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31/01/2012 | FRANCE | N°10-27599

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 janvier 2012, 10-27599


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du mois de septembre 2002 par la société Bordeaux Limousine, dont l'activité est la location de voitures de luxe avec chauffeur, pour réaliser des "extras" ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps plein et le paiement de rappels de salaires ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 3123-14 du code du travail ;
Attendu selon ce texte, que

le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du mois de septembre 2002 par la société Bordeaux Limousine, dont l'activité est la location de voitures de luxe avec chauffeur, pour réaliser des "extras" ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps plein et le paiement de rappels de salaires ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 3123-14 du code du travail ;
Attendu selon ce texte, que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;
Attendu que pour rejeter les demandes précitées du salarié, l'arrêt retient que si le salarié a atteint certains mois la durée légale du travail, la moyenne de durée de travail est de 80,79 heures par mois et que le salarié recruté comme chauffeur "extra" a toujours eu la possibilité de refuser chaque mission qui lui était proposée et de toujours prévoir chaque mois le rythme auquel il travaillerait pour l'employeur, jusqu'à obtenir de n'avoir aucune mission à effectuer pendant certains mois entiers, et ainsi d'éviter de demeurer en permanence à la disposition de ce dernier ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté des variations importantes dans l'horaire de travail mensuel du salarié, ce dont il résultait que la durée exacte du travail convenue, qui ne pouvait résulter d'une moyenne calculée a posteriori, n'était pas établie, et que le salarié s'était trouvé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur, peu important la faculté de refuser des missions, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article 625 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée du chef des dispositions de l'arrêt relatives à la requalification du contrat de travail entraîne par voie de dépendance nécessaire, celle des dispositions relatives à la demande en paiement de sommes au titre de la majoration du travail le dimanche, de la prime de costume, de la prime d'entretien, et de la prime pour pratique d'une langue étrangère ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes en requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps complet, et en paiement de rappels de salaires et de sommes au titre de la majoration du travail le dimanche, de la prime de costume, de la prime d'entretien, et de la prime pour pratique d'une langue étrangère, l'arrêt rendu le 22 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne la société Bordeaux limousine aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Bordeaux limousine à payer, d'une part, à M. X... la somme de 181,46 euros, d'autre part, à la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, celle de 2 400 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à voir requalifier son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, et d'avoir en conséquence débouté Monsieur X... de ses demandes de rappels de rémunération fondées sur un temps plein.
AUX MOTIFS QUE selon l'article L 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée ; En l'espèce, les parties admettent ("la S.A.R.L. ne disconvient pas") que la relation de travail, commencée par la première mission du jeudi 19 septembre 2002 confiée à M. X... après son offre de service de réaliser des extras comme chauffeur pour la S.A.R.L., a pour cadre juridique un contrat de travail non écrit à durée indéterminée ; Selon l'article L 3123 -14 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit portant diverses mentions prévues au texte ; En l'espèce, l'absence d'un écrit constatant l'existence d'un contrat à temps partiel fait présumer l'existence d'un contrat à temps plein conclu pour la durée légale du travail de 35 heures par semaine ou 151,67 heures par mois. Il s'agit d'une présomption simple contre laquelle est admise la preuve contraire offerte par la S.A.R.L. ; Pour démontrer que le contrat était un contrat à temps partiel, il appartient à la S.A.R.L. de rapporter la preuve de trois éléments cumulés : 1 - la durée exacte du travail inférieure à la durée légale du travail à temps complet, 2 - la répartition du travail sur la semaine ou le mois, 3 - la possibilité pour le salarié de prévoir à quel rythme il pourrait travailler chaque mois et ainsi de ne pas se tenir en permanence à la disposition de l'employeur ; Par les ordres de missions et les bulletins de salaire versés aux débats, la S.A.R.L. établit toutes les missions acceptées par le salarié et effectuées par lui entre le jeudi 19 septembre 2002 et le samedi 21 mai 2005 inclus; elle démontre la durée du travail effectué (1) et la répartition de ce travail sur les différents mois (2) de la relation de travail ; si la durée de travail a atteint certains mois la durée légale à temps plein en mai, juin, septembre et octobre 2003, en mai, octobre et novembre 2004, puis en avril 2005, elle a été inférieure les autres mois; pour un total de 2.666,20 heures sur 33 mois, la moyenne de durée de travail est de 80,79 heures. Est donc inexacte l'affirmation de M. X... selon laquelle il "travaillait en horaire hebdomadaire de 35 heures, le nombre d'heures réellement effectué étant différent d'un mois sur l'autre" ; Pour démontrer la possibilité laissée au salarié de prévoir à quel rythme il pourrait travailler chaque mois et ainsi de ne pas se maintenir en permanence à la disposition de l'employeur (3), la S.A.R.L. expose qu'en fonction des demandes de ses clients, elle contactait par téléphone l'un de ses deux salariés attitrés puis l'un des six "extras" identifiés, parmi lesquels M. X..., jusqu'à trouver un chauffeur disponible pour prendre en charge chaque mission. Dès lors que M. X... restait libre de refuser la mission en fonction de ses autres activités, la S.A.R.L. estime qu'il n'avait pas à se maintenir à sa disposition. Elle souligne qu'ainsi M. X... a eu le loisir de refuser toutes les missions proposées pendant les mois entiers de novembre 2002, décembre 2002, mars 2004, et mars 2005, puis de refuser toutes les missions qui lui ont été proposées après le samedi 21 mai 2005, malgré douze appels téléphoniques sur son numéro personnel entre le 2 et le 13 juin 2005 ; Si M. X... conteste et affirme au contraire n'avoir pas eu la possibilité de prévoir à quel rythme il pourrait travailler et avoir ainsi dû demeurer en permanence à la disposition de la S.A.R.L., il n'en fournit aucune démonstration. S'il ne conteste pas n'avoir accompli aucune mission en novembre et décembre 2002 puis en mars 2004, il persiste à demander une rémunération à temps plein pendant toute la période du 1er septembre 2002 au Il juillet 2004, sans fournir de démonstration qu'il est demeuré à la disposition permanente de la S.A.R.L. entre ces deux dates, omettant encore de s'expliquer sur sa demande de rémunération du 1er au 19 septembre 2002, avant le début de la relation de travail, comme sur celle d'un salaire à temps complet pour tout le mois de juillet 2004 alors qu'il sollicite la délivrance d'une lettre de licenciement au Il juillet 2004 ; Des explications de M. X... selon lesquelles la société qu'il a créée en 2000 et dont il a été le représentant légal a été radiée en mars 2004, il résulte qu'entre septembre 2002 et mars 2004, il a poursuivi l'exercice d'au moins une autre activité que celle de chauffeur "extra" de la S.A.R.L. BORDEAUX LIMOUSINE ; Curieusement, M. X... ne fournit aucune explication non plus sur l'absence totale de demande de sa part pour des rappels de salaires et des accessoires de salaire concernant la période postérieure au juillet 2004, alors qu'il est démontré par la S.A.R.L. et non contesté par lui qu'il a continué au-delà du 31 juillet 2004 à accomplir des missions de chauffeur "extra" pour la S.A.R.L. BORDEAUX LIMOUSINE jusqu'à fin mai 2005, dans les mêmes conditions qu'avant le 31 juillet 2004 ; Au vu de ces éléments fournis par les parties, la cour retient que la preuve est rapportée de l'existence d'un contrat de travail à temps partiel entre la S.A.R.L. et M. X... à compter du 19 septembre 2002, dès lors qu'il est démontré que le salarié recruté comme chauffeur "extra" a toujours eu la possibilité de refuser chaque mission qui lui était proposée et de toujours prévoir chaque mois le rythme auquel il travaillerait pour la S.A.R.L., jusqu'à obtenir de n'avoir aucune mission à effectuer pendant certains mois entiers, et ainsi d'éviter de demeurer en permanence à la disposition de la S.A.R.L.
ALORS QUE, en l'absence d'écrit constatant l'existence d'un contrat de travail à temps partiel, le contrat à temps partiel est présumé conclu à temps plein ; qu'il appartient à l'employeur qui entend contester cette présomption de rapporter la preuve de la durée exacte de travail, de la répartition exacte de l'horaire de travail, et de la possibilité laisser au salarié de ne pas se tenir à la disposition permanente de son employeur ; que pour refuser de faire droit à la demande de M. X..., la Cour d'appel a considéré que le salarié avait la possibilité de prévoir à quel rythme il pourrait travailler chaque mois et ainsi qu'il n'avait pas l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de son employeur ; qu'en statuant ainsi, alors même qu'elle constatait également que « si la durée de travail a atteint certains mois la durée légale à temps plein en mai, juin, septembre et octobre 2003, en mai, octobre et novembre 2004, puis en avril 2005, elle a été inférieure les autres mois; pour un total de 2.666,20 heures sur 33 mois, la moyenne de durée de travail est de 80,79 heures », ce dont il se déduisait nécessairement que la durée exacte du travail convenue n'était pas établie et que le salarié s'était trouvé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant ainsi les dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail;
ALORS encore QUE le défaut de réclamation d'une rémunération ne vaut pas acquiescement à la qualification du contrat ; qu'en se fondant sur le défaut de demande pour la période postérieure au 31 juillet, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant, et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions susvisées
ALORS aussi QU'en se fondant sur l'affirmation que Monsieur X... exerçait une autre activité, ce qui n'était pas de nature à démontrer que le rythme imposé par son employeur était prévisible, la Cour d'appel a encore statué par un motif inopérant, et n'a pas plus justifié sa décision au regard desdites dispositions.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de ses demandes de rappels de salaires au titre notamment de la majoration du travail le dimanche, de la prime de costume, de la prime d'entretien, et de la prime pour pratique d'une langué étrangères, ces demandes étant fondées sur les dispositions de la Convention collective des transports applicables aux contrats de travail à temps complet
AUX MOTIFS QUE estimant avoir été titulaire d'un contrat à durée indéterminée à temps complet, M. X... revendique, pour chaque mois, du 1er septembre 2002 au 31 juillet 2004, y compris pour les mois où il n'a effectué aucune mission, que la S.A.R.L. lui paie la différence entre le salaire effectivement perçu et un salaire mensuel représentant le SMIC à temps complet, augmentée d'une somme qualifiée d'indemnités représentant le regroupement des majorations pour heures de nuit, dimanches et jours fériés, prime de langue, prime de costume et prime d'entretien du véhicule prévues à la convention collective des transports ; La S.A.R.L. a effectuée un calcul reprenant le salaire dû pour les seules heures de travail effectuées après retranchement des temps de pauses repas qu'elle n'avait pas prises en compte à l'origine ; elle y a ajouté les primes conventionnelles pour langue étrangère, costume et entretien (nettoyage) du véhicule ; Il résulte de ce dernier calcul que, sur la totalité de la période du 19 septembre 2002 au 21 mai 2005, M. X... a reçu une somme de 5.144,62 € en trop pour le travail effectué ; Au vu de ces éléments, la cour estime qu' il n'est dû à M. X... ni rappel de salaire, ni majoration pour travail du dimanche et des jours fériés, ni prime de costume, ni prime d'entretien, ni prime pour la pratique d'une langue étrangère ; En conséquence, réformant le jugement, elle déboute M. X... de ces chefs de sa demande.
ALORS QUE, pour refuser de faire droit aux demandes indemnitaires et de rappels de salaire de M. X..., la Cour d'appel a considéré que le calcul des rappels salaires devait être effectué sur la base du salaire dû pour les seules heures de travail effectuées après retranchement des temps de pauses repas, et non pas sur la base d'un temps plein ; que la cassation à intervenir sur les dispositions du premier moyen, ayant dit que le contrat de travail du salarié devait nécessairement s'analyser en un contrat de travail à temps plein, par application de l'article 624 du Code de procédure Civile, entrainera celle des dispositions ayant refusé d'accorder au salarié les rappels et indemnité susvisés.
ALORS SURTOUT QUE, toute modification du contrat de travail implique nécessairement l'accord exprès du salarié ; Que pour refuser de faire droit aux demandes d'indemnités et de rappels de salaire du salarié, la Cour d'appel, qui s'est fondée uniquement sur le montant de la rémunération, sans rechercher si le salarié avait donné son accord exprès à l'intégration de primes conventionnelles dans le salaire contractuel, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-27599
Date de la décision : 31/01/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 22 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 jan. 2012, pourvoi n°10-27599


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.27599
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