LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 30 novembre 2010) que M. X..., engagé le 26 août 1996 par l'Association départementale d'amis et parents d'enfants inadaptés en qualité de moniteur d'atelier, a été licencié le 25 avril 2007 pour faute grave ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes d'indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un motif tiré de la vie privée du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que la relation amoureuse entretenue par l'animateur d'un centre pour handicapés et une ancienne pensionnaire majeure de ce centre relève exclusivement de la vie privée du salarié et ne constitue donc pas un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, la Cour considère que la relation amoureuse entre une ancienne interne d'un établissement pour handicapés et un salarié de cet établissement est en lien avec l'activité professionnelle de ce salarié et constitue un manquement à ses obligations contractuelles ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel viole les articles L. 1234-1, L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, la cour d'appel considère en substance que le salarié a manqué à son devoir de loyauté et aux obligations éthiques de respect et de correction posées par le règlement intérieur en n'informant pas son employeur de son rapprochement avec une interne avant son départ de l'établissement ; qu'en statuant ainsi, bien que les seuls faits reprochés dans la lettre de licenciement soient " les relations particulières que vous entretenez avec une ancienne jeune " de l'établissement autrement dit des faits postérieurs au départ de l'intéressée, la cour d'appel viole les articles L. 1232-6 et L. 1232-1 du code du travail, ensemble excède ses pouvoirs en sortant des limites de sa saisine ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a relevé que le salarié, dont les fonctions le mettaient en contact permanent avec des jeunes gens fragilisés par un handicap, n'avait pas voulu, face à la " sollicitation affective " d'une jeune femme, accueillie jusqu'à sa majorité au sein de l'établissement où il travaillait, poser le problème au sein de l'équipe éducative pour garder la distance nécessaire, ce qui l'avait conduit à encourager et faciliter une relation amoureuse ; qu'elle a pu en déduire que l'intéressé avait méconnu les règles éthiques de respect et de correction, prévues par le règlement intérieur, pesant sur un professionnel en charge de jeunes personnes handicapées et ainsi manqué à une obligation découlant de son contrat de travail ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté que la lettre de licenciement faisait état de la violation des règles éthiques et déontologiques ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur Jean-Luc X... était fondé sur une faute grave et de l'avoir débouté de ses demandes d'indemnités de rupture formulées à l'encontre de l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'AMIS ET PARENTS D'ENFANTS INADAPTES ;
AUX MOTIFS QU'étant observé que les parties ne font pas mention de la qualification de faute lourde énoncée dans la lettre de licenciement précité, mais de faute grave, les faits reprochés à l'intimé, à les supposer avérés, ne pourraient caractériser une intention de nuire à l'entreprise et ne peuvent donc constituer une faute lourde ; que le licenciement de l'intimé présentant un caractère disciplinaire, il importe de rechercher si les griefs tels qu'énoncés dans la lettre de licenciement, qui fixent les limitent du litige, sont établis à la date de cette mesure, la charge de cette preuve incombant à l'employeur ; qu'en cause d'appel, l'intimé ne conteste pas " avoir entretenu des relations amicales complices susceptibles d'évoluer sur le mode amoureux " mais exclusives de toute connotation sexuelle ; qu'en substance, il est reproché à l'intimé, moniteur d'atelier à l'IMPRO des Trois Mars, d'avoir entamé et entretenu une relation amoureuse avec une ancienne jeune handicapée de l'IMPRO ; qu'il est constant et non discuté que cette jeune majeure Catherine, née le 17/ 11/ 88, a été confiée à l'IMPRO précité du 4/ 11/ 03 au 13/ 11/ 06 soit entre l'âge de 15 et 18 ans ; que compte tenu du périmètre du litige défini par la lettre de licenciement précitée, il ne s'agit donc pas de rechercher si et depuis quand cette relation amoureuse a pu exister au sein de l'IMPRO des Trois Mares pendant le séjour de cette jeune fille alors mineure ; que la réalité de la relation amoureuse existant entre l'intimé et la jeune Catherine T. est avérée au vu du courrier daté du 28/ 02/ 07, retiré du disque dur de l'ordinateur prêté par l'employeur à l'intéressé dont la production n'est pas critiquée, aux termes duquel il évoque le soutien moral que lui prodigue cette jeune majeure tombée amoureuse de lui " et moi aussi on vie un amour cacher mais ces très fort, elle envie de vivre avec moi " (sic) ; que cette situation est corroborée par les propos qu'a pu recueillir avec précision l'éducateur E. MONTAU le 28/ 03/ 07 auprès de la jeune Vanessa en stage à l'ESAT de l'UOSR-lieu de travail de son amie Catherine T.- qui lui a confié que Catherine " sortait avec un moniteur du N. III qu'elle allait chez lui, qu'il venait la chercher en moto, qu'ils avaient couché ensemble " et que cet homme s'appelait J. L. X... ; que le revirement ultérieur de cette jeune femme ne modifie en rien la teneur et la valeur probante de cette révélation exprimée de façon circonstanciée et avec prudence et sérieux par ce témoin qui a insisté alors sur le caractère véridique de sa déclaration ; que de plus, les données ainsi obtenues sont elles-mêmes confirmées auprès de l'éducatrice du SAISP Marie Y...,- par l'assistante familiale de Catherine T qui indique que,
* cette jeune fille a un " petit copain " qui vient la chercher régulièrement en soirée et le week-end en voiture ou en moto lequel se prénomme Jean Luc et dispose d'un véhicule Ford Focus blanc et d'une grosse moto bleue, signalement correspondant selon M. Y... aux engins détenus par l'intimé Jean-Luc X....
*les rencontres entre Catherine et cette personne ont débuté lorsque Catherine était encore à l'IMPRO.
- par la jeune Catherine T. elle-même qui reconnaît que son petit copain " toujours présent dans sa vie amoureuse " s'appelle M. X... dont elle est amoureuse depuis longtemps et qui vient la chercher chez son assistante familiale en moto ou en voiture ajoutant qu'il l'a consolée " quand Nicolas m'a quitté, j'allais le voir dans son atelier " ;
que le fait que cette jeune fille revienne sur ses déclarations circonstanciées confirmée par les témoignages précités n'affecte pas leur valeur probante pour émaner d'une jeune majeure certes fragile mais dotée d'un bon niveau intellectuel (cf page 4 du rapport provisoire de la DRASS du 05/ 04/ 07) ; que le rapport provisoire de la DRASS pointe la réaction non professionnelle de l'intimé qui face à une sollicitation affective de Catherine T. phénomène courant en établissement, a adopté une " attitude pas claire " et n'a pas voulu poser le problème au sein de l'équipe pour se donner la distance nécessaire ce qui n'est pas conforme aux exigences posées par l'accompagnement de personnes vulnérables confiées ;
ET AUX MOTIFS ENCORE QUE si à la date de sa révélation en mars 2007, la jeune Catherine étant majeure, le trouble cause par sa relation amoureuse en cours avec le moniteur d'atelier Jean Luc X... font elle s'était rapprochée à la fin de sa minorité au point que deux responsables de groupes RIVIERE et MONDON interviennent pour contrôler cette situation, n'autorisait pas en lui-même une sanction disciplinaire à l'encontre de ce professionnel par lequel il est survenu, cette situation révèle cependant un manquement de ce moniteur qui, quoi qu'informé de la fragilité de cette jeune fille de par sa prise en charge en IMPRO et approché par cette dernière dans des conditions remarquées par les deux professionnels précités puis par l'assistante familiale n'a pas informé en temps l'équipe éducative de cette situation et l'a conduit en suite à encourager et faciliter une relation affective de ce type avec une jeune majeure issue de l'établissement ; que ce déni d'information auprès de l'équipe éducative qui est la marque d'un manque de loyauté à l'égard de la direction et à l'égard de ses collègues qui n'ont pu réagir en conséquence est révélatrice d'une profonde méconnaissance des obligations éthiques de respect et de correction (art 5-1 du règlement intérieur) pesant sur un professionnel en charge de jeunes personnes handicapées qui a rendu possible la suite c'est à dire la relation amoureuse proprement dite entre une ancienne interne de l'institut actuellement majeure du monde éducatif l'ayant approché dans les dernières années de sa minorité ; que cette faute dont la gravité ne peut être édulcorée par le niveau intellectuel de la jeune fille ni sa détermination et l'atteinte qu'elle porte ainsi à la confiance qu'un employeur est en droit d'attendre d'un professionnel du monde éducatif est en lien avec l'activité professionnelle de l'intimé et faisait obstacle à la poursuite de la relation de travail y compris pendant la durée du préavis ; qu'en conséquence, Jean-Luc X... est débouté de l'ensemble de ses demandes au titre notamment d'une indemnité de préavis, d'une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et d'une réparation d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE, D'UNE PART, un motif tiré de la vie privée du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que la relation amoureuse entretenue par l'animateur d'un centre pour handicapés et une ancienne pensionnaire majeure de ce centre relève exclusivement de la vie privée du salarié et ne constitue donc pas un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement de Monsieur X... fondé sur une faute grave, la Cour considère que la relation amoureuse entre une ancienne interne d'un établissement pour handicapés et un salarié de cet établissement est en lien avec l'activité professionnelle de ce salarié et constitue un manquement à ses obligations contractuelles ; qu'en statuant ainsi, la Cour viole les articles L. 1234-1, L. 1234-9 du Code du travail, ensemble les articles 9 du Code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en tout état de cause, la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement de Monsieur X... fondé sur une faute grave, la Cour considère en substance que le salarié a manqué à son devoir de loyauté et aux obligations éthiques de respect et de correction posées par le règlement intérieur en n'informant pas son employeur de son rapprochement avec une interne avant son départ de l'établissement ; qu'en statuant ainsi, bien que les seuls faits reprochés dans la lettre de licenciement à Monsieur X... soient " les relations particulières que vous entretenez avec une ancienne jeune " de l'établissement autrement dit des faits postérieurs au départ de l'intéressée, la Cour viole les articles L. 1232-6 et L. 1232-1 du code du travail, ensemble excède ses pouvoirs en sortant des limites de sa saisine.