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10/10/2011 | FRANCE | N°11-CRD017

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 10 octobre 2011, 11-CRD017


COUR DE CASSATION 11 CRD 017 Audience publique du 12 septembre 2011 Prononcé au 10 octobre 2011

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Straehli, président, Mme Leprieur, Mme Vérité, conseillers référendaires, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :

INFIRMATION partielle sur le recours formé par Olivier X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Toulous

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COUR DE CASSATION 11 CRD 017 Audience publique du 12 septembre 2011 Prononcé au 10 octobre 2011

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Straehli, président, Mme Leprieur, Mme Vérité, conseillers référendaires, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :

INFIRMATION partielle sur le recours formé par Olivier X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Toulouse en date du 17 janvier 2011 qui lui a alloué une indemnité de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral et 27 383, 82 euros en réparation de son préjudice matériel sur le fondement de l'article 149 du code précité ainsi qu'une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 12 septembre 2011, le demandeur et son avocat ne s'y étant pas opposé ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de Me Cohen, avocat au barreau de Toulouse, représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;
Vu les conclusions en réponse de Me Cohen ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Leprieur, les observations de Me Frerejacque, avocat substituant Me Cohen, assistant M. X..., celles de M. X..., comparant, et de Me Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Charpenel, le demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu que, par décision du 17 janvier 2011, le premier président de la cour d'appel de Toulouse a alloué à Olivier X... les sommes de 27 383, 92 euros au titre du préjudice matériel, 4 000 euros en réparation du préjudice moral ainsi que 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à raison d'une détention provisoire effectuée du 30 novembre au 7 décembre 1999, puis du 19 décembre 2008 au 31 mars 2009 pour des faits ayant donné lieu à un arrêt d'acquittement devenu définitif ;
Attendu que M. X... a formé un recours régulier contre cette décision pour obtenir l'allocation des sommes de 204 036, 16 euros et 12 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral, outre celle de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés devant la commission nationale par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;
Sur la réparation du préjudice matériel :
Attendu que la somme de 204 036, 16 euros réclamée se décompose en la somme de 158, 16 euros au titre de la perte de salaires afférente à la première période de détention, 200 000 euros au titre de la perte de chance de conserver l'emploi occupé lors de la seconde incarcération, 3 588 euros au titre des frais de défense et 290 euros au titre du coût du billet de retour vers le Gabon, non utilisé en raison de l'incarcération ;
Attendu que, pour fixer à 133, 92 euros la perte de salaires afférente à la première période d'incarcération, le premier président a retenu une durée de sept jours ; que, pour la seconde incarcération, il a considéré que, le demandeur se trouvant à l'époque en période d'essai, la perte de chance de conserver son emploi n'était pas établie et que le préjudice devait être fixé au montant des salaires perdus durant l'incarcération, soit pour trois mois et dix neuf jours, 27 250 euros ; qu'il a retenu que les frais relatifs au billet d'avion n'étaient pas une conséquence de la détention provisoire mais de la condamnation ; qu'enfin, il a refusé une quelconque indemnisation au titre des frais de défense, les factures d'honoraires n'étant pas détaillées ;
Attendu que le requérant fait valoir que la première période de détention a duré huit jours et non sept ; que, s'agissant de la seconde, il a été licencié par lettre du 2 février 2009 en raison de son incarcération, alors qu'il donnait entière satisfaction à son employeur, puis a par la suite connu une longue période d'errance professionnelle et perçoit depuis le 1er avril 2010 exclusivement le revenu de solidarité active, soit 404, 88 euros par mois ; qu'il ajoute que, si les factures d'honoraires de défense ne sont pas détaillées, celles en date des 14 janvier et 23 mars 2009, dont le remboursement est réclamé, correspondent à des prestations ayant un lien direct avec la privation de liberté ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conclut au rejet du recours ; qu'il soutient que le requérant prétend à tort que sa première incarcération a duré huit jours et non sept, tandis que, en ce qui concerne le préjudice lié à la seconde incarcération, il a été justement évalué, l'intéressé ne pouvant prétendre cumulativement à une indemnité correspondant à la perte de chance de conserver un emploi, dont le caractère précaire a été exactement relevé par le premier juge ; que le montant des frais de transport invoqués par le requérant ne sont pas établis, lesdits frais ne pouvant en tout état de cause être indemnisés dans le cadre de la présente procédure ; qu'enfin, les factures d'honoraires d'avocat versées aux débats, qui ne sont pas détaillées, ne permettent pas d'identifier les dépenses exclusivement liées à la détention, et partant, ne peuvent être prises en compte au regard de la jurisprudence la plus récente de la commission ;
Attendu que l'avocat général estime que la perte de salaires afférente à la première incarcération doit être fixée sur la base de huit jours de détention, pour tenir compte du dies a quo et du dies ad quem ;
Attendu que doivent être pris en compte, dans le calcul de la durée d'une détention provisoire, le jour du placement en détention et le jour de la remise en liberté ; qu'ainsi, la première période de détention ayant duré huit jours, la perte de salaires afférente sera fixée à la somme de 158, 16 euros ;
Attendu que, s'agissant de la seconde période de détention ayant débuté le 19 décembre 2008, il résulte des pièces produites que M. X... avait été embauché par une société gabonaise à l'essai à compter du 15 octobre 2008, pour une période de trois mois, soit jusqu'au 15 janvier 2009 et que son contrat a été résilié par son employeur, à la suite de son incarcération, par lettre du 2 février 2009 ; que le requérant établit avec une certitude suffisante qu'il avait une chance sérieuse de conserver cet emploi de responsable commercial et que la précarité de sa situation professionnelle postérieure est en lien-au moins partiel-avec son incarcération ; qu'il doit donc être indemnisé au titre de la perte de chance, comme sollicité, et non au titre de la perte de salaires, comme retenu ; que la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée ; que la somme allouée par le premier président assurera une juste réparation de cette perte de chance ;
Attendu, sur les frais de transport, qu'il n'est pas justifié que le billet d'avion n'ait été ni remboursé ni échangé ; qu'ainsi, la perte alléguée est insuffisamment établie ;
Attendu, enfin, sur les frais de défense, que les factures produites mentionnent exclusivement " provision sur frais et honoraires " ; que, dans ces conditions, la décision du premier président ne saurait être réformée ;
Sur la réparation du préjudice moral :
Attendu que, pour fixer à 4 000 euros l'indemnité de ce chef, le premier président a relevé la situation professionnelle et familiale du demandeur lors de ses deux incarcérations et son absence d'antécédent carcéral ;
Attendu que le requérant observe que son préjudice a été manifestement sous-évalué au regard de l'importance du traumatisme psychologique ressenti du fait notamment de la pénibilité des conditions de détention, de la privation de relations familiales, des deux incarcérations subies à neuf années d'intervalle et de son absence d'antécédent carcéral ; qu'il souligne être suivi sur le plan psychologique depuis le mois de janvier 2011 ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conclut au rejet du recours également de ce chef, l'indemnité allouée au titre du préjudice moral assurant une réparation intégrale du dit préjudice ;
Attendu que l'avocat général considère que l'indemnité pourrait être réévaluée au regard de références jurisprudentielles comparables ;
Attendu que compte tenu de l'âge de l'intéressé au moment de ses incarcérations (22 et 31 ans), de la durée de celles-ci (cent onze jours au total), de l'absence de passé carcéral, dont le premier président a tenu compte, mais également de l'intensité du choc psychologique ressenti, accru par la réincarcération, il convient de fixer à 11 000 euros l'indemnité réparatrice de l'intégralité du préjudice moral ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu qu'il convient d'allouer au requérant la somme de 1 500 euros au titre de l'instance de recours ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLE partiellement le recours de M. Olivier X..., et statuant à nouveau ;
Lui ALLOUE la somme de 27 408, 16 euros (vingt sept mille quatre cent huit euros et seize centimes) en réparation du préjudice matériel, 11 000 euros (onze mille euros) en réparation du préjudice moral et 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance de recours ;
REJETTE le surplus des demandes ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 10 octobre 2011 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 11-CRD017
Date de la décision : 10/10/2011
Sens de l'arrêt : Infirmation partielle

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Indemnisation - Conditions - Détention - Durée de la détention provisoire - Calcul

Doivent être pris en compte, dans le calcul de la durée d'une détention provisoire, le jour du placement en détention et le jour de la remise en liberté


Références :

articles 149 à 150 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 17 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 10 oct. 2011, pourvoi n°11-CRD017, Bull. civ. criminel 2011, Commission nationale de réparation des détentions, n° 6
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2011, Commission nationale de réparation des détentions, n° 6

Composition du Tribunal
Président : M. Straehli
Avocat général : M. Charpenel
Rapporteur ?: Mme Leprieur
Avocat(s) : Me Frerejacque substituant Me Cohen, Me Couturier-Heller

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:11.CRD017
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