La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/02/2012 | FRANCE | N°11-10488

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 février 2012, 11-10488


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1382 et 1615 du code civil, ensemble l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la demande de M. X... il a été fait défense, sous astreinte, par arrêt irrévocable, à la société Fromagerie Badoz (la société) de poursuivre les actes de contrefaçon de modèles et de concurrence déloyale qu'elle avait commis à l'encontre de celui-ci ; qu'après avoir vendu son fonds de commerce, M. X..., se préval

ant d'infractions par la société à l'obligation qui lui avait été impartie pa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1382 et 1615 du code civil, ensemble l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la demande de M. X... il a été fait défense, sous astreinte, par arrêt irrévocable, à la société Fromagerie Badoz (la société) de poursuivre les actes de contrefaçon de modèles et de concurrence déloyale qu'elle avait commis à l'encontre de celui-ci ; qu'après avoir vendu son fonds de commerce, M. X..., se prévalant d'infractions par la société à l'obligation qui lui avait été impartie par cette décision, l'a assignée en liquidation de l'astreinte ;
Attendu que pour déclarer M. X... irrecevable en sa demande, l'arrêt retient que celui-ci n'a plus qualité ni intérêt à agir dès lors que les faits reprochés à la société portant atteinte au fonds de commerce ont été constatés postérieurement à la cession de celui-ci à une société tierce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'astreinte avait été prononcée pour faire cesser le comportement fautif de la société à l'encontre de M. X... et assurer l'exécution de cette décision dont elle était l'accessoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit irrecevable M. X... en sa demande de liquidation d'astreinte, l'arrêt rendu le 10 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Fromagerie Badoz aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré Monsieur Bruno X... irrecevable en sa demande de liquidation d'astreinte ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« en application des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt,... ; Attendu que Bruno X..., commerçant en nom propre sous l'enseigne " CANCOILLOTTE POITREY-BRUNO X... SUCCESSEUR ", a engagé, le 13 juillet 2006, une action en contrefaçon et en concurrence déloyale à l'encontre de la société FROMAGERIE BADOZ ; Attendu que la cour d'appel de céans, deuxième chambre commerciale, a statué sur cette action, par deux arrêts rendus les 21 novembre 2007 et 23 septembre 2009 ; Attendu que le premier de ces arrêts, rendu après débats à l'audience du 25 septembre 2007, a notamment, fait défense à la SAS FROMAGERIE BADOZ de fabriquer et diffuser les modèles contrefaisant des modèles de coupelles, pot et couvercle contrefaits, ainsi que les emballages d'entrée de gamme concurrençant de manière déloyale et parasitaire, sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée à l'issue d'un délai de huit jours suivant la signification de I'arrêt ; Attendu que cette astreinte, qui est dépourvue de tout caractère indemnitaire, avait pour but et pour objectif de protéger le fonds de commerce X... contre les éventuels actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis par la société BADOZ, et de sanctionner ceux-ci ; Attendu qu'il est constant que le 28 septembre 2007, soit trois jours après l'audience précitée, Bruno X... a cédé I'intégralité de son fonds de commerce à la société MONTANA ; Attendu que si l'acte de cession contient une clause relative à l'action précitée, aux termes de laquelle " en cas de succès de cette procédure, totale ou partielle, l'intégralité des indemnités, astreintes ou sommes que la société FROMAGERIE BADOZ seraient amenées (sic !) à payer à quelque titre que ce soit, resteront appartenir à Monsieur X... ", cette clause ne peut faire échec aux dispositions d'ordre public des articles 31 et 122 du code de procédure civile ; Attendu qu'ayant cédé son fonds de commerce, le 28 septembre 2007, a effet immédiat, Bruno X... n'a plus ni qualité ni intérêt à agir pour faire liquider une astreinte relativement à des faits portant atteinte audit fonds et constatés en décembre 2007, postérieurement à ladite cession ; Attendu, en conséquence, que le jugement déféré doit être confirmé, en ce qu'il I'a déclaré irrecevable en sa demande de liquidation d'astreinte » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « l'article 31 du code de procédure civile dispose que " L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. " L'article 122 du code de procédure civile dispose que, " Constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer 1'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. " En I'espèce, il ressort d'un acte notarié établi le 28 septembre 2007 que monsieur Bruno X... a cédé à la SNC MONTANA son fonds de commerce de fabrication et vente de fromages fermentés dit " cancoillotte ", beurres et fromage sis à Franois, lui appartenant, connu sous I'enseigne CANCOILLOTTE POITREY-BRUNO X... SUCCESSEUR, en tous ses éléments corporels et incorporels (pages 2 et 3 de l'acte). L'astreinte dont la Cour d'Appel a assorti sa décision concernant I'interdiction pour la société SAS FROMAGERIE BADOZ de fabriquer et diffuser des modèles contrefaisant certains produits de monsieur Bruno X..., a pour objet de contraindre la société SAS FROMAGERIE BADOZ à exécuter la décision et ainsi mettre un terme, pour I'avenir, aux actes de concurrence déloyale, parasitaire et de contrefaçon. Or, à compter de la cession de son fonds de commerce, monsieur Bruno X... n'a pas d'intérêt personnel à la cessation d'actes de concurrence déloyale ou de contrefaçon à l'égard d'un fonds de commerce qui ne lui appartient plus : de tels actes s'ils venaient à perdurer, sont strictement sans incidence à son égard et ne modifient ni l'état ni la valeur de ses droits qui, en ce qui concerne le fonds de commerce, sont inexistants puisqu'il les a cédés. Seul le titulaire du droit contrefait, en I'espèce la SNC MONTANA, disposerait de l'intérêt à agir pour faire cesser l'atteinte affectant ses droits. De même, seul le représentant légal de cette société a qualité à entreprendre une telle action puisqu'il est seul autorisé à représenter la société au vu de l'intérêt qu'il peut, ou le cas échéant son Conseil d'administration, trouver à agir. Monsieur Bruno X... entend se prévaloir de la clause du contrat de cession de fonds de commerce par laquelle il resterait habilité à agir au titre des procédures engagées à I'encontre de la société SAS FROMAGERIE BADOZ. Cette clause stipule (pages 12 et 13 de l'acte) que, " Le CEDANT informe le cessionnaire qu'il a engagé une procédure à l'encontre de la société FROMAGERIE BADOZ pour contrefaçon de modèles ainsi que pour concurrence déloyale et parasitaire. Le CESSIONNAIRE déclare et reconnaît avoir reçu, dès avant ce jour : 1° une copie du jugement du I 9 février 2007 du tribunal de commerce de Besançon, 2° une copie des conclusions d'appel incident établies par maître Simon CHRISTIAEN avocat de la société LANDWELL et ASSOCIES 3° une note de synthèse du même avocat. Le CEDANT déclare conserver à sa charge la poursuite de la procédure en cours devant toutes les juridictions qu'il appartiendra et supportera tous les frais droits et honoraires y afférents. En cas de succès de cette procédure, totale ou partielle, I'intégralité des indemnités, astreintes ou sommes que la société FROMAGERIE BADOZ seraient amenées à payer à quelque titre que ce soit, resteront appartenir à monsieur X.... En cas d'échec total ou partiel, de la procédure, le CEDANT supportera seul les conséquences pécuniaires qui pourraient en résulter notamment les frais de procédure et dépens (de première instance et d'appel) qui pourraient être mis à sa charge et ne sera redevable d'aucune garantie vis à vis du CESSIONNAIRE qui supportera à son tour la situation que connaît depuis plus d'un an et demi le fonds présentement cédé, à savoir là concurrence problématique de la société Fromagerie BADOZ et la confusion permanente que cette cohabitation subie entretient entre les deux entreprises, leurs activités et leurs produits respectifs dans I'esprit des consommateurs. " Il est observé que cette clause ne traite que de la répartition de la charge des procédures et non du transfert ou de la délégation à monsieur Bruno X... de la qualité et de l'intérêt à agir au nom et pour le compte de la SNC MONTANA. Il n'est en effet nullement indiqué que monsieur Bruno X... pourra poursuivre des procédures au titre de droits qui ne lui appartiendraient pas et qui seraient ceux de la SNC MONTANA et agir ainsi au nom et pour le compte de cette dernière. C'est d'ailleurs bien en ce sens que la Cour, dans son arrêt du 23 septembre 2009 n'a statué que sur l'indemnisation du préjudice personnel de monsieur Bruno X... mentionnant expressément qu'elle ne pouvait être saisie par monsieur Bruno X... que de son préjudice personnel, " nonobstant la clause de l'acte de cession laissant au cédant la poursuite de la procédure... " (Arrêt de la Cour d'Appel de Besançon du 23 septembre 2009, page 4). Dès lors, monsieur Bruno X... étant sans intérêt ni qualité à agir pour faire constater la perpétuation d'actes de contrefaçon de droits dépendant d'un fonds de commerce qui ne lui appartient plus, est irrecevable à solliciter la liquidation de l'astreinte, une telle action ne pouvant être engagée que par le cessionnaire et nouveau propriétaire, venant aux droits de l'ancien propriétaire du fonds, Monsieur Bruno X... est en conséquence déclaré irrecevable en ses demandes » ;
1. ALORS QUE l'astreinte est l'accessoire de la condamnation prononcée par le juge et non l'accessoire du droit dont la violation avait donné lieu à une condamnation ; qu'il en résulte que le bénéficiaire d'une astreinte a qualité et intérêt à demander la liquidation de l'astreinte, même après avoir cédé à un tiers le droit dont la violation avait entraîné la condamnation assortie de cette astreinte ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que par arrêt du 21 novembre 2007, la Cour d'appel de Besançon avait fait défense à la société FROMAGERIE BADOZ de fabriquer et diffuser des modèles et emballages, sous peine d'astreinte prononcée au bénéfice du fonds de commerce que Monsieur X... exploitait en son nom propre ; qu'en affirmant que ce dernier n'avait plus qualité ni intérêt à demander la liquidation de cette astreinte, au prétexte que les faits portant atteinte audit fonds avaient été constatés postérieurement à la cession de celui-ci à une société tierce, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles 1382 et 1615 du Code civil, ensemble l'article 36 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;
2. ALORS en toute hypothèse QUE les créances possédées par un commerçant ne constituant pas des éléments constitutifs du fonds de commerce, les parties à la cession d'un tel fonds sont libres de stipuler que le cédant conservera le droit de poursuivre une action intentée avant la cession et d'en recueillir le bénéfice ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que l'acte par lequel Monsieur X... avait cédé son fonds de commerce à une société tierce contenait une clause relative à l'action litigieuse, aux termes de laquelle « en cas de succès de cette procédure, totale ou partielle, l'intégralité des indemnités, astreintes ou sommes que la société FROMAGERIE BADOZ seraient amenées (sic) à payer à quelque titre que ce soit, resteront appartenir à Monsieur X... » ; qu'en déclarant ce dernier irrecevable en ses demandes, prétexte pris que cette clause ne pouvait faire échec aux dispositions d'ordre public des articles 31 et 122 du code de procédure civile, la Cour d'appel a violé ces deux textes, ensemble l'article L. 141-5 du Code de commerce et l'article 1134 du Code civil ;
3. ALORS QUE à supposer adoptés les motifs des premiers Juges selon lesquels la clause précitée ne traitait que de la répartition de la charge des procédures, et non du « transfert ou de la délégation » à Monsieur X... de la qualité à agir relativement à l'action litigieuse, la Cour d'appel aurait dénaturé les termes clairs et précis de cette clause, qui stipulait qu'en cas de succès de cette procédure, l'intégralité des astreintes que la société FROMAGERIE BADOZ serait amenée à payer resterait appartenir à Monsieur X..., violant par là même l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-10488
Date de la décision : 14/02/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 10 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 fév. 2012, pourvoi n°11-10488


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10488
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award