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20/06/2012 | FRANCE | N°11-19416

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 juin 2012, 11-19416


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 avril 2011), que M. X... a été engagé le 1er mars 2004 par la société Transports Blanchard-Coutand en qualité de conducteur poids lourd ; qu'il a été licencié pour faute grave le 28 août 2008 après mise à pied conservatoire à l'issue de ses congés, le 24 août ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner au paiement de diverses sommes alors, selon le m

oyen :
1°/ que le fait pour un salarié conducteur routier de commettre dans l'exer...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 avril 2011), que M. X... a été engagé le 1er mars 2004 par la société Transports Blanchard-Coutand en qualité de conducteur poids lourd ; qu'il a été licencié pour faute grave le 28 août 2008 après mise à pied conservatoire à l'issue de ses congés, le 24 août ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner au paiement de diverses sommes alors, selon le moyen :
1°/ que le fait pour un salarié conducteur routier de commettre dans l'exercice de sa prestation de travail une infraction de nature délictuelle en conduisant un véhicule poids lourd muni d'un chronotachygraphe sans carte de conducteur constitue une faute grave ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que le fait de se livrer au transport routier sans carte de conducteur constituait une infraction de nature délictuelle, en application de l'ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1985 modifiée, punie pour le conducteur par une peine d'emprisonnement de six mois et d'une amende de 3 750 euros, et que la non-utilisation par M. X... de sa carte de conducteur dans l'exercice de ses fonctions le 1er août 2008 était bien constitutive d'une infraction à la réglementation pénalement sanctionnée, ce dont le salarié avait conscience eu égard à la formation spécifique qu'il avait reçue ; que, pour considérer néanmoins le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a relevé que la société Transports Blanchard-Coutand était mal fondée à soutenir qu'elle avait encouru des risques extrêmement importants du fait du salarié dans la mesure où elle avait pris de son côté les dispositions nécessaires pour assurer le respect par le salarié de la réglementation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que le salarié avait commis en toute connaissance de cause une infraction de nature délictuelle au cours de l'exercice de sa prestation de travail en n'en informant l'employeur qu'a posteriori, ce qui était en soi constitutif d'une faute grave, abstraction faite des risques encourus par l'entreprise, a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;
2°/ qu'est passible d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 3 750 euros toute personne qui, chargée à un titre quelconque de la direction ou de l'administration de toute entreprise ou établissement, a soit contrevenu par un acte personnel, soit, en tant que commettant, laissé contrevenir, par toute personne relevant de son autorité ou de son contrôle, à l'obligation de ne pas se livrer à un transport routier sans carte insérée dans le chronotachygraphe du véhicule, dès lors qu'elle n'a pas pris les dispositions de nature à assurer le respect de cette obligation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la société Transports Blanchard-Coutand était mal fondée à soutenir qu'elle avait encouru des risques extrêmement importants du fait du comportement du salarié dans la mesure où ce dernier avait reçu en mars 2008 une formation spécifique, n'avait commis qu'un acte isolé et était en droit de procéder à un enregistrement manuel en l'absence de possession de la carte conducteur ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, préjugeant de ce qui aurait été décidé par les autorités de contrôle et les autorités répressives si M. X... avait été contrôlé le 1er août 2008, quand l'existence d'un risque d'être sanctionné pénalement était bien caractérisée pour l'entreprise et ses dirigeants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;
3°/ que la cour d'appel a relevé par motif adopté que le fait que M. X... ait conduit le 1er août 2008 son véhicule poids lourd sans utiliser sa carte de conducteur était de nature, en cas de contrôle par la gendarmerie et/ou les officiers de police judiciaire et/ou l'inspection du travail et d'impossibilité pour le salarié de présenter cette carte, d'entraîner l'immobilisation immédiate du véhicule ; que pour juger néanmoins le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a relevé que la société Transports Blanchard-Coutand était mal fondée à soutenir qu'elle avait encouru des risques extrêmement importants du fait du salarié dans la mesure où sa responsabilité pénale ne pouvait être engagée que si elle n'avait pas pris les mesures nécessaires de nature à assurer le respect par le salarié de son obligation de ne pas se livrer au transport routier ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que l'infraction commise par le salarié était aussi de nature à entraîner à titre de sanction administrative l'immobilisation du véhicule poids lourd conduit par M. X..., ce qui pour une société de transport routier constitue un risque majeur, a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;
4°/ que la gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté pour l'employeur, ce dernier pouvant se prévaloir de la gravité du risque qu'il a encouru du fait du comportement du salarié, bien que ce risque ne se soit pas réalisé ; qu'en l'espèce, la société Transports Blanchard-Coutand faisait valoir que la gravité de la faute commise par M. X..., qui avait conduit sans être en possession de la carte conducteur, résultait des risques que le salarié avait fait encourir à l'entreprise dans le cas où le salarié aurait fait l'objet d'un contrôle ou aurait eu un accident ; que la cour d'appel, pour juger que le licenciement pour faute grave de M. X... était sans cause réelle et sérieuse, a cependant relevé, par motifs propres et adoptés, que la faute du salarié n'avait eu aucune conséquence « réelle » pour l'employeur et qu'« aucune conséquence dramatique ni risques insupportables n'en avaient heureusement résulté » ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants pour dénier à la faute de M. X... sa gravité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;
5°/ que les juges ne peuvent écarter les prétentions d'une partie sans examiner ni analyser l'ensemble des documents fournis par elle à l'appui de ses prétentions ; qu'en l'espèce, la société Transports Blanchard-Coutand faisait valoir que la faute de M. X... était d'autant plus grave que l'employeur avait déjà dû adresser au salarié le 21 avril 2006 et le 23 mars 2007 des rappels à l'ordre pour méconnaissance de la réglementation sociale aux temps de conduite et de repos après avoir relevé des anomalies sur ses disques ; que la cour d'appel, pour juger néanmoins que le licenciement pour faute grave de M. X... était sans cause réelle et sérieuse, a relevé, par motifs propres et adoptés, que le salarié avait commis une faute isolée et que le salarié avait donné jusqu'alors toute satisfaction à l'entreprise ; qu'en statuant ainsi, sans examiner les courriers adressés le 21 avril 2006 et le 23 mars 2007 par la société Transports Blanchard-Coutand à M. X... dont il ressortait que la méconnaissance par le salarié de la réglementation sociale n'était pas un acte isolé et que des mises en garde avaient déjà dû lui être adressées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'alors qu'il avait été requis tardivement par son employeur de travailler un jour non prévu où il devait être en repos le salarié avait oublié de prendre sa carte de conducteur et s'en était rendu compte trop tard pour revenir à son domicile, qu'il avait avisé le jour-même son employeur de cet oubli et lui avait remis le soir un relevé manuscrit de son activité du jour, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter, a pu décider que, dans ce contexte, le manquement isolé du salarié ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise et, exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-3 du code du travail, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à indemniser le salarié sur le fondement de l'article 1382 du code civil alors, selon le moyen que le salarié ne peut recevoir, en sus de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnisation supplémentaire que s'il est établi qu'il a subi, à raison des circonstances particulières de son licenciement, un préjudice distinct que les indemnités allouées par ailleurs ne réparent pas ; qu'en l'espèce, en allouant à M. X... des dommages-intérêts en sus des indemnités de rupture et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans caractériser un comportement fautif de l'employeur ayant causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement pour faute grave, ayant déjà donné lieu à une indemnisation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a fait ressortir que les circonstances du licenciement étaient vexatoires et constaté que le salarié avait présenté un état d'anxiété consécutif dont il justifiait médicalement, a ainsi caractérisé un préjudice distinct de la perte de son emploi ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Transports Blanchard-Coutand aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Transports Blanchard-Coutand et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Transports Blanchard-Coutand
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave de M. Patrice X... et d'AVOIR condamné la société Transports Blanchard-Coutand à lui verser diverses sommes à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de rupture reproche à M. X... d'avoir, le 1er août 2008, conduit son véhicule poids lourd sans sa carte de conducteur à la suite d'un oubli de celle-ci à son domicile, son acte ne devant pas s'analyser, ainsi que l'a fait valoir le salarié lors de l'entretien préalable de licenciement, comme étant une simple erreur mais comme étant « un acte volontaire et délibéré » commis « en toute connaissance de cause », le fait d'avoir prévenu le dirigeant de la situation n'enlevant pas à la faute commise son caractère de gravité compte tenu « des risques insupportables aux plans administratif, civil et pénal » qu'une telle infraction fait peser « sur l'entreprise et ses dirigeants » ; qu'en ce qui concerne les circonstances des faits, il est établi et non contesté que le salarié ne devait pas travailler les 31 juillet et 1er août 2008 en raison de ses repos et congés payés à prendre jusqu'au 23 août suivant, qu'il a pris connaissance le 30 juillet au soir de sa feuille de route lui impartissant de travailler la journée du 1er août, qu'il a obtempéré mais qu'il a oublié de prendre sa carte de conducteur pendant cette journée, qu'il a téléphoné à un collègue en lui indiquant qu'il était à une heure de route de son domicile et que son premier client, un agriculteur ne pouvait pas attendre deux heures pour son épandage, qu'il a averti l'employeur le soir même en lui remettant un relevé manuscrit de son activité ; que le salarié expose qu'il avait rendez-vous le matin du 1er août à 8 heures chez un agriculteur à Saint-Maixent-sur-Vie et à Saint Prouant et que, lorsqu'il s'est aperçu de l'oubli de sa carte, il ne pouvait plus retourner à son domicile sans préjudice pour les clients ; que M. X... a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement le 8 août pour le 25 août suivant et mis à pied à titre conservatoire à l'issue de ses congés le 23 août 2008 ; que le transport routier sans carte de conducteur constitue une infraction de nature délictuelle en application de l'ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1958 modifiée, étant précisé que le temps de travail est enregistré par le chronotachygraphe numérique, la carte numérique permettant l'identification du conducteur ; que l'employeur peut être condamné s'il a laissé contrevenir au texte par toute personne relevant de son autorité ou de son contrôle « en ne prenant pas les dispositions de nature à en assurer le respect » ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, le salarié qui avait reçu de la part de la société Transports Blanchard-Coutand une formation spécifique en mars 2008, ayant commis un oubli isolé ; que de plus, le règlement CEE n° 85-3821 du 20 décembre 1985, en vertu duquel sont engagées les poursuites, prévoit les enregistrements manuels que peut faire le conducteur en cas de perte, vol, détérioration, mauvais fonctionnement de sa carte ou « si le conducteur n'est pas en possession de celle-ci » ; qu'il en résulte que la société Transports Blanchard-Coutand est mal fondée à soutenir qu'elle a encouru des risques extrêmement importants du fait du salarié, l'ayant contrainte à se séparer de lui ; que compte tenu du fait que M. X... avait plus de quatre ans d'ancienneté, compte tenu des circonstances particulières dans lesquelles il a conduit sans sa carte numérique pour remplir les missions imparties, alors qu'il devait être en repos puis en congés, il y a lieu de considérer, ainsi que l'a fait à juste titre le premier juge, que le licenciement du salarié constitue une mesure manifestement disproportionnée pour le sanctionner d'une faute isolée sans conséquence réelle pour l'employeur, qui en a été loyalement informé le soir même ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'au vu du litige tout au long exposé et suivant la nature de la demande présentée, il convient tout d'abord pour le Conseil de rappeler aux parties que, selon le décret 83-40 du 26 janvier 1983, en son article 10 relatif à la réglementation sociale des transports routiers et de la durée du travail des salariés dans ce secteur d'activité, ainsi que du règlement communautaire n° 3821/85 du 20 décembre 1985, en son article 15, relatif aux documents justificatifs de l'activité à présenter par le conducteur en cas de contrôle sur route par les agents habilités, le refus de présentation des documents destinés au contrôle des conditions de travail constitue un délit prévu et puni d'un emprisonnement de 6 mois et d'une amende de 3.750 € par l'ordonnance du 23 décembre 1958, alors que l'impossibilité de présenter les mêmes documents constitue une simple contravention (défaut de présentation) passible d'une amende 1.500 € ; qu'en l'espèce, la non-utilisation par le conducteur lui-même, M. X..., de sa carte de conducteur dans l'exercice de ses fonctions le 1er août 2008 est bien constitutive d'une infraction à la réglementation sociale européenne et qu'en cas de contrôle par la gendarmerie et/ou les officiers de police judiciaire et/ou l'inspection du travail, la présentation de cette carte pouvait entraîner l'immobilisation immédiate du véhicule de M. X..., ce qu'il ne conteste pas par ailleurs ; que cependant, au vu de la chronologie des faits exposés et reprochés par l'employeur, le Conseil ne peut valablement écarter de son analyse, eu égard aux indications formulées ci-dessus et au regard des faits précis relatés par ce conducteur, qui par ailleurs avait jusqu'alors donné satisfaction à l'entreprise, le fait que ce conducteur hautement qualifié avait parfaitement considéré et analysé la situation, ce vendredi 1er août 2008, et pris la juste mesure des risques encourus et de leurs conséquences, en cas de contrôle ou lors d'un simple accrochage ou accident sur la voie publique, puisque le soir-même, dès son retour de tournée, il a pris l'initiative d'en informer son employeur et d'en préciser les circonstances dans tous ses détails ; que pour le Conseil, cette attitude courageuse et responsable n'est autre que l'expression d'un acte loyal prouvant l'honnêteté et la bonne foi de M. X... envers M. Y... son employeur, lequel ne saurait sérieusement prétendre a posteriori, qu'il s'en serait rendu compte dans la mesure où il procède au téléchargement des données enregistrées par le chronotachygraphe numérique et les cartes conducteurs pour établir les fiches de paie ; que cet argument procède de l'affirmation simple et gratuite émise au détour de considérations personnelles de l'employeur qui, en tout état de cause, ne saurait valablement convaincre le Conseil que la décision, si tant est qu'une décision soit prise suite au téléchargement des données comparées plus d'un mois après les faits, ait été de même nature ; que cet argument sera purement rejeté ; que par ailleurs, au vu des explications fournies, le Conseil a pu relever d'une part, que M. X... qui avait déjà effectué ses 200 heures de temps de travail ne devait pas selon l'organisation prévue par le responsable du service, M. Frédéric Y..., travailler le 31 juillet et le 1er août 2008, et noter d'autre part, qu'en acceptant d'assurer cette prestation non prévue du 1er août 2008 au-delà de ses 200 heures de travail afin de pallier aux difficultés internes d'organisation du travail, M. X... a fait preuve de dévouement et montré un véritable esprit d'entreprise, sans visiblement en avoir véritablement calculé les risques ; qu'au vu des éléments de fait ci-dessus décrits, il ne saurait lui être sérieusement reproché un comportement irresponsable et une intention de nuire aux intérêts de l'entreprise puisque, faute de ne pouvoir récupérer sa carte dans un délai suffisant, il ait donné priorité à une livraison impérative et urgente du client de Saint Fulgent afin de ne pas le pénaliser ; qu'appréciant librement et souverainement l'ensemble des faits relatés étant à l'origine du litige et rappelant « qu'aucune conséquence dramatique ni risques insupportables » n'en ont heureusement résulté comme « a osé l'imaginer » ladite société dans la lettre de licenciement, le Conseil s'accorde pour dire et juge que le motif invoqué par ladite société de transports routiers pour justifier de sa décision de licencier M. X... est bien constitutif d'une faute, mais que la preuve de la gravité de cette faute n'est absolument pas démontrée et encore moins rapportée, bien au contraire ; que pour le Conseil, la faute commise ne peut justifier la rupture du contrat de travail de ce dernier au motif d'une faute grave qu'il appartient au juge de requalifier (Cass. Soc. 13 juin 2001, BCV n° 222) en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que par conséquent, il convient de dire que la sanction infligée par la société Transports Blanchard-Coutand est totalement démesurée et revêt un caractère abusif ; qu'il lui appartenait dans le cadre du pouvoir disciplinaire qui lui incombe et pour le cas d'espèce, comme tient à le souligner le Conseil, de prendre une mesure à titre disciplinaire beaucoup plus appropriée et adaptée à la faute commise qui, comme tient à le rappeler le juge, n'a eu aucune conséquence et que ce conducteur hautement qualifié s'est empressé de signaler ; qu'au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de reconnaître M. X... parfaitement fondé dans ses demandes, car pour le Conseil, si la cause du licenciement est réelle, elle n'est en revanche absolument pas sérieuse ;
1°) ALORS QUE le fait pour un salarié conducteur routier de commettre dans l'exercice de sa prestation de travail une infraction de nature délictuelle en conduisant un véhicule poids lourd muni d'un chronotachygraphe sans carte de conducteur constitue une faute grave ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que le fait de se livrer au transport routier sans carte de conducteur constituait une infraction de nature délictuelle en application de l'ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1985 modifiée, punie pour le conducteur par une peine d'emprisonnement de six mois et d'une amende de 3.750 euros, et que la non-utilisation par M. X... de sa carte de conducteur dans l'exercice de ses fonctions le 1er août 2008 était bien constitutive d'une infraction à la réglementation pénalement sanctionnée, ce dont le salarié avait conscience eu égard à la formation spécifique qu'il avait reçue ; que pour considérer néanmoins le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a relevé que la société Transports Blanchard-Coutand était mal fondée à soutenir qu'elle avait encouru des risques extrêmement importants du fait du salarié dans la mesure où elle avait pris de son côté les dispositions nécessaires pour assurer le respect par le salarié de la réglementation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que le salarié avait commis en toute connaissance de cause une infraction de nature délictuelle au cours de l'exercice de sa prestation de travail en n'en informant l'employeur qu'a posteriori, ce qui était en soi constitutif d'une faute grave, abstraction faite des risques encourus par l'entreprise, a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;
2°) ALORS QU'est passible d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 3.750 euros toute personne qui, chargée à un titre quelconque de la direction ou de l'administration de toute entreprise ou établissement, a soit contrevenu par un acte personnel, soit, en tant que commettant, laissé contrevenir, par toute personne relevant de son autorité ou de son contrôle, à l'obligation de ne pas se livrer à un transport routier sans carte insérée dans le chronotachygraphe du véhicule, dès lors qu'elle n'a pas pris les dispositions de nature à assurer le respect de cette obligation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la société Transports Blanchard-Coutand était mal fondée à soutenir qu'elle avait encouru des risques extrêmement importants du fait du comportement du salarié dans la mesure où ce dernier avait reçu en mars 2008 une formation spécifique, n'avait commis qu'un acte isolé et était en droit de procéder à un enregistrement manuel en l'absence de possession de la carte conducteur ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, préjugeant de ce qui aurait été décidé par les autorités de contrôle et les autorités répressives si M. X... avait été contrôlé le 1er août 2008, quand l'existence d'un risque d'être sanctionnés pénalement était bien caractérisée pour l'entreprise et ses dirigeants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;
3°) ALORS QUE la cour d'appel a relevé par motif adopté que le fait que M. X... ait conduit le 1er août 2008 son véhicule poids lourd sans utiliser sa carte de conducteur était de nature, en cas de contrôle par la gendarmerie et/ou les officiers de police judiciaire et/ou l'inspection du travail et d'impossibilité pour le salarié de présenter cette carte, d'entraîner l'immobilisation immédiate du véhicule ; que pour juger néanmoins le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a relevé que la société Transports Blanchard-Coutand était mal fondée à soutenir qu'elle avait encouru des risques extrêmement importants du fait du salarié dans la mesure où sa responsabilité pénale ne pouvait être engagée que si elle n'avait pas pris les mesures nécessaires de nature à assurer le respect par le salarié de son obligation de ne pas se livrer au transport routier ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que l'infraction commise par le salarié était aussi de nature à entraîner à titre de sanction administrative l'immobilisation du véhicule poids lourd conduit par M. X..., ce qui pour une société de transport routier constitue un risque majeur, a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;
4°) ALORS QUE la gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté pour l'employeur, ce dernier pouvant se prévaloir de la gravité du risque qu'il a encouru du fait du comportement du salarié, bien que ce risque ne se soit pas réalisé ; qu'en l'espèce, la société Transports Blanchard-Coutand faisait valoir que la gravité de la faute commise par M. X..., qui avait conduit sans être en possession de la carte conducteur, résultait des risques que le salarié avait fait encourir à l'entreprise dans le cas où le salarié aurait fait l'objet d'un contrôle ou aurait eu un accident ; que la cour d'appel, pour juger que le licenciement pour faute grave de M. X... était sans cause réelle et sérieuse, a cependant relevé, par motifs propres et adoptés, que la faute du salarié n'avait eu aucune conséquence « réelle » pour l'employeur et qu'« aucune conséquence dramatique ni risques insupportables n'en avaient heureusement résulté » ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants pour dénier à la faute de M. X... sa gravité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail.
5°) ALORS QUE les juges ne peuvent écarter les prétentions d'une partie sans examiner ni analyser l'ensemble des documents fournis par elle à l'appui de ses prétentions ; qu'en l'espèce, la société Transports Blanchard-Coutand faisait valoir que la faute de M. X... était d'autant plus grave que l'employeur avait déjà dû adresser au salarié le 21 avril 2006 et le 23 mars 2007 des rappels à l'ordre pour méconnaissance de la réglementation sociale aux temps de conduite et de repos après avoir relevé des anomalies sur ses disques ; que la cour d'appel, pour juger néanmoins que le licenciement pour faute grave de M. X... était sans cause réelle et sérieuse, a relevé, par motifs propres et adoptés, que le salarié avait commis une faute isolée et que le salarié avait donné jusqu'alors toute satisfaction à l'entreprise ; qu'en statuant ainsi, sans examiner les courriers adressés le 21 avril 2006 et le 23 mars 2007 par la société Transports Blanchard-Coutand à M. X... dont il ressortait que la méconnaissance par le salarié de la réglementation sociale n'était pas un acte isolé et que des mises en garde avaient déjà dû lui être adressées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Transports Blanchard-Coutand à verser à M. Patrice X... la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts par application de l'article 1382 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE compte tenu des circonstances vexatoires de la rupture, le salarié justifiant d'un état d'anxiété consécutif, constaté médicalement, il y a lieu de confirmer la condamnation sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le Conseil s'accorde également eu égard au cas d'espèce de faire application des dispositions de l'article 1382 du code civil, « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer », pour circonstances abusives et vexatoires de la rupture du contrat de travail et de lui allouer à titre d'indemnité la somme de 500 euros nets ;
ALORS QUE le salarié ne peut recevoir, en sus de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnisation supplémentaire que s'il est établi qu'il a subi, à raison des circonstances particulières de son licenciement, un préjudice distinct que les indemnités allouées par ailleurs ne réparent pas ; qu'en l'espèce, en allouant à M. X... des dommages-intérêts en sus des indemnités de rupture et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans caractériser un comportement fautif de l'employeur ayant causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement pour faute grave, ayant déjà donné lieu à une indemnisation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-19416
Date de la décision : 20/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 12 avril 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 jui. 2012, pourvoi n°11-19416


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.19416
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