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27/06/2012 | FRANCE | N°11-11154

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 juin 2012, 11-11154


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé en 1969 par l'office départemental d'HLM des Ardennes aux droits duquel se trouve la société Habitat 08 (la société), devenu directeur de patrimoine, a été nommé aux fonctions de chef de projet en août 2005 ; que le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail par lettre du 25 septembre 2006 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que l'emp

loyeur fait grief à l'arrêt de le condamner au titre d'un licenciement san...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé en 1969 par l'office départemental d'HLM des Ardennes aux droits duquel se trouve la société Habitat 08 (la société), devenu directeur de patrimoine, a été nommé aux fonctions de chef de projet en août 2005 ; que le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail par lettre du 25 septembre 2006 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que la création d'un échelon hiérarchique intermédiaire n'entraîne pas en soi une rétrogradation ; qu'en jugeant au contraire que le salarié avait subi une modification de son contrat de travail en ce que de sa position de cadre dépendant directement du directeur général il était devenu chef de projet placé sous la subordination du directeur commercial, la cour d'appel a statué par un motif erroné et violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°/ que, dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur peut changer les conditions de travail d'un salarié, la circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu'il effectuait antérieurement, dès l'instant où elle correspond à sa qualification, ne caractérisant pas une modification de son contrat de travail ; qu'en jugeant que le salarié avait subi une modification de ses fonctions caractérisant une modification substantielle de son contrat de travail sans rechercher si les nouvelles fonctions qui lui étaient confiées n'étaient pas conformes à sa qualification et à son niveau de responsabilités antérieur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
3°/ que, dans ses conclusions d'appel, il faisait valoir qu'en plaçant le poste de M. X... sous la responsabilité d'une autre personne que le directeur général, sans toutefois modifier ni sa position hiérarchique dans l'entreprise, ni ses fonctions, il n'avait fait que se conformer à la décision de l'inspecteur du travail du 28 avri l 2006 rendue sur recours contre l'avis d'inaptitude du 15 février 2006 selon lequel M. X... pouvait occuper un poste administratif comportant des responsabilités de direction ou d'encadrement sous réserve qu'il ne se trouve pas placé sous la dépendance hiérarchique directe du directeur général ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que seul un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail justifie la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail ; qu'en jugeant que la modification unilatérale des fonctions du salarié constituait un manquement grave à l'obligation de loyauté légitimant sa prise d'acte de la rupture, sans caractériser en quoi ce changement rendait impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant rappelé le contenu des fonctions de chef de projet auxquelles le salarié avait été nommé en août 2005, constaté que la responsabilité d'une partie des services dont il avait été le chef sous la dépendance directe du directeur général avait été confiée à un cadre de rang hiérarchique inférieur sous la subordination duquel il se retrouvait désormais placé, sans délégation de signature et relevé qu'il ne faisait plus partie en tant que chef de projet, malgré la conservation de sa qualité de directeur de patrimoine, du comité de coordination du plan stratégique patrimonial de la société, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande indemnitaire au titre d'un harcèlement, l'arrêt énonce que M. X... n'établit pas avoir subi des agissements répétés ; qu'aucun des certificats médicaux établis par ses médecins traitants ne mentionne un lien entre les arrêts maladies qu'il a subis et sa situation professionnelle ;
Qu'en statuant ainsi alors que le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel, qui ne pouvait rejeter la demande du salarié au seul motif de l'absence de relation entre l'état de santé et la dégradation des conditions de travail, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité au titre d'un harcèlement, l'arrêt rendu le 24 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Habitat 08 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Habitat 08 à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Habitat 08 (demanderesse au pourvoi principal)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture par le salarié produisait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR par conséquent condamné l'employeur au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et de congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement, et de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE le courrier adressé par monsieur X... à son employeur reproche à celui ci son « refus prolongé de respecter l'obligation de reclassement » … « vous ne respectez pas davantage votre obligation de maintien de ma rémunération pendant mon arrêt» ; qu'outre ces manquements, monsieur X..., par ses écritures et plaidoirie fait grief à son employeur d'avoir procédé sans son accord à une modification substantielle de son contrat de travail ; qu'il fait ainsi valoir et se justifie, constat d'huissier à l'appui, qu'au cours d'un arrêt maladie en septembre 2005, l'employeur l'a affecté dans un autre bureau, plus petit, au mobilier d'un standing moindre que celui meublant le bureau précédemment occupé ; qu'il ressort d'un mail émanant du directeur des ressources humaines du 6 septembre 2005 que monsieur X... n'a pas été le seul salarié dont l'affectation du bureau a été modifiée ; que ce changement s'inscrit d'évidence dans le cadre d'une modification des conditions de travail mais non d'une modification du contrat de travail ; que monsieur X... fait également grief à son employeur d'avoir, en modifiant ses fonctions à compter du 1er septembre 2005, vidé celles-ci de leur substance ; qu'il n'est pas contesté, comme cela ressort de l'organigramme versé aux débats, qu'avant le 1er septembre 2005 monsieur X..., en sa qualité de directeur de patrimoine, avait sous sa responsabilité les services suivants : la gestion de clientèle, l'assistance de gestion locative, la gestion du précontentieux, la maison de la location, six agences décentralisées, l'assistant de direction ; que l'employeur ne conteste pas davantage que les fonctions exercées présentaient une large dimension commerciale ; que monsieur X... justifie également avoir été membre du comité de coordination, dans le cadre du plan stratégique patrimonial à compter de l'année 2004 ; qu'il est constant que le 30 août 2005 l'employeur modifiait l'organigramme de l'entreprise ; que monsieur X... demeurait directeur de patrimoine affecté au dossier de renouvellement urbain en collaboration avec Patrick Z... ; que ce mail poursuivait « le service du patrimoine est recentré sur sa mission commerciale et change de dénomination. Fabrice A... en prend les rênes et devient directeur commercial » ; que lors d'une réunion du CODIR du 28 août 2005 le directeur général de l'Opac des Ardennes sur les fonctions exercées par monsieur X... relevait que celui-ci « devient chef de projet ANRU :participation aux réunions, montage des dossiers de reconstruction et des opérations nouvelles liées au RU, participation aux réunions sur le plan stratégique en collaboration avec BS, réflexion sur la mise à niveau du parc, prise en compte de l'impact financier de ces opérations» ; que pour justifier l'importance de cette mission nouvellement confiée à monsieur X..., l'Opac des Ardennes verse aux débats des projets de rénovation urbaine pour la période postérieure à la désignation du salarié à ce poste ; que s'il n'est pas contesté que le salarié a conservé son titre de directeur de patrimoine, sa rémunération, son lieu et temps de travail comme le soutient l'employeur, la modification de ses fonctions, en ce que de sa position de cadre dépendant directement du directeur général il devient chef de projet placé sous la subordination du directeur commercial (celui-là même qui a repris partie de ses fonctions), sans délégation de signature (même si à elle seule elle est insuffisante à caractériser une modification substantielle du contrat de travail), comme ne faisant pas partie du comité de coordination du plan stratégique patrimonial dans la lettre d'Homère du 14 octobre 2005, caractérise une modification substantielle de son contrat de travail ; que cette modification substantielle du contrat de travail, outre l'accord du salarié qui aurait dû être suscité constitue de la part de son employeur un manquement grave à l'obligation de loyauté à laquelle il est tenu envers son salarié légitimant la prise de d'acte par monsieur X... de la rupture de son contrat de travail le 25 septembre 2006 pour des faits qu'il impute à son employeur ; que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1°) ALORS QUE la création d'un échelon hiérarchique intermédiaire n'entraîne pas en soi une rétrogradation ; qu'en jugeant au contraire que le salarié avait subi une modification de son contrat de travail en ce que de sa position de cadre dépendant directement du directeur général il était devenu chef de projet placé sous la subordination du directeur commercial, la cour d'appel a statué par un motif erroné et violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QUE dans le cadre de son pouvoir de direction l'employeur peut changer les conditions de travail d'un salarié, la circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu'il effectuait antérieurement, dès l'instant où elle correspond à sa qualification, ne caractérisant pas une modification de son contrat de travail ; qu'en jugeant que le salarié avait subi une modification de ses fonctions caractérisant une modification substantielle de son contrat de travail sans rechercher si les nouvelles fonctions qui lui étaient confiées n'étaient pas conformes à sa qualification et à son niveau de responsabilités antérieur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
3°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, l'Opac des Ardennes faisait valoir qu'en plaçant le poste de monsieur X... sous la responsabilité d'une autre personne que le Directeur Général, sans toutefois modifier ni sa position hiérarchique dans l'entreprise, ni ses fonctions, l'employeur n'avais fait que se conformer à la décision de l'inspecteur du travail du 28 avril 2006 rendue sur recours contre l'avis d'inaptitude du 15 février 2006 selon lequel monsieur X... pouvait occuper un poste administratif comportant des responsabilités de direction ou d'encadrement sous réserve qu'il ne se trouve pas placé sous la dépendant hiérarchique directe du Directeur Général de l'Opac des Ardennes ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE seul un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail justifie la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail ; qu'en jugeant que la modification unilatérale des fonctions du salarié constituait un manquement grave à l'obligation de loyauté légitimant sa prise d'acte de la rupture, sans caractériser en quoi ce changement rendait impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail
Moyen produit par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils pour M. X... (demandeur au pourvoi incident)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. X... de voir condamner l'OPAC des Ardennes à lui verser la somme de 69.300 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du harcèlement psychologique et moral qu'il avait subi ;
Aux motifs que l'article L. 1152-1 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale… ; qu'il appartient au salarié de produire aux juges des éléments de nature à laisser présumer l'existence de faits de harcèlement moral ; qu'en l'espèce, s'il est évident qu'un désaccord est survenu entre Irek X... et son directeur général, justifiant que l'inspecteur du travail écrive que le salarié ne devrait pas être placé sous la hiérarchie directe du directeur général de l'OPAC, Irek X... n'établit pas avoir subi des agissements répétés, étant souligné qu'aucun des certificats médicaux établis par ses médecins traitant, qu'il verse aux débats ne mentionnent un lien entre les arrêts maladie qu'il a subis et sa situation professionnelle ;
Alors, d'une part, qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'un tel harcèlement est constitué lorsque le salarié subit les conséquences de la perte subite et injustifiée de ses responsabilités et prérogatives ;
qu'en l'espèce, en constatant que M. X... avait été rétrogradé à compter d'août 2005 dans des fonctions dans lesquelles il n'avait plus aucune responsabilité puis avait été placé, en mai 2006, dans la subordination hiérarchique de la personne-même à qui ses anciennes fonctions avaient été confiées, sans en déduire que cette décision de l'employeur laissait présumer l'existence de faits de harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;
Alors, d'autre part, qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
qu'en rejetant en l'espèce la demande de M. X... tendant à voir indemniser le préjudice qu'il avait subi du fait du harcèlement moral dont s'était rendu coupable son employeur au prétexte qu'il n'établissait pas que ses arrêts maladie avaient eu un lien avec sa situation professionnelle, quand l'article L. 1152-1 du code du travail ne subordonne pas la caractérisation du harcèlement à la preuve d'une dégradation de la santé du salarié, la cour d'appel a violé ce texte en lui ajoutant une condition qu'il ne prévoyait pas ;
Alors, en toute hypothèse, que les juges du fond doivent rechercher si l'ensemble des faits invoqués par le salarié laisse supposer l'existence d'un harcèlement moral ;
qu'en considérant alors que M. X... n'établissait pas les faits de harcèlement moral qu'il imputait à Habitat 08 au motif que les arrêts maladie rédigés par ses médecins traitants ne mentionnaient pas de lien entre ces congés et le travail du salarié, sans prendre en compte les avis non contestés de l'inspecteur du travail et du médecin du travail qui avaient conclu à son aptitude au travail sous réserve qu'il ne soit plus placé sous le même supérieur hiérarchique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-11154
Date de la décision : 27/06/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 24 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 jui. 2012, pourvoi n°11-11154


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11154
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