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21/06/2011 | FRANCE | N°10-20683

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 juin 2011, 10-20683


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 10, L. 13 et L. 47 du livre des procédures fiscales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite du décès, le 7 février 2003, de Marguerite Y..., veuve d'Albert Z..., laquelle avait institué comme légataire universel M. Y..., la déclaration de succession déposée auprès de l'administration fiscale a été contrôlée et a donné lieu à l'envoi de deux propositions de rectification, la première taxant au titre d'une donation indirecte un compte courant da

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 10, L. 13 et L. 47 du livre des procédures fiscales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite du décès, le 7 février 2003, de Marguerite Y..., veuve d'Albert Z..., laquelle avait institué comme légataire universel M. Y..., la déclaration de succession déposée auprès de l'administration fiscale a été contrôlée et a donné lieu à l'envoi de deux propositions de rectification, la première taxant au titre d'une donation indirecte un compte courant dans la SCI Hamlet (la SCI) et un don manuel, la seconde ajoutant à titre de donation une somme correspondant à un chèque émis par Albert Z... déposé sur le compte de M. Y... ; qu'après le rejet de sa réclamation contentieuse, M. Y... a saisi le tribunal de grande instance pour contester cette décision ;
Attendu que, pour rejeter sa demande, l'arrêt, après avoir constaté que l'administration fiscale avait demandé à M. Y... des informations relatives aux mouvements de l'ensemble des comptes figurant à l'actif de la succession de Marguerite Y... pour la période du 28 février 2002 au 28 février 2003, en application de l'article L. 19 du livre des procédures fiscales, puis lui avait adressé une demande, en qualité de gérant de la SCI, portant sur les biens détenus par cette société, avant de lui demander encore, en tant que légataire de la défunte, des renseignements relatifs aux comptes de la SCI dont Marguerite Y... n'était pas associée et avec laquelle elle n'avait aucun lien, relève que l'expert-comptable de la SCI a transmis à l'administration, sur la demande de celle-ci, l'ensemble de sa comptabilité ; qu'il en déduit qu'en réalité, au travers des renseignements obtenus de M. Y..., plus en sa qualité de gérant de la SCI Hamlet qu'en celle de légataire de Marguerite Y..., des éléments comptables obtenus directement du comptable de la SCI Hamlet et des éléments obtenus directement des banques, l'administration fiscale, au prétexte du contrôle de la succession de la défunte, a procédé sans le dire à une vérification de la comptabilité de la SCI Hamlet et de la comptabilité de M. Y..., depuis 1997, sans que lui ait au préalable été adressé, en application de l'article 47 du livre des procédures fiscales, un avis de vérification ; qu'il retient enfin qu'en l'absence de cet avis préalable et du respect des règles légales, imposant de la part de l'administration fiscale une attitude loyale à l'égard du contribuable, la procédure d'imposition est nulle, et qu'il s'agit d'un détournement de procédure ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ces constatations que l'administration avait formulé de simples demandes de renseignement non contraignantes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour le directeur général des finances publiques.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement et annulé les suppléments de droits de succession mis en recouvrement le 6 juin 2007.
AUX MOTIFS QUE « c'est à l'occasion de la déclaration de succession de feue Marguerite Françoise Y... veuve Z..., décédée le 7 février 2003, sans héritier réservataire, laissant tous ses biens par legs universel à M. Jean-Claude Y..., que l'administration fiscale a demandé des éclaircissements à ce dernier.
Par courriers des 20 décembre 2004 et 11 janvier 2005, l'inspecteur des impôts a demandé à « Monsieur Y... Jean-Claude, pour la succession de Madame Y...… » les mouvements de l'ensemble des comptes de toute nature, figurant à l'actif de la succession au nom de Mme Marguerite Françoise Y... veuve Z... pour la période du 28 février 2002 au 28 février 2003.
Ces demandes correspondaient aux éclaircissements ou justifications que l'administration des impôts peut demander aux héritiers et autres ayants droits, en application de l'article L. 19 du livre des procédures fiscales, au sujet des titres, valeurs et créances non énoncés dans la déclaration et qui sont présumés faire partie de la succession en application du premier alinéa de l'article 752 du code général des impôts.
Le 26 avril 2005, l'inspecteur des impôts a adressé une demande d'information à « Monsieur ou Madame Y... Jean-Claude, gérant de la SCI Hamlet ».« Veuillez m'indiquer précisément les biens détenus par la SCI depuis sa création et me justifier : montant du terrain.. montant des travaux de construction.. détail du financement.. détail des apports.. l'emprunt contracté par la SCI Hamlet.. »
Le 22 octobre 2005, l'inspecteur des impôts a adressé un courrier à « Monsieur Y... Jean-Claude, pour la succession Madame Y..... » en demandant des précisions sur les mouvements opérés sur les comptes courants des associés de la SCI Hamlet, sur les opérations ayant permis l'acquisition par M. et Mme Y... des parts sociales de M. Z... ;
L'administration fiscale a demandé M. Jean-Claude Y..., en tant que légataire de feue Marguerite Françoise Y... veuve Z..., des renseignements relatifs aux comptes de la SCI Hamlet, avec laquelle la de cujus n'a aucun lien, et dans laquelle elle n'était pas associée. La SCI Hamlet n'avait a priori aucun rapport avec la succession.
M. A..., expert-comptable de la SCI Hamlet précise par écrit du 12 octobre 2009 que suite à la demande expresse de la brigade de fiscalité suivi de plusieurs appels téléphoniques, il a adressé par courrier le 23 décembre 2005 l'ensemble de la comptabilité de la SCI Hamlet.
Les éléments ainsi obtenus de la comptabilité de la SCI Hamlet ont amené l'administration fiscale à dire qu'elle avait découvert que des sommes provenant de M. Albert Z... avaient bénéficié à M. Jean-Claude Y..., sommes devant être considérées comme des donations par M. Albert Z... à M. Jean-Claude Y... et à engager une procédure sur le fondement de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales.
L'administration fiscale présente ses propositions de rectifications comme des rectifications relatives aux droits de succession de feue Marguerite QUOY veuve Z.... Compte tenu de ce que M. Albert Z... était marié sous le régime de la communauté universelle avec son épouse, et que ces sommes auraient pu se retrouver dans l'actif de Mme Marguerite Y... veuve Z..., l'administration fiscale a estimé que ces sommes devaient être prises en considération dans la succession.
Le procédé retenu par l'administration fiscale est particulièrement ambigu alors que la veuve de M. Albert Z... aurait très bien pu dépenser tout ce qui venait de son mari comme attribué au dernier vivant ou ne rien laisser à M. Jean-Claude Y..., qui n'était pas héritier réservataire.
En réalité, au travers des renseignements obtenus de M. Y..., bien plus en sa qualité de gérant de la SCI Hamlet qu'en celle de légataire de feue Marguerite QUOY veuve Z..., des éléments comptables obtenus directement du comptable de la SCI Hamlet et des éléments obtenus directement des banques, l'administration fiscale, au prétexte du contrôle de la succession Marguerite QUOY veuve Z..., a procédé sans le dire à une vérification de la comptabilité de la SCI Hamlet et de la comptabilité de M. Jean-Claude Y..., depuis 1997.
En application de l'article 47 du livre des procédures fiscales, une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification, avis qui doit préciser les années soumises à rectification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix.
En l'absence de cet avis préalable et du respect des règles légales, imposant de la part de l'administration fiscale une attitude loyale à l'égard du contribuable, la procédure d'imposition est nulle. Il s'agit d'un détournement de procédure.
M. Jean-Claude Y... doit être déchargé des impositions ayant fait l'objet de la mise en recouvrement du 6 juin 2007, résultant de tels procédés.
ALORS QUE, dans le système déclaratif en vigueur en France, l'administration fiscale a pour mission de contrôler et, le cas échéant, de rectifier les déclarations souscrites par les contribuables ainsi que les actes et documents qui leurs sont assimilés ; qu'elle dispose, à cet effet, en application de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, d'un droit de contrôle des déclarations ainsi que des actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances et des documents déposés en vue d'obtenir les déductions, restitutions ou remboursements ; qu'à cette fin, l'administration peut demander aux contribuables tous renseignements, justificatifs ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés ; les articles L. 13 et L. 47 qui régissent la vérification de comptabilité impliquent que le contrôle se déroule sur place et que l'administration effectue un contrôle approfondi de la comptabilité après envoi d'un avis de vérification ; qu'en considérant que l'administration a procédé, sans le dire, à une vérification de la comptabilité de la SCI Hamlet et de la comptabilité de M. Jean-Claude Y..., depuis 1997, alors que les renseignements obtenus dans le cadre du contrôle du bureau de la SCI Hamlet n'ont fait qu'alimenter le contrôle du bureau de la déclaration de succession de Mme Marguerite Y... veuve Z..., la cour d'appel a affirmé, à tort, que l'administration a procédé à un contrôle sur place et commis un détournement de procédure et a violé l'article L. 10 du livre des procédures fiscales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-20683
Date de la décision : 21/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 22 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 jui. 2011, pourvoi n°10-20683


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.20683
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