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31/05/2011 | FRANCE | N°10-16411

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 31 mai 2011, 10-16411


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses troisième et cinquième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 janvier 2010), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 19 avril 2009, pourvoi n° E 00-21.141), que le 26 septembre 1985, M. X... a ouvert auprès de la société Crédit industriel de l'Ouest (la banque) un compte-titres et un compte-espèces destinés à des opérations de bourse ; que ce dernier compte s'avérant débiteur à partir de 1987, la banque a

assigné en paiement M. X..., en septembre 1988, pour avoir paiement de la so...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses troisième et cinquième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 janvier 2010), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 19 avril 2009, pourvoi n° E 00-21.141), que le 26 septembre 1985, M. X... a ouvert auprès de la société Crédit industriel de l'Ouest (la banque) un compte-titres et un compte-espèces destinés à des opérations de bourse ; que ce dernier compte s'avérant débiteur à partir de 1987, la banque a assigné en paiement M. X..., en septembre 1988, pour avoir paiement de la somme de 140 302,51 euros (920 324,13 francs) ; que M. X... a reconventionnellement réclamé à la banque une somme de 53 357,16 euros (350 000 francs) à titre de dommages-intérêts ; que l'arrêt retenant la responsabilité partielle de la banque pour n'avoir pas exigé la constitution de la couverture suffisante a été cassé par arrêt du 19 avril 2005 ; que devant la cour de renvoi, M. X... s'est prévalu des manquements de la banque à son obligation de conseil ;
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de dommages-intérêts formée contre la banque, alors, selon le moyen :1°/ que l'exercice de la profession d'agent d'assurances étant impropre à établir que l'intéressé est un opérateur averti des risques encourus dans les opérations spéculatives sur le marché à règlement mensuel, la cour d'appel a, en se fondant sur cette considération, violé les articles 1147 du code civil et L. 533-4 du code monétaire et financier ;
2°/ que le prestataire de services d'investissement est tenu, dès l'origine des relations contractuelles et quelle que soit la nature de celles-ci, de mettre en garde le client contre les risques encourus ; que, pour le respect de cette obligation, la qualité de client averti doit s'apprécier au moment de l'ouverture du compte-titres ; qu'en déduisant la qualité de client averti M. X... sur des opérations exécutées et sur l'expérience qu'il avait pu acquérir postérieurement à l'ouverture du compte-titres, sans constater qu'à la date de l'ouverture dudit compte, l'intéressé disposait déjà de connaissances suffisantes et que la banque avait procédé à l'évaluation de sa maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques afférents pour lui fournir une information adaptée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 du code civil et L. 533-4 du code monétaire et financier ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. X... ne semble pas être un novice en matière boursière, que contrairement à ses affirmations, il se livrait à des opérations boursières spéculatives en toute connaissance de cause, qu'en effet à la même période il était titulaire de trois comptes, le premier ouvert auprès de la banque, le second auprès de la BNP et le troisième auprès de la société Schelcher Prince ouvert en mai 1986 ; qu'il retient encore qu'il résulte des auditions de M. X... à la police et d'un courrier adressé le 4 mai 1988 à la banque, qu'il avait une bonne connaissance des mécanismes boursiers, et spécialement de celui des reports ; que le moyen, qui critique un motif surabondant, est inopérant ;
Attendu, d'autre part, que dans ses écritures d'appel, M. X... n'a pas soutenu que la banque avait manqué à son obligation d'évaluation, lors de l'ouverture du compte, de la maîtrise de son client pour procéder à des opérations spéculatives ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la somme de 2 500 euros à la société Crédit industriel de l'Ouest et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. X... de sa demande de dommagesintérêts formée à l'encontre du CIO ;
AUX MOTIFS QUE M. X... ne concluant pas à la confirmation, même partielle, du jugement et n'alléguant plus, à l'appui de ses prétentions, la faute qu'aurait commise la banque en n'exigeant pas la constitution d'une couverture suffisante, il convient de statuer en l'état des manquements invoqués ;
ET AUX MOTIFS QUE les opérations à terme constituent des opérations spéculatives présentant des risques liés au mécanisme de couverture partielle autorisée de ces opérations, particulièrement dans la vente à découvert ; que les prestataires ont à l'égard d'opérateurs non avertis une obligation générale d'information renforcée par une obligation de mise en garde quant aux risques encourus ; que l'investisseur averti est celui dont la compétence résulte soit de sa formation professionnelle et/ou personnelle, soit de l'expérience acquise par la passation habituelle d'ordres spécifiques, et ce en nombre important ; que le moment où s'apprécie ce caractère est nécessairement antérieur ou concomitant à la souscription des opérations en cause ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que M. X..., dont la profession d'agent général d'assurances lui donne la compétence minimale pour comprendre le fonctionnement des mécanismes de placements, était, à l'époque des faits litigieux, titulaire de trois comptes titres : - un compte ouvert à la BNP, sur lequel M. X... a, le 5 novembre 1987, passé des ordres d'achat de titres sur le marché à règlement mensuel, pour un montant total de 1.101.400 francs, ordre non exécuté par la BNP en raison de l'insuffisance de couverture du compte, - un compte ouvert en mai 1986 auprès de la SA Shelcher-Prince, agent de change, qui, par décision du 23 novembre 1992 de la cour d'appel de Limoges, confirmant un jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 21 mars 1991, a été déboutée de sa demande en paiement du solde débiteur de ce compte, compte tenu des irrégularités imputables à cette société dans l'exécution des opérations boursières, M. X... étant de son côté débouté de sa demande en dommages-intérêts dirigée contre la société Shelcher-Prince, - le compte titres ouvert auprès du CIO objet du présent litige ; qu'il résulte de ces éléments que M. X... disposait, à la date de faits litigieux, d'une expérience acquise dans le mécanisme de la passation des ordres de bourse, de même que des différences existant entre les différents modes de placement, puisque, notamment, l'ordre passé à la BNP en novembre 1987 concernait une acquisition de titres « à découvert», opération refusée en raison de l'insuffisance de couverture, et pour laquelle M. X... avait fait sommation à la banque d'exécuter les ordres, et de «reporter sa position sur les mois ultérieurs» ; que la connaissance de M. X... des opérations boursières et plus particulièrement des opérations hautement spéculatives du marché à terme et de l'utilisation du mécanisme du report ressort également du fonctionnement même de son compte-titres ouvert au CIO, puisque, dès le mois de mai 1986, M. X... a fait fonctionner ce compte en utilisant des reports mensuels, pour des positions certes moins importantes que celles constatées ultérieurement, mais cependant déjà, non négligeables, le montant moyen de la position acheteur entre l'ouverture du compte et avril 1987 s'étant établie à 603.929 francs ; que cette période d'activité spéculative, déjà intense et soutenue, a d'ailleurs généré pour M. X... des profits importants, la valorisation du patrimoine et des versements effectués étant évalué par l'expert judiciaire à 241 % au 30 avril 1987 ; que l'augmentation du nombre d'opérations à compter du mois de mai 1987, et l'augmentation corrélative du montant moyen de la position acheteur (2.604.830 francs entre mai 1987 et août 1988), si elle est avérée, a été acceptée en toute connaissance de cause par M. X..., qui disposait en mai 1987 des compétences et de l'expérience nécessaires pour être considéré comme un opérateur averti envers lequel la banque n'était tenue à aucun devoir d'information ou de mise en garde spécifique ; que, surabondamment, l'augmentation des reports à compter de mai 1987 s'explique par la volonté de M. X... d'attendre une meilleure orientation de la bourse avant de liquider ses avoirs, ainsi que cela se déduit des termes de son courrier du 4 mai 1988 ; qu'ainsi, les opérations acceptées par M. X..., opérateur averti, ne sont pas susceptibles d'engager la responsabilité du ClO pour manquement à son devoir d'information et de mise en garde ;
ALORS, 1°) QUE, tenu d'exercer son activité avec compétence, soin et diligence, le prestataire de services d'investissement est tenu de se conformer à la réglementation applicable à l'exercice de son activité, de manière à promouvoir au mieux les intérêts de son client et l'intégrité du marché ; qu'ainsi, manque à ses obligations le prestataire de services d'investissement qui ne respecte pas la réglementation relative à l'obligation de couverture ; que, dans ses conclusions d'appel, M. X... fondait sa demande indemnitaire sur une tel manquement ; qu'en relevant, dès lors, qu'il n'invoquait plus, dans le cadre du renvoi de cassation, la faute consistant à ne pas avoir exigé une couverture suffisante, cependant que ni le rappel de la solution dégagée par l'arrêt de cassation du 19 avril 2005, selon laquelle le donneur d'ordre ne peut pas se prévaloir d'un tel manquement, ni la demande, formulée dans le dispositif de ses conclusions, tendant à l'infirmation du jugement ne caractérisait une volonté claire et non équivoque de renoncer à invoquer cette faute, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de M. X... du 14 avril 2009 et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, 2°), QUE le juge, tenu au respect de la contradiction, ne peut relever d'office un moyen sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office, pour rejeter les demandes de M. X... fondées sur le manquement par la banque de ses obligations d'information et de conseil, que ce dernier était un client averti, qualité dont la banque ne s'était pas prévalue au soutien du rejet des prétentions de son adversaire, sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, 3°), QUE l'exercice de la profession d'agent d'assurances étant impropre à établir que l'intéressé est un opérateur averti des risques encourus dans les opérations spéculatives sur le marché à règlement mensuel, la cour d'appel a, en se fondant sur cette considération, violé les articles 1147 du code civil et L. 533-4 du code monétaire et financier ;
ALORS, 4°), QU'en se fondant encore, pour retenir que M. X... était un client averti, sur l'existence de deux autres comptes-titres ouverts dans les livres de la BNP et de la société Shelcher-Prince, sur l'ordre fait, le 5 novembre 1987, à la BNP d'acheter des titres pour un montant total de 1.101.400 francs et sur le contentieux l'ayant opposé à la société Shelcher-Prince, cependant que ces faits n'avaient pas été spécialement invoqués par les parties, sans les inviter à s'en expliquer, la cour d'appel a violé les articles 7, alinéa 2, et 16 du code de procédure civile ;
ALORS, 5°), QUE le prestataire de services d'investissement est tenu, dès l'origine des relations contractuelles et quelle que soit la nature de celles-ci, de mettre en garde le client contre les risques encourus ; que, pour le respect de cette obligation, la qualité de client averti doit s'apprécier au moment de l'ouverture du compte-titres ; qu'en déduisant la qualité de client averti M. X... sur des opérations exécutées et sur l'expérience qu'il avait pu acquérir postérieurement à l'ouverture du compte-titres, sans constater qu'à la date de l'ouverture dudit compte, l'intéressé disposait déjà de connaissances suffisantes et que le CIO avait procédé à l'évaluation de sa maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques afférents pour lui fournir une information adaptée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 du code civil et L. 533-4 du code monétaire et financier.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-16411
Date de la décision : 31/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 12 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 31 mai. 2011, pourvoi n°10-16411


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.16411
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