LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1242-12 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... épouse Y... a été engagée par contrat à durée déterminée du 15 au 24 septembre 1999 par l'association des Petites Soeurs des pauvres, en qualité d'aide-cuisinière, pour assurer le remplacement d'une autre salariée, puis par huit autres contrats, le dernier prenant fin le 28 octobre 2000 ; que le 6 novembre 2000, elle a signé un contrat à durée indéterminée en tant qu'agent de service auprès des personnes âgées ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de son employeur et le voir condamner à lui payer diverses sommes à titre notamment d'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et en paiement d'une indemnité de requalification, l'arrêt retient que l'absence de mention de la qualification du salarié remplacé n'implique pas " ipso-facto " la requalification en contrat à durée indéterminée, dès lors que ce contrat énonce expressément la qualité du salarié remplaçant ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'est réputé à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée qui ne comporte pas la définition précise de son motif et que cette exigence de précision quant à la définition du motif implique nécessairement que le nom et la qualification du salarié remplacé figurent dans le contrat lorsqu'il s'agit de l'un des cas visés par l'article L. 1242-12 1° du code du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et en paiement d'une indemnité de requalification, l'arrêt rendu le 21 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne l'association des Petites Soeurs des pauvres aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne l'association des Petites Soeurs des pauvres à payer, d'une part, à Mme X... la somme de 343, 25 euros, d'autre part, à la SCP Ghestin la somme de 2 100 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour Mme X... épouse Y....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de paiement d'une indemnité de requalification ;
AUX MOTIFS QU'à l'appui de sa demande de requalification, Mme Y... soulève deux moyens : a) la qualification de la personne remplacée n'est pas indiquée dans deux des contrats à durée déterminée ; b) l'employeur voulait pourvoir durablement à des emplois permanents de l'association ;
que sur le premier point, l'absence de mention de la qualification du salarié remplacé n'implique pas ipso facto la requalification en contrat à durée indéterminée dès lors que le contrat énonce expressément la qualité du salarié remplaçant ; que tel est le cas en l'espèce pour les deux contrats susvisés ;
qu'en ce qui touche le deuxième moyen, la Cour observe que :
a) tous les contrats énoncent le nom de la salariée remplacée (successivement Mmes Z..., A..., B..., C..., D..., E..., F... (à deux reprises) et H...), ainsi que, pour chacune d'elle, le motif de l'absence ;
b) lesdits contrats n'ont pas été souscrits en continuité comme l'affirme faussement Mme Y..., puisqu'on relève les interruptions suivantes :- du 11 octobre 1999 au 14 février 2000- du 21 février au 24 février 2000- du 21 mars 2000 au 10 avril 2000- du 19 avril 2000 au 11 août 2000- du 9 septembre 2000 au 11 septembre 2000- du 13 septembre 2000 au 2 octobre 2000
c) les emplois occupés par Mme Y... n'ont pas relevé de la même qualification puisqu'elle a été engagée tantôt en qualité d'aide cuisinière, tantôt en qualité d'agent de service ;
d) l'habitude de faire appel aux mêmes salariés pour remplacer des salariés absents procède du souci de ne pas perturber les personnes âgées par des changements trop fréquents de personne ; qu'à cet égard, les consignes du médecin de l'établissement, le docteur G..., sont catégoriques :
« (…) Il est préférable que les personnes âgées soient aidées par du personnel qui les connaît déjà et qui pourra ainsi mieux cerner leurs besoins, surtout pour celles qui ne peuvent s'exprimer (…). J'ai fait aux responsables de l'établissement les recommandations suivantes :- remplacer immédiatement, sans délai, les membres du personnel absents, même pour de courtes périodes-s'adresser en priorité aux professionnels qui étaient intervenus antérieurement, dans la mesure où leur service avait déjà donné satisfaction ».
e) l'Association Petites Soeurs des Pauvres a conclu avec les organismes de tutelle une convention tripartite fixant le nombre d'emplois permanents nécessaire au fonctionnement de l'établissement ;
que l'appelant ne peut donc avancer de façon gratuite qu'il est en sous-effectif structurel alors que, pour cent résidents, il emploie de façon permanente 47 salariés et 13 religieuses ;
qu'en conséquence, il apparaît clairement que l'employeur n'a pas voulu pourvoir, par le biais de contrats à durée déterminée, à des emplois permanents mais seulement remplacer en cas de nécessité, deux des 47 salariés qui étaient légitimement absents ;
que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme Y... de sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Sur l'absence de droit à requalification de la relation contractuelle à durée déterminée
Sur la notion de recours au contrat de travail à durée déterminée pour pourvoir à un emploi permanent
qu'il ressort des dispositions des articles
L. 1242-2 du Code du travail qu'un employeur peut recourir à un contrat à durée déterminée pour pourvoir au remplacement d'un salarié absent ou pour faire face à un accroissement temporaire d'activité ;
L. 1244-1 du Code du travail qu'il est possible de conclure plusieurs contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque lesdits contrats sont conclus pour remplacer un salarié absent ;
Sur l'absence de mention de la qualification du salarié remplacé
que la loi du 12 juillet 1990 ne prévoit pas expressément que l'absence de la mention de la qualification sur un contrat à durée déterminée implique sa requalification en contrat à durée indéterminée ;
Sur la légalité des contrats à durée déterminée souscrits avec Mme Y...
que le conseil constatera que les contrats de travail à durée déterminée souscrits avec Mme Y... l'ont été dans le strict respect des règles légales et jurisprudentielles ; que les contrats ont tous été signés pour assurer le remplacement de salariés absents ;
que le conseil constatera également que ces différents contrats n'ont pas été souscrits en continuité avec Mme Y... et qu'il y a eu plusieurs interruptions ;
ALORS QUE le contrat de travail à durée déterminée est réputé conclu pour une durée indéterminée s'il ne comporte pas la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu'il est conclu pour le remplacement d'un salarié en cas d'absence ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les contrats de travail à durée déterminée ont été conclus avec Mme Y... en remplacement de salariés absents, sans mentionner la qualification du salarié remplacé ; qu'en énonçant que l'omission de cette mention obligatoire n'entraînait pas la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la Cour d'Appel a violé l'article L. 1242-12 du Code du Travail.