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23/03/2011 | FRANCE | N°09-68078

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 mars 2011, 09-68078


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 7 octobre 1996 par l'association Maison des parents Albec Lions en qualité de gestionnaire ; que les parties ont signé le 14 novembre 1997 un document modificatif intitulé avenant à la lettre d'embauche stipulant que le personnel de l'association bénéficierait des dispositions prévues par le droit du travail sous réserve de la mise en application d'une convention collective spécifique, étendue à l'activité de l'employeur ; que Mme X... a démissio

nné le 15 juillet 2005 et a saisi la juridiction prud'homale pour obt...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 7 octobre 1996 par l'association Maison des parents Albec Lions en qualité de gestionnaire ; que les parties ont signé le 14 novembre 1997 un document modificatif intitulé avenant à la lettre d'embauche stipulant que le personnel de l'association bénéficierait des dispositions prévues par le droit du travail sous réserve de la mise en application d'une convention collective spécifique, étendue à l'activité de l'employeur ; que Mme X... a démissionné le 15 juillet 2005 et a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir en application de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 le paiement de rappels de salaires et de primes d'assiduité et de technicité, outre les congés payés afférents et le paiement d'heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de rappels de salaires, de primes d'assiduité, de prime de technicité et à chaque fois des congés payés afférents sur le fondement de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 qui lui était applicable, alors, selon le moyen :
1°/ que la mention de la convention collective sur le bulletin de paie du salarié vaut présomption de l'applicabilité de la convention collective à son égard, de sorte que le salarié peut demander l'application de cette convention collective ; que si l'employeur est admis à apporter la preuve contraire, il doit pour ce faire montrer que cette mention sur le bulletin de paie procédait d'une " erreur manifeste " ; que, pour affirmer que la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 n'était finalement pas applicable, alors qu'elle était mentionnée à son bulletin de paie, la cour d'appel s'est contentée d'affirmer que cette mention sur les fiches de paie a résulté des conditions imposées par la CRAM et n'a donc pas traduit une volonté des dirigeants de l'association Maison des parents Albec Lions d'appliquer cette convention collective ; qu'en ne recherchant pas si cette mention procédait d'une " erreur manifeste ", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 3243-1-3° du code du travail et de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que la manifestation non équivoque par l'employeur de sa volonté d'appliquer une convention collective le lie envers ses salariés, peu important que cette manifestation soit la conséquence des contraintes à lui imposées par les bailleurs de fonds ; qu'en excluant l'application de la convention collective mentionnée sur les feuilles de paie au motif que cette mention aurait résulté des conditions imposées par la CRAM, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les dispositions susvisées ;
3°/ que la possibilité pour l'employeur d'apporter la preuve que la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie du salarié ne vaut pas pour autant applicabilité de cette convention collective est nécessairement limitée aux seules hypothèses où une convention collective est de toute façon applicable de plein droit à l'entreprise et que la mention d'une autre convention sur le bulletin de paie procédait d'une erreur manifeste ; qu'ainsi, en ayant admis l'employeur à apporter la preuve que la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 mentionnée dans le bulletin de salaire n'était pas applicable, alors même qu'aucune autre convention collective n'était applicable de plein droit à l'entreprise, ce qui excluait toute possibilité d'erreur, la cour d'appel a violé les articles L. 2261-2 et L. 2261-17 du code du travail, ensemble l'article R. 3243-1, 3° du code du travail sur le bulletin de paie tels qu'ils doivent être interprétés à la lumière de la directive européenne 91/ 533/ CEE du conseil du 14 octobre 1991 ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article R. 143-2 devenu R. 3243-1, 3° du code du travail relatif au bulletin de paie, interprété à la lumière de la Directive européenne 91/ 533/ CEE du Conseil du 14 octobre 1991, l'employeur est tenu de porter à la connaissance du salarié la convention collective applicable ; que si, dans les relations collectives de travail, une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l'activité principale de l'entreprise, dans les relations individuelles, le salarié peut demander l'application de la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie ; que cette mention vaut présomption de l'applicabilité de la convention collective à son égard, l'employeur étant admis à apporter la preuve contraire ;
Et attendu que procédant à la recherche prétendument omise par la première branche du moyen, la cour d'appel a retenu que la mention de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 sur les bulletins de paie de la salariée résultait seulement des exigences de la CRAM, son autorité de tutelle, alors que la lettre d'engagement de la salariée n'y faisait pas référence et que les parties avaient entendu écarter son application par l'avenant du 14 novembre 1997 ; qu'elle en a exactement déduit qu'à défaut de volonté claire et non équivoque de l'employeur d'appliquer la convention collective litigieuse, la salariée ne pouvait en revendiquer le bénéfice ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes de rappel de salaires pour heures supplémentaires et congés payés afférents, l'arrêt énonce que Mme X... fonde sa demande sur deux relevés manuscrits qu'elle a établis unilatéralement et qu'aucun élément précis et objectif ne corrobore ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la salariée avait produit deux relevés manuscrits des heures qu'elle prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de Mme X... en paiement des sommes de 4 064, 95 euros et 406, 50 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires et congés payés afférents, l'arrêt rendu le 22 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne l'association Maison des parents Albec Lions aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Maison des parents Albec Lions à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes de rappels de salaires, de paiement de primes d'assiduité, de prime de technicité et, à chaque fois, des congés payés y afférents sur le fondement de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 qui lui était applicable,
AUX MOTIFS QUE la détermination de la convention collective applicable se fait en fonction de l'activité réelle et principale de l'entreprise ; Attendu que selon son article 01. 02, 2 la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 s'applique aux personnels des établissements sanitaires, médicaux et médico-sociaux privés à but non lucratif ; que l'association " MAISON DES PARENTS ALBEC LIONS " gère une structure d'accueil des parents d'enfants hospitalisés par la mise à disposition de chambres, de toilettes et de cuisines ; qu'elle ne fournit aucune prestation sanitaire, médicale ou médico-sociale, d'où il suit que la convention collective invoquée ne s'applique pas de plein droit à son personnel ; que selon l'article R. 3243-1-3 du code du travail le bulletin de paie prévu à l'article L. 3243-2 comporte, s'il y a lieu, l'intitulé de la convention collective de branche applicable au salarié ; que cette mention constitue une présomption d'applicabilité, que l'employeur peut combattre par la preuve contraire. que la lettre d'embauché d'Annick X... datée du 10 octobre 1996, soit 3 jours après le début d'exécution du contrat de travail, ne mentionne aucune convention collective ; que les fiches de paie mentionnent celle des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 ; que par lettre du 26 novembre 1996, l'employeur a précisé à la salariée que la CRAM Rhône-Alpes venait de lui adresser la convention définissant les conditions de sa participation financière au fonctionnement et que selon l'article 7 les conditions de travail et de rémunération du personnel du foyer étaient déterminées par la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 ; que ce document non contractuel entre les parties est une référence permettant à la CRAM de calculer sa participation financière ; que par un document daté du 14 novembre 1997, donc postérieur de près d'un an, et intitulé " Avenant à la lettre d'embauché du 7 octobre 1996 ", l'association " MAISON DES PARENTS ALBEC LIONS " et Annick X... ont revu les conditions de la rémunération ; qu'elles y ont précisé in fine que le personnel de l'association bénéficierait des dispositions prévues par le droit du travail sous réserve de la mise en application d'une convention collective spécifique, étendue à l'activité de l'employeur ; Attendu qu'il ressort de ces éléments que la mention de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 sur les fiches de paie a résulté de conditions imposées par la CRAM, bailleresse financière, et n'a pas traduit une volonté des dirigeants de l'association " MAISON DES PARENTS ALBEC LIONS " d'appliquer cette convention collective non visée contractuellement et implicitement écartée dans l'avenant précité du 14 novembre 1997 ; que par voie de conséquence Annick X... s'avère mal fondée en ses demandes de rappels de salaires, primes d'assiduité et de technicité, ainsi que des congés payés y afférents ; que la décision des premiers juges doit être confirmée sur tous ces points ».
ALORS, D'UNE PART, QUE la mention de la convention collective sur le bulletin de paie du salarié vaut présomption de l'applicabilité de la convention collective à son égard, de telle sorte que le salarié peut demander l'application de cette convention collective ; que si l'employeur est admis à apporter la preuve contraire, il doit pour ce faire montrer que cette mention sur le bulletin de paie procédait d'une « erreur manifeste » ; que, pour affirmer que la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 n'était finalement pas applicable, alors qu'elle était mentionnée au bulletin de paie de la salariée, la Cour d'appel s'est contentée d'affirmer que cette mention sur les fiches de paie a résulté des conditions imposées par la CRAM et n'a donc pas traduit une volonté des dirigeants de l'association « Maison des parents Albec Lions d'appliquer cette convention collective, qu'en ne recherchant pas si cette mention procédait d'une « erreur manifeste », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 3243-1 3° du Code du travail et de l'article 1134 du Code civil.
ALORS en tout cas QUE la manifestation non équivoque par l'employeur de sa volonté d'appliquer une convention collective le lie envers ses salariés, peu important que cette manifestation soit la conséquence des contraintes à lui imposées par les bailleurs de fonds ; qu'en excluant l'application de la convention collective mentionnée sur les feuilles de paie au motif que cette mention aurait résulté des conditions imposées par la CRAM, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les dispositions susvisées ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE, en tout état de cause, la possibilité pour l'employeur d'apporter la preuve que la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie du salarié ne vaut pas pour autant applicabilité de cette convention collective est nécessairement limitée aux seules hypothèses où une convention collective est de toute façon applicable de plein droit à l'entreprise et que la mention d'une autre convention sur le bulletin de paie procédait donc d'une erreur manifeste ; qu'ainsi, en ayant admis l'employeur à apporter la preuve que la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 mentionnée dans le bulletin de paie n'était pas applicable, alors même qu'aucune autre convention collective n'était applicable de plein droit à l'entreprise,- ce qui excluait toute possibilité d'erreur-, la Cour d'appel a violé les articles L. 2261-2 et L. 2261-17 du Code du travail, ensemble l'article R. 3243-1 3° du Code du travail sur le bulletin de paie tels qu'ils doit être interprétés à la lumière de la directive européenne 91/ 533/ CEE du conseil du 14 octobre 1991.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes de rappel de salaires pour heures supplémentaires et de congés payés y afférents.
AUX MOTIFS QUE s'il résulte de l'article L. 3171-4 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'Annick X... fonde sa demande sur deux relevés manuscrits, qu'elle a établis unilatéralement et qu'aucun élément précis et objectif ne corrobore ; qu'elle s'avère dès lors mal fondée en ses prétentions ; Attendu que la décision des premiers juges doit être confirmée » ;
ALORS QUE si aux termes de l'article L. 3171-4 du Code du travail, il appartient en effet au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, il ne lui appartient pas pour autant de prouver le bien fondé de sa demande. Que l'arrêt attaqué avait constaté que la salariée avait étayé sa demande par la production de deux relevés manuscrits ; qu'en rejetant la demande de Madame X... au motif qu'aucun élément précis et objectif ne venait corroborer ces deux relevés manuscrits établis unilatéralement, la Cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-68078
Date de la décision : 23/03/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 22 mai 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 mar. 2011, pourvoi n°09-68078


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.68078
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