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12/04/2012 | FRANCE | N°11-10003

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 avril 2012, 11-10003


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 2 novembre 2010) statuant en référé, que Mme X..., infirmière salariée au sein de la société Goss international Montataire, a été licenciée pour faute grave, le 18 mars 2010, après mise à pied conservatoire ; que l'Union locale des syndicats CGT du bassin creillois et de la région de Senlis, le CHSCT de la société et le comité d'entreprise ont saisi le président du tribunal de grande instance sur le fondement de l'article 809 du code de proc

édure civile afin d'obtenir la réintégration de la salariée ; qu'il a été...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 2 novembre 2010) statuant en référé, que Mme X..., infirmière salariée au sein de la société Goss international Montataire, a été licenciée pour faute grave, le 18 mars 2010, après mise à pied conservatoire ; que l'Union locale des syndicats CGT du bassin creillois et de la région de Senlis, le CHSCT de la société et le comité d'entreprise ont saisi le président du tribunal de grande instance sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile afin d'obtenir la réintégration de la salariée ; qu'il a été fait droit à la demande par ordonnance de référé rendue le 11 mai 2010 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de la combinaison des articles 808, 809 et 810 du code de procédure civile, L. 1411-1, L. 1411-4, R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail que le juge des référés du conseil de prud'hommes est seul compétent pour statuer sur le litige relatif au licenciement individuel d'un salarié et sur ses effets ; qu'en l'espèce, en confirmant l'ordonnance de référé par laquelle le président du tribunal de grande instance, après avoir constaté que son licenciement individuel constituait un trouble illicite, a ordonné la réintégration de Mme X... au sein de l'entreprise Goss international Montataire et ordonné la poursuite de son contrat de travail, aux motifs que celle-ci aurait été licenciée en raison de ses sympathies syndicales, quand le juge des référés du tribunal de grande instance était incompétent pour statuer sur ce litige, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°/ que le conseil de prud'hommes est seul compétent pour statuer sur une action exercée par un syndicat qui allègue une discrimination syndicale constitutive d'un trouble manifestement illicite justifiant l'intervention du juge des référés ; qu'en l'espèce, il est constant que l'union locale des syndicats CGT invoquait en référé d'heure à heure une discrimination syndicale pour solliciter et obtenir la réintégration dans l'entreprise Goss de Mme X..., licenciée, et la poursuite de son contrat de travail sous astreinte ; que la cour d'appel, qui a confirmé l'ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Senlis, quand l'employeur faisait valoir que seul le conseil de prud'hommes de Creil était compétent en l'espèce, a violé ensemble les articles 808 et suivants du code de procédure civile, L. 1132-1 et suivants, L. 1134-2, L. 1411-4, R. 1455-1, R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, juridiction d'appel tant à l'égard du tribunal de grande instance que du conseil de prud'hommes, désigné par la société comme étant compétent pour connaître du litige, était fondée à statuer sur ce litige dont elle était saisie par l'effet dévolutif de l'appel ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Goss international Montataire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à l'Union syndicale, au CHSCT, au comité d'entreprise et à Mme X... la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour la société Goss international Montataire.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR, confirmé l'ordonnance de référé du Président du Tribunal de grande instance de SENLIS entreprise qui avait retenu sa compétence pour dire que la rupture du contrat de travail de Madame X... était constitutive d'un trouble illicite au sens de l'article 809 du Code de procédure civile, ordonner la réintégration de celle-ci au sein de l'entreprise GOSS INTERNATIONAL MONTATAIRE à la date de la notification de son licenciement, constater l'absence d'effet des sanctions prononcées à l'endroit de la salariée et ordonner la poursuite de son contrat de travail sous astreinte ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la suspension des effets du licenciement : il résulte de l'article 808 du code de procédure civile que, dans tous les cas d'urgence, le juge des référés peut, même en présence d'une contestation sérieuse, ordonner les mesures justifiées par l'existence d'un différend, et de l'article 809 du même code que le juge des repérés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; c'est à bon droit que le premier juge a ordonné la suspension des effets du licenciement de Mme X... ; en effet, la suspension du licenciement, dont l'urgence découle du fait que Mme X... se serait, à défaut, retrouvée au chômage, est justifiée par le fait que ce licenciement est susceptible de s'avérer illégal ou en tout état de cause non fondé sur une cause réelle et sérieuse, dans la mesure où Mme X... a été mise à pied le 23/ 02/ 2010 puis licenciée essentiellement pour la façon dont elle a géré l'accident du travail du 3/ 02/ 2010, son employeur lui reprochant d'avoir envoyé une lettre de réserve à la CPAM le 5/ 02 et de s'être rendue à la convocation du CHSCT en y emmenant l'infirmière de l'entreprise contre l'ordre de son supérieur hiérarchique direct, M. Y..., alors même que ce dernier a indiqué dans le courriel du 19/ 02/ 2010 que ces faits ne pouvaient pas donner lieu à sanction (" Malheureusement, rien de tout cela n'est exploitable contre elle-Redoutable ") mais qu'il craignait ses sympathies syndicales (" Vu sa position dans l'entreprise, si Faïza décide de jouer avec la CGT, son pouvoir de nuisance est infini ") ; l'ordonnance sera par conséquent confirmée de ce chef » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« un mail émanant de Jean-Claude Y..., produit aux débats, et en date du 19 février 2010, stipule " Carole, Théo, vous trouverez ci-joint lettre que j'envoie à la CPAM. Je viens de découvrir avec stupeur la lettre de réserves envoyée par Faïza à la CPAM le 5 février. J'ai dû la menacer pour qu'elle accepte finalement de m'en remettre une copie cet après-midi. Je comprends pourquoi : cette lettre enfonce C. A..., sous entend que la RH aurait pu influencer l'accidenté et innocente D. Z.... Faïza passe son temps au téléphone pour rameuter un maximum de monde à la convocation envoyée par le CHSCT et elle manipule l'infirmière (voir courriers ci-joint). Malheureusement, rien de tout cela est exploitable contre elle-Redoutable. J'ai demandé aux différents protagonistes de ne pas se rendre à cette convocation-C. A... et le témoin S. B... seront hors d'atteinte chez Arcelor. Carole, je souhaite que l'on parle de tout cela à ton retour. Vu sa position dans l'entreprise, si Faïza décide de jouer avec la CGT, son pouvoir de nuisance est infini " ; Il en ressort clairement que Jean-Claude Y... pèse sur les délibérations du CHSCT et l'instruction des affaires dont ce dernier a à connaître ; par ailleurs, la sus-nommée Faïza y est décrite eu égard à son lien éventuel avec la CGT, usage du locutif " si... jouer avec la CGT, son pouvoir de nuisance est infini " ; le Juge des Référés est donc en présence d'une entrave au fonctionnement du CHSCT d'une part, et d'une évidente discrimination syndicale, d'autre part ; les deux parties s'accordent à considérer que Madame Faïza X... est l'unique personne de sa catégorie professionnelle ; dans un tel contexte, et en considération des décisions intervenues à l'égard du PSE, son licenciement est constitutif d'un abus de procédure et d'une atteinte à l'autorité de la chose jugée, certes non au fond, mais notant que la Société GOSS INTERNATIONAL MONTATAIRE s'est désistée de son appel en référé, un trouble illicite est intervenu de ce fait en adéquation avec l'article 809 du code de procédure civile, les principes de la liberté syndicale et de l'égalité, la non-discrimination, étant d'ordre constitutionnel, nonobstant les dispositions des articles 225-1 du code pénal, L. 2141-7 du code du travail et L. 2146-1 du même code ; l'article 809 du code de procédure civile précise que " le Président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite " ; l'article 225-1 du code pénal pose le principe de la prohibition absolue des discriminations fondées sur des activités syndicales ; il est opportun de rappeler la teneur des articles suivants du code du travail : " ll est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. Un accord détermine les mesures à mettre en oeuvre pour concilier la vie professionnelle avec la carrière syndicale et pour prendre en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle ". (article L. 2141-5 du code du travail) ; " Il est interdit à l'employeur ou à ses représentants d'employer un moyen quelconque de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale " (article L. 2141-7 du code du travail) ; la Cour de Cassation - Chambre Criminelle - 6 mai 2008 N° 07-80530, dans une affaire d'un autre ordre-mais sur le terrain de la discrimination syndicale-indique : " que le délit de discrimination syndicale est un délit intentionnel qui implique que la mesure litigieuse ait été prise en raison de l'activité syndicale du salarié. " ; la teneur du courrier mis en exergue indique clairement quelle était l'intention de son auteur à partir d'un pré-supposé fondé sur une appartenance ou une sympathie syndicale ; la suite de l'affaire illustre comment il est parvenu à ses fins ; par ailleurs et au surplus, le Juge des Référés doit mettre fin à une discrimination syndicale, qui suffit à elle seule à établir l'existence d'un trouble manifestement illicite (Cohen, p. 948, édition 2009) ; par un raisonnement analogique, en ce sens, Cass. Sociale, 10 mai 2005 - N° 03-43292 et avec une substitution de motifs : il ne s'agit plus d'un " salarié protégé " au sens du droit syndical, mais en l'espèce d'une salariée, seule dans sa catégorie professionnelle, alors que le PSE a été annulé tant en référé qu'au fond ; il s'agit, en l'espèce, de revenir à une situation antérieure, l'ordre juridique ayant été bafoué par une mesure gravement erronée à plusieurs titres ; la situation contestée sera donc remise en l'état ; sur ce fondement, la réintégration de Madame Faïza X... au sein de la Société GOSS INTERNATIONAL MONTATAIRE sera ordonnée au bénéfice d'une astreinte ; les parties sont déboutées du surplus de leurs demandes non prouvées de manière incontestable ou ressortant à l'évidence du juge du fond ou du 2ème degré de juridiction » ;

1./ ALORS OU'il résulte de la combinaison des articles 808, 809 et 810 du Code de procédure civile, L. 1411-1, L. 1411-4, R. 1455-5 et R. 1455-6 du Code du travail que le juge des référés du conseil de prud'hommes est seul compétent pour statuer sur le litige relatif au licenciement individuel d'un salarié et sur ses effets ; qu'en l'espèce, en confirmant l'ordonnance de référé par laquelle le président du tribunal de grande instance, après avoir constaté que son licenciement individuel constituait un trouble illicite, a ordonné la réintégration de Mme X... au sein de l'entreprise GOSS INTERNATIONAL MONTATAIRE et ordonné la poursuite de son contrat de travail, aux motifs que celle-ci aurait été licenciée en raison de ses sympathies syndicales, quand le juge des référés du tribunal de grande instance était incompétent pour statuer sur ce litige, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
2./ ALORS QUE le conseil de prud'hommes est seul compétent pour statuer sur une action exercée par un syndicat, qui allègue une discrimination syndicale constitutive d'un trouble manifestement illicite justifiant l'intervention du juge des référés ; qu'en l'espèce, il est constant que l'Union locale des syndicats CGT invoquait en référé d'heure à heure une discrimination syndicale pour solliciter et obtenir la réintégration dans l'entreprise GOSS de Mme X..., licenciée, et la poursuite de son contrat de travail sous astreinte ; que la cour d'appel, qui a confirmé l'ordonnance de référé du Président du Tribunal de grande instance de SENLIS, quand l'employeur faisait valoir que seul le Conseil de prud'hommes de CREIL était compétent en l'espèce, a violé ensemble les articles 808 et suivants du Code de procédure civile, L. 1132-1 et suivants, L. 1134-2, L. 1411-4, R. 1455-1, R. 1455-6 et R. 1455-7 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-10003
Date de la décision : 12/04/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 02 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 avr. 2012, pourvoi n°11-10003


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10003
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