LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 25 mai 2010), que les sociétés Batical, Fructicomi, Ucabail Immobilier, aux droits desquelles viennent respectivement les sociétés Fortis Lease, Natixis Lease et Finamur ( les crédit-bailleresses), ont consenti trois contrats de crédit-bail immobilier à la société Transports X... ( la société ) dont son gérant, M. X..., s'est rendu caution solidaire ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 11 janvier et 22 mars 2007, les crédit-bailleresses ont déclaré leur créance qui ont été admises, à titre définitif, pour le montant déclaré, par ordonnances du juge-commissaire du 5 février 2008 ; que les crédit-bailleresses ont assigné M. X... en exécution de son engagement de caution ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer diverses sommes aux crédit-bailleresses en exécution de ses engagements de caution, alors, selon le moyen :
1°/ que M. X... faisait valoir que l'admission de la créance par le juge-commissaire au passif de la société lui était inopposable en sa qualité de caution dès lors qu'il n'avait pas été appelé à la cause et que cette décision ne lui avait pas été notifiée ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge doit en toutes circonstances respecter et faire respecter le principe de la contradiction; qu'il ne peut retenir au soutien de sa décision des moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant, pour déclarer opposables à M. X... en sa qualité de caution les décisions d'admission des créances des crédit-bailleresses, qu'il ne justifiait pas avoir exercé le recours contre l'état des créances prévu par l'article R. 624-8 du code de commerce, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que la caution du débiteur en liquidation judiciaire dispose d'un délai d'un mois à compter de la publication de l'état des créances au BODACC pour présenter une réclamation à l'encontre de cet état devant le juge-commissaire ; que tant que ce délai de recours n'est pas expiré, la décision du juge-commissaire statuant sur l'admission d'une créance ne peut acquérir autorité de la chose jugée à l'encontre de la caution ; qu'en relevant que M. X... n'avait pas exercé en sa qualité de caution le recours prévu par l'article R. 624-8 du code de commerce à la suite de la publication de l'état des créances, pour juger que les crédit-bailleresses pouvaient se prévaloir de l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions d'admission de leur créance, sans constater que le délai légal de réclamation contre cet état était expiré, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles R. 624-8 du code de commerce et 1351 du code civil ;
4°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial ; qu'en vertu de ce principe de valeur supérieure, il doit être reconnue à la caution, serait-elle solidaire, le droit de faire valoir les moyens que le débiteur n'aurait pas lui-même soulevés dans le cadre de la vérification des créances, sous peine de priver la caution de ses droits fondamentaux d'accès au juge et de se défendre en justice ; que pour déclarer M. X... mal fondé en sa prétention relative au caractère excessif de l'indemnité de résiliation, la cour d'appel a uniquement relevé que les crédit-bailleresses pouvaient se prévaloir de l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions d'admission de leur créance et que la vente de l'immeuble était sans conséquence sur l'obligation au paiement de l'indemnité de résiliation, sans se prononcer sur son moyen de défense tiré du caractère manifestement excessif de l'indemnité de résiliation justifiant sa réduction ; qu'en jugeant néanmoins que l'invocation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme était sans emport parce que M. X... avait pu faire valoir ses moyens de défense, quand elle ne s'est même pas prononcée sur lesdits moyens et, plus particulièrement, sur le caractère excessif de l'indemnité de résiliation, la cour d'appel a violé l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, en premier lieu, que la question de l'opposabilité de l'autorité de la chose jugée des ordonnances d'admission de créance étant dans le débat, la cour d'appel n'a méconnu ni le principe de la contradiction ni l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel, qui a relevé que M. X... ne justifiait pas avoir formé la réclamation prévue à l'article R. 624-8 du code de commerce, ce qui rendait inopérant le grief invoqué à la première branche, a exactement retenu que les crédit-bailleresses étaient fondées à opposer à M. X... l'autorité de chose jugée attachée aux ordonnances d'admission de créances ;
Attendu, enfin, qu'il ne résulte ni des conclusions de M. X... ni de l'arrêt que ce dernier a soutenu devant les juges du fond le moyen tiré de l'inopposabilité à son égard de l'admission de la créance de la banque au passif de la société débitrice en raison de la non-expiration du délai de réclamation ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur X... à payer la somme de 267.333,34 euros à la société Fortis Lease, la somme de 133.666,66 euros à la société Natixis Lease et la somme de 95.000 euros à la société Finamur en exécution de ses engagements de caution de la société Transports X...;
AUX MOTIFS QU'«il ressort du dossier qu'au terme d'un arrêt rendu le 12 septembre 2007, la Cour d'Appel de Nancy a constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de crédit-bail immobilier, à la suite d'un commandement de payer délivré le 6 octobre 2006 et resté infructueux, en fixant l'indemnité d'occupation due antérieurement et postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Transports X...; que les sociétés FORTIS LEASE, NATlXIS LEASE et FINAMUR justifient par ailleurs d'une déclaration de créance effectuée le 29 mars 2007, à la suite de la liquidation judiciaire de la société prononcée le 22 mars 2007, à hauteur d'un montant de 1.884.352,65 € représentant:
- les sommes dues au jour du redressement judiciaire, le 11 janvier 2007, soit 398.201,13 €,
-l'indemnité de résiliation, soit 1.470.152,36 €,
- les provisions d'assurance et de taxe foncière 2007, soit 15.999, 16 €.
Il est également établi, à hauteur d'appel, que selon trois ordonnances datées du 5 février 2008, le juge commissaire a admis au passif de la société Transports X...:
- la société Fortis Lease pour 942. 176,32 euros à titre privilégié,
-la société Natixis Lease pour 471.086,16 euros à titre privilégié,
-la société Finamur pour 471.089,16 euros à titre privilégiée,
et ce conformément à la déclaration de créance selon la quote part de chacune des sociétés dans le montant de l'opération; que s'il est invoqué par l'appelant l'irrégularité de ces décisions, force est de constater d'une part qu'elles mentionnent l'absence à l'audience du débiteur convoqué, d'autre part qu'elles ont été notifiées le 26 février 2008 sans qu'il ne soit justifié d'un appel exercé par la société Transports X..., conformément aux dispositions de l'article L. 624-3 du code du commerce, ni de l'exercice par Monsieur X..., en sa qualité de caution, d'un recours exercé à la suite du dépôt et de la publication de l'état des créances, conformément aux dispositions de l'article R. 624-8 du code du commerce; qu'il s'ensuit que les sociétés FORTIS LEASE, NATIXIS LEASE et FINAMUR sont effectivement fondées à se prévaloir de l'autorité de la chose jugée attachée aux ordonnances d'admission des créances, le fait que l'immeuble ait été vendu postérieurement à ces ordonnances étant sans incidence dès lors que cette cession, consécutive à la résiliation du crédit-bail qui a entretné la perte du bénéfice de la promesse de vente, n'a contractuellement aucune conséquence sur les obligations du preneur relatives au règlement des échéances et de leurs accessoires, ainsi qu'au paiement d'une indemnité forfaitaire représentative du préjudice financier découlant de la résiliation; qu'il est également constant que l'appelant s'est engagé aux lieu et place du débiteur principal à concurrence de la somme totale de 496.000 €, soit:
- au titre du contrat de crédit bail 380.000 € (190.000 € pour la société FORTIS LEASE, 95.000 € pour la société NATlXIS LEASE, 95.000 € pour la société FINAMUR),
- au titre de l'avenant du 2 décembre 2005, 116.000 € (77.333,34 € pour la société FORTIS LEASE, 38.666,66 € pour la société NATlXIS LEASE, 38.666,66 € pour la société FINAMUR); que l'exception personnelle qu'il invoque sur la déchéance des intérêts au taux contractuel, faute d'information régulière, est dès lors dépourvue d'effet puisque son engagement est inférieur au montant réclamé du seul chef de l'indemnité de résolution, pour laquelle aucun intérêt n'est décompté; que Monsieur X... est donc mal fondé en ces dernières prétentions, ainsi qu'en celles relatives à la disparition du préjudice des intimées et du caractère excessif de l'indemnité de résiliation, l'invocation de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme étant sans emport dès lors qu'il a pu faire valoir ses moyens de défense; que la décision déférée sera en conséquence confirmée» ;
ALORS, D'UNE PART, QUE Monsieur X... faisait valoir que l'admission de la créance par le juge commissaire au passif de la société Transports X... lui était inopposable en sa qualité de caution dès lors qu'il n'avait pas été appelé à la cause et que cette décision ne lui avait pas été notifiée; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge doit en toutes circonstances respecter et faire respecter le principe de la contradiction; qu'il ne peut retenir au soutien de sa décision des moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations; qu'en relevant, pour déclarer opposables à Monsieur X... en sa qualité de caution les décisions d'admission des créances des sociétés Fortis Lease, Natixis Lease et Finamur, qu'il ne justifiait pas avoir exercé le recours contre l'état des créances prévu par l'article R624-8 du Code de commerce, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la caution du débiteur en liquidation judiciaire, dispose d'un délai d'un mois à compter de la publication de l'état des créances au BODACC pour présenter une réclamation à l'encontre de cet état devant le juge commissaire; que tant que ce délai de recours n'est pas expiré, la décision du juge commissaire statuant sur l'admission d'une créance ne peut acquérir autorité de la chose jugée à l'encontre de la caution; qu'en relevant que Monsieur X... n'avait pas exercé en sa qualité de caution le recours prévu par l'article R624-8 du Code de commerce à la suite de la publication de l'état des créances, pour juger que les sociétés Fortis Lease, Natixis Lease et Finamur pouvaient se prévaloir de l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions d'admission de leur créance, sans constater que le délai légal de réclamation contre cet état était expiré, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles R624-8 du Code de commerce et 1351 du Code civil;
ALORS, ENFIN, QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial; qu'en vertu de ce principe de valeur supérieure, il doit être reconnue à la caution, serait-elle solidaire, le droit de faire valoir les moyens que le débiteur n'aurait pas lui-même soulevés dans le cadre de la vérification des créances, sous peine de priver la caution de ses droits fondamentaux d'accès au juge et de se défendre en justice; que pour déclarer Monsieur X... mal fondé en sa prétention relative au caractère excessif de l'indemnité de résiliation, la Cour d'appel a uniquement relevé que les sociétés Fortis Lease, Natixis Lease et Finamur pouvaient se prévaloir de l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions d'admission de leur créance et que la vente de l'immeuble était sans conséquence sur l'obligation au paiement de l'indemnité de résiliation, sans se prononcer sur son moyen de défense tiré du caractère manifestement excessif de l'indemnité de résiliation justifiant sa réduction; qu'en jugeant néanmoins que l'invocation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme était sans emport parce que Monsieur X... avait pu faire valoir ses moyens de défense, quand elle ne s'est même pas prononcée sur lesdits moyens et, plus particulièrement, sur le caractère excessif de l'indemnité de résiliation, la Cour d'appel a violé l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.