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03/11/2011 | FRANCE | N°10-19511

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 novembre 2011, 10-19511


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur appel d'une ordonnance de référé (Amiens, 21 avril 2010), que M. X... a été engagé par la société Cemga logistics le 14 avril 1997 en qualité d'agent administratif ; que, faisant valoir que son employeur ne lui fournissait plus de travail, il a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale d'une demande de réintégration sous astreinte ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant ordonn

é la réintégration de M. X... dans son poste d'agent administratif avec une list...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur appel d'une ordonnance de référé (Amiens, 21 avril 2010), que M. X... a été engagé par la société Cemga logistics le 14 avril 1997 en qualité d'agent administratif ; que, faisant valoir que son employeur ne lui fournissait plus de travail, il a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale d'une demande de réintégration sous astreinte ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant ordonné la réintégration de M. X... dans son poste d'agent administratif avec une liste de tâches et de fixer le montant de l'astreinte à 100 euros par jour de retard, alors, selon le moyen :
1°/ que l'affectation du salarié à un poste ne nécessitant que peu d'heures de travail ne constitue pas un trouble manifestement illicite lorsque cette situation n'est pas imputable à l'employeur mais due au manque total de disponibilité du salarié ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir dans ses écritures, preuve à l'appui, que s'il avait affecté M. X... à un poste d'agent administratif ne nécessitant que peu d'heures de travail, c'était parce qu'il était quasiment toujours absent de son poste, utilisant son crédit d'heures en raison de ses nombreuses activités syndicales sans jamais respecter le délai de prévenance, ce qui empêchait toute organisation de son service ; qu'en jugeant ce motif non sérieux au prétexte inopérant que l'employeur n'avait pas expressément invoqué ce motif dans deux lettres adressées au salarié les 22 août et 9 septembre 2008, sans rechercher concrètement si les conditions d'exercice des activités syndicales du salarié n'empêchaient pas effectivement l'employeur de lui fournir davantage de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1 et R. 1455-6 du code du travail ;
2°/ que l'employeur est tenu d'attribuer au salarié des tâches conformes à sa qualification ; que la conformité des tâches à la qualification du salarié s'apprécie au regard des définitions d'emploi données par la convention collective et non au regard de l'intitulé de simples «fiches de fonction» non contractuelles ; qu'en l'espèce, pour dire que les tâches d'inventaire confiées au salarié ne relevaient pas de son poste d'agent administratif, la cour d'appel a comparé ces tâches avec celles figurant dans la fiche de fonction «administratif» établie par la société ; qu'en se déterminant ainsi lorsqu'il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si les tâches d'inventaire étaient conformes à la définition des emplois des «Employés de service administratif» de l'annexe II Employés de la convention collective nationale des transports routiers applicable aux parties, la cour d'appel a violé les dispositions de cette convention collective, ensemble l'article R. 1455-6 du code du travail ;
3°/ que les jugements doivent être motivés ; que dans ses conclusions d'appel, la société Cemga logistics faisait valoir qu'en tout état de cause, les tâches d'inventaire confiées ne représentaient que 30 % du temps de travail, la plus grande partie du travail consistant à gérer les litiges concernant les non-conformités ; qu'en considérant que le fait de confier au salarié des tâches d'inventaire non conformes aux fonctions d'agent administratif constituait un trouble manifestement illicite sans répondre au moyen de l'employeur sur le caractère minime de ces tâches, la cour d'appel a privé sa décision de motif et violé l'article 445 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt, qui relève par une décision motivée, d'une part, que le motif tiré par l'employeur de l'absence de disponibilité du salarié n'a pas un caractère sérieux, d'autre part, que les tâches confiées au salarié ne correspondent pas à celles d'agent administratif telles que définies par l'employeur lui-même dans une fiche de fonctions, n'encourt pas les griefs du moyen ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cemga logistics aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Cemga logistics et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Cemga logistics
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance de référé du 26 novembre 2009 ayant ordonné à la société CEMGA LOGISTICS de réintégrer Monsieur Christophe X... dans son poste d'Agent Administratif avec une liste de tâches sous astreinte de 100 euros par jours de retard et d'AVOIR condamné la société CEMGA LOGISTICS à lui payer la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article R. 1455-6 du code du travail «la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite» ; que M. X..., salarié protégé en sa qualité de délégué syndical central CGT, a saisi la formation de référé du Conseil des Prud'hommes en alléguant le fait que pendant quelques jours à compter du 22 août 2008, aucun travail ne lui avait été confié et que depuis le mois de septembre 2008, le poste d'agent administratif sur le dossier DUNLOP qui lui avait été proposé était vide de toute activité réelle, qu'il avait le sentiment d'être «placardisé» et que cette modification de ses conditions de travail avait un impact sur son état de santé ; que l'employeur se doit de fournir le travail convenu à son salarié et que les faits invoqués présenteraient, s'ils étaient établis et perduraient au jour de l'audience, les caractères d'un trouble manifestement illicite relevant de la formation de référé ; qu'il n'est pas contesté qu'entre le 25 août et le 9 septembre 2008, l'employeur a dispensé M. X... de tout travail ; que ce fait, annoncé par courrier du 22 août, n'aurait pas constitué à lui seul un trouble manifestement illicite dès lors qu'il était lié à une baisse du volume de travail évoquée en comité d'entreprise, que le salaire était maintenu intégralement et que la période concernée était courte ; mais qu'à partir du 9 septembre 2008, le salarié a été affecté sur un poste d'agent administratif sur le dossier DUNLOP nouvellement créé suite à la réaffectation de tâches, notamment celles relatives à l'encadrement du service et qu'il résulte de plusieurs attestations de collègues de M. X... (Messieurs Y..., Z..., A...), que ce nouveau travail ne nécessitait que peu d'heures de travail par jour et que le salarié se trouvait désoeuvré la plus grande partie de la journée ; que la société CEMGA LOGISTICS ne conteste pas sérieusement ce fait mais le justifie par l'absentéisme chronique du salarié et la difficulté qu'elle rencontre pour lui adapter un emploi du temps compatible avec ses activités syndicales du fait qu'il ne respecte jamais le délai de prévenance ; que cependant, dans ses courriers des 22 août et 9 septembre 2008, l'employeur n'invoquait nullement ce motif et ne parlait que d'inaptitudes médicales, de «perte du dossier Logistic Procter Gamble le 31 mai 2007», «d'affection temporaire sur le dossier DUNLOP» jusqu'au retour de Mme B..., prévu en décembre 2008, de diminution de volume de travail entraînant une suppression de poste, de recherche de reclassement ; que le motif invoqué par l'employeur n'apparaît donc pas sérieux ; que la situation ainsi créée par la société CEGMA LOGISTICS a engendré une souffrance morale chez le salarié attesté par ses collègues, dont il s'est plaint dans un courrier du 29 octobre 2009 et qui a eu des répercussions sur sa santé (cf. certificats médicaux et arrêts maladie) ; que la preuve d'un trouble manifestement illicite est ainsi rapportée et que c'est à juste titre que les premiers juges ont ordonné à la société CEMGA LOGISTICS de réintégrer M. X... dans son poste d'agent administratif ; qu'à la suite de l'ordonnance dont appel, la société CEMGA LOGISTICS a notifié à M. X... le 8 décembre 2008 les nouvelles tâches et missions qui lui étaient affectées ; que ces tâches consistent d'une part à faire les inventaires des produits (comptage, renseignement des documents, saisie informatique, contrôle concordance, communication des résultats) et d'autre part à gérer les litiges concernant les non conformités ; que l'intimé verse au dossier les fiches de fonction émanant de la société CEMGA LOGISTICS datant de mars 2002 et mises à jour en mai 2009 correspondant aux fonctions «d'administratif» et «d'inventoriste», ce qui tend à démontrer que contrairement à ce qu'allègue l'employeur, il existe bien au sein de la société une fonction d'inventoriste ; que la fiche « administratif » décrit la mission comme suit : «sous la dépendance hiérarchique du responsable d'exploitation, il réalise la mise à jour des bases de données informatiques correspondant aux mouvements physiques réalisés par le personnel d'exploitation. Il constitue, suit et classe les dossiers correspondant à ces opérations. Il saisit et met en forme les différents documents correspondant aux activités exercées dans le service dont il dépend. Il est chargé du classement de tous les documents conservés et de leur archivage» ; qu'en l'état de ces éléments, force est de constater que les tâches confiées à M. X... ne relèvent pas des fonctions d'agent administratif ; que le fait que le salarié ait effectué dans le passé des tâches d'inventoriste ne saurait exonérer l'employeur de son obligation de confier en priorité au salarié un travail correspondant à sa fonction et qu'il ressort d'une lettre de l'inspection du travail (pièce 39) que plusieurs intérimaires ont été recrutés en 2009 sur des postes d'agent administratif ; qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance sauf à réduire le montant de l'astreinte journalière à la somme de 100 euros ; qu'il apparaît équitable de faire application en cause d'appel au profit de M. X... des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à concurrence de 1.000 euros
ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE Sur la demande de réintégration dans son emploi ; que Monsieur X... expose qu'il a été engagé à compter du 14 avril 1997 en qualité d'agent administratif et que le 25 août 2008 il a été dispensé de toute activité professionnelle en raison d'une situation contraignante tout en étant rémunéré ; que depuis septembre 2008, l'employeur a créé un nouveau poste d'agent administratif et que sur ce poste il n'a aucune fonction particulière à assumer en tant qu'agent administratif mis à part la vérification de données par rapport aux bons de sortie à raison d'une demi heure par jour ; qu'il demande de ce fait sa réintégration dans l'intégralité de ses fonctions d'agent administratif ; que la société CEMGA LOGISTICS expose que Monsieur X... est toujours agent administratif et qu'il est affecté sur tel ou tel client au gré des contrats signés par son employeur ; qu'elle déclare que Monsieur X... fait l'objet de nombreux mandats électifs et syndicaux et qu'il est en situation de crédit d'heures de manière importante ; que de plus Monsieur X... ne prévient jamais de ses absences par avance et qu'il est de ce fait difficile d'organiser son travail ; qu'elle demande de ce fait de constater l'incompétence du Bureau de référé aucune urgence ni aucun dommage imminent ou aucune cessation de trouble manifestement illicite ne pouvant être relevé et une contestation sérieuse portant sur l'existence ou l'appréciation de faits pouvant être retenue ; que le Conseil constate que l'employeur a reconnu qu'il n'y avait plus eu d'activité sur le poste de Monsieur X... pendant la période du 25 août au 9 septembre 2009 et qu'il a été rémunéré pendant ce temps là ; qu'il convient de rappeler que l'employeur doit exécuter de bonne foi le contrat de travail établi entre lui et son salarié ; que de ce fait il doit lui fournir du travail quand bien même ce dernier aurait de nombreux mandats électifs ou syndicaux ; qu'en ne respectant pas ses obligations l'employeur crée un trouble manifestement illicite donnant ainsi compétence au Bureau de référé ; qu'en conséquence, le Conseil ordonne à la Société CEMGA LOGISTICS de réintégrer Monsieur Christophe X... dans son poste d'agent administratif et de lui remettre une liste de tâches à effectuer.
1° - ALORS QUE l'affectation du salarié à un poste ne nécessitant que peu d'heures de travail ne constitue pas un trouble manifestement illicite lorsque cette situation n'est pas imputable à l'employeur mais due au manque total de disponibilité du salarié ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir dans ses écritures, preuve à l'appui, que s'il avait affecté Monsieur X... à un poste d'agent administratif ne nécessitant que peu d'heures de travail, c'était parce qu'il était quasiment toujours absent de son poste, utilisant son crédit d'heures en raison de ses nombreuses activités syndicales sans jamais respecter le délai de prévenance, ce qui empêchait toute organisation de son service ; qu'en jugeant ce motif non sérieux au prétexte inopérant que l'employeur n'avait pas expressément invoqué ce motif dans deux lettres adressées au salarié les 22 août et 9 septembre 2008, sans rechercher concrètement si les conditions d'exercice des activités syndicales du salarié n'empêchaient pas effectivement l'employeur de lui fournir davantage de travail, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1 et R. 1455-6 du Code du travail.
2° - ALORS QUE l'employeur est tenu d'attribuer au salarié des tâches conformes à sa qualification ; que la conformité des tâches à la qualification du salarié s'apprécie au regard des définitions d'emploi données par la convention collective et non au regard de l'intitulé de simples «fiches de fonction» non contractuelles ; qu'en l'espèce, pour dire que les tâches d'inventaire confiées au salarié ne relevaient pas de son poste d'agent administratif, la Cour d'appel a comparé ces tâches avec celles figurant dans la fiche de fonction «administratif» établie par la société; qu'en se déterminant ainsi lorsqu'il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si les tâches d'inventaire étaient conformes à la définition des emplois des «Employés de service administratif» de l'annexe II Employés de la convention collective nationale des transports routiers applicable aux parties, la Cour d'appel a violé les dispositions de cette convention collective, ensemble l'article R. 1455-6 du Code du travail.
3° - ALORS QUE les jugements doivent être motivés ; que dans ses conclusions d'appel, la société CEMGA LOGISTICS faisait valoir qu'en tout état de cause, les tâches d'inventaire confiées ne représentaient que 30% du temps de travail, la plus grande partie du travail consistant à gérer les litiges concernant les non-conformités ; qu'en considérant que le fait de confier au salarié des tâches d'inventaire non-conformes aux fonctions d'agent administratif constituait un trouble manifestement illicite sans répondre au moyen de l'employeur sur le caractère minime de ces tâches, la Cour d'appel a privé sa décision de motif et violé l'article 445 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-19511
Date de la décision : 03/11/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 21 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 nov. 2011, pourvoi n°10-19511


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.19511
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