LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a ouvert plusieurs comptes dans les livres de la Caisse de crédit mutuel de Hagenthal-Neuwiller (la caisse) ; que, depuis 1996 à la fin de l'année 2000, il a effectué de nombreuses opérations boursières sur le marché à terme ; que, durant l'année 1998, une conjoncture économique et boursière défavorable ayant entraîné de substantielles moins-values sur les positions des comptes de M. X..., la caisse lui a consenti des concours pour apurer ses pertes ; que M. X... l'a assignée en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant, notamment, de la méconnaissance de son obligation de couverture ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes, alors, selon le moyen, qu'une banque ne peut percevoir le prix de ses prestations de services et les frais y afférents qu'à la condition d'avoir recueilli l'accord du client sur son droit à leur perception et sur leur montant ; qu'en relevant, pour dire que M. X... n'était pas fondé à solliciter la restitution des frais et commissions perçus par la caisse au titre des opérations de bourse qu'il avait réalisées, qu'il ne soutenait pas que les frais et commissions perçus par la banque au titre de ces opérations n'étaient pas conformes aux tarifs et aux conditions générales de la caisse dont il avait déclaré avoir pris connaissance lors de l'ouverture de ses différents comptes, constatation dont il ne résulte pas que M. X... aurait donné son accord sur la perception de frais et commissions sur les opérations boursières et sur les modalités de calcul de ces frais et commissions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... n'a pas soutenu que les frais et commissions perçus par la caisse au titre de ces opérations n'étaient pas conformes aux tarifs et conditions générales de la caisse, dont il a déclaré avoir pris connaissance lors de l'ouverture de ses différents comptes, ce dont il résultait qu'il avait donné son accord sur les conditions générales du contrat mentionnant expressément les frais de gestion, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes de M. X..., l'arrêt retient que la caisse n'a pas manqué à son obligation de couverture dès lors qu'il ressortait du tableau de reconstitution de cette couverture établie à partir des données en sa possession, ainsi que d'une notice explicative dont il résulte qu'il n'a procédé qu'exceptionnellement à des achats SDR non couverts et, lorsque tel était le cas, que la couverture était rétablie immédiatement ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait constaté qu'il ressortait du tableau de reconstitution de la couverture que M. X... avait procédé à des achats SDR non couverts fût-ce à titre exceptionnel, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il a rejeté la demande d'indemnisation de 110 000 euros au titre du préjudice matériel de M. X..., l'arrêt rendu le 25 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée ;
Condamne la Caisse de crédit mutuel de Hagenthal-Neuwiller aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. X... et de la Caisse de crédit mutuel de Hagenthal-Neuwiller ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par de la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat de M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. X... reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'il incombe à M. X... de rapporter la preuve de ce que l'obligation de couverture n'a pas été respectée, ce qui suppose, comme le fait justement observer la CCM, qu'il lui faut, pour chaque ordre de bourse qu'il a passé, rapprocher les informations suivantes, pièces justificatives à l'appui :
- montant de l'engagement ;
- montant de ses disponibilités en espèces, bons du trésor ou OPCVM monétaires ;
- montant de ses disponibilités en titres de créances ou OPCVM obligations ;
- montant de ses disponibilités en titres du capital coté ou OPCVM actions ;
- montant de l'excédent ou de l'insuffisance de couverture au regard de l'engagement ;
Que M. X... ne produit aucun commencement de preuve de cet ordre ; que le rapport SADEC, qui a pour objet de déterminer l'étendue des pertes financières subies par celui-ci dans le cadre des opérations de bourse réalisées au cours de l'année 2000, ne se prononce pas sur l'insuffisance de la couverture imposée par la réglementation et n'est donc pas probant à ce titre ; qu'en revanche, la CCM produit un tableau de reconstitution de la couverture établi à partir des données en sa possession, ainsi qu'une notice explicative, dont il résulte que M. X... n'a procédé qu'exceptionnellement a des achats SRD non couverts et, lorsque tel était le cas, c'était généralement lorsque plusieurs achats étaient passés dans la même journée ; que la couverture était alors rétablie immédiatement soit par diminution des engagements SRD (ventes), soit par diminution du solde espèces, donc augmentation de la couverture offerte par ces espèces ; qu'il n'est pas formulé de critique constructive à l'encontre de ce document, même si la CCM indique que compte tenu de la volumétrie et de l'ancienneté des opérations, de l'utilisation de données parfois externes à la CMCIC Titres (cours Boursorama soldes espèces communiqués par l'agence) et de la complexité des calculs, le document est à considérer comme un document de travail et les données fournies ne sont à retenir que pour avoir une idée de l'ordre de grandeur de la couverture effective ; que M. X... ne fournit pour sa part aucun avis ou document expertal contraire démontrant la fausseté des indications chiffrées du tableau de reconstitution de la couverture produit par la CCM qu'il n'y a pas lieu d'écarter ; qu'il n'appartient pas au juge de pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve et qu'il ne sera pas fait droit à la demande d'expertise formée à titre subsidiaire ;
1°) ALORS QUE c'est à la banque qu'il incombe d'apporter la preuve de l'exécution de son obligation de couverture ; qu'en retenant, au contraire, qu'il incombait à M. X... de rapporter la preuve que la banque n'avait pas respecté son obligation de couverture, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil.
2°) ALORS QUE nul ne peut se constituer un titre à lui-même ; qu'en se fondant, pour dire qu'il n'était pas établi que la banque avait méconnu son obligation de couverture, sur un tableau de reconstitution de la couverture établi par la banque elle-même, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1315 du code civil.
3°) ALORS en tout état de cause QU'en retenant qu'il n'était pas établi que la banque avait méconnu son obligation de couverture tout en constatant qu'il ressortait du tableau de reconstitution de la couverture qu'elle avait produit que M. X... avait procédé à des achats à règlement ou livraison différés non couverts, même si, selon elle, c'était seulement de façon exceptionnelle, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et, partant, a violé l'article 1147 du code civil.
4°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 20), M. X... fournissait, pièces à l'appui, des exemples précis de méconnaissance, par la banque, de son obligation de couverture ; qu'en affirmant qu'il ne rapportait pas la preuve de ce que l'obligation de couverture n'avait pas été respectée sans s'expliquer sur les illustrations de la méconnaissance de cette obligation dont il faisait état dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
5°) ALORS QUE les mesures d'instruction peuvent être ordonnées dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer ; qu'en retenant, pour rejeter la demande subsidiaire d'expertise de M. X..., qu'il ne lui appartenait pas de pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve, tout en constatant que la banque indiquait que son tableau de reconstitution de la couverture ne pouvait valoir que comme « document de travail » donnant « un ordre d'idée de la couverture » compte tenu, notamment, du volume et de l'ancienneté des opérations et de la complexité des calculs, la cour d'appel, qui a ainsi implicitement considéré qu'elle ne disposait pas d'éléments suffisants pour déterminer de façon certaine si la banque avait ou non respecté son obligation de couverture à l'occasion de chacun des ordres de bourse donnés par M. X... et ainsi admis l'opportunité de recourir à une mesure d'instruction sur ce point, a violé l'article 144 du code de procédure civile, ensemble les article 146, alinéa 2, du même code et 4 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
M. X... reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la demande de restitution des frais et commissions perçus par la CMM au titre des opérations boursières réalisées par M. X... sera également rejetée ; qu'en effet, il n'est pas soutenu que les frais et commissions perçus par la banque au titre de ces opérations ne soient pas conformes aux tarifs ni aux conditions générales de la banque dont M. X... a déclaré avoir pris connaissance lors de l'ouverture de ses différents comptes ; que le caractère indu de ces commissions n'est pas établi ;
ALORS QU'une banque ne peut percevoir le prix de ses prestations de services et les frais y afférents qu'à la condition d'avoir recueilli l'accord du client sur son droit à leur perception et sur leur montant ; qu'en relevant, pour dire que M. X... n'était pas fondé à solliciter la restitution des frais et commissions perçus par la banque au titre des opérations de bourse qu'il avait réalisées, qu'il ne soutenait pas que les frais et commissions perçus par la banque au titre de ces opérations n'étaient pas conformes aux tarifs ou aux conditions générales de la banque dont il avait déclaré avoir pris connaissance lors de l'ouverture de ses différents comptes, constatation dont il ne résulte pas que M. X... aurait donné son accord sur la perception de frais et commissions sur les opérations boursières et sur les modalités de calcul de ces frais et commissions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.