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04/04/2012 | FRANCE | N°11-12454

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 avril 2012, 11-12454


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 18 juin 2003 en qualité de conducteur de poids lourds par la société Transports Portmann, a démissionné le 20 juin 2008 ; que le 15 septembre 2008, il a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger que cette démission produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour obtenir paiement de diverses sommes, à titre de salaires ou d'indemnités ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que l'employeur fa

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 18 juin 2003 en qualité de conducteur de poids lourds par la société Transports Portmann, a démissionné le 20 juin 2008 ; que le 15 septembre 2008, il a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger que cette démission produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour obtenir paiement de diverses sommes, à titre de salaires ou d'indemnités ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes à titre d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour absence de repos compensateur et d'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail, alors, selon le moyen, qu'en application de l'article L. 3171-4 du code du travail, si la preuve des heures de travail accomplies n'incombe spécialement à aucune des parties, il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires et, si tel est le cas, à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que, dans ce cadre, les erreurs de manipulation du disque chronotachygraphe par le salarié pourraient affecter sa crédibilité en tant qu'élément de preuve ; qu'en se bornant à reprocher à la société Portmann de s'être toujours abstenue de produire les disques de contrôle, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, si les erreurs de manipulation commises par M. X..., au demeurant reconnues par lui dans une lettre datant du 21 décembre 2007, n'étaient pas susceptibles de priver les mentions figurant sur ces disques de toute portée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Mais attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond sur la valeur probante des éléments qui leur étaient soumis ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles L. 1231-1 et L. 1237-1 du code du travail ;
Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ;
Attendu que pour dire que la lettre de démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail et condamner l'employeur au paiement de diverses indemnités à ce titre, l'arrêt retient l'existence de manquements de l'employeur sur toute la durée de la relation contractuelle ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher s'il existait un différend antérieur ou contemporain de la démission de nature à donner à celle-ci un caractère équivoque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne l'employeur au paiement d'indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au remboursement d'indemnités de chômage, l'arrêt rendu le 13 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu les articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour la société Transports Portmann.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Portmann à payer à Monsieur X... la somme de 11. 612 euros au titre des heures supplémentaires, 1. 161, 20 euros au titre des congés payés afférents, d'avoir dit que la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'avoir en conséquence condamné la société Portmann à payer à Monsieur X... les sommes de 4. 600 euros au titre de l'indemnité de préavis, de 1. 150 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de 13. 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 1. 500 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de repos compensateurs, de 13. 800 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 8223-1 du Code du travail, d'avoir ordonné en application de l'article L. 1235-4 du Code du travail le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par Monsieur X..., d'avoir condamné la société Portmann à payer à Monsieur X... la somme de 2. 000 euros au titre des frais irrépétibles, et de l'avoir condamné aux dépens de première instance et d'appel ;
Aux motifs d'abord, sur la demande au titre des heures supplémentaires, que Salvatore X... fait valoir qu'il effectuait chaque mois un nombre d'heures de travail supérieur à celui qui figure sur ses bulletins de salaire ; qu'il invoque un horaire moyen de 240 heures par mois et souligne les difficultés qu'il a rencontrées à se faire remettre les fiches de synthèse qui doivent être annexées aux bulletins de salaire, ainsi que le manque de fiabilité de celles-ci, en l'absence de communication des disques de contrôle ; que le décret du 26 janvier 1983 impose plusieurs obligations à l'employeur en matière de décompte du temps de service, parmi lesquelles une récapitulation mensuelle des heures de travail, ainsi que l'annexion au bulletin de salaire d'un document indiquant le total cumulé des heures supplémentaires effectuées et des repos compensateurs acquis ; que selon ce même décret, le conducteur a le droit d'obtenir la communication, sans frais et en bon ordre d'une copie des feuilles d'enregistrement de l'appareil de contrôle ; que depuis le début de la relation contractuelle, la société Portmann manque à ses obligations puisque les fiches de synthèse qui doivent être annexées aux bulletins de salaire n'ont été communiquées qu'après l'introduction de la présente instance ; que la société Portmann s'abstient toujours de produire les disques de contrôle, seules pièces qui permettraient de vérifier avec exactitude la réalité du temps de travail du salarié ; que la production en photocopie de cinq disques sur toute la durée de la relation contractuelle, est bien insuffisante pour retenir comme la société Portmann l'affirme, que Salvatore X... a été rémunéré de toutes les heures supplémentaires effectuées ; que du fait de son refus fautif de produire les éléments qu'elle est la seule à détenir, la société Portmann ne met pas la Cour en mesure de vérifier que c'est de façon purement péremptoire et gratuite que Salvatore X... réclame le paiement d'heures supplémentaires ; que ses propres pièces corroborent d'ailleurs l'affirmation de Salvatore X..., auquel il a été demandé au mois de janvier 2005 de ne pas travailler plus de 218 heures dans le mois ; que de nombreuses fiches de synthèse mentionnent d'ailleurs des durées supérieures à 218 heures … ; qu'au vu de ces pièces, Salvatore X... étaye son argumentation, la société Portmann s'abstenant pour sa part de produire les seuls éléments lui permettant de discuter les prétentions du salarié … ;
Alors, d'une part, qu'en application de l'article L. 3171-4 du Code du travail, si la preuve des heures de travail accomplies n'incombe spécialement à aucune des parties, il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires et si tel est le cas, à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que dans ce cadre, les erreurs de manipulation du disque chronotachygraphe par le salarié pourraient affecter sa crédibilité en tant qu'élément de preuve ; qu'en se bornant à reprocher à la société Portmann de s'être toujours abstenue de produire les disques de contrôle, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, si les erreurs de manipulation commises par Monsieur X..., au demeurant, reconnues par lui dans une lettre datant du 21 décembre 2007, n'étaient pas susceptibles de priver les mentions figurant sur ces disques de toute portée, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 3171-4 du Code du travail ;
Aux motifs ensuite, sur la rupture du contrat de travail, qu'en l'état des manquements de la société Portmann sur toute la durée de la relation contractuelle, le courrier du 20 juin 2008 par lequel Salvatore X... a notifié sa démission, s'analyse en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Alors, d'autre part, que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ; qu'en requalifiant la démission de Monsieur X... en une prise d'acte de rupture, sans rechercher s'il existait des circonstances antérieures ou contemporaines de la démission permettant de considérer qu'elle était équivoque, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1237-1 du Code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-12454
Date de la décision : 04/04/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 13 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 avr. 2012, pourvoi n°11-12454


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.12454
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