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25/01/2011 | FRANCE | N°09-42307

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 janvier 2011, 09-42307


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 17 mars 2009), que M. X... a été engagé par la société Codeviandes en qualité de machiniste à compter du 21 janvier 2002 pour être affecté sur le site de Feytiat (Haute-Vienne) ; que, licencié pour faute grave, par lettre du 10 mars 2006, pour avoir refusé de rejoindre sa nouvelle affectation située à Villefranche d'Allier, en dépit de la clause de mobilité insérée au contrat de travail, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir

paiement de diverses sommes ;
Attendu que la société Codeviandes fait grief...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 17 mars 2009), que M. X... a été engagé par la société Codeviandes en qualité de machiniste à compter du 21 janvier 2002 pour être affecté sur le site de Feytiat (Haute-Vienne) ; que, licencié pour faute grave, par lettre du 10 mars 2006, pour avoir refusé de rejoindre sa nouvelle affectation située à Villefranche d'Allier, en dépit de la clause de mobilité insérée au contrat de travail, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes ;
Attendu que la société Codeviandes fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle ni sérieuse et de la condamner à verser à M. X... diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que la fraude corrompt tout ; qu'en l'espèce, elle soutenait qu'elle n'avait jamais envisagé de procéder à la mutation de M. X... suite à la décision de la société Madrange de renoncer à l'une des deux salles de désossage du site de Feytiat et qu'elle n'y avait procédé que pour satisfaire à la demande du salarié qui, plusieurs semaines après que les salariés concernés avaient été mutés, s'était porté candidat à la mobilité suite au placement en congé maladie de l'un des salariés déplacés ; qu'elle exposait que M. X... n'avait formulé une telle demande que pour mieux la refuser, afin d'obtenir son licenciement et exercer le métier auquel il se destinait (artisan plombier), le salarié ayant à cette fin soldé l'intégralité de ses congés (soit vingt-six jours ouvrables) ; que pour établir ces faits, elle produisait la demande de formation en plomberie de M. X... ainsi que la réponse qui y avait été donnée, l'ordre de mutation adressé à M. Y... le 5 janvier 2006 à effet du 16 janvier suivant, et, surtout, l'attestation d'un délégué du personnel et représentant du comité d'entreprise (M. Z...), relatant que M. X... lui avait fait part de son souhait d'être licencié et lui avait demandé d'intercéder auprès de la direction pour que sa mutation soit prononcée ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par ses conclusions produites, si le comportement frauduleux de M. X... n'était pas avéré et si, dans l'affirmative, une telle fraude n'était pas de nature à le priver de la possibilité de contester le caractère réel et sérieux de son licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article 1134 du code civil, L. 1222-2 et L. 1232-1 du code du travail, ensemble du principe sus-énoncé ;
2°/ que la mise en oeuvre de la clause de mobilité doit être conforme à l'intérêt de l'entreprise ; que la bonne foi contractuelle étant présumée, il incombe au salarié de démontrer que la décision de l'employeur a été prise en réalité pour des raisons étrangères à son intérêt ou que la clause a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ; qu'en conséquence, lorsque le salarié reproche à l'employeur de lui avoir imposé un délai trop bref pour se déplacer, il lui revient d'établir que l'employeur aurait eu la possibilité de lui laisser un délai plus long, seule circonstance propre à caractériser la mauvaise foi de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la mise en oeuvre de la clause de mobilité était conforme à l'intérêt de l'entreprise, et qu'elle n'avait été avisée par la société Madrange de ce qu'elle renonçait à l'une des deux salles de désossage que par courrier du 15 décembre 2005 avec effet au 16 janvier 2006 ; qu'en outre, elle exposait, sans être contestée, qu'elle avait été contrainte de trouver, dans ce bref délai, des affectations aux quarante salariés concernés et que lorsque l'ordre d'affectation avait été adressé à M. X... (le 10 février 2006), la salle de désossage avait cessé d'être exploitée depuis plusieurs semaines, en sorte qu'elle n'avait pas d'autre choix que de fixer un délai de sept jours au salarié pour se déplacer sur un autre site ; qu'en disant le licenciement sans cause réelle et sérieuse sans à aucun moment constater qu'elle aurait eu la possibilité de laisser au salarié plus de temps pour se déplacer sur son nouveau lieu de travail, ce que le salarié n'alléguait même pas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 1222-2 et L. 1232-1 du code du travail ;
3°/ que la durée limitée du délai de prévenance précédant une mutation n'est pas susceptible d'être reprochée à l'employeur dès l'instant que le salarié n'avait en tout état de cause nullement l'intention d'accepter sa mutation ; qu'en l'espèce, M. X... prétendait qu'il n'avait pas à appliquer une clause de mobilité qu'il considérait comme illicite et que sa mutation aurait dans tous les cas «bouleversé son mode de vie» ; qu'en ne recherchant pas si, quand bien même l'employeur aurait accordé à M. X... un délai plus long pour se déplacer, le salarié n'aurait pas pour autant refusé son ordre de mutation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 1232-1 et L. 1222-2 du code du travail ;
4°/ que l'obligation de loyauté ne saurait imposer à l'employeur de prendre connaissance des obligations familiales de ses salariés, ce qui serait contraire au respect de leur vie privée ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, qu'il aurait manqué de loyauté en ne se «préoccupant pas de la situation familiale» de M. X... dont ce dernier ne l'avait nullement tenu informé, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil, ensemble les articles 1134 du code civil et L. 1222-2 du code du travail ;
5°/ que les droits des personnes sont susceptibles d'être restreints dès lors que cela est justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché ; qu'en affirmant que l'employeur n'aurait pas tenu compte des obligations familiales de M. X..., sans rechercher si l'atteinte qui aurait été portée à la vie familiale de l'intéressé n'était pas justifiée dans son principe et proportionnée dans ses effets, alors surtout qu'elle avait constaté que le déplacement du salarié répondait à une nécessité impérieuse pour l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
6°/ que la cour d'appel, après avoir fixé le montant du salaire brut de l'intéressé à 1.146,50 euros mensuels et avoir condamné en conséquence l'employeur à deux mois de préavis, soit 2 293 euros, a jugé que le salarié pouvait prétendre à "six mois de salaire" à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en fixant ensuite le montant de cette indemnité à la somme de 10 000 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, après avoir écarté l'attestation invoquée par l'employeur pour établir la prétendue fraude du salarié, a retenu, par une appréciation des éléments de fait, qu'en imposant au salarié, par une décision notifiée le 13 février 2006, son affectation sur le site de Villefranche d'Allier à compter du 20 février 2006, soit seulement sept jours plus tard, l'employeur n'avait pas respecté un délai suffisant de prévenance, compte tenu des perturbations que la mise en oeuvre de la clause de mobilité entraînait pour le salarié et sa famille, alors que durant cette semaine, il continuait de travailler à Feytiat ; qu'elle a pu en déduire que l'employeur avait mis en oeuvre abusivement la clause de mobilité, ce qui rendait sans cause réelle et sérieuse le licenciement, et a évalué le préjudice subi par le salarié par une appréciation qui ne saurait être remise en discussion devant la Cour de cassation ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Codeviandes aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Codeviandes à payer à M. X... la somme de 300 euros et à la SCP Didier et Pinet la somme de 2 200 euros, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Codeviandes

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et d'AVOIR condamné l'exposante à verser à M. X... les sommes de 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, 2293,16 euros à titre d'indemnité de préavis, 229,31 euros au titre des congés payés afférents, 493,01 euros au titre de l'indemnité de licenciement, ainsi que de l'AVOIR condamnée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE «la lettre de licenciement pour faute grave de Liselele X... est ainsi rédigée :

"En ce qui concerne les motifs de licenciement, nous vous précisons qu'ils sont les suivants :
- refus de rejoindre votre nouvelle affectation malgré la clause de mobilité prévue par votre contrat de travail ; en effet : le 10 février 2006, nous vous avons informé de votre affectation sur le chantier SOCOPA à Villefranche d'Allier à compter du 20 février 2006. Le 20 janvier vous ne vous êtes pas présenté à cette nouvelle affectation, ni les jours qui ont suivi".
Ainsi que l'ont observé les premiers juges, cette dernière date est erronée et la phrase précédente permet de déduire que la date de prise de poste est bien le 20 février. Le refus de mutation ainsi énoncé constitue un motif, précis, objectif et vérifiable. Monsieur X... ne conteste pas qu'il ne s'est pas présenté sur le lieu de sa nouvelle affectation. Le contrat de travail de l'intéressé stipule expressément dans son article VIII lieu de travail, qu'il accepte par avance de se déplacer et/ou de travailler dans tous les sites existants ou futurs , où sera amenée à intervenir la société et ce, en tout lieu de France métropolitaine, l'exécution de son contrat impliquant eu égard aux fonctions qu'il exerce des déplacements successifs, chaque fois qu'ils apparaîtront utiles à l'accomplissement de la mission lui incombant. Cette clause n'encourt en rien la critique. Le salarié prétend qu'en l'appliquant, l'employeur a fait preuve de mauvaise foi car sa mutation n'était en rien nécessaire , ce qui est contredit par la lettre du 15 décembre 2005 par laquelle les établissements MADRANGE ont informé CODEVIANDES qu'en raison de leurs propres relations clientèle, ils étaient tenus de ne plus exploiter qu'une seule salle de découpe, par conséquent, alors que la société CODEVIANDES exploitait quatre tapis de désossage, à compter du 16 janvier 2006 et que parallèlement, compte tenu de la pénurie de candidature à ses offres d'emploi , elle était en sous effectif sur de nombreux chantiers. Il y a lieu par conséquent de constater que la mise en oeuvre de la clause de mobilité était parfaitement justifiée. En revanche, le délai de prévenance de 7 jours s'avère nettement insuffisant, s'agissant d'un poste situé à 180 kilomètres du domicile de M. X..., qui malgré les dires de l'employeur, aurait bien été contraint de déménager pour pouvoir y travailler et devait rester travailler à FEYTIAT pendant cette semaine-là. II y a lieu par conséquent de confirmer le jugement déféré qui a dit le licenciement de Liselele X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et lui a alloué une équitable réparation de son préjudice et l'indemnité de préavis, étant observé que le salarié présente une demande au titre des congés payés sur préavis qu'il avait omise en première instance et à laquelle il convient de faire droit ; la somme allouée au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement a été correctement fixée sur la base des éléments précis produits par l'employeur, en fonction de l'ancienneté de 4 ans, 3 mois et 19 jours au 10 mai 2006, fin du préavis, éléments qui ne sont pas utilement contredits par le salarié et cette disposition du jugement est également confirmée. De même, les pièces versées aux débats permettent de constater que le salaire de janvier 2006 a été intégralement payé, qu'en février 2006, 70 heures d'absence injustifiée lui ont été décomptées et en mars 2006, 63 heures, que par conséquent son débouté à ce titre doit être confirmé» ;
ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSES ADOPTES QUE «(...) la lettre de licenciement stipule entre autres, en ce qui concerne les motifs de licenciement, nous vous précisons qu'ils sont les suivants :

- refus de rejoindre votre nouvelle affectation malgré la clause de mobilité prévue par votre contrat de travail. En effet : le 10 février 2006, nous vous avons informé de votre affectation sur le chantier SOCOPA à Villefranche d'Allier à compter du 20 février 2006. Le 20 janvier vous ne vous êtes pas présenté à cette nouvelle affectation, ni les jours qui ont suivi.
"attendu que la date du 20 janvier mentionnée comme étant la date à laquelle le salarié devait se présenter à sa nouvelle affectation n'est pas la bonne, mais c'est bien la date du 20 février 2006 à retenir comme étant la date à laquelle devait se présenter à sa nouvelle affectation Monsieur X....
Attendu qu'il convient de dire que la date mentionnée, le 20 janvier 2006 au lieu du 20 février 2006 est donc une erreur matérielle qui n'a pas d'incidence sur le litige ; Attendu que "le refus de mutation énoncé par l'employeur dans la lettre de licenciement, constitue un motif précis" (Cass. Soc. Sté Abilis C/ Mme D. 6 février 2001) ;
Attendu que le motif mentionné dans la lettre de licenciement, motif précis, objectif et matériellement vérifiable au sens de la jurisprudence ; (Soc, 23 mai 2000 : bull. Civ. V, N°193 ; D 2000. IR.169);
Attendu que Monsieur X... ne s'est pas présenté à sa nouvelle affectation le 20 février 2006, ce fait étant établi ; Attendu que la bonne foi de l'employeur étant présumée, il n'est pas utile de rechercher si la décision de l'employeur de modifier les conditions de travail du salarié était conforme à l'intérêt de la S.A. CODEVIANDES, qu'il incombe au demandeur de démontrer que cette décision avait été prise en réalité pour des raisons étrangères à cet intérêt ou bien qu'elle ait été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ;
Attendu que Monsieur X... ne démontre en aucune façon que la décision de mise en oeuvre de la clause de mobilité a été décidée pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ;
Attendu que ces deux moyens, a savoir la lettre de licenciement insuffisamment motivée et la mise en oeuvre de la clause de mobilité dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise, ne sauraient être retenus pour faire droit à la demande de Monsieur X... ;
Attendu que néanmoins, Monsieur X... a signé le courrier recommandé portant lettre d'affectation à compter du 20 février 2006 à SOCOPA, VILLEFRANCHE D'ALLIER, en date du 13 février 2006 ;
Attendu que Monsieur X... disposait à compter du 13 février 2006 de 7 jours pour organiser sa nouvelle vie sur son nouveau lieu de travail, que durant la semaine concernée, il devait assurer son emploi sur son lieu de travail à Limoges ; Attendu que l'employeur qui met en oeuvre une clause de mobilité doit respecter un délai de prévenance suffisant ; que si l'employeur agit dans la précipitation en notifiant une mutation sans faire bénéficier le salarié ni du délai contractuel de réflexion de huit jours ni d'un délai de prévenance suffisant ; (Soc. septembre 2002 : bull. Civ. V, N° 273 ; RJS 2002,1004 N°1352 ; JS Lamy 2002), que l'employeur tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, ne peut imposer à un salarié dans une situation familiale critique un déplacement immédiat dans un poste qui pourrait être pourvu par d'autres salariés ; (Soc. 18 mai 1999 : bull. Civ. V, N° 219 ; D 2000. Somm. 847, obs. Escande-Vamiol ; Dr Soc. 1999. 734) ; Attendu que le courrier daté du 10 février 2006, recommandé avec accusé de réception, envoyé par la S.A. CODEVIANDES stipule entre autres : "c'est pourquoi, fouie d'intervenir sur d'autres chantiers sur Limoges et ses environs, nous sommes contraints, en application de la clause de mobilité énoncée par votre contrat de travail de vous affecter à compter du 20 février 2006 au poste de machiniste, correspondant à vos fonctions actuelles.
" Attendu que Monsieur X... a signé réception de ce pli recommandé en date du lundi 13 février 2006, disposant de fait d'un délai de sept jours, le lundi étant à décompter de ce délai pour s'organiser afin de faire face à ses diverses obligations dont celles d'ordre familial ; Attendu que le délai imparti à Monsieur X... pour pouvoir assurer son emploi dans sa nouvelle affectation est largement insuffisant au vu des jurisprudences précitées en raison : Du fait que le salarié doit assurer son emploi à Limoges durant toute la semaine du délai octroyé ; Du fait de sa situation familiale, non contredite, compliquée, Monsieur X... étant père d'une enfant de 6 ans au moment des faits ; Du fait que celui-ci ne pouvait légitimement s'organiser, en si peu de temps et en assurant son emploi, afin de pouvoir faire assurer la garde de son enfant sur le site de sa nouvelle affectation et de trouver un logement ; Attendu que l'employeur n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail, ne s'étant absolument pas préoccupé de la situation familiale de son salarié avant de lui notifier sa nouvelle affectation, et découlant de cela, lui a imposé un délai totalement insuffisant pour que celui-ci puisse s'organiser afin d'assurer sa vie familiale ; attendu que l'employeur a abusé du droit qu'il tient de son pouvoir de direction ;
Attendu que l'attestation de Monsieur Z... est contredite par le demandeur, que de plus cette pièce n'entre pas dans le cadre du respect des articles 15 et 16 du Nouveau Code de Procédure Civile (respect du contradictoire) ; qu'elle sera donc écartée des débats Attendu que le licenciement pour faute grave de Monsieur X... est, pour ces raisons, qualifié de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la SA CODEVIANDES est en conséquence condamnée à verser à Monsieur X... les sommes suivantes ; Au titre du préavis, la somme de 2 293,16 Euros brute correspondant à deux mois de salaire, le demandeur ayant plus de deux ans d'ancienneté (pas de demande de congés payés sur préavis) ; la somme de 493,01 Euros correspondant à l'indemnité de licenciement, montant retenu tel que présenté par l'employeur qui démontre dans ses conclusions (en subsidiaire) un mode de calcul précis face au demandeur qui réclame une somme supérieure, de peu, mais obtenue sans réelles explications pertinentes ;
Attendu que Monsieur X..., par la faute de son employeur, n'a pu conserver un emploi en C.D.I. lui permettant de façon pérenne d'assumer ses responsabilités de père de famille, Qu'il présente un relevé de situation ASSEDIC concernant la période du 1er au 30 novembre 2006, cette situation de chômage qui ne découle certes pas directement de son licenciement de la SA CODEVIANDES, permet néanmoins de constater la fragilité du demandeur face à l'obtention d'un emploi normal, en C.D.I., tel que celui dont il disposait au sein de la SA CODEVIANDES ;
Attendu que le demandeur présente au dossier un avis avant procédure contentieuse pour facture non réglée et les charges financières qu'il doit assurer en tant que chef de famille ;
Attendu qu'à la fin de l'année 2006, le constat de la détérioration financière de la situation personnelle du demandeur est établi et peut donc s'expliquer, en amont, par la perte de son emploi au sein de la SA CODEVIANDES, ceci n'étant pas contredit par l'employeur ayant pourtant en sa possession dans le cadre du contradictoire les documents concernés, datés de novembre 2006 ;
Attendu que l'article L 122-14-4 du Code du Travail stipule entre autres : "si ce licenciement survient pour une cause qui n 'est pas réelle et sérieuse, le Tribunal peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise avec maintien des avantages acquis ; en cas de refus par l'une ou l'autre des parties, le Tribunal octroie au salarié une indemnité. Cette indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois... le tribunal ordonne également le remboursement par l'employeur fautif aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé par le Tribunal, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié concerné " ;
attendu que sur la base d'un préjudice retenu par le Conseil, la SA CODEVIANDES est condamnée à verser à Monsieur X... la somme de 10 000 Euros correspondant à six mois de salaire, à titre de dommages et intérêts en application de l'article L 122-14-4 du Code du Travail ;
Attendu que le Conseil, qui a retenu les effets préjudiciables du licenciement du demandeur par son ancienne société, n'a pas la connaissance d'une activité ou non de celui-ci à la suite de sa perte d'emploi ; que le demandeur ne présente pas de relevé ASSEDIC pour la période suivant immédiatement son licenciement ; que le dernier alinéa de l'article L 122-14-4 du Code du Travail n'a donc pas lieu d'être appliqué (...)» ;
1. ALORS QUE la fraude corrompt tout ; qu'en l'espèce l'employeur soutenait qu'il n'avait jamais envisagé de procéder à la mutation de M. X..., suite à la décision de la société MADRANGE de renoncer à l'une des deux salles de désossage du site de FEYTIAT et qu'il n'y avait procédé que pour satisfaire à la demande du salarié qui, plusieurs semaines après que les salariés concernés avaient été mutés, s'était porté candidat à la mobilité suite au placement en congé maladie de l'un des salariés déplacés ; que l'employeur exposait que M. X... n'avait formulé une telle demande que pour mieux la refuser, afin d'obtenir son licenciement et exercer le métier auquel il se destinait (artisan plombier), le salarié ayant à cette fin soldé l'intégralité de ses congés (soit 26 jours ouvrables) ; que pour établir ces faits, l'employeur produisait la demande de formation en plomberie de M. X... ainsi que la réponse qui y avait été donnée, l'ordre de mutation adressé à M. Y... le 5 janvier 2006 à effet du 16 janvier suivant, et surtout, l'attestation d'un délégué du personnel et représentant du comité d'entreprise (M. Z...), relatant que M. X... lui avait fait part de son souhait d'être licencié et lui avait demandé d'intercéder auprès de la direction pour que sa mutation soit prononcée; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par les conclusions de l'employeur et les pièces produites, si le comportement frauduleux de M. X... n'était pas avéré et si, dans l'affirmative, une telle fraude n'était pas de nature à le priver de la possibilité de contester le caractère réel et sérieux de son licenciement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article 1134 du Code civil, L. 1222-2 et L. 1232-1 du Code du travail, ensemble du principe sus énoncé ;
2. ET ALORS QUE la mise en ..uvre de la clause de mobilité doit être conforme à l'intérêt de l'entreprise ; que la bonne foi contractuelle étant présumée, il incombe au salarié de démontrer que la décision de l'employeur a été prise en réalité pour des raisons étrangères à son intérêt ou que la clause a été mise en ..uvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ; qu'en conséquence, lorsque le salarié reproche à l'employeur de lui avoir imposé un délai trop bref pour se déplacer, il lui revient d'établir que l'employeur aurait eu la possibilité de lui laisser un délai plus long, seule circonstance propre à caractériser la mauvaise foi de l'employeur ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la mise en oeuvre de la clause de mobilité était conforme à l'intérêt de l'entreprise, et que l'employeur n'avait été avisé par la société MADRANGE de ce qu'elle renonçait à l'une des deux salles de désossage que par courrier du 15 décembre 2005 avec effet au 16 janvier 2006 ; qu'en outre, l'employeur exposait, sans être contesté, qu'il avait été contraint de trouver, dans ce bref délai, des affectations aux 40 salariés concernés et que lorsque l'ordre d'affectation avait été adressé à M. X... (le 10 février 2006), la salle de désossage avait cessé d'être exploitée depuis plusieurs semaines, en sorte qu'il n'avait pas d'autre choix que de fixer un délai de 7 jours au salarié pour se déplacer sur un autre site ; qu'en disant le licenciement sans cause réelle et sérieuse sans à aucun moment constater que l'employeur aurait eu la possibilité de laisser au salarié plus de temps pour se déplacer sur son nouveau lieu de travail, ce que le salarié n'alléguait même pas, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, L. 1222-2 et L. 1232-1 du Code du Travail ;
3. ALORS QUE la durée limitée du délai de prévenance précédant une mutation n'est pas susceptible d'être reprochée à l'employeur dès l'instant que le salarié n'avait en tout état de cause nullement l'intention d'accepter sa mutation; qu'en l'espèce, M. X... prétendait qu'il n'avait pas à appliquer une clause de mobilité qu'il considérait comme illicite (conclusions p. 8) et que sa mutation aurait dans tous les cas «bouleversé son mode de vie» (conclusions p. 6 ; dernier §) ; qu'en ne recherchant pas si, quand bien même l'employeur aurait accordé à M. X... un délai plus long pour se déplacer, le salarié n'aurait pas pour autant refusé son ordre de mutation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 1232-1 et L. 1222-2 du Code du Travail ;
4. ET ALORS QUE l'obligation de loyauté ne saurait imposer à l'employeur de prendre connaissance des obligations familiales de ses salariés, ce qui serait contraire au respect de leur vie privée ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, que l'employeur aurait manqué de loyauté en ne se «préocup ant pas de la situation familiale» de M. X..., dont ce dernier ne l'avait nullement tenu informé, la Cour d'appel a violé l'article 9 du Code civil, ensemble les articles 1134 du Code civil et L. 1222-2 du Code du Travail ;
5. ET ALORS en tout état de cause QUE les droits des personnes sont susceptibles d'être restreints dès lors que cela est justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché ; qu'en affirmant que l'employeur n'aurait pas tenu compte des obligations familiales de M. X..., sans rechercher si l'atteinte qui aurait été portée à la vie familiale de l'intéressé n'était pas justifiée dans son principe et proportionnée dans ses effets, alors surtout qu'elle avait constaté que le déplacement du salarié répondait à une nécessité impérieuse pour l'entreprise, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 du Code du Travail et 1134 du Code civil ;
6. ET ALORS QUE la Cour d'appel, après avoir fixé le montant du salaire brut de l'intéressé à 1.146,50 euros mensuels et condamné en conséquence l'employeur à deux mois de préavis, soit 2.293 euros, a jugé que le salarié pouvait prétendre à "six mois de salaire" à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en fixant ensuite le montant de cette indemnité à la somme de 10.000 euros, la Cour d'appel a violé l'article L 1235-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-42307
Date de la décision : 25/01/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 17 mars 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 jan. 2011, pourvoi n°09-42307


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.42307
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