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04/10/2011 | FRANCE | N°10-20956

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 octobre 2011, 10-20956


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 1110 du code civil ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que la société Equip'buro 59 a conclu avec la société Sodecob un contrat de franchise pour l'exploitation de son fonds de commerce sous l'enseigne "Bureau center", impliquant l'adhésion à une coopérative de commerçants détaillants indépendants, constituée par la société Majuscule ; que les résultats obtenus, très inférieurs aux prévisions transmises par le franchiseur, ont con

duit rapidement à la mise en liquidation judiciaire de la société Equip'buro 59,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 1110 du code civil ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que la société Equip'buro 59 a conclu avec la société Sodecob un contrat de franchise pour l'exploitation de son fonds de commerce sous l'enseigne "Bureau center", impliquant l'adhésion à une coopérative de commerçants détaillants indépendants, constituée par la société Majuscule ; que les résultats obtenus, très inférieurs aux prévisions transmises par le franchiseur, ont conduit rapidement à la mise en liquidation judiciaire de la société Equip'buro 59, M. X... étant désigné liquidateur ; que ce dernier, agissant ès qualités, a demandé la nullité du contrat de franchise et la condamnation solidaire des sociétés Sodecob et Majuscule au paiement de dommages-intérêts, en invoquant, notamment, l'insuffisance de l'information précontractuelle fournie au franchisé ;
Attendu que pour rejeter la demande d'annulation fondée sur l'erreur commise par le franchisé lors de la conclusion du contrat, l'arrêt retient que les insuffisances ponctuelles dans la documentation fournie ne peuvent être regardées, à les supposer établies, comme un élément essentiel dont la révélation eût été susceptible de conduire la société Equip Buro 59 à ne pas conclure le contrat, qu'en sa qualité de professionnel averti du commerce qui avait exercé pendant plus de vingt ans dans le domaine de la grande distribution, son dirigeant se devait d'apprécier la valeur et la faisabilité des promesses de rentabilité qui lui avaient été faites dans la mesure où celles-ci ne pouvaient comporter de la part du promettant aucune obligation de résultat, que le seul fait qu'un écart soit effectivement apparu entre les prévisions de chiffre d'affaires telles qu'indiquées par le franchiseur et les résultats concrets nés de l'exploitation poursuivie par la société Equip'buro 59 ne saurait être démonstratif, à lui seul, de l'insincérité ou du manque de crédibilité des chiffres et documents fournis par le franchiseur, lequel n'avait pas à garantir la réalisation de quelconques prévisions comptables et qu'il s'ensuit que M. X..., ès qualités, ne rapporte la preuve d'aucun dol ni d'aucune erreur de nature à justifier sa demande ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté que les résultats de l'activité du franchisé s'étaient révélés très inférieurs aux prévisions et avaient entraîné rapidement sa mise en liquidation judiciaire, sans rechercher si ces circonstances ne révélaient pas, même en l'absence de manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d'information, que le consentement du franchisé avait été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l'activité entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité et d'octroi de dommages-intérêts formées par M. X..., ès qualités, l'arrêt rendu le 19 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Sodecob aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X..., ès qualités, la somme de 2 500 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour M. X..., ès qualités
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de nullité du contrat de franchise du 30 août 2002 conclu entre la société Equip'Buro 59 et la société Sodecob et la demande de dommages et intérêts formée par maître X..., ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Equip'Buro 59, à l'encontre des sociétés Sodecob et Majuscule ;
AUX MOTIFS QUE « pour prononcer la nullité d'un engagement au motif de la violation de l'article L. 330-3 du Code de commerce, il appartient au juge de rechercher si le défaut d'information allégué a eu pour effet de vicier le consentement du cocontractant ; qu'en effet le non respect par le franchiseur de son obligation d'information ne peut entraîner l'annulation du contrat pour dol, sur le fondement de l'article 1116 du code civil, que si le comportement du franchiseur a conduit le franchisé à être abusé sur les conditions dans lesquelles il a été amené à contracter ; que, en l'occurrence, s'agissant de l'insuffisance alléguée dans la « présentation de l'état local du marché », il échet de souligner que cette présentation a fait l'objet d'une étude qui devait être menée par le candidat à la franchise, celui-ci bénéficiant de l'assistance du franchiseur (…) ; que maître X..., ès-qualité, ne peut utilement exciper sur ce point d'un manque d'information du candidat à la franchise ; que, par ailleurs, il sera observé que le « projet de création d'un magasin Bureau Center » établi en juin 2002 par la dirigeant social de la société Equip'Buro 59 sur le fondement des conclusions de l'étude de pertinence susmentionnée comprenait la liste des magasins Bureau Center exploités à cette date, avec leur superficie, leur chiffre d'affaires HT, le nom des exploitants et leurs coordonnées téléphoniques ainsi que le nombre d'habitants présents sur la zone de chalandise des magasins considérés, étant en tout état de cause souligné qu'aucune des dispositions de l'article L. 330-3 n'impose au franchiseur d'indiquer le parcours des franchisés préalablement à leur adhésion au réseau ; qu'au regard des éléments de fait et de droit ainsi rappelés, les insuffisances ponctuelles dans la documentation fournie dont maître X..., ès qualité, fait état ne peuvent être regardées, à les supposer établies, comme un élément essentiel dont la révélation eût été susceptible de conduire la société Equip'Buro 59 à ne pas conclure le contrat litigieux ; que, en sa qualité de professionnel averti du commerce et qui avait exercé pendant plus de 20 ans des fonctions d'encadrement dans le domaine de la grande distribution, elle se devait d'apprécier la valeur et la faisabilité des promesses de rentabilité qui lui avaient été faites dans la mesure où celles-ci ne pouvaient comporter de la part du promettant aucune obligation de résultat ; qu'au surplus, il sera souligné que le processus d'intégration au réseau de franchise considéré s'est déroulé sur une durée de cinq ans, le dirigeant de cette dernière laissant au candidat le temps nécessaire à l'appréciation de la pertinence économique de son projet ; qu'il échet, en tout état de cause, de rappeler que le franchiseur n'est aucunement tenu de remettre un compte d'exploitation prévisionnel au candidat à la franchise ; que, plus précisément, le seul fait qu'un écart soit effectivement apparu entre les prévisions de chiffre d'affaires telles qu'indiquées par le franchiseur et les résultats concrets nés de l'exploitation poursuivie par la société Equip'Bureau 59 ne saurait, en aucune façon, être démonstratif, à lui seul, de l'insécurité ou du manque de crédibilité des chiffres et documents fournis par la société Sodecob, laquelle n'avait pas à garantir la réalisation de quelconques prévisions comptables sauf à méconnaître directement le principe même de l'autonomie juridique et financière du commerçant indépendant qu'est tout franchisé ; qu'il s'ensuit que maître X..., ès qualité, ne rapporte la preuve d'aucun dol ni d'aucune erreur de nature à justifier sa demande d'annulation du contrat de franchise et l'octroi subséquent de dommages et intérêts ; qu'il ne justifie pas non plus d'un quelconque manquement de la société Sodecob à son obligation d'assistance, les pièces versées au dossier révélant au contraire le caractère soutenu et particulièrement adapté de l'aide apportée à ce titre à la société Equip'Buro 59, laquelle reçut de nombreuses « préconisations » de la part de son franchiseur à l'effet, notamment, de réduire ses charges et développer ses actions de communication » ;
1°) ALORS QUE l'exploitant d'un réseau de franchises, tenu de fournir à la personne qui envisage d'intégrer ce réseau des indications sur les principales étapes de l'évolution de celui-ci afin de permettre au candidat d'apprécier les perspectives de développement d'un nouveau point de vente, doit notamment indiquer que certains des magasins exploités en franchise lors de la conclusion du contrat appartenaient déjà au réseau avant d'être exploités sous cette forme ; qu'en effet, les résultats d'une franchise exploitée auparavant sous une autre forme ne peuvent être comparés à ceux d'une franchise créée ex nihilo et ne peuvent en conséquence servir à prévoir la rentabilité d'un magasin nouvellement créé ; qu'en affirmant, pour décider que les informations non communiquées à la société Equip'Buro 59 ne pouvaient être considérées comme ayant vicié son consentement, que le franchiseur n'était pas tenu d'indiquer le parcours des franchisés préalablement à leur adhésion au réseau, la cour d'appel a violé les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ;
2°) ALORS QUE maître X... faisait valoir que le consentement de la société Equip'Buro 59 avait été vicié, notamment, par une indication erronée sur le nombre de franchises que comportait déjà le réseau Bureau Center, qui avait permis de masquer à la société Equip'Buro 59 le fait qu'elle serait la première à exploiter une franchise de taille moyenne créée ex nihilo (concl., p. 11 § 7 s. et p. 16 § 11) ; que, pour rejeter la demande en nullité du contrat de franchise, la cour d'appel a considéré que compte-tenu notamment des éléments d'information mentionnés dans l'étude réalisée en juin 2002 par le dirigeant social de la société Equip'Buro 59, il n'était pas démontré que cette société, mieux informée, aurait refusé de conclure le contrat de franchise ; qu'en statuant ainsi, sans préciser ce qui lui permettait de considérer que la société Equip'Buro 59, informée du nombre exact de franchises du réseau Bureau Center, aurait cependant conclu le contrat de franchise litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1109 du Code civil ;
3°) ALORS QUE manque à son obligation précontractuelle de renseignement l'exploitant d'un réseau de franchises qui fournit aux personnes qui envisagent d'intégrer le réseau des prévisions de chiffre d'affaires grossièrement surévaluées au regard des résultats qui sont effectivement réalisés ; qu'en l'espèce, la société Sodecob a adressé, le 27 mai 2002, à monsieur Y... un document dans lequel elle prévoyait que le chiffre d'affaires de la société serait compris entre 11.538.800 francs (1.759.078 €) et 36.626.800 francs (5.583.719 €) ; que le chiffre d'affaires de la société n'a cependant pas dépassé 251.000 € sur les douze premiers mois d'activité ; qu'en considérant que la société Sodecob n'avait pas manqué à son obligation précontractuelle de renseignement du seul fait qu'elle n'était pas tenue de garantir la réalisation des prévisions qu'elle avait établies, la cour d'appel a violé les articles L. 330-3 du Code de commerce et 1116 du Code civil ;
4°) ALORS QUE le franchiseur qui s'est engagé contractuellement à valider des prévisions de résultat d'un projet de franchise manque à ses obligations lorsque les prévisions qu'il a validées sont grossièrement surévaluées ; qu'en considérant que la société Sodecob n'était pas tenue de fournir des prévisions de résultats exactes, pour en déduire que la réticence dolosive n'était pas avérée, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (concl., p. 3 § 1 et p. 15 § 1), si le franchiseur s'était engagé à valider les prévisions établies par la société Equip'Buro 59, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
5°) ALORS QUE, en tout état de cause, l'erreur est cause de nullité de la convention lorsqu'elle porte sur la substance de la chose qui en est l'objet, alors même qu'elle n'aurait pas été provoquée par un manquement du cocontractant de l'errans à son obligation de renseignement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'un écart était apparu entre les prévisions de chiffre d'affaires telles qu'indiquées par le franchiseur et les résultats concrets nés de l'exploitation poursuivie par la société Equip'Buro ; qu'en relevant, pour considérer que les importantes erreurs affectant les prévisions de chiffre d'affaires établies par la société Sodecob ne justifiaient pas la nullité du contrat, que cette société n'était pas tenue de fournir une prévision exacte ou de garantir un chiffre d'affaires, la cour d'appel s'est déterminé par un motif inopérant et a violé l'article 1110 du Code civil ;
6°) ALORS QUE maître X... faisait valoir que le consentement de la société Equip'Buro 59 avait été vicié par les erreurs affectant les prévisions de chiffre d'affaires établies par la société Sodecob (concl., p. 14 § 4) ; qu'en rejetant la demande de nullité du contrat de franchise sans préciser ce qui lui permettait de considérer que le franchisé aurait conclu le contrat litigieux si la société Sodecob lui avait fourni des prévisions de chiffres d'affaires correspondant à celui effectivement réalisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1109 du Code civil ;
7°) ALORS QUE maître X... exposait que monsieur Y... n'était pas un commerçant averti puisqu'il avait occupé des postes dans des domaines d'activité très différents (concl., p. 14 dernier §) ; qu'en s'abstenant de préciser en quoi le fait d'avoir été cadre pendant plus de vingt ans dans la grande distribution rendait monsieur Y... apte à apprécier la faisabilité des promesses de rentabilité d'un franchiseur de matériel de bureau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 330-3 du Code de commerce et 1109 du Code civil ;
8°) ALORS QUE maître X... faisait valoir que la société Majuscule, envers laquelle le franchisé avait souscrit un engagement d'approvisionnement quasiexclusif, avait également manqué à son obligation d'information et, en conséquence, engagé sa responsabilité (concl., p. 15 § 2 s. et p. 16 § 4 s.) ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur le respect, par la société Majuscule, de son obligation d'information, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
9°) ALORS QUE le manquement à une obligation précontractuelle de renseignement, et notamment à l'obligation incombant au franchiseur en application de l'article L. 330-3 du Code de commerce, l'oblige à réparer le préjudice en résultant alors même que l'annulation du contrat ne serait pas encourue ; qu'en s'abstenant de rechercher, nonobstant le rejet de la demande d'annulation, si le franchisé aurait conclu le contrat aux mêmes conditions s'il avait connu les informations qui ne lui ont pas été révélées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 330-1 du Code de commerce et 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-20956
Date de la décision : 04/10/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 oct. 2011, pourvoi n°10-20956


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.20956
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