LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 11 mars 2011), que M. X... a été engagé par M. Renaud Y... exploitant l'entreprise Y... frères, en qualité de chauffeur suivant contrat de travail à durée déterminée du 1er juin au 30 novembre 2005 pour motif d'accroissement temporaire d'activité moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 000 euros ; qu'estimant que l'employeur avait méconnu les dispositions légales en matière de contrat à durée déterminée, et soutenant n'avoir pas été rémunéré de ses salaires ni de ses heures supplémentaires, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le paiement d'arriérés de salaires et d'heures supplémentaires ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de sommes à titre d'arriéré de salaire, alors, selon le moyen, que s'il appartient à l'employeur de prouver le versement effectif des sommes dues au salarié, il appartient en retour au salarié de prouver que les sommes qui lui ont été versées par l'employeur dans le cadre de l'exécution du contrat de travail l'ont été à un titre autre que le paiement de ses salaires ; qu'ainsi, les juges du fond qui, tout en constatant le versement de sommes par l'employeur au salarié, a fait peser sur M. Renaud Y... la charge de prouver que ces sommes correspondaient au paiement des salaires et non à une prétendue vente de bois, a inversé la charge de la preuve, privant sa décision de toute base légale, au regard de l'article 1315 du code civil et de l'article L. 3243-3 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, après avoir relevé qu'à défaut d'extraits de comptes bancaires et de pièces comptables originales, les pièces produites par l'employeur ne suffisent pas à établir le versement effectif des salaires et que la liste des chèques émis, dont le salarié soutenait qu'ils correspondraient à des ventes de bois, fait état de sommes ne correspondant pas au salaire net revenant finalement au salarié, a constaté que l'employeur ne rapportait pas la preuve, qui lui incombe, du paiement du salaire ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de le condamner au paiement de sommes à titre d'heures supplémentaires et d'indemnités pour travail dissimulé, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en matière de preuve d'heures supplémentaires, les deux parties doivent présenter leurs preuves, si bien que les juges du fond doivent se fonder sur la base des éléments produits par chacune des parties ; qu'en se bornant pour entériner le compte d'heures supplémentaires présenté par le salarié, à énoncer " que face aux pièces fournies par le salarié de nature à étayer ses réclamations, M. Renaud Y... ne fournit aucun élément venant en contradiction de ces données tels que décomptes, attestations, plannings de travail et feuilles de route ", sans opposer aucune réfutation aux éléments produits par l'employeur, qui faisait valoir que M. X..., à qui était laissée la maîtrise du camion, avait pu l'utiliser pour ses propres affaires et en particulier pour la liquidation de sa propre scierie, ce qui était conforté par le fait que les copies des disques chronotachygraphes produits faisaient mention de temps de conduite hors des temps de travail de l'entreprise et d'ouverture de la scierie Siat-Braun, et à des heures étrangères à la livraison de grumes à cette scierie, alors qu'il s'agissait de la mission exclusive donnée par MM. Y... à M. X..., la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, violant l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, ce qui implique que les juges du fond doivent s'expliquer également sur les éléments produits par les deux parties, n'a pas justifié légalement sa décision, au regard des articles L. 3111-2 et L. 3171-4 du code du travail ;
Mais, attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, examinant les éléments de fait et de preuve produits par ces dernières et dont elle a apprécié souverainement la portée, retenu que le salarié avait effectué des heures supplémentaires dont elle a déterminé le nombre ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Renaud Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer 2 500 euros à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. Renaud Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé recevable l'action de Monsieur X... à l'encontre de l'« Entreprise Y... FRERES », prise en la personne de son représentant légal et condamné Monsieur Renaud Y... représentant l'entreprise Y... frères à payer diverses sommes à Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QU'il ressort de l'examen des pièces du dossier que seul M. Renaud Y... représente l'entreprise Antoine et Renaud Y... ;
ET AUX MOTIFS, adoptés du jugement, QUE Messieurs Antoine et Renaud Y..., exploitants de l'Entreprise Y... Frères ont comparu personnellement ;
ALORS QUE la Cour d'appel qui, tout en constatant que Monsieur Renaud Y... était attrait aux débats en qualité de « représentant de l'Entreprise Y... FRERES », n'a opposé aucune réfutation aux conclusions de l'exposant, qui faisait valoir que l'« Entreprise Y... FRERES » n'avait aucune existence juridique dans la mesure où Monsieur Renaud Y... exerçait à titre individuel sous cette enseigne, si bien que l'action engagée à l'encontre de l'« Entreprise Y... FRERES », prise en la personne de son représentant légal », c'est-à-dire d'une personne dépourvue de toute personnalité morale, était irrecevable, a entaché sa décision d'un défaut de motifs, violant l'article 455 du Code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur Renaud Y... exerçant à l'enseigne « Entreprise Y... FRERES » à payer à Monsieur X... la somme de 5. 609, 38 euros au titre des arriérés de salaires ;
AUX MOTIFS QU'il incombe à l'employeur, débiteur de l'obligation, de rapporter la preuve de paiement des salaires ; que M. Renaud Y... verse aux débats une copie extraite de pièces comptables originales, ces pièces ne suffisent pas à établir le versement effectif des salaires ; en effet, le copie à peine exploitable d'extraits comptables tant que les bulletins de paye produits au dossier ne prouvent le versement des salaires, alors que de son côté, M. X..., fournit l'attestation de Même Z... indiquant également avoir vu M. Renaud Y... remettre des bulletins de paye à M. X... en octobre 2005 ; qu'enfin, la liste des chèques émis au profit de M. X... par M. Renaud Y... fait état de sommes de 2. 000 € ne correspondant pas au salaire net de 1. 495, 84 € revenant au final au salarié ; qu'il s'ensuit qu'à défaut de preuve rapportée par M. Renaud Y... représentant l'entreprise Y... FRERES du versement des salaires, il sera dû à M. X... la somme nette de 5. 609, 38 €, telle que justement retenue en première instance, sans qu'il y ait lieu à versement de congés payés afférents, le contrat de travail ayant inclus dans le montant du salaire la part des congés payés, tel que cela ressort d'ailleurs des bulletins de paye ;
ET AUX MOTIFS adoptés du jugement, QUE-Arriérés de salaire : 7. 503, 37 € brut au titre des mois de Juin, Juillet, Août et Septembre 2005 et congés payés afférents ; que Monsieur Daniel X... prétend que lui est due la somme de 7. 503, 37 €, pour les mois de Juin, Juillet, Août et Septembre 2005 ; que les bulletins de salaire ont été remis le 03 octobre 2005 ; que ni l'une ni l'autre des parties n'a apporté la preuve sur les sommes prétendument versées au titre des ventes de bois et/ ou des salaires ; que les dates des règlements effectués semblent davantage correspondre aux règlements des contrats de bois ; qu'en conséquence, le Conseil de Prud'homme condamne l'Entreprise Y... Frères au paiement des salaires des mois de Juin à Septembre 2005, soit un total de 5. 609, 38 € net ;
ALORS QUE s'il appartient à l'employeur de prouver le versement effectif des sommes dues au salarié, il appartient en retour au salarié de prouver que les sommes qui lui ont été versées par l'employeur dans le cadre de l'exécution du contrat de travail l'ont été à un titre autre que le paiement de ses salaires ; qu'ainsi, les juges du fond qui, tout en constatant le versement de sommes par l'employeur au salarié, a fait peser sur Monsieur Renaud Y... la charge de prouver que ces sommes correspondaient au paiement des salaires et non à une prétendue vente de bois, a inversé la charge de la preuve, privant sa décision de toute base légale, au regard de l'article 1315 du Code civil et de l'article L 3243-3 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur Renaud Y... exerçant à l'enseigne « Entreprise Y... FRERES » à payer à Monsieur X... les sommes de 5 467, 95 euros au titre d'heures supplémentaires et de 10 914 euros au titre d'indemnités de travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE M. X... affirme avoir effectué 600 heures supplémentaires et réclame un rappel de salaire à ce titre de 6. 229, 99 €, M. Renaud Y... représentant l'entreprise Y... Frères s'opposant à cette réclamation au motif que M. X... a utilisé le véhicule de l'entreprise pour ses propres besoins et que les disques chrono tachygraphes sont falsifiés ou mal renseignés ; que M. X... verse aux débats copie des disques chronotachygraphes et une étude approfondie de leur lecture incluant une analyse rectifiée de chaque disque mensuel, un décompte conducteur journalier avec temps de conduite, de travail et de coupures, et un tableau récapitulatif des heures effectuées ; sont également produits les courriers recommandés circonstanciés de réclamation du salarié en date du 18 octobre, 18 et 30 novembre et 21 décembre 2005 auxquels M. Renaud Y... n'a fourni qu'une réponse sibylline en date du 29 novembre 2005 aussitôt contredite par M. X... dans ses deux lettres en réplique demeurées sans réponse par la suite ; qu'il en ressort les éléments suivants ; * sur le mois de Juin 2005, un temps de travail effectif de 207, 66 heures, soit deux fois 17 heures supplémentaires au taux majoré de 25 % et 21, 66 heures supplémentaires au taux majoré de 50 %, soit sur la base du taux horaire de 11, 99 € (salaire de base 1. 816 €/ 151, 67 heures) : { (34 heures supplémentaires x 14, 99 € = 509, 66 €) + (21, 66 heures supplémentaires x 17, 98 € = 389, 44 €) = 899, 10 € ; * sur le mois de Juillet 2005, un temps de travail effectif de 232, 21 heures, soit deux fois 17 heures supplémentaires au taux majoré de 25 % et 46, 21 heures supplémentaires au taux majoré de 50 %, soit sur la base du taux horaire de 11, 99 € (salaire de base 1. 819 €/ 151, 67 heures) : { (34 heures supplémentaires x 14, 99 € = 509, 66 €) + (46, 21 heures supplémentaires x 17, 98 € = 830, 85 €) = 1. 360, 51 € ; * sur le mois d'Août 2005, un temps de travail effectif de 270, 86 heures, soit deux fois 17 heures supplémentaires au taux majoré de 25 % et 84, 86 heures supplémentaires au taux majoré de 50 %, soit sur la base du taux horaire de 11, 99 € (salaire de base 1. 819 €/ 151, 67 heures) : { (34 heures supplémentaires x 14, 99 € = 509, 66 €) + (84, 86 heures supplémentaires x 17, 98 € = 1. 525, 78 €) = 2. 035, 44 € ; * sur le mois de Septembre 2005, un temps de travail effectif de 224, 10 heures, soit deux fois 17 heures supplémentaires au taux majoré de 25 % et 21, 66 heures supplémentaires au taux horaire de 11, 99 € (salaire de base 1. 819 €/ 151, 67 heures) : { (34 heures supplémentaires x 14, 99e = 509, 66 €) + (38 heures supplémentaires x 17, 98 € = 683, 24 €) = 1. 192, 90 €, soit une somme globale de 5. 467, 95 €, entre 546, 79 € ; qu'il apparaît que face aux pièces fournies par le salarié de nature à étayer ses réclamations, M. Renaud Y... ne fournit aucun élément venant en contradiction de ces données tels que décomptes, attestations, planning de travail et feuilles de route, de sorte que l'entreprise qu'il représente ne pourra qu'être condamnée au versement de ces sommes ;
ALORS QUE, qu'en matière de preuve d'heures supplémentaires, les deux parties doivent présenter leurs preuves, si bien que les juges du fond doivent se fonder sur la base des éléments produits par chacune des parties ; qu'en se bornant, pour entériner le compte d'heures supplémentaires présenté par le salarié, à énoncer « que face aux pièces fournies par le salarié de nature à étayer ses réclamations, M. Renaud Y... ne fournit aucun élément venant en contradiction de ces données tels que décomptes, attestations, plannings de travail et feuilles de route », sans opposer aucune réfutation aux éléments produits par l'employeur, qui faisait valoir que Monsieur X..., à qui était laissée la maîtrise du camion, avait pu l'utiliser pour ses propres affaires et en particulier pour la liquidation de sa propre scierie, ce qui était conforté par le fait que les copies des disques chronotachygraphes produits faisaient mention de temps de conduite hors des temps de travail de l'entreprise et d'ouverture de la scierie SIAT-BRAUN, et à des heures étrangères à la livraison de grumes à cette scierie, alors qu'il s'agissait de la mission exclusive donnée par Messieurs Y... à Monsieur X..., la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, violant l'article 455 du Code de procédure civile ;
ET ALORS QU'ainsi la Cour d'appel a méconnu le principe selon lequel la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, ce qui implique que les juges du fond doivent s'expliquer également sur les éléments produits par les deux parties, n'a pas justifié légalement sa décision, au regard des articles L 3111-2 et L 3171-4 du Code du travail.