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29/11/2011 | FRANCE | N°10-25657

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 novembre 2011, 10-25657


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Part Dieu automobiles et Auto Finance que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Honda ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Etablissement Clamagirand (le concessionnaire), concessionnaire exclusif de la marque Honda, s'est vue notifier par la société Honda Motor Europe -South (la société Honda) la résiliation de son contrat à durée indéterminée, sans préavis, au motif que ses objectifs de vente n'avaient

pas été atteints ; qu'invoquant des modifications unilatérales des conditions ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Part Dieu automobiles et Auto Finance que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Honda ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Etablissement Clamagirand (le concessionnaire), concessionnaire exclusif de la marque Honda, s'est vue notifier par la société Honda Motor Europe -South (la société Honda) la résiliation de son contrat à durée indéterminée, sans préavis, au motif que ses objectifs de vente n'avaient pas été atteints ; qu'invoquant des modifications unilatérales des conditions contractuelles par la société Honda et une résiliation infondée de son contrat, la société Part dieu automobile (la société PDA), venant aux droits du concessionnaire par suite d'une fusion-absorption, et la société AutoFinance, holding de la première, ont assigné en réparation de leurs préjudices la société Honda, laquelle a sollicité à titre reconventionnel le paiement de factures et de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :
Attendu que la société Honda fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait rompu irrégulièrement le contrat de concession et de l'avoir condamnée à payer à la société PDA une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que par courrier du 8 janvier 2002, répondant à une lettre du concessionnaire du 4 janvier 2002 par laquelle ce dernier indiquait ne pas vouloir assumer les frais d'une expertise pour la fixation de l'objectif 2001, l'année 2001 étant achevée, la société Honda écrivait : «Nous accusons réception de votre courrier en date du 4 janvier et nous avons bien noté votre désintérêt pour la fixation de l'objectif commercial 2001. Etant donné que nous sommes en début d'année 2002, nous pensons aussi que la fixation de cet objectif n'a plus de justification aujourd'hui. Aussi, nous informons le tiers expert que nous n'aurons pas besoin de ses services. Le raisonnement que vous utilisez pour calculer un objectif commercial n'en reste pas moins faussé. En effet, un objectif ne se calcule pas en fin d'année avec les réalisations de la marque mais en début d'année avec l'objectif national. Aussi, nous continuons à penser que les objectifs donnés en début d'année 2001 étaient bons» ; qu'il résultait très clairement des termes de ce courrier du 8 janvier 2002 que la société Honda n'avait pas renoncé à ce que l'année 2001 soit assortie d'un objectif, estimant au contraire que l'objectif à considérer pour cette année était bien le sien, ni à se prévaloir de la clause résolutoire de l'article 35.1.2 du contrat de concession ; qu'en jugeant cependant que la société Honda avait renoncé à la faculté de prononcer la résiliation prévue à l'article 35.1.2, la cour d'appel a dénaturé le courrier du 8 janvier 2002, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'en considérant que le fait de n'avoir pas mené la procédure de fixation des objectifs à son terme, par la saisine d'un tribunal, la société Honda avait renoncé à la fixation d'un objectif contractuel et à la faculté de prononcer la résiliation prévue à l'article 35.1.2 du contrat de concession, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil, ensemble le principe selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ;
3°/ que, dans ses conclusions signifiées le 3 février 2010, la société Honda faisait valoir que la renonciation expresse de la société Clamagirand à la fixation de l'objectif 2001 exprimée dans son courrier du 4 janvier 2002 pouvait en toute hypothèse être interprétée comme une acceptation tacite de l'objectif de 160 véhicules neufs proposé par la société Clamagirand, objectif devant être réalisé à hauteur de 75 % au moins et que, réalisé qu'à hauteur de 65,6 % de l'objectif que le concessionnaire avait lui-même proposé, le concédant était en droit d'invoquer la clause résolutoire de l'article 35.1.2 du contrat de concession litigieux ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen décisif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que, dans ses conclusions signifiées le 3 février 2010, la société Honda faisait valoir que le tribunal avait à juste titre retenu que «la société Clamagirand a fait preuve de mauvaise foi dans le cadre de l'exécution du contrat en ne répondant pas aux propositions d'objectif de la société Honda puis en refusant de signer la mission de l'expert alors que les parties avaient convenu d'un nom. La société Clamagirand a volontairement laissé s'écouler l'année 2001 pour contester l'objectif qui lui était proposé et indiquer un autre chiffre au mois de janvier 2002. Par ailleurs, la société Clamagirand ne verse pas aux débats une étude effectuée par un tiers expert donnant une évaluation de l'objectif de vente qui pouvait lui être attribuée en 2001 en fonction de l'état du marché à cette époque. Le tribunal retiendra en conséquence pour l'année 2001 un objectif de vente de 270 véhicules pour les deux concessions» ; et que l'on ne pouvait reprocher à la société Honda le non-respect de la procédure de l'article 12 du contrat, privée d'effet par la mauvaise foi du concessionnaire ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu , en premier lieu, qu'ayant relevé que les parties n'avaient pu trouver aucun accord ni sur un objectif pour 2001 ni sur une expertise, la cour d'appel, qui a ainsi exclu toute acceptation tacite des objectifs par le concessionnaire, a répondu au moyen visé par la troisième branche ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé, sans dénaturer les courriers échangés entre les parties, que le concessionnaire avait fait valoir l'inutilité de poursuivre la procédure de fixation des objectifs par un expert et que la société Honda, en se ralliant à cette position, avait renoncé à la fixation d'un objectif contractuel pour l'année 2001, et ce faisant, à la faculté de résiliation prévue à l'article 35.1.2 du contrat dont cet objectif constituait l'une des conditions, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que la situation n'était pas imputable au seul concessionnaire mais résultait d'une position commune des parties, en a exactement déduit que la société Honda ne pouvait résilier le contrat sur le fondement de cet article en invoquant le non- respect d'un objectif qui n'avait pas été régulièrement déterminé ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Attendu que les sociétés PDA et la société Auto Finance font grief à l'arrêt d'avoir limité à la somme de 25 000 euros la condamnation de la société Honda au titre des dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat de concession du 6 janvier 1997, alors, selon le moyen, que les juges du fond ne peuvent fonder leur décision sur une stipulation contractuelle non invoquée par les parties à l'appui de leurs prétentions sans inviter ces dernières à débattre contradictoirement de son incidence sur la solution du litige ; qu'en faisant application de l'article 35.1.2 du contrat de concession du 6 janvier 1997 produit par les parties prévoyant que, en cas de manquement par le concessionnaire à une obligation essentielle, la résiliation ne peut intervenir que 30 jours après une mise en demeure restée infructueuse, afin de cantonner à la réparation de la perte d'une chance l'indemnisation de la société PDA et de limiter à la somme de 25 000 euros le montant des dommages-intérêts alloués à cette dernière, la cour d'appel, qui a fondé sa décision sur une stipulation contractuelle qu'elle a relevée d'office, sans que les parties, qui ne l'avaient pas spécialement invoquée, aient été mises en mesure d'en débattre contradictoirement, a violé les articles 7, alinéa 2 et 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant été saisie d'une demande indemnitaire au titre de la résiliation abusive d'un contrat produit par les parties, c'est sans violer le principe de la contradiction que la cour d'appel s'est fondée sur l'une de ses stipulations, qui était ainsi dans le débat, pour déterminer quelle aurait dû être la procédure à suivre et quel préjudice résultait de cette situation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le même moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que pour limiter à la somme de 25 000 euros la condamnation de la société Honda à verser à la société PDA des dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat de concession l'arrêt retient que le préjudice consiste dans la perte de chance de poursuivre les relations contractuelles, au moins pour deux nouvelles années, à l'issue du délai contractuel d'un mois ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'il n'était pas soutenu que le préjudice subi par la société PDA consistait en la perte d'une chance, la cour d'appel, qui a relevé d'office le moyen pris de l'existence d'un tel préjudice sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Honda à payer à la société Part Dieu Automobiles, venant aux droits de la société Etablissements Clamagirand, la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 27 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Honda France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux sociétés Part Dieu automobiles et Auto finance la somme globale de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour les sociétés Part Dieu automobiles et Auto finance (demanderesses au pourvoi principal)
Le moyen fait grief à l'arrêt infîrmatif attaqué d'avoir limité à la somme de 25.000 euros la condamnation de la Société HONDA MOTOR EUROPE (SOUTH) à verser à la Société PART DIEU AUTOMOBILES des dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat de concession du 6 janvier 1997 ;
Aux motifs que «sur la résiliation du contrat, les appelantes font valoir que le contrat ne pouvait être résilié avec effet immédiat le 18 mars 2003 dès lors que les conditions d'application de l'article 35.1.2 n'étaient pas réunies, faute d'objectif convenu pour 2.001, que de toute façon les chiffres prévus pour 2001 et 2002 n'étaient ni objectifs ni équitables, les réalisations de Clamagirand en 2001 étant satisfactoires à cet égard, que cette dernière n'a pas manqué à ses obligations de moyens pour réaliser les objectifs, ses ventes ayant diminué de 50% quand celles de la marque avaient reculé de 48% dans le même temps, que c'est Honda qui a manqué à ses propres obligations d'importateur; que l'article 12 du contrat "Objectif de vente" est ainsi rédigé : "Le concessionnaire s'engage à s'efforcer de vendre, à l'intérieur du territoire et au titre de chaque année civile, un nombre limité de produits, fixé d'un commun accord entre les parties. Cet accord sera conclu annuellement au plus tard le 31 mars. Si les parties ne se mettent pas d'accord, ce nombre minimal sera fixé par un tiers expert en tenant compte notamment des ventes précédemment réalisées dans le territoire ainsi que des objectifs commerciaux du concédant et des estimations prévisionnelles de ventes pour le territoire et au niveau national. L'expert sera choisi d'un commun accord. A défaut d'accord, il sera désigné par le Président du Tribunal de grande instance de Paris, statuant en référé à la requête de la partie la plus diligente. L'avis du tiers expert liera les parties et ne sera susceptible d'aucun recours ..." ; qu'il s'évince de ces stipulations que les parties ont expressément envisagé une situation de blocage et prévu les modalités pour en sortir, ces modalités s'imposant à elles sans qu'elles puissent y déroger sauf nouvel accord ; qu'en l'espèce, il est constant que les parties n'ont pu trouver un accord ni sur un objectif pour 2,001, ni sur une expertise, un nom ayant certes été retenu mais Clamagirand n'ayant pas donné de suite à la proposition transmise par Honda en novembre 2001, au motif fourni ultérieurement qu'elle n'envisageait pas d'en supporter le coût, fût-ce par moitié ; que, dès le 4 janvier 2002, Clamagirand faisait valoir à Honda l'inutilité de poursuivre la procédure, l'année, étant écoulée, ce à quoi le concédant s'est rallié le 8 janvier suivant ; qu'en agissant ainsi, sans faire preuve de la diligence exigée par cette clause, c'est-à-dire sans mener la procédure conventionnelle à son terme, Honda a renoncé à la fixation d'un objectif contractuel et, ce faisant, à la faculté de prononcer la résiliation prévue à l'article 35.1.2 dont cet objectif constitue l'une des conditions ; qu'elle ne pouvait en effet résilier le contrat en se fondant sur un objectif qui n'avait pas été déterminé régulièrement ; que Honda ne saurait davantage justifier la résiliation sans préavis, a posteriori, par des manquements essentiels de Clamagirand à ses obligations contractuelles, notamment à son obligation de moyens pour parvenir à la vente de suffisamment de produits, dès lors que cette hypothèse est également prévue par l'article 35.1.1, qui prévoit qu'en cas de manquement à une obligation essentielle, la résiliation ne peut intervenir que trente jours après une mise en demeure infructueuse ; que les manquements reprochés à Clamagirand, qui duraient depuis plusieurs mois, ne revêtaient pas une gravité ou une soudaineté telles que le maintien du contrat serait devenu impossible et que Honda aurait été fondée à s'affranchir des formalités expressément prévues en ce cas ; qu'il suit de là que la résiliation dénoncée le 18 mars 2003 sans préavis est irrégulière ; que toutefois, ce constat ne conduit pas nécessairement à considérer que le préjudice de Clamagirand serait constitué par la perte de deux années d'activité, comme si le concédant avait procédé à une résiliation avec préavis ; qu'en effet, dans cette espèce où la dégradation des relations avec Honda était patente et où le concédant avait de nombreux griefs à faire valoir, ce dernier, dès lors qu'il estimait avoir de justes motifs de rompre le contrat, même si, formellement, il ne pouvait invoquer la clause d'objectif conventionnelle, aurait dû délivrer à Clamagirand une mise en demeure visant les manquements reprochés et lui donnant la possibilité d'y remédier dans un délai de trente jours ; qu'en ne l'ayant pas fait, Honda a privé Clamagirand de la chance de poursuivre les relations, au moins pour deux nouvelles années, à l'issue du délai contractuel d'un mois ; que le préjudice de Clamagirand consiste donc, non seulement dans la privation du mois supplémentaire d'activité qui lui aurait été accordé en ce cas, mais aussi dans la perte de la chance de percevoir les fruits du contrat pendant deux nouvelles années à l'expiration des trente jours contractuels ; qu'il appartient donc à la cour d'apprécier la probabilité de cette chance ; qu'à cet égard, même si la marque Honda a connu un net recul, admis d'ailleurs, en 2000, les performances de Clamagirand, qui détenait une concession majeure sur le territoire français ont connu un effondrement bien supérieur à la même époque ; qu'ainsi, Honda produit les chiffres des ventes dont il résulte que la moyenne des concessions a reculé en 2000 de 38,74% quand Clamagirand subissait une diminution de 60,80%, passant de la 6e place à la 14e place parmi les concessionnaires français ; que, de même, en 2001, Clamagirand enregistrait encore une chute de 23,91% contre 11,76% pour l'ensemble des concessions, cependant qu'en 2002, alors que la marque connaissait un redressement qui se traduisait par une reprise de 20% pour l'ensemble des concessions, Clamagirand chutait encore de 20% et passait en 26e place ; que Clamagirand, qui ne conteste pas ne pas avoir atteint l'objectif contractuel de 195 qu'elle avait accepté pour 2002, n'ayant réalisé que 84 ventes (soit 43,1%), admet elle-même qu'elle ne l'aurait pas atteint non plus en 2001 ; qu'elle estime en effet qu'il aurait été raisonnable de fixer l'objectif pour cet exercice à 158, alors qu'elle n'a vendu que 107 véhicules, ce qui n'en représente que 68%; qu'ainsi, ses performances se situaient bien en-deçà du seuil de 75% fixé par le contrat, et autorisaient Clamagirand à douter sérieusement de son implication, d'autant qu'il résulte encore des pièces produites, notamment d'un rapport de visite du 28 février 2002 que le chef de région qui s'était rendu surplace avait relevé le peu de véhicules en stock (que Clamagirand a expliqué par la nécessité de financer les travaux de la rue de l'Université qu'elle promettait à Honda depuis le début de leurs relations, et qu'elle n'a jamais réalisés), l'insuffisance du personnel dédié (un directeur de concession commun à plusieurs marques et non présent surplace, 3 vendeurs dont un seul travaillait réellement, les deux autres étant soit en apprentissage soit insuffisamment qualifié, étant préparateur), en contradiction d'ailleurs avec l'article 20.1 du contrat et les demandes réitérées du concédant, l'auteur du rapport concluant en ces termes : "J'ai vraiment l'impression qu'ils n'ont plus envie, les résultats sont très mauvais, les immatriculations en Civic sont des véhicules de démonstration ! Et aucune immatriculation en CRV depuis le 1er janvier. Dans ce contexte, les engagements ne seront évidemment pas faits ni les objectifs de vente d'ailleurs, ça se dégrade de plus en plus ! Même les courriers n'y font rien" ; qu'en outre, les documents comptables de Clamagirand révèlent qu'alors qu'elle en avait expressément contracté l'obligation (article 10), elle a réduit sévèrement ses dépenses de publicité au cours de la période considérée, passant de i.278.396 euros en 1999, à 548.435 euros en 2000 (- 57,10%) puis à 412.958 euros en 2001 (- 24,70%) pour remonter à 572.152 euros en 2002 (+ 38,55%), bien en dessous de ce qu'elle avait consenti en 1999 ; que, dans ces conditions, il n'est pas surprenant que son taux de pénétration du marché en 2002 soit nettement inférieur à celui de la marque en France et même dans la région : 0,20% pour Lyon-Villefranche contre 0,39% dans la région et 0,30% en France, alors qu'il en était très proche en 1999 et 2000 ; qu'en l'état de cette dégradation de la situation commerciale de Clamagirand en moment de la notification, traduisant un manquement avéré à son obligation de moyens, la probabilité était faible qu'elle soit en mesure de redresser la concession dans un délai de trente jours, à supposer qu'elle en ait eu envie d'ailleurs, Honda soutenant que c'est délibérément qu'elle a choisi de la délaisser, au profit des nombreuses autres marques exploitées par le groupe, notamment Hyundai (le 16 mars 2001, M. X..., dirigeant du groupe, avait écrit à Hyundai qu'il était possible qu'il arrête la concession Honda, et 3 constats dressés courant 2001 à la requête de Honda révèlent que Clamagirand exposait des véhicules de cette marque devant sa propre concession) ; que, dès lors, la Cour estime que le préjudice subi par Clamagirand sera justement réparé par l'allocation d'une somme globale de 25.000 euros » ;
Alors que, d'une part, les juges du fond ne peuvent fonder leur décision sur une stipulation contractuelle non invoquée par les parties à l'appui de leurs prétentions sans inviter ces dernières à débattre contradictoirement de son incidence sur la solution du litige ; qu'en faisant application de l'article 35.1.1 du contrat de concession du 6 janvier 1997 produit par les parties prévoyant que, en cas de manquement par le concessionnaire à une obligation essentielle, la résiliation ne peut intervenir que 30 jours après une mise en demeure restée infructueuse, afin de cantonner à la réparation de la perte d'une chance l'indemnisation de la Société PART DIEU AUTOMOBILES et de limiter à la somme de 25.000 euros le montant des dommages-intérêts alloués à cette dernière, la Cour d'appel, qui a fondé sa décision sur une stipulation contractuelle qu'elle a relevée d'office, sans que les parties, qui ne l'avaient pas spécialement invoquée, aient été mises en mesure d'en débattre contradictoirement, a violé les articles 7, alinéa 2 et 16 du Code de procédure civile ;
Alors que, d'autre part, les juges doivent, en toutes circonstances, faire observer et observer eux-mêmes le principe de la contradiction ; que pour limiter l'indemnisation du préjudice subi par la Société PART DIEU AUTOMOBILES à la somme de 25.000 euros, la Cour d'appel a énoncé que le préjudice en cause ne consistait que dans la perte de la chance de percevoir les fruits du contrat de concession pendant les deux années de préavis contractuel suivant la décision du constructeur de résilier ledit contrat ; qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune des parties, fût-ce subsidiairement, n'avait sollicité des juges qu'ils cantonnent l'indemnisation du préjudice subi à la réparation de la perte d'une chance, la Cour d'appel, qui s'est abstenue d'inviter les parties à fournir leurs observations contradictoires sur ce point, a violé l'article 16 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour la société Honda France (demanderesse au pourvoi incident)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif de ce chef attaqué d'AVOIR dit que la société Honda Motor Europe (South) avait rompu irrégulièrement le 18 mars 2003 le contrat de concession qui la liait à la société Etablissements Clamagirand depuis le 6 janvier 1997 et de l'avoir en conséquence condamnée à payer à la société Part Dieu Automobiles, venant aux droits de la société Etablissements Clamagirand la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE les appelantes font valoir que le contrat ne pouvait être résilié avec effet immédiat le 18 mars 2003 dès lors que les conditions d'application de l'article 35.1.2 n'étaient pas réunies, faute d'objectif convenu pour 2001, que de toute façon les chiffres prévus pour 2001 et 2002 n'étaient ni objectifs ni équitables, les réalisations de Clamagirand en 2001 étant satisfactoires à cet égard, que cette dernière n'a pas manqué à ses obligations de moyens pour réaliser ses objectifs, ses ventes ayant diminué de 50 % quand celles de la marque avaient reculé de 48 % dans le même temps, que c'est Honda qui a manqué à ses propres obligations d'importateur ; considérant que l'article 12 du contrat « OBJECTIF DE VENTE» est ainsi rédigé : «Le concessionnaire s'engage à s'efforcer de vendre, à l'intérieur du territoire et au titre de chaque année civile, un nombre limité de produits, fixé d'un commun accord entre les parties. Cet accord sera conclu annuellement au plus tard le 31 mars. Si les parties ne se mettent pas d'accord, ce nombre minimal sera fixé par un tiers expert en tenant compte notamment des ventes précédemment réalisées dans le territoire ainsi que des objectifs commerciaux du concédant et des estimations prévisionnelles de ventes pour le territoire et au niveau national. L'expert sera choisi d'un commun accord. A défaut d'accord, il sera désigné par le président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en référé à la requête de la partie la plus diligente. L'avis du tiers expert liera les parties et ne sera susceptible d'aucun recours … » ; qu'il s'évince de ces stipulations que les parties ont expressément envisagé une situation de blocage et prévu les modalités pour en sortir, ces modalités s'imposant à elles sans qu'elles puissent y déroger sauf nouvel accord ; qu'en l'espèce il est constant que les parties n'ont pu trouver un accord ni sur un objectif pour 2001, ni sur une expertise, un nom ayant certes été retenu mais Clamagirand n'ayant pas donné de suite à la proposition transmise par Honda en novembre 2001, au motif fourni ultérieurement qu'elle n'envisageait pas d'en supporter le coût, fût-ce par moitié ; que, dès le 4 janvier 2002, Clamagirand faisait valoir à Honda l'inutilité de poursuivre la procédure, l'année étant écoulée, ce à quoi le concédant s'est rallié le 8 janvier suivant ; qu'en agissant ainsi, sans faire preuve de la diligence exigée par cette clause, c'est-à-dire sans mener la procédure conventionnelle à son terme, Honda a renoncé à la fixation d'un objectif contractuel et, ce faisant, à la faculté de prononcer la résiliation prévue à l'article 35.1.2 dont cet objectif constitue l'une des conditions ; qu'elle ne pouvait en effet résilier le contrat en se fondant sur un objectif qui n'avait pas été déterminé régulièrement ;
1/ ALORS QUE par courrier du 8 janvier 2002 (pièce adverse n° 62, production), répondant à une lettre du concessionnaire du 4 janvier 2002 (pièce adverse n° 61, production) par laquelle ce dernier indiquait ne pas vouloir assumer les frais d'une expertise pour la fixation de l'objectif 2001, l'année 2001 étant achevée, la société HME-S écrivait : « Nous accusons réception de votre courrier en date du 4 janvier et nous avons bien noté votre désintérêt pour la fixation de l'objectif commercial 2001. Etant donné que nous sommes en début d'année 2002, nous pensons aussi que la fixation de cet objectif n'a plus de justification aujourd'hui. Aussi, nous informons le tiers expert que nous n'aurons pas besoin de ses services. Le raisonnement que vous utilisez pour calculer un objectif commercial n'en reste pas moins faussé.
En effet, un objectif ne se calcule pas en fin d'année avec les réalisations de la marque mais en début d'année avec l'objectif national. Aussi, nous continuons à penser que les objectifs donnés en début d'année 2001 étaient bons » ; qu'il résultait très clairement des termes de ce courrier du 8 janvier 2002 que la société HME-S n'avait pas renoncé à ce que l'année 2001 soit assortie d'un objectif, estimant au contraire que l'objectif à considérer pour cette année était bien le sien, ni à se prévaloir de la clause résolutoire de l'article 35.1.2 du contrat de concession ; qu'en jugeant cependant que la société HME-S avait renoncé à la faculté de prononcer la résiliation prévue à l'article 35.1.2, la cour d'appel a dénaturé le courrier du 8 janvier 2002, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
2/ ALORS QUE, en considérant que le fait de n'avoir pas mené la procédure de fixation des objectifs à son terme, par la saisine d'un tribunal, la société HME-S avait renoncé à la fixation d'un objectif contractuel et à la faculté de prononcer la résiliation prévue à l'article 35.1.2 du contrat de concession, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil, ensemble le principe selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ;
3/ ALORS QUE, dans ses conclusions signifiées le 3 février 2010 (page 44, production), la société HME-S faisait valoir que la renonciation expresse de la société Clamagirand à la fixation de l'objectif 2001 exprimée dans son courrier du 4 janvier 2002 pouvait en toute hypothèse être interprétée comme une acceptation tacite de l'objectif de 160 véhicules neufs proposé par la société Clamagirand, objectif devant être réalisé à hauteur de 75 % au moins et que, réalisé qu'à hauteur de 65,6 % de l'objectif que le concessionnaire avait lui-même proposé, le concédant était en droit d'invoquer la clause résolutoire de l'article 35.1.2 du contrat de concession litigieux ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen décisif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4/ ALORS QUE, dans ses conclusions signifiées le 3 février 2010 (pages 41 et 42, production),la société HME-S faisait valoir que le tribunal avait à juste titre retenu que « la société Clamagirand a fait preuve de mauvaise foi dans le cadre de l'exécution du contrat en ne répondant pas aux propositions d'objectif de la société Honda puis en refusant de signer la mission de l'expert alors que les parties avaient convenu d'un nom. La société Clamagirand a volontairement laissé s'écouler l'année 2001 pour contester l'objectif qui lui était proposé et indiquer un autre chiffre au mois de janvier 2002. Par ailleurs, la société Clamagirand ne verse pas aux débats une étude effectuée par un tiers expert donnant une évaluation de l'objectif de vente qui pouvait lui être attribuée en 2001 en fonction de l'état du marché à cette époque. Le tribunal retiendra en conséquence pour l'année 2001 un objectif de vente de 270 véhicules pour les deux concessions » (jugement p.10, § 3 et 4) ; et que l'on ne pouvait reprocher à la société HME-S le non-respect de la procédure de l'article 12 du contrat, privée d'effet par la mauvaise foi du concessionnaire ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-25657
Date de la décision : 29/11/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 nov. 2011, pourvoi n°10-25657


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Defrenois et Levis, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
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