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29/11/2011 | FRANCE | N°10-25027

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 novembre 2011, 10-25027


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 juin 2010), que la société Altead Augizeau, spécialisée dans les transports exceptionnels, notamment le transport de catamarans, disposait d'un établissement secondaire à La Rochelle depuis 2006 ; que la société Capelle, venant aux droits de la société Les Marins de la Route et ayant son siège à Martigues, a également ouvert un établissement secondaire à La Rochelle ; qu'en juillet-août

2006 cinq employés de la société Altead Augizeau ont démissionné et ont été...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 juin 2010), que la société Altead Augizeau, spécialisée dans les transports exceptionnels, notamment le transport de catamarans, disposait d'un établissement secondaire à La Rochelle depuis 2006 ; que la société Capelle, venant aux droits de la société Les Marins de la Route et ayant son siège à Martigues, a également ouvert un établissement secondaire à La Rochelle ; qu'en juillet-août 2006 cinq employés de la société Altead Augizeau ont démissionné et ont été embauchés par la société Capelle en août, septembre et octobre 2006 à l'agence de La Rochelle ; que la société Altead Augizeau a assigné la société Capelle en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;
Attendu que la société Capelle fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu du principe de la liberté du travail, l'embauche par un employeur d'un ou plusieurs salariés ayant précédemment appartenu à une autre entreprise exerçant une activité dans le même secteur, qui n'étaient pas liés à cette entreprise par une clause de non-concurrence, ne saurait constituer en soi un acte de concurrence déloyale, en l'absence de manoeuvres déloyales de débauchage ; qu'en l'espèce, en se déterminant comme elle l'a fait, sans avoir nullement caractérisé l'existence de quelconques manoeuvres frauduleuses commises par la société Capelle aux fins de débaucher des salariés de la société Altead Augizeau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;
2°/ que, même en présence de manoeuvres déloyales de débauchage, l'existence d'une concurrence déloyale par débauchage massif est subordonnée à la condition que ces manoeuvres aient entraîné une véritable désorganisation de l'entreprise ayant eu une incidence mesurable sur son activité, et non une simple perturbation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à constater qu'après le départ des cinq salariés en question, la société Altead Augizeau avait dû recruter du personnel et le former en urgence, ce qui aurait révélé que les cinq salariés avaient un savoir faire spécifique dont ne disposaient pas en l'état les 345 autres employés de la société Altead Augizeau ; qu'en inférant une concurrence déloyale de tels motifs, qui révélaient tout au plus une perturbation de la société inhérente au départ des salariés, mais étaient impropres à caractériser une véritable désorganisation ayant une incidence mesurable sur son activité, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que cinq salariés de la société Altead Augizeau, seuls salariés de cette entreprise à disposer d'un savoir faire spécialisé et d'une expérience dans le transport de catamarans, ont démissionné en même temps et ont été immédiatement embauchés par la société Capelle, qui entendait développer cette activité, pour constituer son agence de La Rochelle, que pour faire face à ces défections la société Altead Augizeau a dû recruter du personnel et surtout le former en urgence, que ces défections se sont accompagnées d'une perte de clientèle, le client Fountaine Pajot, dont les transports étaient assurés par les salariés précités depuis 1982, étant devenu client de la société Capelle ; qu'en l'état de ces constatations souveraines dont il se déduit que la société Capelle a désorganisé l'activité de transport de catamarans de la société Altead Augizeau et que cette désorganisation, qui s'est accompagnée d'une captation de clientèle, a exposé la société Altead Augizeau à une perte de chiffre d'affaires et à des coûts de recrutement et de formation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les deux dernières branches du moyen ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Capelle aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Altead Augizeau la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Capelle.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Capelle à payer à la société Altead Augizeau la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, et de celle de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la responsabilité pour concurrence déloyale supposait la preuve d'une faute (la déloyauté des pratiques concurrentielles), un préjudice et un lien de causalité entre faute et préjudice ; (…) que l'ensemble des salariés démissionnaires en même temps en juillet et août 2006 avaient été immédiatement embauchés en août et septembre 2006 par la société Capelle pour constituer son établissement de la Rochelle ; qu'au regard d'un service spécialisé, le débauchage était donc bien massif, à telle enseigne que la société Altead Augizeau avait dû recruter du personnel et le former en urgence, ce qui établissait que sur les 350 membres de son effectif, ils étaient les seuls détenteurs d'un savoir faire particulier que s'était approprié la société Capelle et dont la brusque privation l'avait désorganisée ; que cette captation de compétence s'était accompagnée d'une captation de clientèle en la personne de Fountaine Pajot, dont les transports aux dires de la société Multitrans étaient assurés par les salariés précités depuis 1982 ; que la société Capelle s'était octroyée de façon déloyale un avantage concurrentiel déterminant en reprenant une équipe de salariés spécialisée et expérimentée dans un domaine qu'elle entendait développer ;
ALORS 1°) QUE, en vertu du principe de la liberté du travail, l'embauche par un employeur d'un ou plusieurs salariés ayant précédemment appartenu à une autre entreprise exerçant une activité dans le même secteur, qui n'étaient pas liés à cette entreprise par une clause de non-concurrence, ne saurait constituer en soi un acte de concurrence déloyale, en l'absence de manoeuvres déloyales de débauchage ; qu'en l'espèce, en se déterminant comme elle l'a fait, sans avoir nullement caractérisé l'existence de quelconques manoeuvres frauduleuses commises par la société Capelle aux fins de débaucher des salariés de la société Altead Augizeau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;
ALORS 2°) QU'EN OUTRE, même en présence de manoeuvres déloyales de débauchage, l'existence d'une concurrence déloyale par débauchage massif est subordonnée à la condition que ces manoeuvres aient entraîné une véritable désorganisation de l'entreprise ayant eu une incidence mesurable sur son activité, et non une simple perturbation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à constater qu'après le départ des cinq salariés en question, la société Altead Augizeau avait dû recruter du personnel et le former en urgence, ce qui aurait révélé que les cinq salariés avaient un savoir faire spécifique dont ne disposaient pas en l'état les 345 autres employés de la société Altead Augizeau ; qu'en inférant une concurrence déloyale de tels motifs, qui révélaient tout au plus une perturbation de la société inhérente au départ des salariés, mais étaient impropres à caractériser une véritable désorganisation ayant une incidence mesurable sur son activité, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;
ALORS 3°) QUE la seule circonstance qu'un client ait suivi dans la nouvelle société un ou plusieurs salariés au contact duquel il avait été dans la société concurrencée ne caractérise pas en soi une faute, ni donc un détournement déloyal de clientèle, en l'absence de toute manoeuvre déloyale qu'il incombe au juge de caractériser ; qu'en l'espèce, en s'étant bornée de manière inopérante à constater le déplacement du client Fountaine Pajot de la société Altead Augizeau à la société Capelle, sans avoir mis en évidence aucun agissement déloyal ayant conduit ce client à changer de prestataire, la cour d'appel a une fois encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;
ALORS 4°) SUBSIDIAIREMENT QUE conformément au principe de la réparation intégral, un acte de concurrence déloyale, fût-il caractérisé, n'emporte condamnation indemnitaire qu'à la condition qu'il ait causé de manière directe et certaine un préjudice au demandeur à l'action en concurrence déloyale, auquel il incombe de rapporter cette preuve ; qu'en l'espèce, en s'étant bornée à constater que « le préjudice » de la société Altead Augizeau « est incontestable en perte de chiffre d'affaires », sans avoir précisément caractérisé quelle perte de chiffre d'affaires était directement imputable à la concurrence déloyale dont elle retenait l'existence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-25027
Date de la décision : 29/11/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 30 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 nov. 2011, pourvoi n°10-25027


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.25027
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