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16/01/2013 | FRANCE | N°11-22584

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 janvier 2013, 11-22584


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 juin 2011), que M. X... a été engagé le 5 juin 1979 en qualité de conducteur-receveur par la société Transports du Val-d'Oise (société TVO) ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 15 novembre 2007 ; que contestant son licenciement et invoquant le non-respect des dispositions conventionnelles applicables, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d

e dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 juin 2011), que M. X... a été engagé le 5 juin 1979 en qualité de conducteur-receveur par la société Transports du Val-d'Oise (société TVO) ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 15 novembre 2007 ; que contestant son licenciement et invoquant le non-respect des dispositions conventionnelles applicables, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que toute méconnaissance d'une règle conventionnelle relative à la procédure de licenciement disciplinaire ne constitue pas la violation d'une garantie de fond pour le salarié et ne prive pas nécessairement le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi l'absence au dossier remis au salarié lors de sa convocation devant le conseil de discipline d'une unique pièce détenue par l'employeur ne constitue la méconnaissance d'une garantie de fond que si cette absence était de nature à empêcher le salarié d'assurer utilement sa défense devant le conseil de discipline ; qu'en retenant que l'absence de communication de la main courante du 21 septembre 2010 au dossier remis par le chef de service chargé de l'instruction au dossier à M. X..., au moment de sa convocation devant le conseil de discipline, aurait été constitutive de la violation d'une garantie de fond, sans avoir constaté que la non-communication de cet unique document avait empêché M. X... de se défendre utilement devant le conseil de discipline chargé de donner un avis sur la mesure de licenciement envisagé par l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 52 de la convention collective nationale des transports urbains de voyageurs, ensemble les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que l'exposante faisait valoir que le dossier remis à M. X... comportait une copie de la réclamation écrite de la cycliste auprès des services de la société TVO, dont les termes étaient identiques à ceux de la main courante litigieuse, et que le contenu de cette main courante avait été discuté devant le conseil de discipline ; que ces explications étaient ainsi de mesure à justifier que l'absence de la main courante dans le dossier remis à M. X... n'était nullement de nature à préjudicier à ses droits ; qu'en jugeant que le licenciement de M. X... était nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse du seul fait que la main courante ne figurait pas dans le dossier remis avant la tenue du conseil de discipline, sans s'expliquer sur les objections ci-dessus évoquées, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 52 de la convention collective nationale des transports urbains de voyageurs, ensemble les articles L. 1232-1 et L. 235-1 du code du travail ;
Mais attendu que l'article 52 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986 dispose que lorsqu'un agent titulaire doit être déféré devant le conseil de discipline, le chef de service chargé de l'instruction entend l'intéressé et lui donne communication de son dossier et des pièces relatives aux faits reprochés ; que ce texte, qui institue une protection des droits de la défense supérieure à celle prévue par la loi, constitue une garantie de fond ;
Et attendu que la cour d'appel, ayant constaté que le salarié n'avait pas reçu communication, lors de l'instruction de son dossier, de la main-courante déposée par la cycliste le mettant en cause, en a exactement déduit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Transports du Val-d'Oise aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Transports du Val-d'Oise.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'avoir condamné la société TVO à verser à Monsieur X... les sommes de 40.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4.236,86 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 423,69 € de congés payés afférents, 10.361,89 € d'indemnité conventionnelle de licenciement, 289,98 € de rappel de salaires au titre de la mise à pied et 28,99 € de congés payés afférents et 155,32 € de prime de treizième mois et d'avoir ordonné le remboursement de la société TVO aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées à Monsieur X... dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QUE « que la lettre de licenciement notifiée à M. X... est rédigée en ces termes : « ... Lors de cet entretien (entretien préalable du 19 octobre 2007), nous vous avons présenté les faits que nous vous reprochons. Ces faits sont les suivants : le 21 septembre 2007, vous avez eu une altercation verbale et physique à l'arrêt Florian avec un usager de la route (précisément un cycliste) après avoir mis sa vie en danger. C'est tout d'abord par une réclamation client en date du 24 septembre que nous avons eu connaissance de ces événements faisant état, d'un manquement grave de votre conduite au respect des règles de sécurité (doublement dangereux d'un cycliste), et d'autre part, des insultes que vous lui auriez proférées ainsi qu'une agression physique qu'il a subie ; tout ceci devant des clients témoins. Après enquête, nous avons pu préciser ces faits d'une gravité exceptionnelle. Il est à préciser que la victime a failli être renversée et a fait un écart pour éviter votre véhicule. Cette personne, se trouvant être une dame, s'est approchée de votre poste de conduite pour une simple explication. Vous l'avez alors insultée en la traitant comme un animal : « C'est bon t'es encore debout ! Vas coucher ! ». Ne vous souciant plus des nombreux témoins présents dans votre bus ainsi que sur le trottoir, vous ne vous contentez pas de l'insulter. Vous agrippez alors le gilet de cette femme au niveau de l'épaule, allant même jusqu'à le déchirer. C'est dans cet état physique que la dame ira ensuite au poste de police pour procéder immédiatement à une déclaration de main courante. Lors de l'entretien préalable, vous avez reconnu avoir eu une altercation avec un cycliste et l'avoir poussé. Lors du Conseil de Discipline, vous vous êtes défendu en affirmant être la victime de l'agression de cette femme. Or vous n'avez à aucun moment signalé d'incident en date du 21 septembre. Vous avez alors totalement ignoré les règles applicables dans l'entreprise, à savoir : avertir votre hiérarchie de tout incident en ligne, inscrire sur la feuille de route les événements inopinés, voire noter sur le cahier des incidents les mentions relatives a toute altercation ou agression. Ceci montre votre détermination à vouloir masquer les faits. Devant cette évidence, vous faites alors mention, dans le même Conseil de Discipline d'un dysfonctionnement du téléphone embarqué. Sans rapport avec l'événement, vous n'avez jamais évoqué cet argument, ni lors de l'entretien préalable, ni durant l'instruction du dossier préalable à l'audience devant le Conseil de Discipline. De plus, il s'avère que le téléphone est en bon état de marche. En outre, nous vous rappelons d'ailleurs que vous avez déjà fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires liés à votre comportement « impulsif» et souvent à caractère violent (cf. courriers des 30 mars 2007 et 8 août 2007). Ces agissements sont inacceptables et préjudiciables à l'entreprise que vous représentez auprès de nos clients. Cette incapacité à maîtriser vos émotions n'est pas compatible avec l'exercice du métier de conducteur-receveur au sein d'une entreprise en charge d'une mission de service public. Les faits qui vous sont reprochés sont d'une gravité inadmissible pour un conducteur professionnel chargé de la conduite d'un véhicule de transport en commun de voyageurs. En effet, tout conducteur se doit d'exécuter ses fonctions dans la préoccupation constante de la sécurité des usagers de la route comme des personnes transportées. Vous avez manqué une nouvelle fois à vos obligations professionnelles, à la discipline générale de l'entreprise et aux règles élémentaires de sécurité. Vos agissements ne peuvent davantage être tolérés et les explications que vous nous avez fournies lors de notre entretien du 19 octobre 2007, ainsi que celles fournies lors du Conseil de Discipline du 08 novembre 2007, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Par conséquent, nous vous notifions par la présente lettre, votre licenciement immédiat pour faute grave, sans préavis ni indemnités de rupture » ; que M. X... soutient, à titre principal, que l'employeur n'a pas respecté la procédure disciplinaire conventionnelle et que, s'agissant du non-respect de garanties de fond, son licenciement est de ce seul fait dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'il fait valoir : - que l'instruction n'a pas été menée de manière à éclairer le conseil de discipline sur la validité des faits qui lui étaient reprochés, le responsable d'équipe chargé de l'instruction n'ayant pas vérifié le bien fondé ,des ,déclarations de la cycliste qui l'a mis en cause et n'ayant pas rédigé un rapport circonstancié étayé ; - que le conseil de discipline n'a pas été consulté conformément aux exigences de la convention collective, la consultation n'ayant porté que sur la seule opportunité d'un licenciement pour faute grave et non sur la sanction disciplinaire pouvant être appliquée parmi les différentes sanctions énumérées par la convention collective ;- qu'il n'a pas eu accès à l'intégralité des pièces de son dossier, la société TVO ayant refusé de lui communiquer la maincourante de la cycliste qui n'a été produite que le 18 septembre 2009, dans le cadre de l'instance prud'homale, et les pièces communiquées ayant été tronquées, puisqu'il est supprimé toute référence à l'identité de la cycliste sans qu'il soit fait la preuve d'une demande en ce sens de cette dernière ; que la société TVO soutient au contraire qu'elle a respecté les dispositions conventionnelles et qu'elle fait valoir : - qu'il n'est pas indiqué dans la convention collective que les déclarations doivent être vérifiées ni qu'il doit y avoir nécessairement une confrontation ; - que s'agissant des sanctions proposées au conseil, les sanctions du premier degré ne nécessitent pas la saisine du conseil de discipline et que, pour que ce conseil puisse voter sur la sanction là appliquer, il faut qu'une sanction soit proposée ; - que la main courante a expressément été "reprise" lors de l'entretien devant le conseil de discipline ; que l'article 52 de la convention collective applicable, intitulé « Instruction des affaires disciplinaires », stipule : « Lorsqu'un agent titulaire doit être déféré devant le conseil de discipline, son dossier ainsi que les pièces relatives aux faits qui lui sont reprochés sont transmis au chef de service qui est chargé de l'instruction Celui-ci examine le dossier, avise l'intéressé, fait les enquêtes complémentaires qu'il juge nécessaires, réunit tous les documents susceptibles d'éclairer le conseil de discipline et fait un rapport. Le chef de service chargé de l'instruction entend l'intéressé et lui donne communication de son dossier et des pièces relatives aux faits reprochés. Le chef de service dresse, séance tenante, un procès-verbal de l'audience qu'il fait signer par l'agent et par l'assistant de celui-ci, après leur en avoir donné lecture » ; que l'audience devant le chef de service chargé de l'instruction est préalable à l'audience devant le conseil de discipline ; qu'il n'est pas contesté par la société TVO que M. X..., qui aurait dû avoir « communication de son dossier et des pièces relatives aux faits reprochés » dès l'audience d'instruction, le 26 octobre 2007, n'a pas reçu communication à cette date de la main courante déposée par la cycliste le mettant en cause, document que cette dernière avait adressé à la société TVO dans un courrier reçu le 8 octobre 2007, peu important que le contenu dudit document ait été évoqué à l'audience ultérieure devant le conseil de discipline ; qu'il apparaît ainsi que l'employeur n'a pas respecté les dispositions de l'article 52 précité, lesquelles instituent une protection des droits de la défense supérieure à celle prévue par la loi et constituent en conséquence une garantie de fond, de sorte que le licenciement de M. X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;
ALORS QUE toute méconnaissance d'une règle conventionnelle relative à la procédure de licenciement disciplinaire ne constitue pas la violation d'une garantie de fond pour le salarié et ne prive pas nécessairement le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi l'absence au dossier remis au salarié lors de sa convocation devant le conseil de discipline d'une unique pièce détenue par l'employeur ne constitue la méconnaissance d'une garantie de fond que si cette absence était de nature à empêcher le salarié d'assurer utilement sa défense devant la Conseil de discipline ; qu'en retenant que l'absence de communication de la maincourante du 21 septembre 2010 au dossier remis par le chef de service chargé de l'instruction au dossier à Monsieur X..., au moment de sa convocation devant le Conseil de discipline, aurait été constitutive de la violation d'une garantie de fond, sans avoir constaté que la non-communication de cet unique document avait empêché Monsieur X... de se défendre utilement devant le Conseil de discipline chargé de donner un avis sur la mesure de licenciement envisagé par l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 52 de la Convention collective nationale des transports urbains de voyageurs, ensemble les articles L.1232-1 et L.1235-1 du Code du travail ;
QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QUE l'exposante faisait valoir que le dossier remis à Monsieur X... comportait une copie de la réclamation écrite de la cycliste auprès des services de la Société TVO, dont les termes étaient identiques à ceux de la main courante litigieuse, et que le contenu de cette main courante avait été discuté devant le Conseil de discipline ; que ces explications étaient ainsi de mesure à justifier que l'absence de la main courante dans le dossier remis à Monsieur X... n'était nullement de nature à préjudicier à ses droits ; qu'en jugeant que le licenciement de Monsieur X... était nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse du seul fait que la main courante ne figurait pas dans le dossier remis avant la tenue du Conseil de discipline, sans s'expliquer sur les objections ci-dessus évoquées, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 52 de la Convention collective nationale des transports urbains de voyageurs, ensemble les articles L.1232-1 et L.1235-1 du Code du travail .


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-22584
Date de la décision : 16/01/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 jan. 2013, pourvoi n°11-22584


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.22584
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