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18/01/2011 | FRANCE | N°09-70310

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 janvier 2011, 09-70310


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 2009), que M. X... a été engagé à compter du 1er juillet 1987 par la société Mécanique Industrie Chimie (MIC) ayant pour activité la production de matériels de manutention, notamment de manutention manuelle, et filiale à 99,99 % de la société Jungheinrich Finances Holding (JFH), en qualité d'attaché commercial manutention et affecté à Rungis où était localisé le siège social ainsi que les différents services administratifs

; qu'il était titulaire de plusieurs mandats représentatifs, en qualité de memb...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 2009), que M. X... a été engagé à compter du 1er juillet 1987 par la société Mécanique Industrie Chimie (MIC) ayant pour activité la production de matériels de manutention, notamment de manutention manuelle, et filiale à 99,99 % de la société Jungheinrich Finances Holding (JFH), en qualité d'attaché commercial manutention et affecté à Rungis où était localisé le siège social ainsi que les différents services administratifs ; qu'il était titulaire de plusieurs mandats représentatifs, en qualité de membre titulaire du comité d'entreprise et de délégué syndical ; que le 29 octobre 2002 est intervenue la cession partielle du fonds de commerce, par cession de l'activité commerciale et des services centraux de la société MIC à la société Jungheinrich France SAS , filiale de la société Jungheinrich Finances Holding ; qu' un transfert des contrats de travail de 237 salariés concernés, dont M. X..., sur le fondement de l'article L. 122-12 du code du travail n'a pas abouti, un jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 1er avril 2003 déclarant cette disposition inapplicable ; que M. X... a par la suite refusé un transfert conventionnel de son contrat ; qu'un plan de sauvegarde de l'emploi a été adopté le 29 avril 2004 ; que la société MIC a cessé toute activité à compter du mois de mai 2004 ; qu'après l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société MIC, le 14 décembre 2005, l'inspecteur du travail a refusé le 27 février 2006 l'autorisation de licencier M. X... sollicitée par le mandataire-liquidateur de la société MIC ; que M. X..., estimant qu'il y avait défaut d'exécution du contrat de travail, a saisi le 10 mars 2005 la juridiction prud'homale de demandes tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et au paiement de diverses sommes, dirigées contre la société MIC et la société JFH, en tant que coemployeurs ;
Attendu que la société Jungheinrich Finances Holding fait grief à l'arrêt attaqué de dire qu'elle était, conjointement avec la société MIC, l'employeur de M. X... et de la déclarer en conséquence codébitrice, in solidum avec la société MIC, de sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, des salaires dus jusqu'à la fin de la période de protection, d'indemnité pour licenciement nul, des salaires dus du 1er janvier 2006 au 15 septembre 2009, de rappel de commissions pour les années 2002, 2003 et 2005, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu du principe dit de l'autonomie des personnes morales et sauf en cas de confusion de patrimoine ou de caractère fictif de la filiale, une société mère demeure une entité juridiquement distincte à l'encontre de laquelle les créanciers de sa filiale ne peuvent prétendre disposer d'un droit de créance ; qu'en conséquence, le simple fait, pour une société dite «holding», de posséder la presque totalité du capital de ses filiales, de partager avec elles certains dirigeants et de prendre parfois, en sa qualité de principale actionnaire, des décisions relatives à la stratégie du groupe dans son ensemble qui sont susceptibles de produire certaines conséquences sur les contrats de travail conclus par ses filiales, n'est pas de nature à lui conférer la qualité d'employeur des salariés de cette dernière ; qu'en décidant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble le principe dit de l'autonomie des personnes morales et l'article 1165 du code civil ;
2°/ que la reconnaissance d'une dualité d'employeurs suppose qu'un salarié accomplisse indistinctement son travail sous la direction commune et au profit de deux sociétés liées entre elles par une confusion d'intérêts, d'activités et de direction ; qu'en retenant la qualité d'employeurs conjoints des sociétés MIC et Jungheinrich Finances Holding sans avoir pourtant constaté que les salariés accomplissaient indistinctement leur travail sous la direction commune et au profit de ces deux sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3°/ qu'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction n'existe que dans le cas d'une confusion de fait des sociétés, laquelle conduit les salariés à travailler indistinctement pour le compte de l'une ou l'autre sans qu'il soit possible de déterminer laquelle est l'employeur ; que la cour d'appel, qui a seulement constaté que les sociétés Jungheinrich Finances Holding et MIC avaient des dirigeants communs, que la société Jungheinrich Finances Holding avait mis en oeuvre la stratégie de groupe décidée par la société Jungheinrich Ag et qu'elle finançait la société MIC dont elle avait notamment financièrement assumé le plan social, n'a pas caractérisé une confusion de fait entre les deux entités permettant de retenir leur qualité d'employeurs conjoints ; qu'elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
4°/ que le simple fait pour deux entreprises d'avoir des dirigeants en commun n'implique pas une direction commune ; qu'en décidant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
5°/ que la mise à disposition, par la société Jungheinrich Finances Holding, d'un cadre bénéficiant de procurations sur les comptes bancaires de la société MIC et de certains pouvoirs de gestion, ne caractérise pas une direction commune ; qu'en affirmant l'inverse, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
6°/ qu'il appartient aux juges du fond de préciser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leurs constatations de fait ; qu'en affirmant que la société Jungheinrich Finances Holding avait assumé la charge du plan social, sans préciser sur quel élément de preuve elle s'est fondée pour retenir un tel fait, dont la réalité était formellement contestée par la société Jungheinrich Finances Holding, laquelle avait fait valoir (notamment en page 44 de ses conclusions d'appel) que le plan social avait été financé, non par elle, mais par la société de droit allemand Jungheinrich Ag, son action s'étant pour sa part limitée à financer le suivi de certaines mesures d'accompagnement résultant du plan social et ce, à un moment où, à la seule exception des salariés protégés, les salariés de la société MIC avaient tous été licenciés, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu que l'activité économique de la société MIC était entièrement sous la dépendance du groupe Jungheinrich, la société JFH détenant la quasi-totalité de son capital, que les dirigeants de ces sociétés étaient les mêmes, que la stratégie de la société MIC était déterminée par la société holding, qui avait pris la décision de transférer l'activité de Rungis à la société Jungheinrich France, que la société JFH assurait directement la gestion financière et sociale de la société MIC, y compris au titre des conséquences de la cessation d'activité de cette dernière et du licenciement de son personnel, et que l'activité de la société MIC n'était maintenue qu'à la faveur des avances importantes consenties par la société holding, laquelle avait pris en charge la masse salariale de sa filiale, avant de la refacturer à celle-ci ; qu'elle a pu en déduire qu'il existait entre la société JFH et la société MIC une confusion d'intérêts, d'activités et de direction et qu'en conséquence la société JFH avait la qualité de coemployeur à l'égard du personnel de la société MIC ;que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Jungheinrich Finances Holding aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Jungheinrich Finances Holding à M. Y..., ès qualités, la somme de 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Jungheinrich Finances Holding
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société JUNGHEINRICH FINANCES HOLDING était, conjointement avec la société MIC, l'employeur de M. X... et de l'AVOIR en conséquence déclarée co-débitrice, in solidum avec la société MIC, des sommes de 5.765,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 576,54 € au titre des congés payés y afférents, 9.282,29 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 57.564 € au titre des salaires dus jusqu'à la fin de la période de protection, 11.531 € à titre d'indemnité pour licenciement nul, 84.559 € au titre des salaires dus du 1er janvier 2006 au 15 septembre 2009, 1.065,75 € à titre de rappel de commissions pour l'année 2002 et 8.676 € à titre de rappel de commissions pour les années 2003 et 2005 ;
AUX MOTIFS QUE Considérant sur la qualité de coemployeur de la société JUNGHENRICH FINANCES HOLDING SA en application de l'article L1221-l du code du travail et 1134 du Code civil qu'il résulte des énonciations figurant dans la note d'information en date du 14 novembre 2003 destinée aux membres du comité central d'entreprise et des comités d'établissement de la société M.I.C. que le capital de cette société était détenu à hauteur de 99,99 % par la société JUNGHEINRICH FINANCES HOLDING SA ; que le contrôle de la société était exercé depuis 1974 directement par la société de droit allemand JUNGHENRICH AG puis à compter 4e trimestre 2002 par la filiale de cette dernière, la société JUNGHENRICH FINANCES HOLDING SA immatriculée le 4 décembre 2001 ; qu'en exécution de l'article 3 des statuts de cette dernière, la stratégie de la société MIC était définie par la société holding ; qu'en effet cette société avait notamment pour objet de gérer les participations, animer, coordonner et contrôler les sociétés dont elle détenait le capital ; que s'inscrit dans un tel cadre la décision prise par la holding de procéder au regroupement des réseaux commerciaux diffusant les marques JUNGHENRICH et MIC conduisant à la cession de l'activité commerciale de la société MIC et de ses services administratifs centraux à la société JUNGHEINRICH FINANCES HOLDING SA le 29 octobre 2002 ; que cette confusion d'intérêts, d'activités et de direction est également mise en évidence par l'identité du dirigeant de la société MIC à la date de cette cession partielle ; que selon le contrat, le représentant de la société MIC était Cletus Z...
A..., agissant en qualité de Président directeur général de la société MIC, alors qu'il était également le Président de la société JUNGHENRICH FINANCES HOLDING SA ; que par la suite la direction de la société MIC a été assurée par le président de la société JUNGHEINRICH FINANCES HOLDING SA comme le démontrent les engagements contractés par Gérard B... ainsi que les différents articles publiés dans le journal d'information «le trait d'union» ; que dans l'organisation même de la société MIC, avaient été insérés des salariés dépendant de la société JUNGHENRICH FINANCES HOLDING SA ; qu'ainsi les finances relevaient de Gisela C..., par ailleurs directeur financier et du personnel de cette dernière société, détachée auprès de la société MIC par contrat en date du 19 juin 2001 ; qu'elle bénéficiait de toutes les procurations sur les comptes de la société MIC et était saisie des difficultés de gestion rencontrées au sein de la société MIC par les salariés de cette société ; qu'il résulte de l'accord ente les deux sociétés du 22 décembre 2003 qu'il avait été institué un système de refacturation consécutif à la prise en charge de la masse salariale de la société MIC par la société JUNGHEINRICH FINANCES HOLDING SA ; que le groupe avait consenti à de multiples avances qui, selon le document de gestion établi par le conseil d'administration de la société MIC, constituaient les dettes financières principales de cette dernière société ; qu'au demeurant selon la note d'information précitée, une telle pratique remontait à 1998 puisque le montant total des empruntas contractés par la société MIC auprès du groupe s'élevait à la fin de l'année 2003 à la somme de 12 millions d'euros, non encore remboursée à cette date, et alors que par ailleurs le groupe avait procédé à une augmentation de capital de la société de 31,3 millions d'euros en 2000 ; qu'elle s'est poursuivie au moins jusqu'au 12 juillet 2005, date à laquelle la holding a viré sur un compte courant de la société MIC la somme de 900.000 € ; qu'il n'est pas contesté que le financement du plan de sauvegarde de l'emploi de la société MIC a été pris en charge par la société JUNGHENPJCH FINANCES HOLDING SA ; qu'il convient donc de lui reconnaître la qualité de co-employeur de l'appelant ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu du principe dit de l'autonomie des personnes morales et sauf en cas de confusion de patrimoine ou de caractère fictif de la filiale, une société mère demeure une entité juridiquement distincte à l'encontre de laquelle les créanciers de sa filiale ne peuvent prétendre disposer d'un droit de créance ; qu'en conséquence, le simple fait, pour une société dite «holding», de posséder la presque totalité du capital de ses filiales, de partager avec elles certains dirigeants et de prendre parfois, en sa qualité de principale actionnaire, des décisions relatives à la stratégie du groupe dans son ensemble qui sont susceptibles de produire certaines conséquences sur les contrats de travail conclus par ses filiales, n'est pas de nature à lui conférer la qualité d'employeur des salariés de cette dernière ; qu'en décidant l'inverse, la Cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail, ensemble le principe dit de l'autonomie des personnes morales et l'article 1165 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la reconnaissance d'une dualité d'employeurs suppose qu'un salarié accomplisse indistinctement son travail sous la direction commune et au profit de deux sociétés liées entre elles par une confusion d'intérêts, d'activités et de direction ; qu'en retenant la qualité d'employeurs conjoints des sociétés MIC et JUNGHEINRICH FINANCES HOLDING sans avoir pourtant constaté que les salariés accomplissaient indistinctement leur travail sous la direction commune et au profit de ces deux sociétés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction n'existe que dans le cas d'une confusion de fait des sociétés, laquelle conduit les salariés à travailler indistinctement pour le compte de l'une ou l'autre sans qu'il soit possible de déterminer laquelle est l'employeur ; que la Cour d'appel, qui a seulement constaté que les sociétés JUNGHEINRICH FINANCES HOLDING et MIC avaient des dirigeants communs, que la société JUNGHEINRICH FINANCES HOLDING avait mis en oeuvre la stratégie de groupe décidée par la société JUNGHEINRICH AG et qu'elle finançait la société MIC dont elle avait notamment financièrement assumé le plan social, n'a pas caractérisé une confusion de fait entre les deux entités permettant de retenir leur qualité d'employeurs conjoints ; qu'elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE le simple fait pour deux entreprises d'avoir des dirigeants en commun n'implique pas une direction commune ; qu'en décidant l'inverse, la Cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE la mise à disposition, par la société JUNGHEINRICH FINANCES HOLDING, d'un cadre bénéficiant de procurations sur les comptes bancaires de la société MIC et de certains pouvoirs de gestion, ne caractérise pas une direction commune ; qu'en affirmant l'inverse, la Cour d'appel a derechef violé l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS, DE SIXIEME PART ET ENFIN, QU'il appartient aux juges du fond de préciser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leurs constatations de fait ; qu'en affirmant que la société JUNGHEINRINCH FINANCES HOLDING avait assumé la charge du plan social, sans préciser sur quel élément de preuve elle s'est fondée pour retenir un tel fait, dont la réalité était formellement contestée par la société JUNGHEINRICH FINANCES HOLDING, laquelle avait fait valoir (notamment en page 44 de ses conclusions d'appel) que le plan social avait été financé, non par elle, mais par la société de droit allemand JUNGHEINRICH AG, son action s'étant pour sa part limitée à financer le suivi de certaines mesures d'accompagnement résultant du plan social et ce, à un moment où, à la seule exception des salariés protégés, les salariés de la société MIC avaient tous été licenciés, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-70310
Date de la décision : 18/01/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 septembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 jan. 2011, pourvoi n°09-70310


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.70310
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