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31/01/2012 | FRANCE | N°11-14317

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 31 janvier 2012, 11-14317


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société X... chausseur et Mme X... que sur le pourvoi incident relevé par la société X... chaussures ;

Donne acte à Mme X... de ce qu'elle se désiste de son pourvoi dirigé à l'encontre de la société X... chaussures ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la famille X... qui exploite des magasins de vente de chaussures dans les départements des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées depuis plusieurs générations s'est regroupée

en deux sociétés au début des années 1990 ; que la société X... chaussures a effectué e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société X... chausseur et Mme X... que sur le pourvoi incident relevé par la société X... chaussures ;

Donne acte à Mme X... de ce qu'elle se désiste de son pourvoi dirigé à l'encontre de la société X... chaussures ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la famille X... qui exploite des magasins de vente de chaussures dans les départements des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées depuis plusieurs générations s'est regroupée en deux sociétés au début des années 1990 ; que la société X... chaussures a effectué en 2000 et 2006 les dépôts des marques " X... chausseur ", " chaussures X... ", et " X... " ; que la société X... chausseur et Mme X... l'ont assignée en nullité et en déchéance de marques ; que parallèlement, la société X... chaussures a assigné la société X... chausseur en concurrence déloyale ; que les procédures ont été jointes ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société X... chaussures fait grief à l'arrêt de dire que la société X... chausseur pouvait utiliser sa dénomination sociale ou le terme distinctif X... pour désigner son point de vente situé 13 rue Serviez à Pau et sur ses produits, à savoir pour les chaussures de femmes fabriquées par la société Paco Valiente qui sont présentées dans ce magasin, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle n'est applicable qu'afin de réglementer l'usage antérieur d'une dénomination
sociale, d'un nom commercial, d'une enseigne ou d'un nom ; qu'une telle dérogation aux droits du propriétaire de la marque n'est pas prévue pour une utilisation antérieure à titre de marque d'usage ; qu'en décidant pourtant, en l'espèce, que la société X... chausseur pourrait continuer à apposer la marque " X... chausseur " à l'intérieur de certaines chaussures vendues dans l'un de ses magasins puisqu'elle établissait faire cet usage avant son enregistrement par la société X... chaussures, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte précité ;

2°/ que la cour d'appel a rejeté la demande de la société X... chaussures tendant à voir interdire l'usage par la société X... chausseur du terme distinctif X... pour désigner son point de vente 13 rue Serviez à Pau en considérant qu'il était justifié par application des dispositions de l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en ne répondant aux conclusions de la société X... chaussures qui faisait valoir que cette utilisation à titre d'enseigne devait être interdite en ce qu'elle constituait un acte de concurrence déloyale puisqu'elle-même utilisait, pour exercer la même activité et dans la même région, la même enseigne pour désigner ses points de vente, l'arrêt viole l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que la société X... chausseur justifiait qu'elle commercialisait de bonne foi depuis 1996 des chaussures pour femmes marquées de l'appellation " X... chausseur " sur son point de vente situé au 13 rue Serviez à Pau, la cour d'appel a, à bon droit, autorisé cette société à poursuivre l'utilisation des signes " X... chausseur " et " X... " sur ses produits dans ce magasin exclusivement ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que la société X... chausseur ne pourra plus utiliser la dénomination sociale que pour son commerce susvisé et exploité sous l'enseigne " X... chausseur " avant l'enregistrement de la marque, la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu qu'une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée ;

Attendu que pour rejeter la demande de déchéance des marques enregistrées par la société X... chaussures pour défaut d'exploitation, l'arrêt retient que cette société établissait avoir utilisé les signes X... et X... chausseur à titre d'enseigne et dans une adresse Internet ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'usage sérieux d'une marque suppose l'utilisation de celle-ci sur le marché pour désigner des produits ou des services protégés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que l'arrêt retient encore que la société X... chaussures démontre que trois mois au moins avant la date de l'assignation, elle utilisait les marques déposées contestées ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si chacune des marques en cause avait fait l'objet d'un usage sérieux à titre de marque de la part de la société X... chaussures sur les produits visés dans l'enregistrement pendant la période ininterrompue de cinq ans ayant précédé la demande de déchéance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que la société X... chausseur peut utiliser sa dénomination sociale ou le terme distinctif " X... " pour désigner son point de vente situé au 13 rue Serviez à Pau et sur ses produits, à savoir pour les chaussures de femmes fabriquées par la société Paco Valiente qui sont présentées dans ce magasin exclusivement, l'arrêt rendu le 27 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société X... chaussures aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société X... chausseur la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société X... chausseur et autre

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST REPROCHE à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de la société X... CHAUSSEUR de déchéance du droit de propriété des marques enregistrées par la société X... CHAUSSURES pour défaut d'exploitation de marques ;

AUX MOTIFS adoptés des premiers juges QUE « la société X... CHAUSSURE considère que l'apposition des marques " X... " " X... CHAUSSEUR " et " X... CHAUSSURES " sur les conditionnements des produits qu'elle commercialise (constat d'huissier du 23/ 6/ 06) constitue un mode d'usage conforme aux dispositions du code de la propriété intellectuelle ; Que le dépôt de marque à vocation à distinguer des produits ou services commercialisés par une entreprise ; Qu'en l'espèce les dépôts de marques protègent la distribution de chaussures, identifiées par les termes déposés en 2000, puis par le logo (le jugement reproduit le logo constitué par une marque semi figurative qui comporte les termes " X... " et en dessous " CHAUSSURES ") déposé le 06/ 02/ 06 pour identifier les produits suivants ;- description de la marque : X... CHAUSSURES-produits ou services désignés : articles orthopédiques ; chaussures orthopédiques ; chaussures ; chaussettes ; chaussons, chaussures de plage, de ski ou de sport ; travaux de cordonnerie ;- Classes de produits ou services : 10, 25, 37 ; Que la loi n'exige pas que les produits désignés par le ou les signes protégés soient directement identifiés ; qu'ainsi la mention du nom du fabricant sur les chaussures vendues par la Société X... chaussures n'est pas incompatible avec un usage des marques déposées, qui figurent sur les boîtes, emballages, cartes de fidélité du magasin, noms commerciaux et enseignes des différents points de ventes, pages jaunes de l'annuaire ; qu'ainsi la Société X... CHAUSSURES rapporte la preuve de ce que, trois mois au moins avant la date de l'assignation, elle utilisait les différentes marques déposées ; Que la demande de déchéance du droit de propriété pour défaut d'usage des marques sera dès lors rejetée » ;

ET AUX MOTIFS propres QUE « la S. A. S. X... CHAUSSEUR se prévaut des dispositions de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle pour considérer que faute d'usage sérieux de la marque par la partie adverse pendant une période ininterrompue de cinq ans, elle encourt la déchéance de son droit de propriété ; Qu'il sera rappelé que la preuve de l'exploitation incombe effectivement au propriétaire de la marque et peut être apportée par tous moyens ; Que, comme le souligne la S. A. S. X... CHAUSSURES, l'exploitation par celle-ci des signes distinctifs enregistrés pour remplir une fonction de marque au regard de la clientèle peut se manifester par leur apposition sur les conditionnements de ses marchandises, ses sacs de caisse remis aux clients, ses factures, ses cartes de fidélité, ses cartes commerciales et documents publicitaires ; Qu'elle en justifie, au vu des pièces produites, à savoir le procès-verbal de constat des 23 et 25 janvier 2006 confirmant l'utilisation sur la façade du bâtiment au 17, rue de Samonzet à Pau, des enseignes « X... » et « X... CHAUSSEUR » (photographies 1 et 2), tout comme l'utilisation sur ce lieu de vente d'emballages commerciaux, cartes commerciales et cartes de fidélité comportant le logotype déposé « X... CHAUSSURES » (photographies suivantes) ainsi que la photographie d'emballage commercial comportant l'adresse internet du magasin www. X.... com sous la mention « X... CHAUSSURES » ; Que contrairement aux affirmations adverses, il importe peu que cette marque ne soit pas physiquement apposée sur les produits pour remplir son rôle d'identification à l'égard de la clientèle ; Que la S. A. S. X... CHAUSSURES démontrant que trois mois au moins avant la date de l'assignation, elle utilisait les marques déposées contestées, il y a lieu de considérer que les conditions d'application de l'article L. 714-5 précité ne sont pas réunies ; Que la S. A. S. X... CHAUSSEUR sera déboutée de sa demande de déchéance du droit de propriété sur ces marques » ;

1°/ ALORS QUE une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée : que l'utilisation d'un signe à titre d'enseigne ou dans une adresse Internet ne constitue pas un usage à titre de marque ; que la Cour d'appel qui, pour rejeter la demande de déchéance des droits de la société X... CHAUSSURES sur les marques " X... Chausseur ", " X... " et " Chaussures X... " a relevé que la société X... CHAUSSURES établissait avoir utilisé les signes " X... " et " X... CHAUSSEUR " à titre d'enseigne et dans une adresse Internet, a violé l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle ;

2/ ALORS QUE le défendeur à la demande de déchéance du droit sur une marque pour défaut d'exploitation a la charge de prouver l'usage sérieux qu'il a fait du signe distinctif pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ; que cet usage sérieux doit être établi au cours des cinq années précédant la demande de déchéance ; que la société X... CHAUSSEUR concluait à la déchéance des marques enregistrées " X... Chausseur ", " X... " et " Chaussures X... " ; que la Cour d'appel, qui n'a pas recherché pour chacune des marques en cause, si elles avaient fait l'objet d'un usage sérieux à titre de marque de la part de la société X... CHAUSSURES pour les produits visés dans l'enregistrement pendant la période ininterrompue de cinq ans ayant précédé la demande de déchéance, a privé de base légale sa décision au regard de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué d'avoir fait interdiction à la S. A. S. X... CHAUSSEUR d'utiliser sa dénomination sociale ou le terme distinctif « X... » pour désigner les trois autres points de vente (magasin MARYLOR, magasin DOUBY'S et magasin CHAUSSURES SAINT CRICQ), d'avoir dit que ces interdictions porteront également sur tous autres supports, d'avoir dit que la S. A. S. X... CHAUSSEUR peut utiliser sa dénomination sociale ou le terme distinctif « X... » pour désigner son point de vente situé au 13, rue Serviez à Pau et sur ses produits, à savoir pour les chaussures de femmes fabriquées par la société PACO VALIENTE qui sont présentées dans ce magasin exclusivement et d'avoir condamné la S. A. S. X... CHAUSSEUR à payer à la S. A. S. X... CHAUSSURES la somme de 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « c'est à bon droit que le premier juge-après avoir relevé que chacun des deux frères Jean-Claude et Roger X... exploitaient de longue date des magasins de chaussures, ainsi que le conforte l'historique de l'évolution des sociétés créées par leur père-a considéré que leur nom patronymique pouvait être utilisé par chacun d'eux, avec ou sans adjonction du terme " chausseur " ou " chaussures " qui n'est pas distinctif ; … Que, sur l'interdiction d'utilisation et de reproduction de la dénomination X..., seule ou en combinaison avec d'autres éléments verbaux et sur l'indemnisation y afférente, il sera rappelé à ce sujet les dispositions de l'article L. 713-6 de ce code selon lesquelles, l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique ; Que toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l'enregistrement peut demander qu'elle soit limitée ou interdite ; Qu'en l'espèce, comme le fait observer le premier juge, il est effectivement justifié par la S. A. S. X... CHAUSSEUR d'une commercialisation dès 1996- soit avant la date de l'enregistrement-de chaussures pour femmes fabriquées par la société PACO VALIENTE marquées de l'appellation " X... CHAUSSEUR " ; Qu'il s'ensuit que l'antériorité de l'utilisation de ces termes par rapport au dépôt de marque lui permet d'en poursuivre l'utilisation, alors qu'il n'est pas rapporté preuve par la partie adverse qu'un tel usage limité ait porté une atteinte à ses droits ; Que de même, la S. A. S. X... CHAUSSEUR peut se prévaloir en tant que tiers de bonne foi de l'utilisation de sa dénomination sociale issue du nom patronymique de son dirigeant pour désigner son point de vente du 13, rue Serviez à Pau, alors qu'il est établi qu'elle le faisait avant les dépôts de marque litigieux, et depuis au moins l'année 1991 selon l'extrait K-bis produit ; Qu'en revanche, il est démontré, par simple comparaison des procès-verbaux de constat des 23 et 25 janvier 2006 et du 26 octobre 2006 ainsi que par les photographies annexées numéros 1 à 15, que cette société a fait apposer par la suite le nom commercial X... ou X... CHAUSSEUR sur la devanture de ses 3 autres établissements situés au 18, rue des Cordeliers à Pau (magasin MARYLOR), au 16, rue Alexandre Taylor à Pau (magasin DOUBY'S) et au 6, rue Samonzet (magasin CHAUSSURES SAINT CRICQ). et que la partie adverse s'y est immédiatement opposée en lui adressant plusieurs courriers de mise en demeure les 5 mai et 17 mai 2006 ; Qu'Il est évident que l'utilisation de ces termes identiques ou similaires comme nom commercial ou enseigne est susceptible de porter atteinte aux droits du titulaire de l'enregistrement en raison du risque de confusion entre les différents points de vente, ce qui lui permet valablement de solliciter l'interdiction de les utiliser ; Qu'il sera donc fait interdiction à la S. A. S. X... CHAUSSEUR d'utiliser la dénomination sociale ou le terme distinctif " X... " pour désigner les trois points de vente précités. Cette condamnation, sera également assortie d'une astreinte de 1. 000 euros par infraction constatée passé le délai de 30 jours suivant la signification de cette décision ; Que finalement cette société ne pourra plus utiliser cette dénomination que pour son commerce situé au 13, rue Serviez à Pau, exploité depuis de nombreuses années sous l'enseigne " X... CHAUSSEUR " et avant même l'enregistrement de la marque ; Que quant à l'indemnisation sollicitée du fait de l'usurpation de la dénomination sociale, des noms commerciaux et des enseignes de la société concluante, comme il a été déjà relevé ci-dessus, le risque de confusion ne peut qu'être nuancé par l'existence ancienne de ces enseignes, déjà très largement connues de la clientèle ; Qu'il est néanmoins démontré que la S. A. S. X... CHAUSSEUR a également fait paraître sur l'annuaire téléphonique ses points de vente ayant pour noms commerciaux et enseignes CHAUSSURES SAINT CRICQ, DOUBY'S et MARYLOR sous les dénominations X... et X... CHAUSSEUR, ce qui lui a permis de viser un public plus large que précédemment ; … Qu'il convient, en l'état de ces éléments comptables d'allouer à la S. A. S. X... CHAUSSURES une indemnisation à concurrence de 10. 000 euros au titre de l'usurpation de ses signes distinctifs » ;

1. ALORS QUE l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique ; que cette disposition limite la nature des usages interdits en raison du dépôt de la marque et non le nombre de ces usages ; que la Cour d'appel qui a constaté que Monsieur Jean-Claude X... avait, avant le dépôt par son frère de leur patronyme à titre de marque, commercialisé certains articles sous la dénomination X..., que la dénomination sociale de la société qui exploite ses différents points de vente est dénommée X... CHAUSSEUR, qu'il avait exploité un magasin de chaussures, sis 13 rue Serviez à PAU, à l'enseigne X..., et qui a interdit à Jean-Claude X... de faire d'autres usages de la dénomination X... que ceux qui étaient antérieurs au dépôt de la marque, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qu'elles emportaient en violation de l'article L. 713-6 du Code de la propriété Intellectuelle ;

2. ALORS QUE la personne physique conserve sur son nom patronymique devenu objet de propriété incorporel un droit absolu qui lui permet de faire de ce patronyme, sans fraude, l'usage commercial qui lui convient, malgré le dépôt du patronyme à titre de marque par un membre de sa famille exerçant un commerce concurrent du sien ; qu'en interdisant à la SA X... CHAUSSEUR l'utilisation du patronyme de son dirigeant pour d'autres usages que ceux qui étaient antérieurs au dépôt du patronyme, à titre de marque, par son frère, la Cour d'appel a violé l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé la décision du tribunal de commerce de Pau du 16 décembre 2008 et condamné la SAS X... CHAUSSEUR à payer à la SAS X... CHAUSSURES la somme de 10. 000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « sur la concurrence déloyale : l'action en concurrence déloyale sanctionne un usage excessif de la liberté et implique que cette liberté n'est restreinte par aucune disposition légale particulière ; que cette action ne peut donc être accueillie concurremment avec l'action en contrefaçon que si, aux faits de contrefaçon spécialement condamnés par la loi, viennent s'en ajouter d'autres dont le caractère excessif ou abusif résulte des principes généraux du droit ou des usages fondés sur la règle de la probité commerciale ; que fondée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil, la concurrence déloyale n'est constituée qu'autant que soient démontrés une faute de la partie adverse, un préjudice et une relation de causalité entre cette faute et le préjudice ; qu'est qualifié d'agissements concurrentiels tout fait quelconque de nature à créer une confusion par tout moyen avec l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent, les allégations fausses de nature à le discréditer ou encore, les indications ou allégations dont l'usage est susceptible d'induire le client en erreur ; qu'en l'espèce cependant, la SAS X... CHAUSSURES se contente de solliciter dans ses écritures le paiement d'une somme globale de 100. 000 euros en réparation de ses préjudices commercial et économique, du fait à la fois de l'usurpation et la contrefaçon de ses signes distinctifs et du détournement de clientèle et marchandises, sans distinguer précisément le préjudice résultant d'actes de concurrence déloyale, et en se prévalant seulement d'un prétendu détournement de clientèle et de marchandises ; qu'il est évident d'une part, que le détournement de clientèle invoqué fait double emploi avec l'indemnisation déjà accordée » ;

ALORS QUE la cour d'appel qui, infirmant le jugement du Tribunal de Commerce de Pau du 16 décembre 2008 qui avait débouté la SAS X... CHAUSSURES de son action en concurrence déloyale, alloue néanmoins une indemnité de 10. 000 € à titre de dommages et intérêts à cette société, sans constater des faits distincts de ceux d'usurpation ou de contrefaçon de signes distinctifs qui auraient été commis par la SA X... CHAUSSEUR, et qui auraient engagé sa responsabilité, au titre de la concurrence déloyale, à l'égard de la SAS X... CHAUSSURES, prive sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code Civil.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau pour la société X... chaussures

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société X... Chausseur pouvait utiliser sa dénomination sociale ou le terme distinctif " X... " pour désigner son point de vente situé 13 rue Serviez à Pau et sur ses produits, à savoir pour les chaussures de femmes fabriquées par la société Paco Valiente qui sont présentées dans ce magasin, Aux motifs propres que, sur l'interdiction d'utilisation et reproduction de la dénomination " X... ", seule ou en combinaison avec d'autres éléments verbaux et l'indemnisation afférente ; qu'il sera rappelé à ce sujet les dispositions de l'article L. 713-6 de ce code selon lesquelles l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique ; que, toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l'enregistrement peut demander qu'elle soit limitée ou interdite ; qu'en l'espèce, comme le fait observer le premier juge, il est effectivement justifié par la société X... Chausseur d'une commercialisation dès 1996 – soit avant la date de l'enregistrement – de chaussures pour femme fabriquées par la société Paco Valiente marquées de l'appellation " X... Chausseur " ; qu'il s'ensuit que l'antériorité de l'utilisation de ces termes par rapport au dépôt de marque lui permet d'en poursuivre l'utilisation, alors qu'il n'est pas rapporté la preuve par la partie adverse qu'un tel usage limité ait porté une atteinte à ses droits ;

Et aux motifs adoptés que la société X... Chausseur prouve commercialiser des chaussures fabriquées par la société Paco Valiente marquées de l'appellation " X... Chaussures " depuis 1996 (chaussures pour femme) ; que cette antériorité de l'utilisation de ces termes par rapport au dépôt de la marque lui permet d'en poursuivre l'usage conformément à l'article L. 713-6 nonobstant la prescription des actions en nullité et revendication des marques (jugement du 11 septembre 2008) ;

Et que il n'est nullement établi que les chaussures pour femmes griffées " X... Chausseur " étaient commercialisées, avant le dépôt de la marque, ailleurs que dans le magasin X... Chausseur, 13 rue Serviez à Pau (jugement rectificatif du 10 novembre 2008) ;

Alors, d'une part, que l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle n'est applicable qu'afin de réglementer l'usage antérieur d'une dénomination sociale, d'un nom commercial, d'une enseigne ou d'un nom ; qu'une telle dérogation aux droits du propriétaire de la marque n'est pas prévue pour une utilisation antérieure à titre de marque d'usage ; qu'en décidant pourtant, en l'espèce, que la société X... Chausseur pourrait continuer à apposer la marque " X... Chausseur " à l'intérieur de certaines chaussures vendues dans l'un de ses magasins puisqu'elle établissait faire cet usage avant son enregistrement par l'exposante, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte précité ;

Alors, d'autre part, que la cour d'appel a rejeté la demande de l'exposante tendant à voir interdire l'usage par la société X... Chausseur du terme distinctif " X... " pour désigner son point de vente 13 rue Serviez à Pau en considérant qu'il était justifié par application des dispositions de l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en ne répondant aux conclusions de l'exposante qui faisait valoir que cette utilisation à titre d'enseigne devait être interdite en ce qu'elle constituait un acte de concurrence déloyale puisqu'elle-même utilisait, pour exercer la même activité et dans la même région, la même enseigne pour désigner ses points de vente, l'arrêt viole l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-14317
Date de la décision : 31/01/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 27 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 31 jan. 2012, pourvoi n°11-14317


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.14317
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