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02/03/2011 | FRANCE | N°09-71138

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 mars 2011, 09-71138


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en application de l'accord du 24 juin 1999, relatif à la durée du travail, signé par six sociétés d'économie mixte d'autoroutes, dont la société Autoroutes du Sud de la France (ASF), une convention d'entreprise n° 51 a été conclue au sein de cette société le 25 novembre 1999, mettant en place une modulation du temps de travail sur la base de 1 596 heures de travail effectif par an pour les salariés non postés, la durée hebdomadaire ne pouvant "être inférieure à 24 h

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en application de l'accord du 24 juin 1999, relatif à la durée du travail, signé par six sociétés d'économie mixte d'autoroutes, dont la société Autoroutes du Sud de la France (ASF), une convention d'entreprise n° 51 a été conclue au sein de cette société le 25 novembre 1999, mettant en place une modulation du temps de travail sur la base de 1 596 heures de travail effectif par an pour les salariés non postés, la durée hebdomadaire ne pouvant "être inférieure à 24 heures et à trois jours de travail, et excéder 42 heures et cinq jours de travail" ; que M. X... et treize salariés de la société ASF, estimant qu'ils travaillaient en moyenne plus de 35 heures par semaine, alors qu'ils étaient rémunérés sur la base d'un horaire mensuel de 35 heures, ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de rappels de salaire et de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail, ensemble l'accord collectif du 24 juin 1999 et la convention d'entreprise n° 51 du 25 novembre 1999 ;
Attendu que pour condamner la société ASF à payer un rappel de salaire, un rappel de 13e mois et les congés payés afférents, l'arrêt énonce qu'en application de l'article L. 212-8, devenu L. 3122-9 du code du travail, l'accord du 24 juin 1999 et la convention d'entreprise n° 51 fixent la durée annuelle de travail des salariés non postés à 1 596 heures ; que compte tenu des vingt-cinq jours de congés payés et des onze jours fériés, la durée hebdomadaire moyenne pour cette catégorie de salariés était en conséquence de 35,625 heures par semaine, alors qu'il résultait de leurs feuilles de salaire qu'ils n'étaient rémunérés que pour 35 heures ; que toutefois, ce temps de travail excédentaire, n'ayant pas atteint le seuil de déclenchement des heures supplémentaires fixé par la convention d'entreprise n° 51, d'une part, à 42 heures hebdomadaires, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2004 qui a supprimé la référence à l'horaire hebdomadaire, et d'autre part, à 1 596 heures annuelles pour la période postérieure, n'entre donc pas dans le champ des heures supplémentaires et doit être rémunéré au taux normal ;
Qu'en se déterminant ainsi, en se fondant sur une durée moyenne hebdomadaire de travail théorique des salariés, tenant compte des jours fériés et congés payés mais excluant les jours de congés au titre de la réduction de temps de travail (ARTT), sans déterminer le nombre d'heures effectivement travaillées par les salariés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Autoroutes du Sud de la France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société ASF à payer à chaque salarié une somme à titre de rappel de salaire, de rappel de treizième mois et de congés payés, outre une indemnité par application de l'article 700 du Code de procédure civile, d'AVOIR condamné la société ASF à payer au syndicat CGT/ASF Valence 2.000 euros de dommages et intérêts ainsi qu'une somme par application de l'article 700 du Code de procédure civile, et d'AVOIR ordonné la publication de son arrêt dans le journal syndical aux frais de la société ASF ;
AUX MOTIFS QUE « c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont partiellement fait droit aux demandes des salariés après avoir rappelé les conditions d'application de l'article L 212-8 du code du travail devenu L 3122-9 du même code, avoir constaté que la durée annuelle du travail pour les salariés non postés était fixée par l'accord du 24 juin 1999 et la convention n° 51 relative à l'aménagement du temps de travail à 1596 heures, avoir relevé qu'alors que la durée hebdomadaire pour cette catégorie de salariés était de 35,625 heures par semaine en tenant compte des 25 jours de congés payés et des 11 jours fériés (article 2 de la convention 51 et article 4 de l'avenant n° 3 de la convention collective SEMCA du 5 décembre 1991), il résultait de la lecture de leurs feuilles de paie qu'ils n'étaient rémunéré que pour 35 heures par semaine ; Attendu que c'est par des motifs tout aussi pertinents que les premiers juges ont rappelé qu'il convenait de distinguer l'horaire hebdomadaire, dont la limite fixant le seuil de déclenchement des heures supplémentaires (42 heures) n'est pas dépassée pour la période antérieure à l'entrée en application de la loi du 30 juin 2004, la référence à l'horaire hebdomadaire n'étant plus admise après cette loi, pour ouvrir le compteur des heures supplémentaires et l'horaire annuel (1600 puis 1607 heures) au-delà duquel des heures supplémentaires sont dues ; qu'il s'ensuit que les 0.625 heures de travail que le salarié effectue 44,8 semaines par an conformément à sa demande, soit heures par an ; attendu en effet d'une part que dès lors que les feuilles de paie des salariés mentionnent qu'ils ont accompli l'horaire de travail correspondant à leur service, il en résulte la présomption qu'ils ont effectivement accompli leur temps de travail ; Que d'autre part la société ASF, aurait dû, en exécution des dispositions de l'article D 212-23 devenu D 3171-13 du code du travail, remettre chaque année à ses salariés le décompte du total des heures effectuées ce qu'elle n'a pas fait ; que ne respectant pas la réglementation en vigueur ; la société ASF ne peut légitimement exiger des salariés qu'ils rapportent une preuve qui en droit lui incombe ; Que le jugement doit être confirmé de ce chef en ce qu'il a fait droit à la demande ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« en application de l'article L 3122-9 du code du travail (ancien L 212-8) issu de la loi 2000-37 du 19 janvier 2000, une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise, peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que sur un an, cette durée n'excède pas un plafond de 1607 heures. Que la convention ou l'accord peut fixer un plafond inférieur. Attendu qu'au terme de l'accord du 24 juin 1999 signé par six sociétés d'économie mixte, concessionnaires d'autoroutes dont la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF), et la convention d'entreprise n° 51 relative à l'aménagement et la réduction du temps de travail des salariés non postés, la durée du travail des salariés non postés (3 x 8) à temps plein est fixée à 1 596 heures de travail effectif, c'est à dire une durée annuelle maximale, conforme aux dispositions légales (plafond 1 607 heures) ; Que la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE reconnaît par ailleurs dans les réponses qu'elle a apportées par écrit aux questions des délégués du personnel du 6 juin 2000 et du 5 décembre 2000 que la durée hebdomadaire de travail de ces salariés non postés est de 35,625 heures par semaine, en tenant compte de 25 jours ouvrés de congés payés et de 11 jours fériés (soit 7,2 semaines) comme précisé à l'article 2 de la convention 51. Attendu que l'article 4 de l'avenant n° 3 de la convention collective SEMCA signé le 5 décembre 1991 stipule qu'à compter du 1er janvier 1992, une journée supplémentaire par an sera attribuée au personnel ne travaillant pas par roulement au sens de l'annexe III, à l'occasion d'un pont, en fonction de l'organisation du service ; Attendu que l'accord d'entreprise n° 30, stipule : "Le protocole d'accord relatif aux mesures salariales et complémentaires au titre de l'année 1992, signé le 15 avril 1992, stipule en son article 2. pour les agents non postés, en plus du jour de congés pris à l'occasion d'un pont, il est garanti la prime de 10 jours fériés par an. Lorsqu'aucun accord existe, la détermination et les modalités seront déterminées par accord au sein de chaque entreprise ; ....le code du travail énumère les jours fériés qui sont au nombre de 11..." ; Attendu que selon ces dispositions, il est garanti à chaque agent la prise de 10 jours fériés par an, que ces jours fériés tombent sur un jour ouvré ou sur un jour de repos ; Attendu que l'accord du 24 juin 1999, précise que le taux horaire est déterminé par le rapport entre le salaire de base et l'horaire mensuel moyen de référence ; que l'examen des bulletins de paie des demandeurs révèle que c'est un horaire de 151,67 heures par mois qui est retenu, soit 35 heures au lieu de 35,625 heures ; Attendu qu'il s'ensuit que les demandeurs doivent être rémunérés pour les 0,625 heures qu'ils effectuent 44,8 semaines par an conformément à leurs demandes soit 28 heures par an sur la période non prescrite de 2002 à 2007, la saisine ayant été déposée en décembre 2007, le calcul se faisant avec le salaire horaire du mois de décembre de l'année considérée, ces salaires étant annualisés » ;
1) ALORS QU'en cas de litige relatif au temps de travail, le juge doit déterminer, au regard des éléments de preuve versés aux débats, le nombre d'heures de travail effectuées par le salarié ; qu'en l'espèce, la Cour d'Appel a accordé un rappel de salaire aux salariés défendeurs au pourvoi au prétexte qu'ils étaient rémunérés sur la base de 35 heures de travail par semaine quand théoriquement la durée conventionnelle annuelle de travail rapportée en moyenne sur la semaine devait selon elle correspondre à 35,625 heures de travail ; qu'en statuant ainsi sans déterminer le temps de travail effectif réel de chaque salarié afin d'examiner si concrètement chaque salarié n'avait pas été rempli de ses droits, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et s. et L. 3171-4 du Code du travail, de l'accord dit intersemca du 24 juin 1999, de l'avenant n° 3 de la convention collective SEMCA du 5 décembre 1991, et de la convention d'entreprise n° 51 relative à l'aménagement et la réduction du temps de travail des salariés non postés ;
2) ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en affirmant en l'espèce que l'employeur, qui a violé l'article D. 3171-13 du Code du travail, devait rapporter la preuve du temps de travail de chaque salarié sans pouvoir leur reprocher de ne pas apporter une preuve qui en droit lui incombe, la Cour d'Appel a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail ;
3) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de motiver leur décision et à ce titre de viser et d'analyser les éléments de preuve versés aux débats ; qu'en faisant droit en l'espèce aux demandes de rappel de salaire des salariés sans examiner les décomptes du temps de travail effectif de chacun, versés aux débats par l'employeur, dont il résultait qu'ils avaient été remplis de leurs droits (production d'appel n° 12), la Cour d'Appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; que dans les réponses qu'il a apportées par écrit aux questions des délégués du personnel du 6 juin 2000 et du 5 décembre 2000, l'employeur se bornait à dire que la durée conventionnelle annuelle de travail pour les agents non-postés correspondait à « une durée moyenne hebdomadaire de 35 heures 625 » ; que si le Conseil de prud'hommes avait estimé qu'il s'agissait d'une reconnaissance par l'employeur de la durée effective du temps de travail des salariés non postés, les juges du fond ont dénaturé les réponses écrites de l'employeur et violé le principe susvisé.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société ASF à payer au syndicat CGT/ASF Valence 2.000 euros de dommages et intérêts ainsi qu'une somme par application de l'article 700 du Code de procédure civile, et d'AVOIR ordonné la publication de son arrêt dans le journal syndical aux frais de la société ASF ;
AUX MOTIFS QUE « la demande du syndicat CGT / ASF Valence est recevable et fondée, la défense des salariés dans l'exécution loyale de leurs contrats de travail relevant par essence de sa mission ; Qu'il y a lieu d'ordonner la publication de l'arrêt dans la revue syndicale aux frais de l'employeur et de lui allouer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts outre la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » ;
ALORS QUE l'action du syndicat, qui, en complément des demandes formées par le salarié au titre de son préjudice individuel, vise à faire sanctionner par une indemnisation séparée l'attitude de l'employeur, nécessite que le litige porte atteinte aux intérêts collectifs de la profession ; que tel n'est pas le cas en l'espèce s'agissant d'un litige relatif au temps de travail effectif des salariés et à leur droit à un éventuel rappel de salaire correspondant ; qu'en affirmant que la demande du syndicat CGT/ASF Valence est recevable et fondée, la défense des salariés dans l'exécution loyale de leurs contrats de travail relevant par essence de sa mission, la Cour d'Appel a violé l'article L. 2132-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-71138
Date de la décision : 02/03/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 02 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 mar. 2011, pourvoi n°09-71138


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.71138
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