La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/2011 | FRANCE | N°10-14886

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mars 2011, 10-14886


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique qui est recevable :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 janvier 2010), que M. et Mme X... sont mariés sous le régime de la séparation des biens ; que, depuis leur mariage, tous deux ont acquis en indivision divers biens immobiliers et que Mme X... a placé des fonds ainsi que donné une certaine somme à ses deux enfants, le tout avec des fonds appartenant à M. X... ; qu'analysant ces opérations comme des donations indirectes consenties par ce dernier à son épouse, l'administratio

n fiscale leur a notifié, le 13 juin 2003, une proposition de rectifi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique qui est recevable :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 janvier 2010), que M. et Mme X... sont mariés sous le régime de la séparation des biens ; que, depuis leur mariage, tous deux ont acquis en indivision divers biens immobiliers et que Mme X... a placé des fonds ainsi que donné une certaine somme à ses deux enfants, le tout avec des fonds appartenant à M. X... ; qu'analysant ces opérations comme des donations indirectes consenties par ce dernier à son épouse, l'administration fiscale leur a notifié, le 13 juin 2003, une proposition de rectification puis, le 14 décembre 2003, a mis en recouvrement les droits d'enregistrement correspondants avec les intérêts de retard ; qu'après rejet de leur réclamation, M. et Mme X... ont assigné le directeur des services fiscaux du Nord afin d'obtenir le dégrèvement de ces impositions ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que tout versement de fonds entre époux mariés sous le régime de la séparation de biens est présumé constituer un prêt, en vertu des règles applicables à la liquidation dudit régime matrimonial ; qu'une qualification différente d'un tel versement ne peut être retenue qu'en cas de preuve contraire ; qu'en qualifiant les versements faits par M. X... au profit de son épouse de donation, avant même d'envisager qu'elles puissent constituer une avance entre époux, la cour d'appel a inversé la présomption applicable et violé ainsi les articles 1543 et 1479 du code civil ;
2°/ qu'un prêt est un contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l'usage, à la charge pour cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité ; qu'au cas présent les versements effectués par M. X... au profit de son épouse devront lui être remboursés à la liquidation de leur régime matrimonial ; qu'en se fondant sur l'insuffisance des capacités de remboursement de Mme X... pour écarter la qualification de prêt, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a violé l'article 1892 du code civil ;
3°/ qu'en présence d'époux mariés sous le régime de la séparation de biens, la remise de fonds d'un époux au profit d'un autre ne suffit pas à établir l'intention libérale ; qu'en se fondant sur l'enrichissement de Mme X... et l'appauvrissement de M. X... pour en déduire que l'intention libérale est établie, la cour d'appel, qui s'est encore prononcée par un motif inopérant, a violé l'article 894 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que M. X... a financé seul l'acquisition de quatre immeubles par les deux époux, sans le mentionner dans les actes de vente, en sorte que ces biens sont réputés acquis en indivision et qu'il a ainsi manifesté son intention irrévocable de se déposséder de la moitié des fonds versés par lui ; que l'arrêt relève que Mme X... a, par ailleurs, reçu de son époux d'importantes sommes qu'elles a placées à son nom ou données en son nom propre, celui-ci s'en trouvant dès lors dépossédé de manière irrévocable ; qu'il constate en outre l'absence de tout document relatif à ces financements et remises permettant à M. X... d'agir en restitution ; qu'il ajoute que la qualification d'avances de fonds ne peut être soutenue dans la mesure où Mme X... ne dispose pas des moyens de rembourser et que celle de prestations rémunératoires ne peut être admise, Mme X..., sans emploi depuis le 31 décembre 1987, n'ayant pas collaboré à l'activité professionnelle de son mari et son activité de femme au foyer n'excédant pas la contribution aux charges du mariage lui incombant ; que la cour d‘appel ayant souverainement déduit de ces constatations et appréciations que les opérations litigieuses ne s'expliquaient que par l'intention libérale de M. X... a exactement décidé qu'elles constituaient des donations indirectes entre vifs ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme globale de 2 500 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur et Madame X... de leurs demandes et a maintenu à leur charge les suppléments des droits d'enregistrement;
Aux motifs propres que « l'administration fiscale soutient que les versements effectués par Monsieur X... pour le compte de son épouse lors de l'acquisition des différents biens immobiliers, de la constitution d'un PEA, de la remise des SICAV et actions dont elle a disposé et du placement à la PREFON, doivent être regardés comme des donations indirectes, et en conséquences être soumis au droit d'enregistrement prévu par les articles 777, 779 et 784 du code général des impôts ; qu'il appartient à celui qui invoque une donation indirecte d'apporter la preuve de l'intention libérale laquelle ne se présume pas ; que les époux X... sont mariés sous le régime de la séparation de biens ; que Monsieur X... a financé seul l'acquisition des quatre immeubles par les deux époux, chacun par moitié, sans que les actes de vente ne portent mention de l'origine des fonds ; que Madame X... s'est donc retrouvée propriétaire indivis de la moitié des quatre immeubles sans avoir participé à leur financement ; que par ailleurs elle a reçu de son époux d'importantes sommes d'argent qu'elle a placées à son nom ou dont elle a disposé pour son compte personnel, sans établissement corrélative d'une quelconque reconnaissance de dette ; que l'intention de Monsieur X... de se déposséder irrévocablement, sans contrepartie, en faveur de son épouse de la moitié de la valeur des immeubles et de la totalité des sommes qu'il lui a remises, résulte de l'absence de tout document constatant ces financements et remises, qui lui aurait permis d'agir en restitution ; que les appelants font valoir à bon droit que la simple possibilité que les versements puissent s'expliquer par d'autres raisons que l'intention libérale suffit à écarter la qualification de donation ; que toutefois le Tribunal a relevé avec pertinence qu'aucune des explications données par les époux X... n'apparaît vraisemblable ; que Monsieur et Madame X... soutiennent d'une part qu'ils ont procédé à des avances entre époux régies par les articles 1469, 1479 et 1543 du code civil et d'autre part que les versements s'analysent en des prestations rémunératoires ; que la qualification d'avances de fonds (dont il n'est d'ailleurs pas précisé le montant) ne peut être soutenue dans la mesure où les opérations portent sur des sommes importantes que Madame X..., sans profession, n'aura pas les moyens de rembourser dans le cadre d'un régime de séparation de biens, alors même qu'elle a déjà disposé de partie de ces fonds au profit de ses deux enfants ; que la qualification de donations (ou prestations) rémunératoires ne nécessite certes pas la preuve d'une équivalence entre la valeur des biens donnés et la somme correspondant aux services rémunérés ; que toutefois s'agissant de prestations rémunératoires entre époux il est indispensable d'établir que la contribution aux charges du mariage de l'époux créancier excède les limites qui lui incombent ; qu'il résulte de l'attestation de Monsieur Y... que Madame Patricia Z... était employée (depuis une date non précisée) par la SA INTER 59, éditrice de journaux gratuits et qu'elle a démissionné le 31 décembre 1987 « en raison des obligations professionnelles trop prenantes de Monsieur X... au sein de La Voix du Nord », pour se consacrer à son foyer ; que cependant ce n'est que plus d'un an après (le 25 février 1989) que Monsieur X... et Madame Z... se marieront ; qu'aucun enfant n'est né de leur union ; que Madame Z... avait deux enfants d'un premier lit, Jérôme A..., majeur lors du mariage et Charlotte A..., âgée de 14 ans ; que Monsieur X... adoptera les deux enfants de son épouse par jugement du 2 décembre 1999, alors que ceux-ci étaient majeurs ; que Madame X... n'a pas collaboré à l'activité professionnelle de son mari ; que femme au foyer elle a géré la vie domestique et ménagère familiale mais cette activité n'excède pas la contribution aux charges du mariage lui incombant en application de l'article 214 du code civil ; que dans de telles circonstances la notion de prestations rémunératoires ne peut être admise ; que les opérations litigieuses qui ne s'expliquent que par l'intention libérale de Monsieur X... constituent donc des donations indirectes ; que s'agissant de donations entre vifs elles sont taxables dès qu'elles sont constituées ; qu'il convient de confirmer le jugement » (arrêt attaqué, p. 4, alinéas 1 à 9 et p. 5, alinéas 1 à 5) ;
Et aux motifs, éventuellement adoptés, des premiers juges que « en vertu de l'article 784 du code général des impôts applicable à la cause, « Les parties sont tenues de faire connaître, dans tout acte constatant une transmission entre vifs à titre gratuit et dans toute déclaration de succession, s'il existe ou non des donations antérieures consenties à un titre et sous une forme quelconque par le donateur ou le défunt aux donataires, héritiers ou légataires et, dans l'affirmative, le montant de ces donations ainsi que, le cas échéant, les noms, qualités et résidences des officiers ministériels qui ont reçu les actes de donation, et la date de l'enregistrement de ces actes ; que la perception est effectuée en ajoutant à la valeur des biens compris dans la donation ou la déclaration de succession celle des biens qui ont fait l'objet de donations antérieures, à l'exception de celles passées depuis plus de dix ans, et, lorsqu'il y a lieu à application d'un tarif progressif, en considérant ceux de ces biens dont la transmission n'a pas encore été assujettie au droit de mutation à titre gratuit comme inclus dans les tranches les plus élevées de l'actif imposable » ; que l'article 894 du code civil dispose que « la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte » ; qu'en outre, si les donations indirectes échappent au formalisme imposé par l'article 931 du code civil, il n'en demeure pas mois qu'elles doivent revêtir les caractères imposés par l'article 894 du Code civil pour être qualifiées comme tel ; qu'il appartient en conséquence à celui qui sollicite la requalification d'un acte en donation indirecte de rapporter la preuve de l'intention libérale et irrévocable du donateur et de son acceptation par le bénéficiaire ; qu'il incombe à l'administration fiscale de démontrer l'intention libérale de M. X... à l'égard de son épouse ; que sur ce point, il y a lieu de mettre en avant la matérialité même de la libéralité dans la mesure où M. X... a financé seul pour une somme importante (près de 8 millions de Francs) l'acquisition de quatre immeubles alors que les actes de vente ne mentionnent pas ce point et que ces biens sont réputés acquis en indivision ; que l'intention libérale se déduit alors de ce comportement puisqu'en versant ses fonds propres pour l'acquisition de biens acquis en indivision avec son épouse, M. X... a manifesté son intention irrévocable de se déposséder de la moitié de ces sommes, Mme X... se retrouvant propriétaire indivise de la moitié des quatre immeubles, alors qu'elle n'a pas participé au financement de leur acquisition ; qu'il en est de même pour les sommes d'argent que cette dernière a reçue de son époux et qu'elle a placé ou donné en son nom propre, M. X... se trouvant dès lors dépossédé de manière irrévocable de ces sommes ; que pour contester cette intention libérale, M et Mme X... ne peuvent faire état du droit particulier des régimes matrimoniaux, dans la mesure où comme le souligne l'administration fiscale, elle a entendu taxer une opération spécifique à savoir une donation entre vif ; qu'entre outre, M et Mme X... ne peuvent raisonnablement soutenir qu'il s'agirait d'une avance et, donc, que M. X... n'aurait pas eu l'intention libérale de se dessaisir de ces fonds, les comptes devant être réalisés lors de la liquidation du régime matrimonial, dans la mesure où Mme X..., de toute évidence, ne dispose pas des moyens de le rembourser, dans le cadre d'un régime de séparation de biens ; qu'ainsi, si M et Mme X... contestent toute intention libérale, il convient de constater que cette dernière se déduit nécessairement de ce faisceau d'indices, étant souligné l'importance du capital ainsi transmis par M. X... à son épouse qui concerne la moitié de quatre immeubles, outre les sommes avancées par ailleurs que démontre son intention de l'avantager à titre gratuit sans contrepartie ; qu'il y a bien alors un appauvrissement du donateur au profit du donataire qui s'enrichit ; qu'afin de contester l'intention libérale, M et Mme X... mettent enfin en avant le caractère rémunératoire de la donation ; qu'ils relèvent à ce titre que Mme X... a cessé son activité pour se consacrer à son foyer et à l'éducation de ses enfants ; que néanmoins, il leur appartient de démontrer l'intention indemnitaire et non libérale de M X... ; qu'au vu des seuls éléments de preuve versés aux débats (deux attestations, l'une émanant d'un collaborateur de M. X... et l'autre de l'ancien directeur de Mme X...), les demandeurs n'apportent pas la preuve que l'activité de Mme X... au sein de son foyer ait excédé ce à quoi elle était normalement tenue d'après les obligations résultant du mariage ; que le seul fait que cette dernière ait cessé toute activité professionnelle à la fin de l'année 1987 (point attesté par M. Y..., pièce 29) ne saurait suffire à démontrer l'intention indemnitaire de M. X... à l'égard de son épouse et, ce, d'autant plus que les sommes en cause sont hors de proportion avec l'éventuelle activité déployée au foyer par son épouse ; qu'il n'est à ce titre pas démontré que cette cessation d'activité était imposée et rendue obligatoire par l'activité de ce dernier et non plutôt par choix de vie, le seule fait que M X... ait exercé des fonctions importantes au sein du journal La Voix Du Nord étant insuffisant à démontrer ce point ; qu'il n'est nullement fait la preuve, en conséquence, que les versements peuvent constituer une rémunération de l'activité au foyer et donc une récompense de services rendus et en tant que tels présent un caractère équivoque ; qu'au surplus, il convient de rappeler que Mme X... n'a nullement participé à l'activité de son conjoint ; qu'en conséquence, il y a lieu de dire que les opérations en cause constituent bien une donation indirecte dès lors que l'intention libérale est la seule explication possible, la preuve n'étant pas rapportée d'une contribution de l'épouse excédant son obligation aux charges du mariage » (jugement, p. 4, alinéas 2 à 10 et p. 5, alinéas 1 à 12) ;
1° Alors que tout versement de fonds entre époux mariés sous le régime de la séparation de biens est présumé constituer un prêt, en vertu des règles applicables à la liquidation dudit régime matrimonial ; qu'une qualification différente d'un tel versement ne peut être retenue qu'en cas de preuve contraire ; qu'en qualifiant les versements faits par Monsieur X... au profit de son épouse de donation, avant même d'envisager qu'elles puissent constituer une avance entre époux, la cour d'appel a inversé la présomption applicable et violé ainsi les articles 1543 et 1479 du Code civil ;
2° Alors qu'un prêt est un contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l'usage, à la charge pour cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité ; qu'au cas présent les versements effectués par Monsieur X... au profit de son épouse devront lui être remboursés à la liquidation de leur régime matrimonial ; qu'en se fondant sur l'insuffisance des capacités de remboursement de Madame X... pour écarter la qualification de prêt, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a violé l'article 1892 du Code civil ;
3° Alors qu'en présence d'époux mariés sous le régime de la séparation de biens, la remise de fonds d'un époux au profit d'un autre ne suffit pas à établir l'intention libérale ; qu'en se fondant sur l'enrichissement de Madame X... et l'appauvrissement de Monsieur X... pour en déduire que l'intention libérale est établie, la cour d'appel, qui s'est encore prononcée par un motif inopérant, a violé l'article 894 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-14886
Date de la décision : 15/03/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 04 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 mar. 2011, pourvoi n°10-14886


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.14886
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award