LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société de distribution Iller, à compter du 2 septembre 2002 en qualité de chauffeur-livreur ; qu'il a démissionné de son emploi à effet du 13 octobre 2006, avant de saisir la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires l'arrêt retient que le salarié produit à l'appui de sa demande principalement des agendas remplis de sa main, sans visa de l'employeur, indiquant jour après jour une heure de début et de fin de travail, sur la base desquels il a ensuite calculé mois par mois les heures supplémentaires qu'il prétend avoir accomplies ; que ces documents, même s'ils peuvent valoir commencement de preuve par écrit des heures revendiquées, sont cependant notoirement insuffisants à étayer tant la réalité que le nombre de ces heures, alors, d'une part qu'il est de principe que nul ne peut s'établir de preuve à soi-même et que, d'autre part, le contenu de ces agendas n'est corroboré par aucun élément sérieux extrinsèque au salarié, ni témoignage, ni aucun autre document pouvant les rendre vraisemblables, pas même de justificatifs des tournées effectuées telles qu'évoquées dans ses écrits qui viendraient corroborer l'affirmation péremptoire des premiers juges sur l'importance de ces tournées et le nombre des clients visités ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié avait produit des agendas sur la base desquels il avait calculé les heures supplémentaires qu'il prétendait avoir effectuées, documents auxquels l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel, qui a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 9 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Iller distribution aux dépens ;
Vu l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Iller distribution à payer à la SCP Lesourd la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêtinfirmatif attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « Il résulte de l'article L. 3171-4 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, que l' employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié et que le juge doit se déterminer au vu de ces éléments et de ceux produits par le salarié ; le salarié étant en demande, il lui appartient néanmoins de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, tant sur l'existence des heures dont il revendique le paiement que sur leur quantum, à charge pour l'employeur de les contester ensuite en produisant ses propres éléments ; en l'espèce, M. X... produit à l'appui de sa demande principalement des agendas remplis de sa main, sans visa de l'employeur, indiquant jour après jour une heure de début et de fin de travail, sur la base desquels il a ensuite calculé mois par mois les heures supplémentaires qu'il prétend avoir accomplies ; ces documents, même s'ils peuvent valoir commencement de preuve par écrit des heures revendiquées, sont cependant notoirement insuffisants à étayer tant la réalité que le nombre de ces heures, alors d'une part qu'il est de principe que nul ne peut s'établir de preuve à soi-même et que d'autre part le contenu de ces agendas n'est corroboré par aucun élément sérieux extrinsèque au salarié, ni témoignage, ni aucun autre document pouvant les rendre vraisemblables, pas même de justificatifs des tournées effectuées telles qu'évoquées dans ses écrits qui viendraient corroborer l'affirmation péremptoire des premiers juges sur l'importance de ces tournées et le nombre des clients visités ; le fait que l'employeur a pu écrire à M. X... le 27 juillet 2006 que sa fonction de chauffeur-livreur ne se limite pas à la conduite du véhicule mais englobe des tâches annexes dont la participation à la préparation de commandes, la vérification de la conformité de la marchandise et l'encaissement ne suffit ainsi pas à démontrer que les fonctions qui lui étaient dévolues l'obligeaient nécessairement à accomplir des heures supplémentaires ; de même, le courrier de l'Inspecteur du Travail à M. X... en date du 10 juin 2009, dans lequel cet Inspecteur évoque le fait qu'il a rappelé à la société Iller, après une visite de mai 2007, son obligation de mettre en place un décompte individualisé des heures supplémentaires effectuées, ne préjuge pas de l'accomplissement de telles heures par l'intimé avant sa démission intervenue en octobre 2006 ; force est alors à la Cour de considérer que M. X... n'étaie pas à titre préalable sa demande, de sorte que celle-ci ne saurait prospérer ; observation doit être faite au surplus que, même si l'employeur se trouve dans l'impossibilité de justifier des heures réellement accomplies par M. X..., il prouve néanmoins qu'après la mise en place d'un système de pointage en juillet 2007, conformément aux recommandations de l'Inspecteur du Travail, il est apparu que le temps de travail des chauffeurs de l'entreprise n'excédaient pas l'horaire conventionnel de 35 heures par semaine ».
ALORS 1°) QU'il résulte des constatations de l'arrêt que le salarié a produit « principalement des agendas remplis de sa main … indiquant, jour après jour, une heure de début et de fin de travail … sur la base desquels il a ensuite calculé mois par mois les heures supplémentaires qu'il prétend avoir accomplies» ; qu'il en résulte que, contrairement à ce qu'a jugé la cour d'appel, de tels éléments suffisaient à étayer la demande dès lors que l'employeur «pouvait y répondre » ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article L 3171-4 du code du travail ;
ALORS 2°) QU'en énonçant que « nul ne peut s'établir de preuve à soi-même » et que les documents produits « pouvaient valoir commencement de preuve par écrit » mais n'étaient corroborés par aucun élément sérieux» en l'absence « des justificatifs des tournées effectuées », la cour d'appel a, au surplus, fait peser sur le seul salarié la preuve proprement dite des heures supplémentaires, violant ainsi l'article L 3171-4 du code du travail ;
ALORS 3°) QU'en l'absence de preuve fournie par l'employeur et en faisant peser la charge de celle-ci sur le seul salarié en constatant que « l'employeur se trouvait dans l'impossibilité de justifier des heures supplémentaires accomplies par le salarié » bien que l'employeur soit légalement tenu « de fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié » la cour d'appel a violé les articles L 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail.