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23/11/2011 | FRANCE | N°05-43504

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 novembre 2011, 05-43504


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., agent technico-commercial de la société France mélasses, avait pour fonction effective, en tant que "cargo superintendent", de contrôler des mélasses transportées par bateau et, pour ce faire, de se rendre dans différents ports éloignés de son domicile personnel pour, selon les arrivées et transbordements qui étaient effectués à heures irréguliÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., agent technico-commercial de la société France mélasses, avait pour fonction effective, en tant que "cargo superintendent", de contrôler des mélasses transportées par bateau et, pour ce faire, de se rendre dans différents ports éloignés de son domicile personnel pour, selon les arrivées et transbordements qui étaient effectués à heures irrégulières, surveiller les opérations de chargement ou déchargement et assurer les relations avec les divers intervenants, et ce en totale autonomie ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires non rémunérées et de repos compensateurs non pris ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, la cour d'appel énonce qu'aucune pièce produite aux débats, y compris les attestations dont se prévaut M. X..., n'est de nature à établir qu'il était tenu par son employeur de demeurer à disposition de jour comme de nuit sur le navire, dans les locaux du port ou encore dans un local spécialement affecté à cet usage et situé près du lieu de travail, que les périodes entre deux interventions professionnelles au cours desquelles il pouvait librement vaquer à des occupations personnelles ne constituaient pas un temps de travail effectif devant être rémunéré comme tel, que la société France mélasses justifie qu'en contrepartie des sujétions liées à la période d'attente, M. X... a bénéficié d'un statut particulier comprenant un régime compensatoire par l'attribution de jours de repos dits de "récupération", que ce système de récupération a été mis en oeuvre par la société France mélasses de manière méthodique et sérieuse ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le salarié devait se tenir prêt à répondre à un éventuel appel de son employeur pour intervenir en cas de difficulté pendant les opérations de chargement et déchargement des navires, sans nécessairement être présent à tout moment sur le lieu de travail, la cour d'appel, qui aurait dû rechercher quel était le nombre d'heures effectivement réalisées par le salarié lors de ses interventions, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande, l'arrêt rendu le 18 mai 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société France mélasses aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande de paiement d'heures supplémentaires et de repos compensateur ;
AUX MOTIFS, D'UNE PART, QUE la lettre de l'employeur du 15 février 1996 qui précise in fine que « lors des chargements ou déchargements des navires nous vous rappelons que votre présence ne doit pas se limiter au début et à la fin du chargement mais doit être suffisante pour pallier toute difficulté pouvant survenir pendant les opérations», implique que M. X..., indépendamment du temps de présence physique exigé au début et à la fin du chargement, devait se tenir prêt à répondre à un éventuel appel de son employeur pour intervenir et effectuer un travail au service de l'entreprise en cas de difficulté, sans pour autant l'obliger d'être présent physiquement à tout moment sur le lieu de travail ou dans des locaux imposés par l'employeur entre deux interventions ; qu'aucune pièce produite aux débats, y compris les attestations dont se prévaut M. X..., n'est de nature à établir qu'il était tenu par son employeur de demeurer à disposition de jour comme de nuit sur le navire, dans les locaux du port ou encore dans un local spécialement affecté à cet usage et situé près du lieu de travail ; qu'en revanche les attestations produites par M. X... relatent que pendant le temps passé en situation de permanence, il était joignable par téléphone en permanence pour intervenir éventuellement au cours des opérations quand il était en repos ; que les notes de frais confirment qu'il n'était pas tenu, pour accomplir la permanence, d'être présent sur le lieu de travail ou dans des locaux précis imposés par son employeur mais qu'il pouvait se trouver dans des hôtels réservés par ses soins et, librement choisis par lui dans l'attente d'une éventuelle intervention ; qu'ainsi, il est démontré que les périodes entre deux interventions professionnelles au cours desquelles il pouvait librement vaquer à des occupations personnelles ne constituaient pas un temps de travail effectif devant être rémunéré comme tel ;
AUX MOTIFS, D'AUTRE PART, QUE l'employeur justifie qu'en contrepartie des sujétions liées à la période d'attente, M. X... a bénéficié d'un statut particulier comprenant, outre la prise en charge des frais de déplacement, d'hébergement et de restauration, un régime compensatoire par l'attribution de jours de repos dits de « récupération » ; il résulte, en effet, des feuilles individuelles de congé concernant les droits de M. X... du 1er juin 1995 au 31 mai 2001 et portant sa signature et celle du chef de service en face de chaque ligne, qu'il a pris, outre ses congés et des ponts, des jours de récupération au nombre global de plus de 100, précisément décomptés chronologiquement pour chaque année de référence ; que la société FRANCE MELASSES justifie que ce système de récupération a été mis en oeuvre de manière méthodique et sérieuse à partir des documents intitulés « vacances et absences – plannings des congés et des chantiers » pour chaque année de référence de la période considérée et renseignés avec précision et au fur et à mesure pour l'ensemble des salariés, y compris M. X..., avec la mention des périodes d'activité, de l'éventuel solde de congés à prendre et des repos compensateurs ; que les tableaux établis par M. X... a posteriori ne sont pas de nature à contredire les indications portées sur les documents susvisés et en particulier sur les feuilles individuelles de congé approuvées par l'intéressé et comportent des erreurs ou des omissions consistant à noter comme jour de voyage ou de travail : des jours travaillés au bureau : le 8 janvier 1996 et le 3 mars 1997, des jours fériés : le lundi de Pâques en 1996 et en 1997 et le lundi de pentecôte en 2000, des jours de congés payés : 1 en 1996 et 2001, 2 en 1997, 5 en 1998 et 2000, des jours de récupération: 4 en 1996, 1997 et 1998, 2 en 2000 et 1 en 2001, des ponts accordés par l'entreprise : 1 en 1999 et 2 en 1997 ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la preuve des heures de travail n'incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut, pour rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'il doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir ; qu'en l'espèce, Monsieur X... avait produit le décompte précis de ses heures de travail ; que son employeur, qui admettait que des heures supplémentaires avaient été effectuées, se bornait d'une part, à contester celles où son salarié était à sa disposition prêt à travailler et d'autre part, à souligner les quelques erreurs ou omissions du décompte ; qu'en déboutant néanmoins le salarié de ses demandes, aux motifs inopérants que la société FRANCE MELASSES avait institué un système « méthodique et sérieux » de « jours de récupération » et que Monsieur X... avait commis quelques erreurs ou omissions dans son décompte, la Cour d'appel a fait peser sur le salarié la charge de la preuve et violé l'article L. 212-1-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le temps d'intervention professionnelle pendant une astreinte constitue du temps de travail effectif qui doit être rémunéré comme tel ; qu'il résultait des constatations de la Cour d'appel que Monsieur X... avait effectué des interventions pendant ses astreintes ; qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande de règlement de ses heures supplémentaires effectuées pendant ses périodes d'intervention au motif inopérant qu'entre deux interventions il pouvait vaquer à ses occupations personnelles, la Cour d'appel a violé les articles L. 212-1-1, L. 212-4 et L. 212-4 bis du Code du travail ;
ALORS, ENFIN, QUE l'astreinte doit comporter une contrepartie qui, en l'absence de convention ou d'accord collectif applicable, doit faire l'objet de l'information et de la consultation du comité d'entreprise, ou à défaut des délégués du personnel et de l'information de l'administration du travail ; qu'en jugeant que l'octroi de cent jours de récupération sur une période de 5 ans était une contrepartie suffisante, sans vérifier si les représentants du personnel avaient été consultés et si l'administration du travail en avait été informée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-4 bis du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 05-43504
Date de la décision : 23/11/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 mai 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 nov. 2011, pourvoi n°05-43504


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:05.43504
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