La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/09/2012 | FRANCE | N°11-13774

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 11-13774


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 janvier 2011), que M. X..., engagé le 2 décembre 2003 par la société Etablissements Louis Y... en qualité de directeur de messagerie groupe, statut cadre, a donné sa démission le 1er mars 2008 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de paiement d'indemnités ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir ses demandes, alors, selon le

moyen :
1°/ que ne prend pas acte de la rupture de son contrat de tra...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 janvier 2011), que M. X..., engagé le 2 décembre 2003 par la société Etablissements Louis Y... en qualité de directeur de messagerie groupe, statut cadre, a donné sa démission le 1er mars 2008 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de paiement d'indemnités ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que ne prend pas acte de la rupture de son contrat de travail le salarié qui reproche à son employeur sa volonté de se séparer de lui, quand aucune procédure de licenciement n'a été engagée à son encontre ; qu'en décidant que le courrier du 1er mars 2008 par lequel le salarié reprochait à son employeur un comportement qui « ne peut signifier qu'une volonté de la direction générale de se séparer purement et simplement d'une partie de l'encadrement de proximité dont je fais partie » s'analysait en une prise d'acte dont il convenait d'apprécier les mérites, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ que la prise d'acte de la rupture permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur à ses obligations contractuelles, qui empêche la poursuite du contrat de travail ; qu'en ne constatant ni en ne caractérisant à aucun moment quel manquement à une obligation contractuelle pesant sur lui, l'employeur aurait commis en s'abstenant simplement de répondre et de donner suite à la lettre du 5 décembre 2007 qui lui avait été adressée par certains salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail ;
3°/ que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition qu'elle soit justifiée par des manquements suffisamment graves de l'employeur, qui soient de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en jugeant que la prise d'acte de la rupture de son contrat par M. X... devait produire les effets d'un licenciement, au motif inopérant qu'en l'état de la sévérité des critiques articulées dans le courrier du 5 décembre 2007, il appartenait à l'employeur s'il les estimait justifiées d'en tirer les conséquences en rompant le contrat de travail de M. X..., quand l'abstention de l'employeur à rompre le contrat du salarié ne saurait constituer de sa part un manquement suffisamment grave à une obligation contractuelle, qui soit de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail ;
4°/ que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition qu'elle soit justifiée par des manquements suffisamment graves de l'employeur, qui soient de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en jugeant que la prise d'acte de la rupture de son contrat par M. X... devait produire les effets d'un licenciement, au motif inopérant qu'en l'état de la sévérité des critiques articulées dans le courrier du 5 décembre 2007, il appartenait à l'employeur s'il les estimait injustifiées, de prendre toute mesure pour soutenir son directeur de messagerie, sans caractériser en quoi l'abstention de l'employeur à cet égard aurait constitué, en toute hypothèse, un manquement suffisamment grave et de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail ;
5°/ que le juge ne peut statuer par des motifs du hypothétiques ; qu'en considérant que la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux motifs que l'employeur aurait dû, soit rompre le contrat de travail de M. X... si les critiques formulées dans le courrier du 5 décembre 2007 étaient justifiées, soit le soutenir si ces critiques n'étaient pas justifiées, la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques, et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la gravité du manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles que la cour d'appel, après avoir constaté que l'inertie prolongée de ce dernier, à la suite de la réception d'un courrier émanant des subordonnés du salarié et critiquant très sévèrement sa personne et son emploi, avait mis l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions d'autorité, a retenu que la prise d'acte de la rupture était justifiée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Etablissement Louis Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Etablissement Louis Y... et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Louis Y....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. X... produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société Etablissement Louis Y... à lui payer les sommes de 150. 528, 63 € à titre d'indemnité contractuelle de licenciement, 67. 000 € à titre de dommages-intérêts et 3. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la lettre du salarié écrivant « je me vois contraint de vous présenter ma démission de mon poste de directeur de messagerie. En effet les derniers évènements survenus dans notre groupe, ainsi que le courrier que vous avez reçu et dont vous n'avez pas souhaité faire état, ni prendre position m'amènent naturellement à considérer que vous partagez le point de vue des émetteurs. Point de vue qui critique et diffame ouvertement au-delà de ma propre personne, un nombre important de collaborateurs faisant partie de l'encadrement de proximité. Cette absence d'engagement de votre part, et cela depuis plus de 2 mois, à dénoncer de courrier, ne peut signifier qu'une volonté de la direction générale de se séparer purement et simplement d'une partie de l'encadrement de proximité dont je fais partie » constitue une prise d'acte et qu'il convenait de rechercher si les faits invoqués étaient suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat aux torts de l'employeur ; qu'il est admis que lorsqu'il écrit « le courrier que vous avez reçu et dont vous n'avez pas souhaité faire état », M. X... se réfère à un courrier du 5 décembre 2007, envoyé par sept directeurs à d'agence à M. Thierry Y..., président du directoire, et M. Pierre Y..., président du conseil de surveillance ; que ce courrier de 5 pages établi à l'entête des sept directeurs et de « et le personnel de nos agences » ; qu'après un préambule dans lequel ils disent avoir vécu « avec plaisir », les successions à la tête de l'entreprise et affirmé leur attachement au groupe et leurs engagements inconditionnels, ils déplorent ne plus trouver « dans les trait actuels du fonctionnement du groupe et certains de nos dirigeants, ces valeurs et cet esprit de famille », qu'animés d'une pensée commune et de leur affection pour le groupe, ils se sont rencontrés le 26 novembre 2007 pour dresser un état de leurs attentes/ reproches/ regrets envers l'évolution constatée dans le cadre de la nouvelle organisation ; que dans l'énumération de ce qu'ils estiment avoir perdu d'essentiel, figure la perte de la notion d'entreprise familiale et les oppositions de vues stratégiques « au sein de nos dirigeants » ; qu'ils dénoncent « un nombre important d'embauches qui ont été effectuées au cours de ces dernières années » et estiment que « les personnes recrutées dans le cadre de ces embauches ont pour beaucoup vocation à défendre leurs intérêts personnels et à tirer profit de nos organisations dans le but de se faire valoir au mépris même des intérêts de notre sociétés » ; qu'ils consacrent de longs développements à ces personnes qui les court-circuitent et « les ont réduit au silence », « ces mêmes personnes qui croient détenir la vérité », s'approprient leurs idées « désirent jouer en division 1 » ; qu'ils concluent « ne vous trompez pas, cela s'adresse en premier à notre directeur » ; que ce courrier comporte une critique très sévère de la personne et l'action de M. X..., ne pouvant que fragiliser sa position au sein de la société, émanant de personnes placées sous son autorité qui se sont organisées à son insu pour faire remonter leur mécontentement à la direction ; que l'attestation de M. Z..., directeur d'agence, est significative de la méthode employée : qu'il indique que c'est M. A..., directeur de l'agence de Gonnesse, qui a contacté par téléphone les directeurs d'agence en vue de la réunion du 26 novembre, que plusieurs n'ont pas donné leur accord sur le contenu du courrier soumis « car c'était un règlement de compte envers certaines personnes et non pas un courrier constructif » ; que M. A... a alors établi un 2ème courrier le 2 décembre 2007 adressé à M. Thierry Y... sans avoir obtenu leur accord ; que M. B..., directeur d'agence, témoigne de son refus de le signer ; qu'il résulte des pièces produites qu'en 2007 M. X... avait adressé à Thierry Y... en sa qualité de président du directoire, un courrier électronique faisant part des difficultés rencontrées en l'absence de réponses claires et lisibles sur les problèmes matériels, indiquant « je perds actuellement toute ma crédibilité faute de pouvoir apporter des réponses fiable et précise aux demandes des agences » ; que le courrier en réponse de 4 pages de Thierry Y... lui a fait un certain nombre de critiques sur son travail et lui a même reproché de ne pas avoir suivi la voie hiérarchique pour lui écrire, concluant « de nombreux directeurs d'agence avec lesquels je converse directement, comprennent lorsque je leur explique les détails incompressibles de livraison de matériel et plus généralement la situation nouvelle sur cet aspect de gestion » ; que cette dernière phrase établit à tout le moins que M. X... constituait au sein de la société un échelon dont le président du directoire pouvait se dispenser, reconnaissant lui-même s'entretenir directement avec les directeurs d'agence ; qu'il n'est pas contesté qu'à la réception de ce courrier le 5 décembre 2007, la société Etablissements Louis Y... n'a pas réagi, ce qu'elle pouvait faire sans délai, les courriers évoqués plus haut établissement que le président du directoire était parfaitement au fait de la situation de l'entreprise ; qu'en l'état de la sévérité des critiques articulées, il appartenait à l'employeur s'il les estimait justifiées de tirer les conséquences des manquements en rompant le contrat de travail que dans le cas contraire, il devait prendre toutes les mesures pour soutenir son directeur de messagerie et clarifier le rôle de l'encadrement ; que sans aller jusqu'à imaginer que la direction, qui avait clairement pris ses distances avec M. X..., ait pu susciter l'envoi du courrier du 5 décembre 2007, en inspirer les termes et en assurer la diffusion, il est manifeste que son inertie pendant trois mois a définitivement fait perdre toute légitimité à M. X..., qui s'est trouvé du fait de l'employeur dans l'impossibilité d'exercer les fonctions d'autorité que lui conféraient son contrat de travail ; que l'argument de la réflexion conduite par le président du directoire après la réception du courrier n'est pas convaincant en l'absence d'élément l'étayant ; que désavoué par ses subordonnés et non soutenu par sa hiérarchie, M. X... n'avait d'autre solution que de prendre acte de la rupture aux torts de l'employeur ;
ALORS 1°) QUE ne prend pas acte de la rupture de son contrat de travail le salarié qui reproche à son employeur sa volonté de se séparer de lui, quand aucune procédure de licenciement n'a été engagée à son encontre ; qu'en décidant que le courrier du 1er mars 2008 par lequel le salarié reprochait à son employeur un comportement qui « ne peut signifier qu'une volonté de la direction générale de se séparer purement et simplement d'une partie de l'encadrement de proximité dont je fais partie » s'analysait en une prise d'acte dont il convenait d'apprécier les mérites, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS 2°) QUE la prise d'acte de la rupture permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur à ses obligations contractuelles, qui empêche la poursuite du contrat de travail ; qu'en ne constatant ni en ne caractérisant à aucun moment quel manquement à une obligation contractuelle pesant sur lui, l'employeur aurait commis en s'abstenant simplement de répondre et de donner suite à la lettre du 5 décembre 2007 qui lui avait été adressée par certains salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS 3°) QUE la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition qu'elle soit justifiée par des manquements suffisamment graves de l'employeur, qui soient de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en jugeant que la prise d'acte de la rupture de son contrat par M. X... devait produire les effets d'un licenciement, au motif inopérant qu'en l'état de la sévérité des critiques articulées dans le courrier du 5 décembre 2007, il appartenait à l'employeur s'il les estimait justifiées d'en tirer les conséquences en rompant le contrat de travail de M. X..., quand l'abstention de l'employeur à rompre le contrat du salarié ne saurait constituer de sa part un manquement suffisamment grave à une obligation contractuelle, qui soit de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS 4°) QUE la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition qu'elle soit justifiée par des manquements suffisamment graves de l'employeur, qui soient de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en jugeant que la prise d'acte de la rupture de son contrat par M. X... devait produire les effets d'un licenciement, au motif inopérant qu'en l'état de la sévérité des critiques articulées dans le courrier du 5 décembre 2007, il appartenait à l'employeur s'il les estimait injustifiées, de prendre toute mesure pour soutenir son directeur de messagerie, sans caractériser en quoi l'abstention de l'employeur à cet égard aurait constitué, en toute hypothèse, un manquement suffisamment grave et de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS 5°) QUE le juge ne peut statuer par des motifs du hypothétiques ; qu'en considérant que la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux motifs que l'employeur aurait dû, soit rompre le contrat de travail de M. X... si les critiques formulées dans le courrier du 5 décembre 2007 étaient justifiées, soit le soutenir si ces critiques n'étaient pas justifiées, la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques, et violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-13774
Date de la décision : 26/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 10 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 sep. 2012, pourvoi n°11-13774


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.13774
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award