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15/02/2012 | FRANCE | N°10-18543

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 février 2012, 10-18543


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mars 2010), que M. X... a été engagé en qualité de vendeur le 29 octobre 1990 par la société Setra, aux droits de laquelle vient la société Ricoh France, avec une rémunération composée d'une partie fixe mensuelle brute et d'une partie variable en fonction de la réalisation des objectifs assignés dans le cadre d'un plan de rémunération des ventes (PRV) ; qu'à l'occasion de la fusion de cette société avec une autre du groupe l'employeur

a harmonisé les modes de fonctionnement des équipes des deux sociétés ; que l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mars 2010), que M. X... a été engagé en qualité de vendeur le 29 octobre 1990 par la société Setra, aux droits de laquelle vient la société Ricoh France, avec une rémunération composée d'une partie fixe mensuelle brute et d'une partie variable en fonction de la réalisation des objectifs assignés dans le cadre d'un plan de rémunération des ventes (PRV) ; qu'à l'occasion de la fusion de cette société avec une autre du groupe l'employeur a harmonisé les modes de fonctionnement des équipes des deux sociétés ; que le salarié n'ayant pas adhéré au nouveau plan de rémunération applicable au 1er avril 2008, a adressé une lettre du 20 juin 2008 soulignant les différences qu'il constatait entre le PRV applicable à compter du 1er avril 2008 et celui applicable depuis le 1er avril 2005 ; que la société Ricoh lui a répondu qu'il continuerait à être soumis au régime du plan de rémunération en vigueur depuis le 1er avril 2005, ses objectifs étant reconduits ; qu'il a saisi le 20 août 2008 la juridiction prud'homale d'une demande principale en résiliation judiciaire ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et de la condamner à payer une somme à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié, de prononcer le sursis à statuer sur la détermination des sommes dues au salarié à titre de rappels de primes d'antériorité, d'objectif et « R/O » ainsi qu'à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, indemnité de préavis et congés payés afférents et d' ordonner une mesure d'expertise alors, selon le moyen :
1°/ que les conventions légalement formées font la loi des parties, que plan de commissionnement du 1er avril 2005 prévoyait que la prime d'antériorité serait «régie de la même manière que la prime R/O», laquelle était elle-même calculée en fonction d'objectifs exprimés « en chiffre d'affaires net HT et/ou en marge nette HT» ; qu'en l'état de ces dispositions contractuelles claires et précises, qui avaient été expressément acceptées par M. X..., la société Ricoh se voyait reconnaître la faculté de fixer les objectifs soit en chiffre d'affaires net, soit en marge nette, soit encore en procédant à un panachage entre ces deux indices ; qu'en considérant que l'évolution des objectifs intervenue en avril 2007 aurait caractérisé un manquement de la société Ricoh à ses obligations contractuelles et en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X..., la cour d'appel a violé les articles L.1221-1, L.1231-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil ;
2°/ qu' à aucun moment dans ses écritures, dont les développements ont été repris à l'audience, M. X... n'a prétendu justifier sa demande de résiliation judiciaire sur une prétendue différence de calculs entre la prime «R/O» et la «prime d'antériorité», le salarié reprochant seulement à la société Ricoh d'avoir modifié les objectifs servant de base au calcul de la prime d'antériorité ; qu'en justifiant la résiliation judiciaire en raison d'une prétendue différence «d'objectifs afférents à chacune des deux primes alors même que l'engagement pris doit être interprété comme celui d'un mode de calcul identique», ce que n'a jamais soutenu le salarié, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et, partant, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ qu'il en va d'autant plus ainsi qu'en relevant d'office le moyen selon lequel la société Ricoh aurait manqué à ses obligations contractuelles en calculant de manière différente les objectifs servant de base au calcul des primes «R/O» et «prime d'antériorité», sans provoquer les explications préalables des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ qu' en ne précisant pas sur quels éléments elle prétendait déduire une prétendue différence entre les objectifs retenus pour le calcul des primes «R/O» et «prime d'antériorité», ce qui ne ressortait d'aucun des éléments de la cause, l'exposante ayant au contraire soutenu, sans être contredite, que la prime d'antériorité de 2007 avait été calculée sur la même base que la prime «R/O», la cour d'appel a violé les articles 7 et 455 du code de procédure civile ;
5°/ que seul un manquement suffisamment grave pour faire obstacle à la rupture du contrat de travail peut justifier que le juge prononce la résiliation judiciaire dudit contrat aux torts de l'employeur ; que la cassation à intervenir sur les quatre premières branches aura nécessairement pour effet d'entraîner la censure du chef de l'arrêt qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X... par application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, le grief tiré de la non communication des modalités de calculs de la rémunération variable étant véniel et considéré comme tel par la cour d'appel ;
6°/ qu' en tout état de cause, en s'abstenant de caractériser en quoi cette absence de communication d'éléments de la rémunération aurait été préjudiciable au salarié, lequel n'en avait au demeurant jamais fait la demande auparavant, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1221-1, L.1231-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil ;
Mais attendu que le mode de rémunération contractuel d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord ;
Et attendu qu'ayant constaté qu'alors que l'avenant du 1er avril 2005 définissant la prime d'antériorité précisait que le mode de calcul de celle-ci devait être identique à celui de la prime "R/O" mensuelle, l'employeur avait appliqué des bases de calcul différentes pour les objectifs afférents à chacune des deux primes, en sorte qu'il s'agissait d'une modification des modalités de la rémunération intervenue sans l'accord du salarié, la cour d'appel a par ce seul motif légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ricoh au dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ricoh à payer à M. X... la somme de 2 500 € ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Ricoh France
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur X..., d'AVOIR condamné la société RICOH à lui payer la somme de 190.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié, d'AVOIR prononcé le sursis à statuer sur la détermination des sommes dues à Monsieur X... à titre de rappels de primes d'antériorité, d'objectif et « R/O » ainsi qu'à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, indemnité de préavis et congés payés y afférents et d'AVOIR ordonné une mesure d'expertise sur ce point ;
AUX MOTIFS QUE « avant même qu'il ne soit procédé à une fusion, qui interviendra le 1er avril 2007 entre la Société RICOH France Nord Est (RFNE) et la société RICOH France, l'employeur dans un souci de «convergence sociale», selon son expression, a voulu calquer le plan de rémunération de la Société RFNE sur celui de la Société RICOH France ; qu'afin d'éviter, à réalisations identiques des objectifs, les primes versées aux salariés ne soient inférieures à celles qu'ils auraient perçues en application du plan de rémunération de la Société RFNE, une prime d'antériorité a été créée ayant pour but de pallier la différence entre le montant des primes objectifs du plan de rémunération de la Société RFNE et celui des mêmes primes calculées en application du plan de rémunération de la Société RICOH France ; que dans le plan de rémunération applicable à compter du 1avril 2005 définissant la prime d'antériorité, il est précisé que celle-ci est régie de la même manière que la prime F/O mensuelle ; qu'à la suite de la fusion entre les Sociétés RFNE et RICOH France un nouveau plan de rémunération a été mis en place, auquel les salariés ont eu le choix d'adhérer ou n on étant toutefois précisé que les primes, avant même l'obtention de la réponse du salarié, ont été calculées en fonction du nouveau plan, une régularisation devant intervenir pour les salariés ayant fait part de leur refus comme c'est le cas de Monsieur X... qui se plaint également du calcul opéré pour sa prime du mois d'avril 2007. Contrairement aux allégations de l'employeur, Monsieur X... n'a pas eu à subir qu'un retard dans la régularisation de sa situation ; qu'en effet s'il est exact comme le soutient la Société RICOH France qu'en vertu du plan de rémunération applicable à compter du 1er avril 2005 pour la prime R/O l'objectif s'exprime en chiffre d'affaires hors taxe et/ou en marge nette hors taxe, il n'e demeure pas moins qu'aux termes de ce même plan la prime d'antériorité doit être régie de la même manière que la prime R/O mensuelle ; qu'or l'employeur n'a pas respecté cet engagement en appliquant des bases de calculs différentes pour les objectifs afférents à chacune des deux primes alors même que l'engagement pris doit être interprété comme celui d'un mode de calcul identique ; qu'il ne s'agit donc pas d'une simple modification d'objectifs mais d'un changement des modalités de la rémunération du fait d'un non respect des engagements pris pour la prime d'antériorité ; qu'or, il convient de rappeler que la rémunération constitue un élément essentiel du contrat de travail dont une modification ne peut intervenir sans l'accord du salarié, dont la société RICOH France ne peut se prévaloir en l'espèce de sorte que son manquement aux obligations contractuelles doit être qualifié de grave ; que la régularisation opérée par l'employeur en cour d'exécution du contrat de travail est à ce titre inopérante dans la mesure où elle tend seulement à mettre fin au retard opéré dans le règlement de la prime mais ne remet pas en cause la modification unilatérale des modalités de calcul de ladite prime étant observé que le montant même de la régularisation est également contesté ; De l'absence de communication des modalités de calcul de la rémunération variable : Monsieur X... reproche à la Société RICOH France de ne pas lui avoir remis de bulletin de commissionnement, ne lui permettant pas ainsi de connaître les éléments de calculs sur lesquels elle s'est fondée pour calculer sa rémunération variable ; qu'il convient de constater que si l'employeur fournit un ensemble de listings informatiques pour justifier du calcul des primes de M. X..., il ne remet pas les bulletins de commissionnement correspondant alors même que ce salarié justifie que de tels documents étaient établis pour au moins un autre employé de la Société occupant des fonctions commerciales ; que les pièces fournies par l'employeur ne permettent pas en outre de vérifier quel plan de rémunération la Société RICOH France a appliqué ; que ce défaut de production des éléments de calcul de la rémunération variable, l'employeur ne pouvant se retrancher derrière les difficultés liées à la coexistence de deux plans de rémunération distincts dès lors qu'il est à l'origine de la mise en place du deuxième, constitue un manquement aux obligations contractuelles, le salarié ayant seulement exercé son droit de connaître de telles modalités et celui de refuser un nouveau plan de rémunération constituant une modification du contrat de travail» ;
ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE les conventions légalement formées font la loi des parties, que plan de commissionnement du 1er avril 2005 prévoyait que la prime d'antériorité serait «régie de la même manière que la prime R/O», laquelle était elle-même calculée en fonction d'objectifs exprimés «en chiffre d'affaires net HT et/ou en marge nette HT» ; qu'en l'état de ces dispositions contractuelles claires et précises, qui avaient été expressément acceptées par Monsieur X..., la Société RICOH FRANCE se voyait reconnaître la faculté de fixer les objectifs soit en chiffre d'affaires net, soit en marge nette, soit encore en procédant à un panachage entre ces deux indices ; qu'en considérant que l'évolution des objectifs intervenue en avril 2007 aurait caractérisé un manquement de la Société RICOH FRANCE à ses obligations contractuelles et en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur X..., la cour d'appel a violé les articles L.1221-1, L.1231-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QU'à aucun moment dans ses écritures, dont les développements ont été repris à l'audience, Monsieur X... n'a prétendu justifier sa demande de résiliation judiciaire sur une prétendue différence de calculs entre la prime «R/O» et la «prime d'antériorité», le salarié reprochant seulement à la Société RICOH FRANCE d'avoir modifié les objectifs servant de base au calcul de la prime d'antériorité ; qu'en justifiant la résiliation judiciaire en raison d'une prétendue différence «d'objectifs afférents à chacune des deux primes alors même que l'engagement pris doit être interprété comme celui d'un mode de calcul identique », ce que n'a jamais soutenu le salarié, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et, partant, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
QU'il en va d'autant plus ainsi qu'en relevant d'office le moyen selon lequel la Société RICOH FRANCE aurait manqué à ses obligations contractuelles en calculant de manière différente les objectifs servant de base au calcul des primes «R/O» et «prime d'antériorité», sans provoquer les explications préalables des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU' en ne précisant pas sur quels éléments elle prétendait déduire une prétendue différence entre les objectifs retenus pour le calcul des primes « R/O » et « prime d'antériorité », ce qui ne ressortait d'aucun des éléments de la cause, l'exposante ayant au contraire soutenu, sans être contredite, que la prime d'antériorité de 2007 avait été calculée sur la même base que la prime «R/O», la cour d'appel a violé les articles 7 et 455 du code de procédure civile ;
ALORS, DE CINQUIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE seul un manquement suffisamment grave pour faire obstacle à la rupture du contrat de travail peut justifier que le juge prononce la résiliation judiciaire dudit contrat aux torts de l'employeur ; que la cassation à intervenir sur les quatre premières branches aura nécessairement pour effet d'entraîner la censure du chef de l'arrêt qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur X... par application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, le grief tiré de la non communication des modalités de calculs de la rémunération variable étant véniel et considéré comme tel par la cour d'appel ;
QU'en tout état de cause, en s'abstenant de caractériser en quoi cette absence de communication d'éléments de la rémunération aurait été préjudiciable au salarié, lequel n'en avait au demeurant jamais fait la demande auparavant, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1221-1, L.1231-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-18543
Date de la décision : 15/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 fév. 2012, pourvoi n°10-18543


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Brouchot, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.18543
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