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25/01/2011 | FRANCE | N°09-40518;09-65331

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 janvier 2011, 09-40518 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° C 09-40.518 et Y 09-65.331 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a travaillé, entre le 7 janvier 2002 et le 15 octobre 2004, au sein de la société Soric, en qualité de manutentionnaire dans le cadre de missions d'intérim successives ou de contrats à durée déterminée motivés par des remplacements de salariés absents ou un accroissement temporaire d'activité ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir requalifier la relation de travail en un cont

rat à durée indéterminée et obtenir paiement de diverses sommes ;
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° C 09-40.518 et Y 09-65.331 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a travaillé, entre le 7 janvier 2002 et le 15 octobre 2004, au sein de la société Soric, en qualité de manutentionnaire dans le cadre de missions d'intérim successives ou de contrats à durée déterminée motivés par des remplacements de salariés absents ou un accroissement temporaire d'activité ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir requalifier la relation de travail en un contrat à durée indéterminée et obtenir paiement de diverses sommes ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° Y 09-65.331 de la société Soric :
Attendu que la société Soric fait grief à l'arrêt de requalifier la relation salariale en un contrat à durée indéterminée à compter du 7 janvier 2002, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail que si le contrat de travail temporaire et le contrat à durée déterminée ne peuvent avoir pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise, ils peuvent être conclus pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité dans l'entreprise même non exceptionnel qui peut être inhérent à un caractère cyclique de l'activité ; qu'ainsi, en l'espèce où elle faisait valoir qu'elle avait eu recours à ce type de contrats pour faire face au dépotage des containers qui arrivent irrégulièrement en fonction du trafic maritime et pour répondre aux exigences de clients réclamant des livraisons rapides, la cour d'appel, en se bornant à relever, pour requalifier la relation de travail, qu'en l'absence de pièces justificatives, le recours à ces contrats caractérise une stratégie destinée à pourvoir durablement à l'activité normale de l'entreprise, a violé les textes précités ;
2°/ que l'employeur peut avoir recours au contrat à durée déterminée pour remplacer un salarié absent ou en arrêt maladie sans autre condition que la justification de ces absences ; qu'ainsi la cour d'appel, en considérant qu'il y avait lieu de requalifier en un contrat à durée indéterminée les contrats à durée déterminée conclus avec M. X... pour remplacer deux salariés en arrêt maladie et le troisième en congé, en raison de la continuité entre les trois contrats, a ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas et violé l'article L. 1242-2 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a estimé, en premier lieu, que l'employeur ne produisait aucune pièce de nature à établir que le recours aux contrats de mission successifs était destiné à faire face à un surcroît d'activité lié au dépotage de containers maritimes ou pour faire face à un accroissement temporaire d'activité dû aux exigences de la clientèle, et relevé, en second lieu, que la succession, sans interruption, de contrats conclus pour le remplacement de salariés absents révélait un sous-effectif salarial et un recours au travail précaire pour y remédier ; qu'elle a pu en déduire que les missions et contrats successifs de M. X... n'avaient eu pour finalité que de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur les moyens réunis du pourvoi n° C 09-40.518 de M. X... :
Vu les articles L. 1251-5, L. 1251-6 et L. 1251-40 du code du travail ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. X... en paiement de dommages-intérêts pour n'avoir pas bénéficié des avantages conventionnels consentis au personnel permanent de la société Soric ainsi que celle tendant à voir ordonner la production par l'employeur des bulletins de salaire des salariés qu'il avait remplacés, l'arrêt énonce que M. X... ne démontre pas que l'une ou l'autre prime conventionnelle dont il réclame le bénéfice lui est due, qu'il ne précise pas la convention collective dont il revendique l'application et ne produit pas ses bulletins de paye, qu'il convient de relever que la société Soric a produit les bulletins de paye de deux salariés remplacés par M. X... sans que celui-ci ne fonde la moindre demande à partir de ces pièces ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par le salarié, si celui-ci n'avait pas été privé des avantages conventionnels dont bénéficiaient les employés permanents de l'entreprise, titulaires d'un contrat à durée indéterminée, ce qui entraînait nécessairement pour lui un préjudice qu'il lui appartenait d'évaluer, au besoin par la production de tout document utile, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour perte des avantages conventionnels et rejeté celle tendant à obtenir les documents permettant de calculer les rappels de salaires et les avantages conventionnels auxquels il aurait eu droit en vertu de la convention collective applicable, l'arrêt rendu le 25 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne la société Soric aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Soric à payer à M. X... la somme de 242,65 euros et à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano la somme de 2 000 euros, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour M. X..., demandeur au pourvoi n° C 09-40.518
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Monsieur Luc X... tendant au paiement de la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts pour la perte de primes d'ancienneté, de panier et de tout autre avantage conventionnel ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... demande la somme de 5.000 euros pour « toutes primes d'ancienneté, de panier et tout autre avantage » conventionnel ; que pour autant, il ne démontre nullement que l'une ou l'autre prime lui est due ; qu'il ne précise nullement la convention collective dont il revendique l'application ; qu'enfin, il ne produit pas ses bulletins de paye ; que cette demande n'est donc pas fondée » (arrêt attaqué, p. 4, § 4) ;
ALORS QUE lorsque la relation de travail d'un salarié est requalifiée en contrat à durée indéterminée, un préjudice est nécessairement subi par le salarié, du fait de la privation des avantages conventionnels dont bénéficient les employés permanents de l'entreprise, titulaires d'un contrat à durée indéterminée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rejeté la demande du salarié en paiement de dommages et intérêts pour la perte des avantages conventionnels dont il aurait été privé, après avoir pourtant requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée, aux motifs que Monsieur X... ne démontrait nullement que l'une ou l'autre de ces primes lui était due et qu'il ne précisait pas la convention collective dont il revendiquait l'application (arrêt attaqué, p. 4 § 4) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par le salarié, si celui-ci n'avait pas été privé des avantages conventionnels dont bénéficiaient les employés permanents de l'entreprise, titulaires d'un contrat à durée indéterminée, ce qui entraînait nécessairement pour lui un préjudice qu'il appartenait à la cour d'appel d'évaluer, celle-ci a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1251-5, L. 1251-6, L. 1251-39 et L. 1251-40 du code du travail, ensemble la convention collective nationale des entreprises de commerce et de commission importation-exportation de France métropolitaine du 18 décembre 1952 applicable au salarié.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Monsieur Luc X... tendant à la communication des bulletins de salaire de toutes les personnes que le salarié a remplacées afin d'aligner les salaires, primes d'ancienneté et prime de panier éventuelles et tout autre avantage auquel il aurait droit en vertu de la convention collective applicable à la société SORIC ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... demande encore « la communication des bulletins de salaire de toutes les personnes que Mr X... a remplacées afin d'aligner les salaires, primes d'ancienneté et prime panier éventuelles et tout autre avantage » ; mais qu'il convient de relever que la société SORIC a produit les bulletins de paye de Messieurs Y... et Z... (remplacés par Monsieur X...) sans qu'il ne fonde la moindre demande à partir de ces pièces ; qu'il n'y a donc pas lieu à communication supplémentaire » (arrêt attaqué, p. 4, § 5) ;
1°) ALORS QUE lorsque la relation de travail d'un salarié est requalifiée en contrat à durée indéterminée, un préjudice résulte nécessairement du fait de la privation des avantages conventionnels dont bénéficient les employés permanents de l'entreprise, titulaires d'un contrat à durée indéterminée ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a rejeté la demande du salarié tendant à voir ordonner la communication des bulletins de salaire de toutes les personnes qu'il avait remplacées afin d'évaluer « les salaires, primes d'ancienneté et prime de panier éventuelles et tout autre avantage auquel il aurait eu droit en vertu de la convention collective applicable » (conclusions, p. 12), aux motifs que l'employeur avait déjà produit les bulletins de paye de Messieurs Y... et Z... (remplacés par Monsieur X...) sans que le salarié ne fonde la moindre demande à partir de ces pièces (arrêt attaqué, p. 4, § 5) ; qu'en se déterminant ainsi sans rechercher au préalable, comme elle y était invitée par le salarié, si par l'effet de la requalification qu'elle venait de prononcer, le salarié n'avait pas été privé des avantages conventionnels dont bénéficiaient les employés permanents de l'entreprise, ce qui entraînait nécessairement pour lui un préjudice qu'il lui appartenait d'évaluer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1251-5, L. 1251-6, L. 1251-39 et L. 1251-40 du code du travail, ensemble au regard de la convention collective nationale des entreprises de commerce et de commission importation-exportation de France métropolitaine du 18 décembre 1952 ;
2°) ALORS QUE M. X... avait demandé une indemnité de 5.000 au titre des avantages conventionnels dont il avait été privé, notamment au titre des remplacements de MM. Y... et Z... dont les fiches de paie étaient produites aux débats ; qu'en affirmant que l'exposant n'avait formulé aucune demande à partir de ces éléments, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour la société Soric, demanderesse au pourvoi n° Y 09-65.331
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir requalifié la relation salariale en un contrat à durée indéterminée à compter du 7 janvier 2002 ;
AUX MOTIFS QUE la société SORIC fait valoir que les contrats d'intérim remplissent les conditions légales et prétend qu'elle a eu recours à cette forme de travail précaire pour faire fasse à un surcroît d'activité lié au dépotage de containers maritimes ou pour faire face à un accroissement temporaire d'activité dû aux exigences de la clientèle ; qu'elle ne produit néanmoins aucune pièce de nature à l'établir alors que la succession de 16 missions de janvier à septembre 2002, avec certaines interruptions (comme du 02.08 au 01.09) caractérise en l'absence d'élément contraire produit une stratégie destinée à pourvoir durablement à l'activité normale de l'entreprise ; que la même stratégie transparaît pour les 9 CCD conclus du 1er octobre 2002 au 31 janvier 2004 où le motif du recours au travail précaire est le remplacement d'un salarié en arrêt maladie ou en congés ou en surcroît d'activité ; qu'il est ici révélateur de relever que le dernier contrat de remplacement de M. Y... (30 avril au 31 mai) est « suivi » dès le 30 mai précédent de celui relatif à celui de M. Z... ; le contrat de remplacement de ce dernier s'achevant le 31 décembre 2003, M. X... bénéficie d'une nouvelle embauche dès le 1er janvier pour remplacer M. A... en congés annuels ; ces éléments révèlent un sous-effectif salarial et un recours au travail précaire pour y remédier ; que si la société SORIC fait état d'un accroissement temporaire d'activité, le seul élément produit (pièce 16) ne vise que la période du 02 février au 31 juillet 2004 ; mais il s'agit d'une attestation de son gérant dénuée de la moindre valeur probante ; il doit alors être retenu que les missions et contrats successifs de M. X... n'ont eu pour finalité que de pourvoir à l'activité normale de l'entreprise ; la requalification de la relation salariale, missions d'intérim comprises est alors impérative avec pour conséquence une rupture imputable à l'employeur sans respect de la procédure de licenciement ;
ALORS QUE, d'une part il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1251-5 et L. 1251-6 du Code du travail que si le contrat de travail temporaire et le contrat à durée déterminée ne peuvent avoir pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise, ils peuvent être conclus pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité dans l'entreprise même non exceptionnel qui peut être inhérent à un caractère cyclique de l'activité ; qu'ainsi, en l'espèce où la société SORIC faisait valoir qu'elle avait eu recours à ce type de contrats pour faire face au dépotage des containers qui arrivent irrégulièrement en fonction du trafic maritime et pour répondre aux exigences de clients réclamant des livraisons rapides, la Cour d'appel, en se bornant à relever, pour requalifier la relation de travail, qu'en l'absence de pièces justificatives le recours à ces contrats caractérise une stratégie destinée à pourvoir durablement à l'activité normale de l'entreprise, a violé les textes précités ;
ALORS QUE, d'autre part l'employeur peut avoir recours au contrat à durée déterminée pour remplacer un salarié absent ou en arrêt maladie sans autre condition que la justification de ces absences ; qu'ainsi la Cour d'appel, en considérant qu'il y avait lieu de requalifier en un contrat à durée indéterminée les contrats à durée déterminée conclus avec M. X... pour remplacer deux salariés en arrêt maladie et le troisième en congé, en raison de la continuité entre les 3 contrats, a ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas et violé l'article L. 1242-2 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-40518;09-65331
Date de la décision : 25/01/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 25 mars 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 jan. 2011, pourvoi n°09-40518;09-65331


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.40518
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