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08/02/2011 | FRANCE | N°10-10380

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 février 2011, 10-10380


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Auto marché a fait l'objet d'un redressement fiscal au titre de la taxe sur la valeur ajoutée omise sur des acquisitions intracommunautaires de véhicules réalisées par l'intermédiaire de M. X... avec lequel elle était liée par un contrat d'agent commercial ; que prétendant que l'agent n'aurait pas accompli correctement les formalités nécessaires à ces opérations, la mandante l'a assigné en paiement d'une somme équivalente au montant des pénalités fi

scales acquittées et de commissions qui n'auraient pas été dues ; que M. X....

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Auto marché a fait l'objet d'un redressement fiscal au titre de la taxe sur la valeur ajoutée omise sur des acquisitions intracommunautaires de véhicules réalisées par l'intermédiaire de M. X... avec lequel elle était liée par un contrat d'agent commercial ; que prétendant que l'agent n'aurait pas accompli correctement les formalités nécessaires à ces opérations, la mandante l'a assigné en paiement d'une somme équivalente au montant des pénalités fiscales acquittées et de commissions qui n'auraient pas été dues ; que M. X... a appelé en garantie la société Sodaco, expert-comptable de la société Auto marché et demandé reconventionnellement une indemnité de cessation de contrat ; que la société Auto marché ayant été mise en redressement judiciaire, M. Y... en qualité d'administrateur judiciaire est intervenu à l'instance ;

Sur les premier, deuxième moyen, pris en sa première branche et le troisième moyen :

Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 134-13 du code de commerce ;

Attendu que pour fixer la créance de M. X... au passif du redressement judiciaire de la société Auto marché à la somme de 86 613,40 euros, outre les intérêts au taux légal du 21 septembre 2004 au 18 novembre 2005, l'arrêt retient que la faute grave de l'agent n'est pas fondée en l'état de l'irrecevabilité de la demande de la société Auto marché à son encontre ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'irrecevabilité de la demande nouvelle formée en cause d'appel par la société Auto marché était sans incidence sur l'existence éventuelle de la faute grave imputée par cette société à M.
X...
, invoquée à titre de moyen de défense, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur cette faute, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé la créance de M. X... au passif du redressement judiciaire de la société Auto marché à la somme de 86 613,40 euros, outre les intérêts au taux légal du 21 septembre 2004 au 18 novembre 2005, l'arrêt rendu le 3 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la somme de 2 500 euros à la société Auto marché et rejette sa demande et celle de la société Sodaco ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Auto Marché

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir déclaré irrecevable en cause d'appel la demande de la société Auto Marché à l'encontre de M. X... ;

AUX MOTIFS QU' à la lecture des dernières conclusions récapitulatives de la société Auto Marché signifiées le 26 février 2004 devant le tribunal de grande instance de Grenoble, il apparaît que la société Auto Marché n'a pas repris les demandes qu'elle formulait à l'encontre de M. X... ; qu'il s'ensuit que, d'une part, les premiers juges n'avaient pas à statuer sur des demandes dont ils n'étaient pas saisis, d'autre part, qu'en application de l'article 564 du Code de procédure civile, les demandes aujourd'hui formulées à l'encontre de M. X... sont nouvelles et irrecevables devant la cour d'appel ;

ALORS QUE pour apprécier si une demande est nouvelle, il convient de se référer aux demandes sur lesquels se sont prononcés les premiers juges sans opposition des parties ; que dans son jugement du 30 mai 2005, le tribunal de grande instance de Grenoble a statué au fond sur les demandes de la société Auto Marché dirigées contre M. X..., ce dernier n'ayant pas contesté l'existence et la recevabilité de ces demandes ; qu'en estimant que ces mêmes demandes étaient irrecevables comme nouvelles en cause d'appel, au motif que les premiers juges n'auraient pas dû statuer «sur des demandes dont ils n'étaient pas saisis», la cour d'appel a violé les articles 564 et 753 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la créance de M. X... au passif du redressement judiciaire de la société Auto Marché à la somme de 86.613,40 €, outre les intérêts au taux légal du 21 septembre 2004 au 18 novembre 2005 ;

AUX MOTIFS QU' à bon droit, les premiers juges ont considéré que l'assignation délivrée le 4 juillet 2001 à M. X... par son mandant marquait la rupture irréversible de leurs relations contractuelles et que la demande de celui-ci signifiée par conclusions du 21 décembre 2001 de condamnation de la société Auto Marché à lui payer une indemnité de rupture respectaient bien le délai d'un an prévu à l'article L.132-12 du Code de commerce ; que par ailleurs, la faute grave de M. X... n'est pas fondée en l'état de l'irrecevabilité de la demande de la société Auto Marché ; que le contrat d'agent commercial signé entre les parties fixe à une somme égale à deux années de commissions, avec un calcul de la commission annuelle sur la moyenne arithmétique des commissions versées pendant les deux dernières années ; que la société Auto Marché verse aux débats une attestation de son expert comptable d'où il ressort qu'elle a versé à M. X... un total de commissions s'élevant à 130.026,81 € (852.919,98 F) pour la période 1997, 1998 et 1999 ; que conformément à la demande de M. X..., sa créance à l'égard de la société Auto Marché en redressement judiciaire sera fixée à la somme de 86.613,40 € (568.146 F), outre les intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2004 au 18 novembre 2005 à titre de dommages et intérêts supplémentaires ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation qui sera prononcée du chef du dispositif de l'arrêt attaqué déclarant la demande de la société Auto Marché à l'encontre de M. X... irrecevable en cause d'appel, entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 625 du Code de procédure civile, l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a jugé que l'absence de faute grave imputable à M. X... s'évinçait de l'irrecevabilité de la demande indemnitaire présentée à son encontre par la société Auto Marché ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la cessation du contrat d'agent commercial ne donne lieu à aucune indemnité lorsqu'elle est provoquée par une faute grave de l'agent ; que dans ses conclusions d'appel (signifiées le 5 février 2007, p. 11 § 4), la société Auto Marché faisait valoir que M. X... avait commis une faute grave en n'accomplissant pas convenablement les formalités nécessaires à la conclusion des opérations de vente et d'achat de véhicules, exposant son mandant à un redressement fiscal et au paiement de rémunérations indues ; qu'en estimant que la faute grave ne pouvait être retenue «en l'état de l'irrecevabilité de la demande de la SARL AUTO MARCHE» (arrêt attaqué, p. 7 § 4), cependant qu'à supposer même que les demandes formées par la société Auto Marché à l'encontre de M. X... aient été nouvelles en cause d'appel, il ne s'évinçait nullement de cette circonstance une absence de faute grave imputable à M. X..., la cour d'appel s'est déterminée par une radicalement motivation inopérante et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L.134-13 du Code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 32.832 € la garantie due par la société Sodaco au titre des pénalités et majorations mises à la charge de la société Auto Marché ;

AUX MOTIFS QUE la responsabilité de l'expert comptable, professionnel tenu d'une obligation de moyens s'apprécie en fonction de la mission qui lui est impartie par le contrat le liant à l'entreprise dont il est le mandataire ; qu'aux termes de la lettre de proposition de mission signée le 5 octobre 1998 par la société Auto Marché et l'EURL Richard A..., aujourd'hui la SARL Sodaco, il est ainsi défini que relèvent du cabinet d'expertise comptable : 1) en cours d'exercice : l'élaboration d'un plan de comptes et la détermination des systèmes et procédures comptables appropriés ; 2) en fin d'exercice ou de façon périodique : notamment l'apurement des comptes, les redressements d'écriture, le contrôle global de TVA collectée, l'établissement et la présentation comparée des documents comptables de fin d'exercice ; 3) l'assistance en matière fiscale : notamment l'établissement des déclaration de TVA ; 4) l'assistance en contrôle de gestion : élaboration du budget et contrôle budgétaire trimestriel ; que ces missions débutant à la signature de la lettre devaient être assurées par Richard A... et sa collaboratrice et prenaient effet au premier jour de l'exercice en cours pour se terminer à la clôture de celui-ci, c'est-à-dire au 1er avril 1998 au 31 mars 1999 ; qu'elles ont été renouvelées jusqu'au 31 mars 2001 ; qu'il résulte des termes de la mission d'assistance fiscale qu'aucune distinction n'est faite dans le cadre du contrôle global de la TVA entre la taxe applicable aux opérations réalisées sur le territoire national et celle applicable aux opérations réalisées au sein de la Communauté européenne ; que les premiers juges ont justement relevé que la collaboration entre l'EURL cabinet Richard A..., devenue SARL Sodaco par l'effet d'une fusion absorption le 24 avril 2001, préexistait à cette convention pour remonter en réalité au 29 avril 1997, date à laquelle l'EURL avait facturé des honoraires relatifs à la situation de la SARL Auto Marché au 31 décembre 1996, la société d'expertise comptable ayant ensuite établi les comptes du 31 mars 1997, apporté son assistance en matière sociale, comptable et fiscale au 30 juin 1997, facturée le 31 juillet 1997, effectué une intervention en matière de TVA facturée le 30 septembre 1997, une intervention pour l'élaboration du contrôle de gestion à fin décembre 1997, procuré une assistance en matière sociale facturée les 2 mars et 29 mai 1998 et établi le bilan au 31 mars 1998, comme le révèlent les diverses factures produites ; qu'à bon droit, le jugement déféré en a déduit que familiarisée depuis déjà deux années avec les activités, le fonctionnement et les pratiques de la SARL Auto Marché, l'EURL A... avait nécessairement, d'une part, connaissance du développement des activités de cette entreprise à partir du second semestre 1997 vers le négoce de véhicules neufs et d'occasion dans divers états de la Communauté européenne, d'autre part, été amenée à s'intéresser aux incidences sur le paiement et la déductibilité de la TVA, des règles applicables en matière d'acquisition intracommunautaires ; qu'en l'espèce, l'administration fiscale a reproché à la société Auto Marché pour la période d'octobre 1997 à juillet 1998 : 1) d'avoir déclaré la TVA afférente aux reventes en France de certains véhicules soit neufs et achetés à des assujettis revendeur de divers Etats membres de l'Union européenne, soit d'occasion et ayant appartenu à des utilisateurs autorisés à facturer la TVA, mais sans avoir compris ces acquisitions dans le chiffre d'affaires taxable et d'avoir procédé à la récupération de la TVA sur ces acquisitions intracommunautaires ; 2) d'avoir acquitté à tort de la TVA sur la marge sous le régime intracommunautaire pour les véhicules acquis auprès de négociants s'étant eux-mêmes placés à tort sur le régime de la marge, alors que la TVA devait être calculée sur l'intégralité du prix de vente du véhicule ; 3) d'avoir sur les exercices 1997, 1998 et 1999 assujetti à la TVA selon le régime de la marge sous le régime général, des véhicules achetés d'occasion TTC sans mention de TVA et revendu aux clients avec application de la TVA sur le montant total ; que l'administration fiscale a retenu la mauvaise foi de la société Auto Marché en relevant que par l'application successive de régimes plus favorables (régime de la TVA appliqué à la marge, régime des acquisitions communautaires, régime du mandataire transparent), la société avait sciemment décidé d'éviter la taxation des véhicules sur le prix total, cette TVA étant alors constitutive de la marge bénéficiaire ; que le nombre important d'opération redressée et l'augmentation consécutive de la marge bénéficiaire résultant des minorations de TVA susvisées, et ce alors que dans le cadre de la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée telle qu'elle ressort du document établi le 19 novembre 1998, figurent d'une part les opérations imposables hors taxe sur des ventes au taux de 20,6 % et d'autre part les opérations non imposables au titre des exportations hors communauté européenne et des livraisons intracommunautaires, ne pouvaient échapper à l'EURL A... ; que la vigilance particulière qui s'imposait donc à cette société d'expertise comptable, devait l'amener à interpeller le dirigeant de la société et à procéder à des vérifications par sondages, de façon à assurer la fiabilité des bilans annuels et des comptes de résultats dont l'établissement lui incombait ; que par ailleurs, l'administration fiscale fait grief à la société Auto Marché d'avoir déclaré qu'elle avait réalisé d'avril 1998 à février 1999 des opérations en qualité de mandataire transparent, mettant en rapport la société espagnole Masenacar, fournisseur des véhicules avec des clients français, permettant à Auto Marché de se faire rémunérer par Masenacar avec des commissions à partir de factures sans TVA, alors que la société Auto Marché était en réalité un mandataire opaque supportant le risque lié à l'achat, ce qui impliquait que les livraisons de véhicules par la société espagnole à Auto Marché fassent l'objet d'une acquisition intracommunautaire taxable à la TVA suivie de la récupération de la TVA et que la cession du véhicule au client final soit assujettie à la TVA sur le prix de vente total ; que c'est par une juste appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont dit en revanche que l'analyse plus complexe des relations négociées entre la société espagnole Masenacar et la société Auto Marché excédait l'obligation de diligence de l'EURL A... ; qu'en définitive, l'EURL A... a fait preuve dans sa mission d'une négligence fautive ayant concouru aux redressements susvisés ; qu'eu égard cependant à la volonté réitérée du contribuable d'éviter la taxation des véhicules sur le prix total retenue par l'administration fiscale, constitutive d'un comportement fautif de la part de la société Auto Marché, il y a lieu de limiter à 30 % du dommage la garantie que doit assumer la société Sodaco ;

ALORS QUE l'expert-comptable est tenu envers son client d'une obligation de conseil qui doit l'amener à prévenir expressément celui-ci de toute erreur qu'il pourrait déceler et qui pourrait engendrer des conséquences sur le plan fiscal ; qu'en limitant à 30 % du dommage la garantie due par la société Sodaco, expert-comptable venant aux droits de l'EURL cabinet Richard A..., à raison des majorations et pénalités infligée par l'administration fiscale au titre de la TVA éludée par la société Auto Marché, au motif que cette dernière aurait eu «la volonté réitérée (…) d'éviter la taxation des véhicules sur le prix total retenue par l'administration fiscale» (arrêt attaqué, p. 10 § 4), tout en relevant que l'expert-comptable avait «fait preuve dans sa mission d'une négligence fautive», notamment en n'interpelant pas le dirigeant de la société Auto Marché sur le régime de TVA applicable et en ne s'assurant pas de la fiabilité des bilans annuels et des comptes de résultats dont l'établissement lui incombait (arrêt attaqué, p. 9 § 7 et p. 10 § 3), ce dont il résultait que la responsabilité du redressement incombait entièrement à l'expert-comptable qui n'avait pas effectivement conseillé son client sur ses obligations en matière de règlement de la TVA, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé ce faisant l'article 1147 du Code civil


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-10380
Date de la décision : 08/02/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 03 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 fév. 2011, pourvoi n°10-10380


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Baraduc et Duhamel, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.10380
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