LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 30 avril 2009) que M. X... a été engagé le 16 septembre 1996 en qualité de chef de zone export par la société Guillin emballages (la société) ; qu'il a été licencié pour faute grave, le 19 juillet 2005 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer diverses sommes alors, selon le moyen :
1°/ que le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, dans la lettre de licenciement, l'employeur se prévalait du fait qu'alors qu'il avait été clairement indiqué au salarié dans un courrier du 10 mai 2005 reçu le 11 mai que ses frais afférents aux déplacements supplémentaires (A/R La Baule – Paris) qu'il effectuait depuis son déménagement ne serait plus pris en charge, il en demandait toujours le remboursement ; qu'en omettant d'examiner le grief, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ que le caractère réitéré des demandes du salarié de remboursement de billets de trains payés par l'entreprise établissait le caractère volontaire de ces agissements et leur caractère fautif ; qu'en retenant pourtant que « s'il est exact qu'à plusieurs reprises, M. X... a effectivement sollicité et obtenu le remboursement d'un billet de train payé par l'entreprise, l'intention de tromperie n'est nullement établie, une telle situation pouvant résulter d'une simple erreur du salarié qui établissait ses notes une fois par mois », la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
3°/ qu'en se bornant à affirmer, pour retenir que la tolérance de l'employeur ne lui permettait pas d'invoquer une faute grave justifiant le licenciement, que l'examen des relevés de la carte Total professionnelle mettait en évidence que le salarié réglait des dépenses personnelles de carburant avec cette carte, sans constater que l'employeur avait une connaissance effective de ces faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
4°/ qu'en tout état de cause, l'utilisation a des fins personnelles de la carte Total professionnelle par le salarié constituait une faute grave, nonobstant l'absence de reproche antérieur ; qu'en se fondant pourtant sur la tolérance de l'employeur, pour considérer que celui-ci ne pouvait invoquer une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
5°/ et à titre infiniment subsidiaire qu'en se bornant à considérer que la tolérance de l'employeur ne lui permettait pas d'invoquer une faute grave justifiant le licenciement, sans constater qu'elle ne lui permettait pas non plus de se prévaloir d'une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail ;
6°/ que les manquements à la probité constituent une cause de licenciement ; que dès lors en l'espèce, en refusant de tenir compte des manquements à la probité invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, au motif inopérant que le différend relatif au domicile du salarié et surtout son refus de se plier à la demande de son employeur à cet égard, situation non acceptée par la société, constituaient le véritable motif du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé par un motif non critiqué par le moyen, que le véritable motif du licenciement résidait, non dans l'un des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, mais dans le fait que le salarié avait fixé son domicile en un lieu que la société considérait comme inadapté à la bonne exécution de sa prestation de travail, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Guillin emballages aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour la société Guillin emballages.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur X... était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné la Société GUILLIN EMBALLAGES à lui payer une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et un rappel de salaire correspondant à la mise à pied ;
AUX MOTIFS QU'il est manifeste, au vu de la lettre de licenciement, des explications des parties et des pièces produites que la question de la domiciliation du salarié et plus particulièrement son installation à LA BAULE est à l'origine de la dégradation des relations salariales. Or, il sera rappelé qu'aux termes des articles 8 de la convention européenne des droits de l'homme, L120-4 devenu L 1222-1 du code du travail et 1134 du code civil, l'employeur ne peut faire obstacle à la liberté de choix du domicile du salarié que pour des raisons objectives tenant aux intérêts essentiels de l'entreprise. En l'occurrence, les fonctions de Monsieur X... impliquaient essentiellement des déplacements à l'étranger. Si le souhait de l'employeur de le voir fixer son domicile à proximité d'un aéroport international ou à proximité de son siège social est compréhensible, il n'en demeure pas moins qu'il ne légitime pas une atteinte à la liberté fondamentale du salarié de fixer son domicile. Au demeurant, dans sa lettre du 10 mai 2005, la Société GUILLIN EMBALLAGES mentionne elle-même que les discussions ne portent pas sur les résultats (obtenus au regard de la domiciliation) mais exclusivement « sur la capacité du salarié à respecter deux principes fondamentaux en vigueur dans l'entreprise : discipline de travail et équité de traitement pour tous les collaborateurs ». Ses exigences quant à la domiciliation de Monsieur X... ont ainsi conduit l'employeur à remettre en cause l'organisation professionnelle du salarié dont il n'est d'ailleurs pas démontré qu'elle s'est modifiée depuis le départ de Monsieur X... de la région parisienne. La Cour observe que le reproche mentionné dans la lettre de licenciement relatif à l'organisation du temps de travail et tenant au « nombre de journées home office disproportionné » se confond avec le grief d'un temps de présence insuffisant à ORNANS visé dans la lettre de mise à pied ; il en est de même en ce qui concerne les rapports hebdomadaires et les reporting mensuels imprécis ou insuffisants, la mise à pied faisant reproche de ne pas transmettre à la hiérarchie le détail de son activité. La Société GUILLIN EMBALLAGES remet en cause dans la lettre de licenciement la qualité du travail de Monsieur X... qui n'avait pourtant fait l'objet d'aucune observation antérieure. Les exemples visés pour justifier du manque de rigueur dans le traitement et le suivi des dossiers s'appuient sur quelques mails échangés entre le salarié et la direction en 2004-2005 et pour le dernier le 22/04/05 ; indépendamment du fait qu'ils ne permettent pas de caractériser par un comportement fautif ni même une « insuffisance professionnelle » non alléguée, ils ne peuvent, compte tenu du délai de prescription, être retenus pour valider le licenciement, d'autant que la perturbation des relations commerciales et du fonctionnement interne du service n'est pas démontrée. Il est également fait reproche au salarié d'avoir participé à un salon au Maroc en juin 2005 sans l'accord de la hiérarchie ce qui n'est pas établi ; en effet, s'il est justifié de ce que le responsable avait demandé des précisions sur ledit salon, aucune preuve d'une opposition de sa part à la participation de Monsieur X... n'est apportée, le salarié produisant d'ailleurs une attestation du distributeur marocain soulignant l'intérêt procuré par cette participation. La Société GUILLIN EMBALLAGES fait état de ce que le laxisme dans l'organisation du temps de travail et par conséquent du manque d'intérêt porté à ses clients serait démontré par l'absence du salarié à la réception du 2 mars 2005 organisée pour le distributeur belge. Or, ses propres pièces démontrent qu'il était prévu une rencontre seulement le 3 mars dans la matinée, la réception était organisée par une autre société du groupe GUILLIN. Par ailleurs, l'intimité se prévaut de la remise en cause de la hiérarchie. Or, à cet égard, indépendamment des courriers adressés par le salarié au sujet de son domicile et que la société estime, de façon non fondée à leur lecture, « à la limite de la correction », la Cour ne peut apprécier la réalité de ce grief au vu des pièces invoquées à l'appui de ce grief et ce, en l'absence d'explications sur les mails échangés entre Monsieur X... et son responsable au sujet du montant de la facturation à un client ; le fait pour le salarié de demander la confirmation de la décision prise par son responsable antérieurement ne peut constituer une remise en cause de la hiérarchie, même si son mail est adressé à une autre salariée apparemment assistante de Monsieur X.... Le principal grief allégué dans la lettre de licenciement concerne la tromperie sur les notes de frais. Il est ainsi fait reproche à Monsieur X... de s'être fait rembourser des billets de train qui avaient été en réalité commandés, payés et remis au salarié par l'entreprise. Il apparaît effectivement que l'intéressé soit achetait directement les billets de train soit les faisait commander par la société. S'il est exact qu'à plusieurs reprises, Monsieur X... a effectivement sollicité et obtenu le remboursement d'un billet de train payé par l'entreprise, l'intention de tromperie n'est nullement établie, une telle situation pouvant résulter d'une simple erreur du salarié qui établissait ses notes de frais une fois par mois. S'agissant du déplacement BRUXELLES-PARIS du 10 mai 20058, la Société GUILLIN EMBALLAGES relève que la demande de remboursement ne correspond pas au détail des justificatifs produits. Cependant, le salarié explique que le premier billet acheté étant à tarif préférentiel, il a dû acquitter un supplément dans la mesure où il a anticipé son retour et pris un train non prévu. Les pièces produites démontrent qu'effectivement, la somme demandée en remboursement correspondant au coût des billets et du supplément et nullement au coût d'un billet supplémentaire dont aurait pu profiter Monsieur X... comme l'insinue la société employeur. Il est également reproché à Monsieur X... une non concordance entre le justificatif de frais et l'activité réelle notamment lors des déplacements à l'étranger, la Société GUILLIN EMBALLAGES s'étonnant de l'absence de production des factures correspondantes aux dits déplacements et notamment aux frais d'hôtel et ce, pour des missions en Grèce, Hollande, Irlande et Londres. A cet égard, Monsieur X... produit les attestations des distributeurs concernés par les dits voyages effectués en Hollande, Irlande et Grèce certifiant que les déplacements avaient été écourtés à leur demande. Le fait que le salarié n'ait pas modifié son programme sur l'agenda « Lotus » ne permet pas à l'employeur de se prévaloir d'une quelconque fraude à cet égard. S'agissant du voyage en Grande-Bretagne, Monsieur X... justifie de ce qu'il a été hébergé une nuit par son cousin dans la nuit du 15 au 16 mars 2005. Or, l'attestation du distributeur anglais démontre que le salarié a bien passé avec lui les journées du 15 et 16 mars 2005. La société GUILLIN ne peut en conséquence remettre en cause l'activité de Monsieur X... pendant ce voyage. Il est également reproché l'utilisation d'une carte TOTAL de l'entreprise à des fins personnelles. Ce grief est effectivement fondé et non contesté par Monsieur X... qui observe que son employeur connaissait parfaitement la situation et avait toléré l'utilisation de la carte d'essence. Les pièces versées aux débats démontrent que si le salarié ne disposait pas d'une autorisation en bonne et due forme pour l'utilisation à titre personnel du véhicule de société, le seul document du 20 décembre 2001 ne concernant que la période du 21 au 31 décembre 2001, il n'en demeure pas moins que cet usage a été admis par l'entreprise qui n'a aucunement réagi à la suite de l'accident de la circulation intervenu le 12 décembre 2003 alors que Madame X... était conductrice du dit véhicule. Il est cependant exact que le paiement des dépenses de carburant de ce véhicule avec la carte TOTAL professionnelle pour des trajets personnels est contraire aux règles en vigueur dans l'entreprise, le document précité du 20 décembre 2001 précisant d'ailleurs que les frais de carburant et d'entretien occasionnés par l'utilisation personnelle du véhicule ne donnaient lieu à aucun remboursement que ce soit sur justificatifs ou par carte. Si Monsieur X... a manifestement méconnu cette règle, il n'en demeure pas moins que cette situation n'a fait l'objet d'aucune réaction de la part de la société employeur alors même que l'examen des relevés de la carte TOTAL mettait en évidence une telle situation, l'employeur ne pouvait en outre méconnaître le fait que l'usage professionnel du véhicule était limité du fait des déplacements à l'étranger par Monsieur X.... En conséquence, si l'attitude du salarié n'est pas exempte de reproches, la tolérance de l'employeur ne lui permet pas d'invoquer une faute grave justifiant le licenciement d'autant qu'à l'évidence le contrôle approfondi allégué par elle découle du différend relatif au domicile du salarié et surtout de son refus de se plier à la demande de son employeur à cet égard, situation non acceptée par la société et qui constitue le véritable motif du licenciement ce qui explique qu'elle a remis en cause l'organisation de l'activité professionnelle de son salarié. En conséquence, les faits invoqués dans la lettre de licenciement ne peuvent justifier celui-ci et il sera fait droit en conséquence aux demandes formées par Monsieur X... sauf à fixer à la somme de 40.000 euros le montant des dommages et intérêts en réparation de la rupture du contrat de travail ;
1) ALORS QUE le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, dans la lettre de licenciement, l'employeur se prévalait du fait qu'alors qu'il avait été clairement indiqué au salarié dans un courrier du 10 mai 2005 reçu le 11 mai que ses frais afférents aux déplacements supplémentaires (A/R LA BAULE – PARIS) qu'il effectuait depuis son déménagement ne serait plus pris en charge, il en demandait toujours le remboursement ; qu'en omettant d'examiner le grief, la Cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du Code du travail ;
2) ALORS QUE le caractère réitéré des demandes du salarié de remboursement de billets de trains payés par l'entreprise établissait le caractère volontaire de ces agissements et leur caractère fautif ; qu'en retenant pourtant que « s'il est exact qu'à plusieurs reprises, Monsieur X... a effectivement sollicité et obtenu le remboursement d'un billet de train payé par l'entreprise, l'intention de tromperie n'est nullement établie, une telle situation pouvant résulter d'une simple erreur du salarié qui établissait ses notes une fois par mois », la Cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du Code du travail ;
3) ALORS QU'en se bornant à affirmer, pour retenir que la tolérance de l'employeur ne lui permettait pas d'invoquer une faute grave justifiant le licenciement, que l'examen des relevés de la carte TOTAL professionnelle mettait en évidence que le salarié réglait des dépenses personnelles de carburant avec cette carte, sans constater que l'employeur avait une connaissance effective de ces faits, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du Code du travail ;
4) ALORS, QU'en tout état de cause, l'utilisation a des fins personnelles de la carte TOTAL professionnelle par le salarié constituait une faute grave, nonobstant l'absence de reproche antérieur ; qu'en se fondant pourtant sur la tolérance de l'employeur, pour considérer que celui-ci ne pouvait invoquer une faute grave, la Cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du Code du travail ;
5) ALORS et à titre infiniment subsidiaire QU'en se bornant à considérer que la tolérance de l'employeur ne lui permettait pas d'invoquer une faute grave justifiant le licenciement, sans constater qu'elle ne lui permettait pas non plus de se prévaloir d'une cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du Code du travail ;
6) ALORS QUE les manquements à la probité constituent une cause de licenciement ; que dès lors en l'espèce, en refusant de tenir compte des manquements à la probité invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, au motif inopérant que le différend relatif au domicile du salarié et surtout son refus de se plier à la demande de son employeur à cet égard, situation non acceptée par la société, constituaient le véritable motif du licenciement, la Cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du Code du travail.