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16/02/2011 | FRANCE | N°09-43089;09-43090;09-43091;09-43092;09-43093

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 février 2011, 09-43089 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° X 09-43.089, Y 09-43.090, Z 09-43.091, A 09-43.092 et B 09-43.093 ;
Sur le moyen unique, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Saint-Denis de la Réunion, 26 mai 2009), qu'un accord salarial a été conclu le 21 novembre 1988 entre la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Réunion (CRCAMR) et les organisations syndicales prévoyant le paiement à partir de 1989 et au

mois de septembre de chaque année d'un demi-mois de salaire supplémentaire...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° X 09-43.089, Y 09-43.090, Z 09-43.091, A 09-43.092 et B 09-43.093 ;
Sur le moyen unique, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Saint-Denis de la Réunion, 26 mai 2009), qu'un accord salarial a été conclu le 21 novembre 1988 entre la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Réunion (CRCAMR) et les organisations syndicales prévoyant le paiement à partir de 1989 et au mois de septembre de chaque année d'un demi-mois de salaire supplémentaire au personnel ; que cette prime a été supprimée, par avenant du 17 septembre 1990 ; qu'un accord d'intéressement a été conclu concomitamment pour une durée de trois ans à compter de l'exercice ouvert le 1er janvier 1990 ; que soutenant que cet accord s'était substitué à un élément de rémunération résultant de l'accord du 21 novembre 1988, en violation des dispositions de l'ordonnance du 21 octobre 1986, cinq salariés de la CRCAMR ont saisi la juridiction prud'homale, en novembre 1995, d'une demande de rappel de salaire pour les années 1990 à 1995 au titre de l'accord du 21 novembre 1988 ; que par arrêts du 9 octobre 2001 (Bull n° 305), la chambre sociale de la Cour de cassation, après avoir relevé que l'accord d'intéressement avait été conclu en même temps que celui supprimant la prime, a jugé que cette simultanéité réalisait la substitution prohibée d'un accord d'intéressement à un élément de salaire ; qu'un arrêt ultérieur du 9 novembre 2005 précise "que la substitution prohibée résultait de la concomitance des deux accords du 17 septembre 1990 en sorte que tous deux étaient privés d'effet..." ; que cinq autres salariés de la CRCAMR ont également saisi la juridiction prud'homale le 28 décembre 2006 d'une demande de rappel de salaire de septembre 2001 à septembre 2004 (2005 pour certains), en application de l'accord du 21 novembre 1988 ; que l'employeur a sollicité, à cette occasion, le remboursement des primes d'intéressement versées au titre des années 1990 à 1992 ;
Attendu que la CRCAMR fait grief aux arrêts de juger ses demandes prescrites, alors, selon le moyen :
1°/ que la prescription ne court qu'à compter du jour où celui qui l'invoque a pu agir valablement ; qu'un employeur ne peut agir en restitution des primes versées au titre d'un accord d'intéressement tant que le juge n'a pas prononcé la nullité de l'accord ou n'a pas déclaré celui-ci "privé d'effet" ; qu'en jugeant au contraire que le point de départ de la prescription devait être fixé au jour du paiement au motif inopérant que l'élément déclencheur des droits des parties ne serait pas la consécration de cette substitution prohibée par le juge mais la prohibition légale qui agit ab initio dès la réalisation de la substitution illicite, la cour d'appel a violé l'article 2251 du code civil dans sa rédaction alors applicable, ensemble le principe contra non valentem agere non currit praescriptio ;
2°/ que tout jugement est opposable aux tiers qui ne peuvent ignorer la situation juridique qui en résulte ; qu'en jugeant que la décision de justice ayant déclaré un accord d'intéressement "privé d'effet" ne constituait pas le point de départ de la prescription de l'action en restitution des sommes versées en application dudit accord au motif erroné que la décision n'avait autorité de la chose jugée qu'entre les parties, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 2251 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;
Mais attendu qu'en vertu de l'article 2251 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité absolue d'agir par suite d'un empêchement résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure ;
Et attendu que si la CRCAMR, liée par les deux accords du 17 septembre 1990, se trouvait dans l'impossibilité absolue d'agir avant les arrêts de la chambre sociale des 9 octobre 2001 ayant jugé que ces accords réalisaient la substitution prohibée d'un accord d'intéressement à un élément de salaire, ses demandes en répétition de l'indu, introduites par conclusions notifiées le 29 août 2007, étaient en tout état de cause prescrites ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués par le moyen, les arrêts se trouvent légalement justifiés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Réunion aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Réunion à payer aux défendeurs la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Réunion
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR jugé que les demandes de remboursement des primes d'intéressement indument versées de 1990 à 1992 étaient prescrites, d'avoir par conséquent débouté la CRCAMR de sa demande de compensation, et d'avoir condamné celle-ci à faire toute diligence pour la prise en considération du rappel de salaire dans les droits à retraite des salariés et à payer la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE le principe de la prime de septembre qui a fait l'objet d'un long contentieux initié par d'autres salariés n'est pas discuté ; qu'en revanche la CRCAMR entend déduire de la somme précitée de 3 784,66 euros, les primes d'intéressement versées à tort, soit la somme de 2 885,08 euros ; que dans une logique qui lui reste personnelle et non dénuée de contradiction, la CRCAMR retient la prescription pour la créance salariale afférente à la prime de septembre et l'exclut pour la créance patronale d'indu relative à la prime d'intéressement ; que le salarié s'oppose à la compensation ; que l'avenant et l'accord du 17 septembre 1990 ont réalisé une substitution prohibée au sens de l'article 4 alinéa 2 de l'ordonnance du 21 octobre 1986 en ce sens que l'accord d'intéressement est venu se substituer à l'accord du 21 novembre 1988 ; qu'ainsi la prime d'intéressement devait remplacer la prime de septembre ; que la substitution d'un élément de salaire par une prime d'intéressement étant prohibée par l'article précité, l'avenant et l'accord du 17 septembre 1990 sont privés d'effet ; que la CRCAMR considère que l'indu résulte de l'arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 2005 mais que cette analyse ne tient pas compte de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision, laquelle est limitée aux parties ; que sauf à conférer à l'arrêt précité la valeur prohibée d'un arrêt de règlement, il n'a aucune incidence sur les droits du salarié; que s'agissant d'accords d'entreprise, leur illégalité n'a pas été constatée ou prononcée comme en matière contractuelle ; que c'est du fait de leur nature conventionnelle, au sens du droit du travail, qu'ils sont considérés privés d'effet ; que cette privation d'effet ne résulte pas de la situation de monsieur X..., partie à l'instance de l'arrêt précité du 9 novembre 2005, mais de la substitution prohibée qu'ils ont réalisée ; qu'elle n'est que la conséquence de l'interdiction de la substitution prohibée édictée par l'article 4 de l'ordonnance du 21 octobre 1986 ; que ce n'est pas la consécration de cette substitution prohibée par la jurisprudence et sa conséquence dans la privation de leurs effets qui est l'élément déclencheur des droits des parties ; que le générateur de ces droits est la prohibition légale laquelle agit ab initio dès la réalisation de la substitution illicite ; que consécutivement les sommes payées par la CRCAMR au titre d'un accord d'intéressement privé d'effet n'étaient pas dues ; que leur répétition est alors justifiée pour autant qu'elles ne soient pas atteintes par la prescription ; que n'étant pas dues dès leur paiement, le point de départ de la prescription est le paiement ; que la CRCAMR a demandé le remboursement par le mécanisme de la compensation aux termes de ses conclusions notifiées le 29 août 2007 ; que s'agissant d'un élément de rémunération pour lequel la nature salariale n'est pas discutée, la prescription quinquennale est applicable ; que les primes ayant été versées de 1990 à 1992, leur prescription est donc acquise ; que la compensation ne peut alors opérer ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la demanderesse sollicite le versement d'un rappel de salaire, que la partie défenderesse soutient qu'il y a lieu de déduire les sommes perçues au titre de l'intéressement, qu'il ressort que l'accord d'intéressement a perdu ses effets, que l'accord du 21 novembre n'a cessé de produire ses effets que ce de fait la CRCAMR est redevable à la demanderesse d'un rappel de salaire ;
1°) ALORS QUE la prescription ne court qu'à compter du jour où celui qui l'invoque a pu agir valablement ; qu'un employeur ne peut agir en restitution des primes versées au titre d'un accord d'intéressement tant que le juge n'a pas prononcé la nullité de l'accord ou n'a pas déclaré celuici « privé d'effet » ; qu'en jugeant au contraire que le point de départ de la prescription devait être fixé au jour du paiement au motif inopérant que l'élément déclencheur des droits des parties ne serait pas la consécration de cette substitution prohibée par le juge mais la prohibition légale qui agit ab initio dès la réalisation de la substitution illicite, la cour d'appel a violé l'article 2251 du code civil dans sa rédaction alors applicable, ensemble le principe contra non valentem agere non currit praescriptio ;
2°) ALORS QUE tout jugement est opposable aux tiers qui ne peuvent ignorer la situation juridique qui en résulte ; qu'en jugeant que la décision de justice ayant déclaré un accord d'intéressement « privé d'effet » ne constituait pas le point de départ de la prescription de l'action en restitution des sommes versées en application dudit accord au motif erroné que la décision n'avait autorité de la chose jugée qu'entre les parties, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 2251 du code civil dans sa rédaction alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-43089;09-43090;09-43091;09-43092;09-43093
Date de la décision : 16/02/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 26 mai 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 fév. 2011, pourvoi n°09-43089;09-43090;09-43091;09-43092;09-43093


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.43089
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