LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., salariée de la société Flash net, était affectée à des travaux de nettoyage de divers foyers appartenant à la société Adoma (anciennement Sonacotra) ; que l'association Régie Nord littoral, attributaire de ce marché, s'étant opposée à l'application de l'accord du 29 mars 1990 fixant les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité des contrats de travail du personnel en cas de changement de prestataire dans le secteur de la propreté et ayant en conséquence refusé de reprendre le contrat de travail de la salariée, celle-ci a demandé à la juridiction prud'homale d'ordonner sa réintégration au sein de l'association Régie Nord littoral et, à défaut, de prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'association, de la condamner à lui verser un rappel de salaire, des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'elle a formé à titre subsidiaire à l'encontre de la société Flash net des demandes tendant à la résiliation de son contrat de travail aux torts de celle-ci et au paiement d'un rappel de salaire, des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que son contrat de travail n'a pas été transféré à la Régie Nord littoral, alors, selon le moyen :
1°/ que l'application d'une convention collective doit s'apprécier par rapport à l'activité réelle principale de l'entreprise et non par rapport à son objet social défini dans les statuts ; qu'en se bornant, sous couvert de rechercher la nature de l'activité réellement exercée par l'association Régie Nord littoral, à se référer à l'objet social de cette association, tel que défini dans ses statuts et aux relations entretenues avec les collectivités publiques pour exclure l'application de la convention collective des entreprises de propreté et plus particulièrement de l'accord du 29 mars 1990 "fixant les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire", sans cependant rechercher quelle était l'activité réellement exercée par la Régie Nord littoral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2222-1 et L. 2261-2 du code du travail et de l'article 1er de l'accord susvisé ;
2°/ que si la convention collective applicable aux salariés d'une entreprise est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur, peu important les fonctions assumées par le salarié, il en est autrement dans l'hypothèse où les salariés exercent une activité nettement différenciée dans un centre d'activité autonome ; qu'en se fondant exclusivement sur l'activité principale d'insertion sociale exercée par l'association Régie Nord littoral pour exclure l'application de la convention collective des entreprises de propreté et de l'accord du 29 mars 1990 "fixant les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire", sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'activité de nettoyage des foyers de la société Adoma ne constituait pas, au sein de la Régie Nord littoral, une activité nettement différenciée exercée dans un centre d'activité autonome, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2222-1 et L. 2261-2 du code du travail et de l'article 1er de l'accord susvisé ;
Mais attendu que les régies de quartier, dont l'un des objectifs prioritaires est l'insertion des personnes en grande difficulté et qui assurent diverses activités au gré des besoins des habitants du quartier dans lequel elles interviennent, ne relèvent pas du champ d'application de l'accord du 29 mars 1990 fixant les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire dans le secteur de la propreté ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen qui est recevable :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement d'un rappel de salaire pour la période comprise entre le 12 novembre 2007 et la date de la résiliation du contrat de travail de la salariée, l'arrêt retient qu'elle ne peut prétendre à ce rappel puisqu'elle ne travaillait pas et que le salaire est la contrepartie du travail ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la salariée, comme elle le soutenait, s'était tenue pendant cette période à la disposition de son employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour la période comprise entre le 12 novembre 2007 et la résiliation du contrat de travail, l'arrêt rendu le 28 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Flash net aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par Mme Mazars, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-huit septembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le contrat de travail de Madame X... n'avait pas été transféré à la Régie NORD LITTORAL, et d'AVOIR, en conséquence, rejeté sa demande tendant à dire et juger que l'association Régie NORD LITTORAL devait assurer la poursuite de son contrat et subsidiairement, à voir dire que l'entreprise sortante devait poursuivre le contrat de travail en reclassant la salariée sur un autre chantier et en tout état de cause à obtenir diverses sommes à titre de rappel de salaire, de dommages et intérêts pour non paiement des salaires, d'indemnités de préavis et de congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE les dispositions de l'article L 1224-1 du Code du travail s'appliquent dans le cas de transfert d'une entité économique autonome qui, en l'espèce, n'est pas établie, la seule perte d'un marché ne suffisant pas à constituer un tel transfert ; que les objets des deux Régies – qui exercent sous le code APE 853K affecté aux «autres formes d'action sociale» - sont ainsi définis par les statuts : Régie SERVICE 13 : construire une citoyenneté active, créer et renforcer le lien social, assurer l'insertion sociale et professionnelle des personnes ; dans ce but, l'association peut réaliser toute action ou opération, organiser toute action et exécuter tout marché, public ou privé ; les statuts précisent que l'association peut intervenir dans les domaines d'activité suivants, sans que cette liste soit limitative : activité d'entretien et de nettoyage, service à proximité : faciliter l'intégration des nouveaux arrivants dans les quartiers, procéder à des médiations, autres activités : mettre en place toute activité à la demande des organismes de logement social publics ou privés ou de tout maitre d'ouvrage dès lors qu'ils ont un lien avec son objet social ; Régie NORD LITTORAL : améliorer l'environnement et la vie sociale des cités en permettant aux habitants eux-mêmes d'effectuer une série de tâches d'utilité publique (entretien, réparations locatives, animation, formations diverses), répondre à toutes demandes d'entreprise, à tout appel d'offre, dans le cadre du champ d'activité de l'association, participer à un objectif plus global dans le but de recréer ou renforcer le lien social dans le quartier ; que pour déterminer s'il y a lieu à application des dispositions de l'accord du 29 mars 1990, il convient de rechercher si le nettoyage constitue l'activité réelle et principale des associations ; que le fait que la Régie SERVICE 13 apparaît dans les pages jaunes de l'annuaire des P et T sous la rubrique entreprise de nettoyage et que l'activité d'entretien et de nettoyage a été insérée dans ses statuts au mois de septembre 2007 ne peut établir que celle-ci avait pour activité principale le nettoyage, d'autant que cette régie a signé en 2002 une convention avec l'Etat, le Département et l'OPAC SUD ayant pour objet la mise en oeuvre d'un «dispositif tranquillité» ainsi décrit : effectuer le tour systématique du patrimoine, contribuer à maintenir les espaces communs dans un état de propreté, régler les petits problèmes techniques, relever les autres dysfonctionnements et les signaler au bailleur, faire appel en cas d'urgence aux prestataires extérieurs, assurer une présence dissuasive, constater les infractions au règlement intérieur, recueillir les réclamations des locataires, intervenir auprès de ceux-ci pour éviter les conflits, faire appel aux services de sécurité ; que cette Régie a été attributaire en 2008 d'un marché ayant pour objet la mise en oeuvre d'un dispositif de veille sociale sur les cités marseillaises de l'OPAC SUD dans le but de contribuer à la diminution des situations de tension, à la restauration du lien social et au respect du règlement intérieur de l'OPAC ; que la Régie a reçu en 2007 et 2008 des subventions du Conseil Général afin d'embaucher et de mettre en situation de travail des bénéficiaires de RMI présentant des difficultés sociales et professionnelles dans le but de favoriser l'acquisition de compétences, la construction de projets personnels et l'accès à l'emploi durable de ces salariés en insertion ; que la Régie NORD LITTORAL justifie quant à elle qu'elle a reçu en 2007 des subventions de la Région et du Département pour financer des opérations intitulées «développement et régulation sociale» et «jardin collectif de la Bricarde» ; qu'elle a conclu avec le Conseil Général des Bouches du Rhône au mois de septembre 2007 une convention par laquelle elle s'est engagée à recruter quatre bénéficiaires du RMI sur quatre postes d'insertion d'agent de propreté pour une période d'un an ; que cette convention prévoit que la Régie a pour obligation de désigner un tuteur pour ces salariés et qu'une évaluation du suivi et de l'action menée doit être réalisée par le bénéficiaire, le référent social, l'accompagnateur à l'emploi et le cas échéant les personnels chargés de l'encadrement ; qu'elle a conclu avec la Préfecture des Bouches du Rhône le 18 octobre 2007 une convention d'entreprise d'insertion ayant pour objet la prise en charge d'une partie de la rémunération de salariés rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières ; qu'il résulte de ces éléments que l'activité principale des deux Régies est l'insertion sociale et non le nettoyage, lequel n'est qu'un des moyens utilisés par les Régies pour la réalisation de leur objet ; que cette conclusion est confortée par l'accord collectif nationale professionnel des Régies de quartier signé le 12 avril 1999 qui indique dans son préambule : «la spécificité des activités exercées est directement liée à la satisfaction des besoins sociaux exprimés par les habitants du quartier. Il est donc impossible de définir une activité dominante pouvant conditionner l'application d'une convention collective de branche» ; qu'en conséquence, les contrats de travail n'ayant pas été transférés aux Régies, les intimés sont restés les salariés des entreprises sortantes ;
ALORS OUE l'application d'une convention collective doit s'apprécier par rapport à l'activité réelle principale de l'entreprise et non par rapport à son objet social défini dans les statuts ; qu'en se bornant, sous couvert de rechercher la nature de l'activité réellement exercée par l'association REGIE NORD LITTORAL, à se référer à l'objet social de cette association, tel que défini dans ses statuts, et aux relations entretenues avec les collectivités publiques pour exclure l'application de la convention collective des entreprises de propreté et plus particulièrement de l'accord du 29 mars 1990 «fixant les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire», sans cependant rechercher quelle était l'activité réellement exercée par la régie, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a privé sa décision de base légale au regard des articles L 2222-1 et L2261-2 du Code du travail et de l'article 1er de l'accord susvisé ;
ET ALORS, subsidiairement, QUE si la convention collective applicable aux salariés d'une entreprise est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur, peu important les fonctions assumées par le salarié, il en est autrement dans l'hypothèse où les salariés exercent une activité nettement différenciée dans un centre d'activité autonome ; qu'en se fondant exclusivement sur l'activité principale d'insertion sociale exercée par l'association pour exclure l'application de la convention collective des entreprises de propreté et de l'accord du 29 mars 1990 «fixant les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire», sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'activité de nettoyage des foyers de la société ADOMA ne constituait pas, au sein de la régie, une activité nettement différenciée exercée dans un centre d'activité autonome, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 2222-1 et L2261-2 du Code du travail et de l'article 1 er de l'accord susvisé.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame X... tendant à voir condamner la société FLASH NET à lui verser des rappels de salaire à compter du 12 novembre 2007 ainsi que des dommages et intérêts pour non paiement des salaires et de l'avoir déboutée de ses autres demandes ;
AUX MOTIFS QUE les contrats de travail n'ayant pas été transférés aux régies, les intimés sont restés les salariés des entreprises sortantes ; que les salariés ne peuvent prétendre au paiement de leur salaire postérieurement au 12 novembre 2007 puisqu'ils ne travaillaient pas et que le salaire est la contrepartie du travail ; que leur demande de ce chef de même que celle relative à des dommages et intérêts pour non paiement de salaire et à la délivrance de bulletins de salaire seront rejetées ;
ALORS QUE, le contrat de travail comporte, pour l'employeur, l'obligation de fournir du travail au salarié et donne droit au versement de la rémunération dès lors que le salarié se tient à la disposition de son employeur ; qu'en rejetant la demande de Madame X... en paiement des salaires dus par la société FLASH NET postérieurement à la reprise du marché de nettoyage par l'association REGIE NORD LITTORAL aux seuls motifs que les salariés «ne travaillaient pas et que le salaire est la contrepartie du travail», sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si Madame X... ne s'était pas continuellement tenue à la disposition de son employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil.