient fait l'objet d'une attaque aérienne meurtrière le 25 novembre 1986 ; qu'il a ajouté dans sa lettre de candidature les mentions suivantes « toutefois, vous n'êtes pas sans connaître mon refus du nouveau contrat GA et l‘annonce de mon licenciement probable ; en conséquence, je conditionne mon accord et signature des annexes à la réception d'un courrier de la Direction des Personnels me précisant l'arrêt des mesures et pressions ainsi que le maintien de tous les avantages tels qu'exposés dans ma lettre d'embauche du 25 septembre 1980, c'est-à-dire, au niveau du traitement, des primes, des gratifications et règles d'administration en vigueur à cette même date » ; que le 23 janvier 1987, la Direction des personnels et de l'Administration de la société Total Compagnie Française des Pétroles (gérance) a adressé à Monsieur Dominique X... une lettre ainsi libellée : « comme vous le savez, le nombre de collaborateurs ayant souhaité être maintenus au système G est devenu infime ; de sorte que la dualité des systèmes G/GA ne pouvait raisonnablement plus être maintenue ; en conséquence, nous vous indiquons, qu'à compter du 1er janvier 1987, la référence de votre classement et de votre rémunération sera modifiée, conformément aux dispositions de la note de service 00 304 instituant le système GA à cette date, votre classement sera le suivant ingénieur position III A2 coefficient 560 ces classements se substituent à votre ancien classement en échelle et en échelon; votre traitement brut mensuel de référence sera de 20 371,50 F (valeur au 1er janvier 1987) à ce traitement payé sur 12 mensualités s'ajouteront une demi—mensualité des appointements du mois de juin, payable en juin, une demi-mensualité des appointements du mois de décembre, payable en décembre, au prorata du temps de service pendant le semestre considéré ; en outre enfin d'année, à la discrétion entière de la Direction Générale, pourra vous être attribuée une gratification bénévole, tenant compte de la durée des services effectifs pendant l'année, ainsi que de leur qualité appréciée par la hiérarchie par ailleurs, vous bénéficierez désormais du contrat d'assurance de groupe retraite La Nationale, entraînant la déduction des cotisations correspondantes ; hormis ces modifications dans l'expression de votre classement et de votre rémunération l'ensemble des dispositions exposées dans les Règles d'administration de la compagnie sont maintenues sans changement, conformément à votre contrat » ; qu'il convient de s'interroger sur la portée de la dernière phrase de la lettre du 23 janvier 1987, sachant que Monsieur Dominique X... s'est bien rendu sur les installations Abk au large d'Abu Dhabi ; que le salarié soutient que ladite lettre répond aux conditions qu' il avait posées à son acceptation du poste de travail, puisque les modifications ne portent que sur son classement et sa rémunération et que l'ensemble des dispositions exposées dans les Règles d'administration ont été maintenues ; que la société Total fait au contraire valoir : que la lettre du 23 janvier 1987 signifie, que honnis les modifications dans l'expression de son classement et de sa rémunération, l'ensemble des 111255/BP/MAM dispositions exposées dans les Règles d'administration de la compagnie, en vigueur au jour de la rédaction de la lettre, étaient maintenues sans changement, conformément au contrat de Monsieur Dominique X... ; que le régime d'anticipation de l'âge de la retraite pour les foreurs et expatriés a été supprimé, après information des instances représentatives du personnel concerné, le 1er mars 1986 ; que la société Total verse aux débats un mémorandum du 2 février 1981 ayant pour objet la mise à jour des Règles d'administration régime recherche, qui précise que la règle B 74 est devenue le § 533 intégrée dans la Règle A 53 « retraites » ; un mémorandum du 13 septembre 1985, de la Présidente de la Commission Rémunération rendant compte de la réunion du 10 septembre ; qu'il y est indiqué à propos de la Règle A 53 portant sur les retraites, que la Commission s'est interrogée sur les points qui devaient être actualisés dans cette Règle d'administration ; les observations en réponse de la Direction qui indiquent que le Chef de Service des Retraites est en train de refondre la règle A 53 pour la rendre plus claire et corriger quelques détails ou inexactitudes qu'il a constatés ; un mémorandum en date du 10 mars 1986, de la Direction adressée au secrétaire du Comité d'Entreprise, l'informant de la refonte totale de la règle A53 un mémorandum de la direction du 24 avril 1986, indiquant que la règle A 53 annule et remplace entièrement la règle A 53 du recueil ; que si ces pièces établissent la consultation du Comité d'Entreprise, elles ne démontrent pas pour autant que le régime d'anticipation de l'âge de la retraite avait été supprimé antérieurement à la date du 23 janvier 1987 ; qu'une note du 28 décembre 1987 de la « commission expatriée » du Comité d'entreprise ayant pour objet des aménagements au projet de Règle d'administration demandés et admis par DPAG, mentionne que l'éventualité d'une bonification d'un an pour cinq années d'expatriation (dans le régime G) ne sera pas reprise, car elle n'a plus de raison d'être, dans la mesure où, bien au contraire, les collaborateurs sont le plus souvent amenés à quitter la compagnie avant l'âge légal de la retraite ; que ce document ne signifie cependant pas le régime d'anticipation de la retraite n'existe plus du fait de la disparition du régime G ; qu'en tout état de cause, la société Total ne produit pas la décision de suppression dont elle se prévaut et qui aurait été prise le 1 mars 1986 et en tout cas ne justifie pas de son opposabilité à Monsieur Dominique X... ; que Monsieur Dominique X... soutient que son accord était nécessaire pour modifier son contrat de travail ; qu'il n'est pas contesté que ce dernier avait la faculté d'opter pour le nouveau système GA avant le 31 mars 1985 ; qu'il soutient ne pas avoir exercé cette option et la société Total ne démontre pas l'acceptation du salarié ; qu'il ressort des termes de la lettre du 23 janvier 1987 que la référence au classement de Monsieur Dominique X... et à sa rémunération a été modifiée conformément aux dispositions de la note de service n° 304 instituant le système GA, et ce à compter du 1er janvier 1987, au motif que la dualité des systèmes G/GA ne pouvait raisonnablement plus être maintenue ; qu'ainsi, ces modifications ont bien été imposées au salarié, sans que son accord n'ait été recueilli ; que Monsieur Y..., ancien secrétaire du Comité d'entreprise de 1986 à 1988 atteste qu'il a assisté à toutes les réunions du Comité d'entreprise pendant cette période et qu'il n' avait jamais été question que le changement de statut de G vers GA ne relève pas d'un choix de la personne concernée ; il précise que pour tout ingénieur placé sous statut G et qui acceptait de passer en GA, la Direction devait comparer l'évolution de son traitement à ce qu'il aurait été en G et déclencher auprès de la famille professionnelle une augmentation, pour veiller au respect de cette garantie ; que la société Total ne démontre pas que le Comité d'entreprise ait été préalablement informé et consulté sur les modifications apportées par l'employeur au mode de rémunération, au régime des congés payés, à la durée du travail et l'organisation du temps de travail de Monsieur Dominique X... ; que la société Total soutient qu'en tout état de cause, la Règle d'administration afférente aux mesures d'anticipation était un engagement unilatéral de l'entreprise ; que dans le contrat du 25 septembre 1980, il a été expressément stipulé que Monsieur Dominique X... serait soumis d'une façon générale aux Règles d'administration du Personnel en vigueur dans la Compagnie Française des Pétroles et que la Règle B 74 « anticipation de l'âge de la retraite (foreurs et expatriés) en faisait notamment partie ; qu'en outre, dans sa lettre du 23 janvier 1987, in fine, l'employeur précise bien à Monsieur Dominique X... que « l'ensemble des dispositions exposées dans les Règles d'administration de la compagnie sont maintenues sans changement, conformément à votre contrat » ; que la société Total reconnaît par la même, la valeur contractuelle de ce qu'elle dénomme Règles d'administration ; que l'anticipation de l'âge de la retraite par rapport à l'âge normal est selon la règle B 74 égale au 5ème du temps passé soit en expatriation hors d'Europe occidentale, soit dans une équipe de forage, soit en travail posté ; que la commune intention des parties était d'accorder cet avantage d'anticipation par rapport à l'âge normal de départ à la retraite en vigueur, aux agents qui avaient exercé leur activité dans des conditions d'éloignement ou de pénibilité particulières ; que dès lors, l'abaissement de l'âge légal de la retraite à 60 ans en 1982 ne fait pas perdre tout intérêt à la règle B 74, puisqu'elle constitue un avantage d'anticipation à la retraite par rapport à l'âge normal, qui doit être assimilé à l'âge légal ; que la violation par la société Total de ses obligations contractuelles a généré pour Monsieur Dominique X... un préjudice qu'il convient d'évaluer ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Dominique X... soutient ensuite : qu'il a été empêché de partir en congé d'attente jusqu'à la retraite et contraint de ce fait de demeurer en fonction au sein de la société, alors qu'il aurait dû pouvoir être en dispense d'activité à partir du mois de juin 2007, puisque étant né le 18juin 1952, il pouvait bénéficier de cinq années d'anticipation ; qu'il aurait pu reprendre un travail en tant que consultant « free lance » ; qu'il aurait perçu des appointements / honoraires de l'ordre de 1 .000 €, par jour, qu'en travaillant 200 jours par an, il aurait ainsi eu un revenu supplémentaire de 200 000 € par an, soit 1 million d'euros sur cinq ans ; qu'il sollicite le paiement à ce titre d'une somme de 200 000 € titre de dommages et intérêts ; qu'il produit au soutien de sa demande une annonce rédigée en anglais de recherche d'un ingénieur par une compagnie dénommée « Leveridge Systems INC » faisant miroiter un salaire de 1 000 dollars américains par jour, plus les frais de rotation, valable du 29 janvier 2011 au 29 avril 2011 ; qu'il est certain que Monsieur Dominique X... a été privé de la possibilité d'anticiper son départ à la retraite ; que par contre, la perte de chance de reprendre un travail comme consultant « free lance » n'est pas constituée par la disparition actuelle et certaine de cette éventualité favorable, en l'absence d'éléments objectifs probants, l'annonce communiquée étant insuffisante à caractériser une opportunité sérieuse s'ouvrant à Monsieur Dominique X... ; que toutefois, la chance perdue de bénéficier d'une dispense d'activité, dans l'attente de la liquidation définitive de ses droits à la retraite sera réparée par l'allocation d'une indemnité de 50 000 € eu égard aux circonstances du litige, à la qualification du salarié et à son cursus professionnel ;
ALORS D'UNE PART QUE par application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure qui s'attachera au premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant condamné la société Total à payer à Monsieur X... la somme de 50 000 € en réparation de la perte d'une chance de bénéficier d'une dispense d'activité dans l'attente de la liquidation de ses droits à retraite ;
ALORS D'AUTRE PART QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer sur tout ce qui lui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'il résulte des écritures d'appel de Monsieur X... que le salarié sollicitait le paiement d'une somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts à titre de perte de chance de percevoir des revenus complémentaires ; qu'en en allouant au salarié des dommages et intérêts en 111255/BP/MAM réparation de la perte d'une chance de bénéficier d'une dispense d'activité dans l'attente de la liquidation définitive de ses droits à la retraite quand elle avait constaté que la perte de chance de reprendre un travail comme consultant « free-lance » n'était pas constituée et que Monsieur X... se bornait à solliciter le paiement d'une somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts à titre de perte de chance de percevoir des revenus complémentaires, la Cour d'appel a modifié les termes du litige et a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-10086
Date de la décision : 10/04/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 03 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 avr. 2013, pourvoi n°12-10086


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delvolvé, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.10086
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award