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02/03/2011 | FRANCE | N°09-40547

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 mars 2011, 09-40547


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 décembre 2008), que M. X... a été engagé par la société Effix devenue Reuters Financial Software en qualité d'ingénieur financier par contrat de travail à durée indéterminée du 8 juin 1998 ; qu'il a été promu à compter du 1er juillet 2002 aux fonctions de chef de produit puis, à compter du 1er mai 2005, en qualité de directeur gestion des risques de crédit et de marché ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale par requête du 22 mai 2006 d'une dema

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 décembre 2008), que M. X... a été engagé par la société Effix devenue Reuters Financial Software en qualité d'ingénieur financier par contrat de travail à durée indéterminée du 8 juin 1998 ; qu'il a été promu à compter du 1er juillet 2002 aux fonctions de chef de produit puis, à compter du 1er mai 2005, en qualité de directeur gestion des risques de crédit et de marché ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale par requête du 22 mai 2006 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail puis a pris acte par lettre du 8 septembre 2006 de sa rupture ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Reuters Financial Software fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. X... était justifiée et produisait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner en conséquence à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que la création d'un niveau intermédiaire entre un salarié et son supérieur hiérarchique n'entraîne pas en soi une rétrogradation ; qu'en se fondant, pour dire que le contrat de travail avait été modifié, sur le fait que le rapport hiérarchique du salarié avec la direction de la société avait été distendu après la création de deux échelons intermédiaires le rétrogradant de N-1 à N-3 cependant que de tels motifs n'étaient pas de nature à caractériser une modification du contrat de travail, la cour d'appel a statué d'après des motifs inopérants et a ainsi violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
Mais attendu que la modification du contrat de travail intervenue sans l'accord exprès du salarié constitue un manquement aux obligations contractuelles de l'employeur qui fait produire à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Que la cour d'appel, qui a relevé que l'employeur avait réduit les responsabilités du salarié et l'avait éloigné de la sphère dirigeante par sa mise à l'écart des réunions stratégiques, a statué à bon droit ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Reuters Financial Software fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... une somme à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de la clause de non-sollicitation conclue avec la société Sophis, alors, selon le moyen :
1°/ que ne constitue pas une clause de non-concurrence la clause dite de " non-sollicitation " conclue entre deux employeurs, par laquelle chacun contracte vis-à-vis de l'autre l'obligation de ne pas embaucher certains salariés faisant partie de l'effectif de son cocontractant ; qu'une telle clause est licite et n'oblige pas les employeurs contractants à verser une indemnité aux salariés concernés, qui y restent tiers ; qu'en la condamnant néanmoins à payer à M. X... des dommages-intérêts " pour le préjudice résultant de la clause de non sollicitation conclue avec la société Sophis ", la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1165 du code civil ;
2°/ qu'à tout le moins, en la condamnant à payer une indemnité " pour le préjudice résultant de la clause de non-sollicitation ", sans préciser le fondement juridique de cette condamnation, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a relevé qu'en exécution de la clause de non-sollicitation conclue entre son employeur et la société Sophis, le salarié n'avait pas pu être engagé par cette dernière jusqu'en février 2008, en a exactement déduit que cette clause avait porté atteinte à sa liberté de travailler et que son employeur devait l'indemniser du préjudice qu'il lui avait ainsi causé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Reuters Financial Software aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Reuters Financial Software à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Reuters Financial Software.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur X... était justifiée et produisait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la Société RFS à lui payer les sommes de 22. 725, 38 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 70. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
AUX MOTIFS QUE « lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit d'une démission dans le cas contraire ; que les griefs invoqués au fondement de cette prise d'acte doivent être établis et constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur ; que les juges ne sont pas liés par les griefs énoncés dans la seule lettre de licenciement ; que la modification unilatérale du contrat de travail peut constituer un motif de prise d'acte de la rupture imputable à l'employeur ; que M. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre datée du 8 septembre 2006 ; qu'aux termes de cette correspondance, il reproche à la société de n'avoir pas cité son nom dans le cadre d'une note interne relative au succès du projet DBS dont il avait la charge ; que cependant, la communication produite dont s'agit félicitait les équipes développement et management ayant contribué à ce succès et que l'intéressé dirigeait ; qu'y étaient rapportés les propos de M. Y..., supérieur hiérarchique de M. X... ; que le nombre de collaborateurs ayant participé à l'opération ne permettait pas de les citer tous ; que ce reproche n'est pas fondé ; qu'ensuite, M. X... fait grief à la société de l'avoir écarté de la réunion du 5 septembre fixée alors qu'il avait posé un congé à cette date pour accompagner son enfant à la rentrée scolaire ; que cependant, M. X... a été convié à cette réunion selon mail produit et ne pouvait exiger le déplacement d'une réunion intéressant plusieurs personnes pour lui permettre d'y participer ; que le salarié fait état du défaut de paiement d'une prime annoncée pour le mois de juillet ; qu'il résulte des courriels et bulletin de paie produits que cette prime annoncée en juillet devait être payée en août ; que son versement sur la paie de septembre ne constitue pas un manquement de l'employeur à ses obligations ; que M. X... fonde sa décision de rompre son contrat de travail sur son déclassement résultant de la création de deux échelons hiérarchiques intermédiaires suite à l'intégration de salariés de la société acquise Application Networks et de la perte de substance de ses fonctions confinées à l'exécution ; que suivant avenant du 26 avril 2005 à effet du 1er mai 2005, M. X... était promu aux fonctions de « directeur entreprise wide risk management » ; qu'il devenait membre du comité de direction et cadre dirigeant bénéficiant d'un véhicule de fonction ; qu'il est établi par les organigrammes, note interne et attestation (Z...) que M. X... qui rapportait à M. A..., avait la responsabilité de 3 équipes représentant 27 collaborateurs ; qu'à la fin de l'année 2005, M. Y... est venu chapeauter la division, reléguant ainsi Messieurs A... et Le Masson aux niveaux N-1 et N-2 ; qu'après le départ de M. A... – concomitant à l'acquisition de la société Application Networks et à l'intégration de certains de ses salariés-une nouvelle organisation a été exposée par note interne du 24 avril 2006 qui scindait les équipes : conception et développement (précédemment managées par M. X...) sous la responsabilité de M. B... et le product management qui relèvera à M. X... ; que l'organigramme versé en pièce 26 confirme cette répartition transférant les équipes Z... et F... à M. B... et laissant 3 collaborateurs à M. X... ; que par courriel du 3 mai 2006, M. B... a pris acte des responsabilités que lui conférait cette réorganisation ; que parallèlement, s'intercalaient entre Messieurs Y... et Le Masson deux niveaux intercalaires (Messieurs C... et D...) ; que l'absence de protestation immédiate de M. X... est indifférente puisque justifiée par son interrogation légitime au fur et à mesure des changements annoncés ; qu'en tout état de cause, M. X... a exprimé son opposition dès le 25 avril 2006 avant d'informer son employeur le 18 mai 2006 de la saisine du conseil de prud'hommes aux fins de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail ; qu'il résulte tant du mail d'Eric Rumfels du 19 mai 2006 que de l'organigramme daté du 13 juin suivant que la scission annoncée le 24 avril et mise en place le 3 mai était abandonnée au profit de M. X... qui recouvrait la responsabilité des deux équipes « transférées temporairement » à l'autorité de M. B... ; que la lettre du 23 août 2006 de l'employeur a entendu confirmer à M. X... son rétablissement intégral dans ses fonctions reçues en mai 2005 ; qu'à la date de la prise d'acte par M. X... de la rupture de son contrat de travail, ce salarié avait recouvré-au moins officiellement-la responsabilité des trois équipes de la division ; qu'il convient d'examiner l'effectivité de ce revirement au regard de la réalité des pouvoirs concédés à l'intéressé et de l'ajout de deux niveaux hiérarchiques intermédiaires ; qu'il ne revenait pas à M. X... de juger du bien fondé de la réorganisation consécutive à l'acquisition de la société Application Networks marquant le pouvoir de direction de l'employeur ; que M. X... avait à nouveau, dès juin 2006, recouvré le lien hiérarchique avec ses 27 collaborateurs ; que ses feuilles de paie ont continué à indiquer le bénéfice de sa voiture de fonction accordé aux termes de l'avenant de mai 2005 ; que cependant, le rapport hiérarchique de M. X... avec la direction de la société a été distendu après la création de deux échelons intermédiaires (Messieurs C... et D...) le rétrogradant de N-1 à N-3 ; que l'éloignement de la sphère dirigeante s'est accompagné de son éviction de la réunion du comité de pilotage tenue les 17 et 18 juin 2006 à Londres ; que la société explique cette absence par la seule présence de l'équipe dirigeante en infraction avec le statut de cadre dirigeant de M. X... ; que les réunions auxquelles il a par ailleurs été confié ne relevaient pas de la sphère décisionnelle ; que M. X... n'apparaît pas sur l'organigramme édité en septembre 2006 alors que M. E...- au même niveau hiérarchique sur l'organigramme de juin-est indiqué sur celui de septembre ; que l'attitude de l'employeur est confirmée par l'attestation de M. Z... faisant état de la mise à l'écart de l'intéressé des réunions stratégiques ; qu'il apparaît ainsi que le revirement officiellement opéré en mai et juin 2006 par la société en réponse à la saisine initiale du conseil de prud'hommes (et qui confirmait le bien fondé de celle-ci) n'a pas été conforté dans les faits, M. X... ayant été écarté de la sphère dirigeante ; que cette situation constituait de la part de l'employeur une modification unilatérale du contrat de travail de l'appelant et justifiait sa prise d'acte ; que celle-ci produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que M. X... avait une ancienneté supérieure à deux années et doit percevoir des dommages et intérêts à hauteur minimale des six derniers mois de salaire étant précisé qu'il a commencé un nouvel emploi dès le mois de décembre 2006 ; que compte tenu de son ancienneté et de son âge, la société devra lui verser la somme de 70 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que M. X... demande paiement de la somme de 22 725, 38 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ; qu'au regard des dispositions de l'article 19 de la convention collective dite Syntec, l'indemnité de licenciement est calculée sur la base de 0, 25 de mois (salaire mensuel moyen des douze derniers mois primes incluses) par année d'ancienneté dès lors que cette dernière est comprise entre 2 et 20 ans ; qu'au regard de l'attestation ASSEDIC, M. X... a perçu une rémunération globale de 128 331, 83 € soit une rémunération moyenne de 10 694, 30 € sur les 12 derniers mois ; que la société devra lui verser la somme de 22 725, 38 € de ce chef ;
ALORS QUE la création d'un niveau intermédiaire entre un salarié et son supérieur hiérarchique n'entraîne pas en soi une rétrogradation ; qu'en se fondant, pour dire que le contrat de travail avait été modifié, sur le fait que le rapport hiérarchique du salarié avec la direction de la société avait été distendu après la création de deux échelons intermédiaires le rétrogradant de N-1 à N-3 cependant que de tels motifs n'étaient pas de nature à caractériser une modification du contrat de travail, la Cour d'appel a statué d'après des motifs inopérants et a ainsi violé les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société RFS à payer à Monsieur X... la somme de 15. 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la clause de non sollicitation conclue avec la Société SOPHIS,
AUX MOTIFS QUE « M. X... sollicite l'indemnisation du préjudice résultant des effets de la clause de non sollicitation liant les sociétés REUTERS et SOPHIS ; que la réalité de cette clause, non contestée par la société, est établie par le mail émanant de M. Y... en date du 17 octobre 2006 évoquant l'impossibilité pour M. X... de rejoindre l'autre société jusqu'au mois de février 2008 ; que la liberté de travailler du salarié a été amputée sans contrepartie alors que son ancien supérieur hiérarchique (M. G...) avait rejoint la société Sophis ; que M. X... a subi un préjudice qui sera réparé par la paiement de dommages et intérêts à hauteur de 15 000 € » ;
ALORS QUE ne constitue pas une clause de non-concurrence la clause dite « de non sollicitation » conclue entre deux employeurs, par laquelle chacun contracte vis-à-vis de l'autre l'obligation de ne pas embaucher certains salariés faisant partie de l'effectif de son cocontractant ; qu'une telle clause est licite et n'oblige pas les employeurs contractants à verser une indemnité aux salariés concernés, qui y restent tiers ; qu'en condamnant néanmoins la Société RFS à payer à Monsieur X... des dommages et intérêts « pour le préjudice résultant de la clause de non sollicitation conclue avec la Société SOPHIS », la Cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail, ensemble les articles 1134 et 1165 du Code civil ;
QU'À TOUT LE MOINS, en condamnant la Société RFS à payer une indemnité « pour le préjudice résultant de la clause de non sollicitation », sans préciser le fondement juridique de cette condamnation, la Cour d'appel n'a pas motivé sa décision, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-40547
Date de la décision : 02/03/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 04 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 mar. 2011, pourvoi n°09-40547


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Jacoupy, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.40547
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