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12/04/2012 | FRANCE | N°10-28099

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 avril 2012, 10-28099


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 octobre 2010), qu'à la suite de sa mise à la retraite, un litige est né entre M. X... et son ancien employeur, la société Accor ; que cette société s'étant prévalue d'un accord daté du 16 décembre 1996 relatif aux conditions financières des indemnités de départ du salarié, celui-ci a argué de faux la date portée sur ce document ; que saisi sur renvoi du conseil de prud'hommes d'un incident de faux, le tribunal de grande instance, par jugement du 1er juillet 2009

, a dit le document litigieux entaché de fraude et l'a déclaré inopposabl...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 octobre 2010), qu'à la suite de sa mise à la retraite, un litige est né entre M. X... et son ancien employeur, la société Accor ; que cette société s'étant prévalue d'un accord daté du 16 décembre 1996 relatif aux conditions financières des indemnités de départ du salarié, celui-ci a argué de faux la date portée sur ce document ; que saisi sur renvoi du conseil de prud'hommes d'un incident de faux, le tribunal de grande instance, par jugement du 1er juillet 2009, a dit le document litigieux entaché de fraude et l'a déclaré inopposable au salarié ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt infirmatif de le débouter de sa demande tendant à faire déclarer fausse la lettre que lui a adressée la société Accor, à en-tête de celle-ci, datée du 16 décembre 1996, signée de M. Y... alors, selon le moyen, que le défendeur, représenté en première instance, qui aurait pu invoquer, à ce stade de la procédure, l'incompétence de la juridiction saisie et qui ne l'a pas valablement fait, est irrecevable à soulever une telle exception pour la première fois en cause d'appel ; qu'en considérant que la société était recevable à exciper de l'incompétence du juge pour connaître de la question de la fraude pour la première fois en appel quand il ressortait des écritures de première instance de la société qu'elle avait conclu au fond sur la question de la fraude, la cour d'appel a violé l'article 74 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le moyen, qui est exclusivement dirigé contre des motifs qui ne sont pas le soutien du chef du dispositif de l'arrêt attaqué déboutant le salarié de son incident de faux, est irrecevable ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à faire déclarer fausse la lettre que lui a adressée la société Accor, à en-tête de celle-ci, datée du 16 décembre 1996, signée de M. Y... alors, selon le moyen :
1°/ que l'objet du litige est déterminé par les parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé ; qu'en énonçant que le seul fait que l'acte litigieux ait été signé par le salarié en 1998 ne démontrait pas la date d'établissement dudit document, la cour d'appel qui s'est bornée à rechercher la date à laquelle l'acte litigieux avait été rédigé quand M. X... l'invitait, dans ses écritures d'appel, à rechercher la date à laquelle l'acte litigieux avait été conclu, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que la modification du contrat de travail ne peut être unilatérale et l'employeur doit recueillir l'acceptation expresse du salarié pour que la modification prenne effet ; qu'il s'ensuit que cette acceptation se manifeste par la signature du salarié sur le document qui lui est présenté et prend effet à la date de cette signature ; qu'ayant relevé qu'il résultait de la lettre d'Accor du 20 mars 2006 que l'acceptation par le salarié de l'offre de 1996 était intervenue en 1998, la cour d'appel devait en déduire que la date du 16 décembre 1996, portée sur cet accord, constituait une altération de la vérité puisque le contrat n'avait été formé que le 16 juin 1998 par l'apposition de la signature du salarié et n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 287, 289 et 299 du code de procédure civile;
Mais attendu que, n'étant tenue que de régler l'incident de faux dont elle était saisie, la cour d'appel, qui a relevé que le document litigieux daté du 16 décembre 1996 avait été signé par M. Y..., alors directeur général du groupe qui avait tout pouvoir pour signer seul les avenants aux contrats de travail, puis par le salarié en 1998, a estimé que la preuve du faux n'était pas rapportée ; qu'en l'état de ses constatations, sans méconnaître l'objet du litige, elle a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur Benjamin X... de sa demande tendant à faire déclarer fausse la lettre que lui a adressée la société Accor, à en-tête de celle-ci, datée du 16 décembre 1996, signée de Monsieur Y... ;
AUX MOTIFS QUE « la société Accor soulève tout d'abord l'incompétence de la juridiction à statuer sur autre chose que la constatation du faux et le fait qu'il ne pouvait se prononcer sur l'inopposabilité du document à Monsieur X... au motif d'une fraude, cela relevant du Conseil de prud'hommes saisi du litige principal ; que pour s'y opposer, Monsieur X... soutient l'irrecevabilité de cette exception qui n'a pas été soulevée devant le Tribunal ; que cependant la difficulté soulevée provient de la décision déférée et ne pouvait donc être formulée avant qu'elle ne fût rendue, que l'exception est, par conséquent, recevable ; qu'elle est pertinente, la procédure instaurée ayant pour objet de se prononcer sur le caractère faux, ou non, d'un document produit en justice à l'exception de toute autre considération, la juridiction saisie ne pouvant donc décider que relativement au faux mis en avant, les autres considérations relevant de la compétence au fond, à savoir la juridiction prud'homale » ;
ALORS QUE le défendeur, représenté en première instance, qui aurait pu invoquer, à ce stade de la procédure, l'incompétence de la juridiction saisie et qui ne l'a pas valablement fait, est irrecevable à soulever une telle exception pour la première fois en cause d'appel ; qu'en considérant que la société Accor était recevable à exciper de l'incompétence du juge pour connaître de la question de la fraude pour la première fois en appel quand il ressortait des écritures de première instance de la société Accor qu'elle avait conclu au fond sur la question de la fraude, la Cour d'appel a violé l'article 74 du Code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur Benjamin X... de sa demande tendant à faire déclarer fausse la lettre que lui a adressée la société Accor, à en-tête de celle-ci, datée du 16 décembre 1996, signée de Monsieur Y... ;

AUX MOTIFS QUE « la société ACCOR, qui explique que les conditions ayant présidé à l'accord de 1992, dont la date d'acceptation ne figure nulle part, n'avaient plus cours en 1996, raison pour laquelle une nouvelle offre a été adressée à Monsieur X... à cette époque, qu'il n'a signée qu'en 1998 chez un huissier lequel a constaté que la signature de Monsieur Y... n'y figurait pas, soutient que ce seul constat ne rend pas pour autant le document faux alors que Monsieur X... en a accepté toutes les conditions sans protester, ce qui le rend irrecevable à agir, évoquant à cet effet l'estoppel qui sanctionne le comportement d'une partie qui se contredit au détriment de son cocontractant (citant l'arrêt d'Assemblée Plénière du 27 février 2009) et manifeste ainsi sa mauvaise foi contractuelle en induisant son cocontractant en erreur ; que Monsieur X... fait valoir à cet égard que le seul fait de se contredire n'emporte pas fin de non recevoir alors que sa signature devant huissier n'avait pour but que de donner date certaine à un document et non d'approuver un faux ; que la société Accor soutient également que l'acceptation par Monsieur X... de son nouveau «parachute doré » a été la condition du maintien de la confiance de la direction générale qui l'a nommé membre du directoire au moment du changement de gouvernance et l'y a maintenu pendant les dix ans restants de son mandat social ; que Monsieur X..., en se réservant la preuve en question, entendait en fait ne pas accepter l'avenant, trompant la confiance de la société ; qu'elle soutient qu'il ne s'agit pas d'un faux au sens de l'article 441-1 du Code pénal ; que Monsieur X... étant demandeur au constat du faux argué comme tel par lui, il lui appartient de rapporter la preuve de la fausseté de la date du 16 décembre 1996, apposée sur le document qu'il a signé le 16 juin 1998 ; qu'il entend faire cette démonstration au moyen du constat établi à cette date par l'huissier qui énonce que la lettre qui lui est présentée, et au bas de laquelle Monsieur X... appose devant lui sa signature « en bas à droite sur l'un des courriers », ne « comporte aucune autre signature que celles ci-dessus décrites », savoir « signé illisible Paul Y... » ; que cet auxiliaire de justice a également constaté que les « deux courriers » qui lui étaient présentés portaient « en bas à droite le nom de Monsieur Gérard A... » ; que le Tribunal en a déduit que, puisque ce dernier n'avait pas encore signé en 1998 et qu'il a écrit à Monsieur X... le 20 mars 2006 que l'accord antérieur de 1992 avait été remplacé par celui intervenu en 1998, la date réelle du document argué de faux était 1998 et non 1996 ; que cependant cette constatation est, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, insuffisante à faire la preuve qui incombe à Monsieur X... ; qu'en effet le seul fait que celui-ci signe un document en 1998, ne démontre pas la date d'établissement dudit document et ce d'autant que sa lecture révèle qu'il parle, au futur, d'une part de « la perspective de la modification des organes de direction du groupe », intervenue en 1997, et, d'autre part, de l'évolution de`la situation du salarié en précisant que « vous bénéficierez... de la totalité des options qui nous ont été consenties jusqu'au 31 décembre 1996 et de celles qui pourraient vous être consenties au cours de l'année 1997 », ce qui ne peut se comprendre que s'il a été rédigé avant la survenance de ces dates ; que l'évocation par Monsieur A..., directeur général à cette époque, dans la lettre du 20 mars 2006 retenue par les premiers juges comme corroborant la fausseté de la date du 16 décembre 1996, du fait que « l'avenant du 1er octobre 1992... n'a plus de portée, et que... il a expressément été annulé et remplacé en 1998 par un autre document contractuel », loin de signifier que la lettre du 16 décembre 1996 était faussement datée, correspond seulement, comme l'observe pertinemment la société Accor, à l'acceptation, en 1998, par le salarié, de l'offre qui lui avait été faite en 1996 ; qu'en outre à la date du 16 décembre 1996, Monsieur Y... était directeur général du groupe et avait tout pouvoir pour signer seul les avenants aux contrat de travail des salariés, de sorte que Monsieur X..., qui reconnaît que la lettre était signée de lui, ce que l'huissier a, de plus, acté, ne peut tirer argument de l'existence d'une signature unique sur le document pour en déduire qu'il est faussement daté ; que la signature éventuellement postérieure de Monsieur A..., au demeurant inconnue, est donc sans incidence ; que dans ces conditions le jugement, qui indique que la société Accor « ne démontre pas avoir soumis ce document à la signature de l'intéressé avant le mois de juin 1998 », renversant ainsi la charge de la preuve de l'acte argué de faux par Monsieur X..., ne peut qu'être infirmé et ce dernier débouté, le constat d'huissier n'ayant fait que donner date certaine à la signature de ce dernier mais pas à la lettre arguée de faux » ;
ALORS QUE D'UNE PART l'objet du litige est déterminé par les parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé ; qu'en énonçant que le seul fait que l'acte litigieux ait été signé par le salarié en 1998 ne démontrait pas la date d'établissement dudit document, la Cour d'appel qui s'est bornée à rechercher la date à laquelle l'acte litigieux avait été rédigé quand Monsieur X... l'invitait, dans ses écritures d'appel, à rechercher la date à laquelle l'acte litigieux avait été conclu, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE D'AUTRE PART la modification du contrat de travail ne peut être unilatérale et l'employeur doit recueillir l'acceptation expresse du salarié pour que la modification prenne effet ; qu'il s'ensuit que cette acceptation se manifeste par la signature du salarié sur le document qui lui est présenté et prend effet à la date de cette signature ; qu'ayant relevé qu'il résultait de la lettre d'Accor du 20 mars 2006 que l'acceptation par le salarié de l'offre de 1996 était intervenue en 1998, la Cour d'appel devait en déduire que la date du 16 décembre 1996, portée sur cet accord, constituait une altération de la vérité puisque le contrat n' avait été formé que le 16 juin 1998 par l'apposition de la signature du salarié et n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 287, 289 et 299 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-28099
Date de la décision : 12/04/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 avr. 2012, pourvoi n°10-28099


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.28099
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