LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 14 mai 1974 en qualité de chef de chantier par la société Gerland, devenue la société Eiffage travaux publics Méditerranée ; que leurs relations contractuelles, qui étaient régies par la convention collective nationale des travaux publics, se sont poursuivies jusqu'au départ à la retraite de M. X..., le 31 décembre 2000 ; que ce dernier a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel d'heures supplémentaires ; que par jugement du 15 septembre 2004, un expert a été nommé avec notamment pour mission de chiffrer les heures supplémentaires non réglées à M. X... du 10 juillet 1997 au 31 décembre 2000, les repos compensateur en tenant compte des jours de congés, de repos compensateur, des jours fériés et des jours maladie pris par le salarié ; que l'expert a déposé son rapport le 27 juillet 2006 ;
Sur les cinquième et sixième branches du moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. X... certaines sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, de repos compensateurs et de congés payés afférents, alors, selon le moyen :
1°/ que constitue une heure supplémentaire toute heure de travail accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire de travail ; que les jours fériés, les jours de congés payés, et les jours d'arrêt maladie, ne peuvent, en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, être assimilés à du temps de travail effectif, de sorte qu'ils ne sauraient être pris en compte dans la détermination de l'assiette de calcul des droits à majoration et bonification en repos pour heures supplémentaires ; qu'en validant le calcul par lequel l'expert a fixé le nombre d'heures supplémentaires accomplies par le salarié sans décompter intégralement de la durée hebdomadaire du travail effectif les jours d'absence de l'intéressé (jours d'ARTT, jours de congés payés, jours d'arrêt de maladie et jours fériés), la cour d'appel a violé l'article L. 3121-22 du code du travail ;
2°/ que, dans son rapport d'expertise, l'expert n'a décompté les jours d'absence du salarié de la durée hebdomadaire du travail prise en compte pour le calcul des heures supplémentaires qu'à hauteur des heures supplémentaires non effectuées au cours de ces jours d'absence (rapport d'expertise p. 11 § 8 et p. 12 § 1) ; qu'en retenant au contraire que l'expert a "soustrait, contrairement aux prétentions de la société appelante, les jours fériés, les jours d'arrêt pour maladie ainsi que les périodes de congés payés" lors du décompte des heures supplémentaires (arrêt p. 4 § 12), la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant constaté que les opérations d'expertise avaient pris en compte les jours fériés, les arrêts maladie et les jours de congés payés, le moyen, sous couvert du grief non fondé de de dénaturation, ne tend qu'à remettre en discussion l'évaluation de l'expert relative au nombre de jours d'absence ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur la quatrième branche du moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer à M. X... une certaine somme au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, l'arrêt retient que les premiers juges ont pu valablement estimer que le rapport d'expertise concluait justement au nombre d'heures supplémentaires constatées et à la somme justement calculée de ce chef ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'employeur qui contestait l'importance du taux de majoration appliqué par l'expert aux heures supplémentaires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Eiffage travaux publics Méditerranée à payer à M. X... 36 525,68 euros au titre des heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 14 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille onze et signé par Mme Piquot, greffier de chambre, présente lors du prononcé.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Eiffage travaux publics Méditerranée
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société GERLAND PROVENCE, devenue EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS MEDITERRANEE, à payer à Monsieur X... les sommes de 36.525,68 € au titre des heures supplémentaires, de 3.652,56 € au titre des congés payés y afférents, de 12.414,20 € au titre des repos compensateurs pour la période du 10 juillet 1997 au 31 décembre 2000, de 1.241,42 € au titre de l'incidence congés payés sur les dits repos compensateurs et de 19.347,65 € à titre de dommages-intérêts pour absence par l'employeur de cotisation auprès des organismes sociaux, outre 1.000 € au tire de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « les premiers juges ont justement constaté que Monsieur X... sollicitait le paiement d'heures supplémentaires pour la période du mois de juillet 1997 au mois de décembre 2000, période non couverte par la prescription quinquennale, alors que la saisine du Conseil de Prud'hommes est intervenue le 4 juillet 2002 ; qu'il a été constaté que Monsieur X... était présent dans l'entreprise à partir de 6 heures 30 pour occuper ses fonctions de « dispatcheur » consistant à répartir la main d'oeuvre sur les chantiers, vérifier le nombre de salariés et le matériel affectés, pourvoir à tous besoins des chantiers en matériel et personnel ; qu'il a été également constaté que Monsieur X... était présent jusqu'à 18 heures 30 voire 19 heures pour répondre à tous besoins précédemment décrits et pour préparer le travail du lendemain ; que l'attestation du témoin Y..., responsable du matériel en travaux publics, conforte ces éléments tout comme l'attestation établie par Monsieur Z..., mécanicien, qui déclare que Monsieur X... effectuait un horaire de travail journalier de 10 à 11 heures ; qu'il ressort des bulletins de salaire versés aux débats que l'horaire mensuel qui y est porté est de 185,25 heures sans que n'apparaisse le paiement d'heures supplémentaires ; que si l'employeur fait valoir que Monsieur X... n'a pas établi que les heures supplémentaires ont été effectuées à sa demande et produit un horaire hebdomadaire d'ouverture des bureaux applicable au 1er juin 1999, tout en faisant valoir que ce salarié était soumis à un horaire collectif, c'est en vain qu'il prétend que les fonctions de ce salarié ne nécessitaient pas une organisation au jour le jour au motif que l'ensemble des chantiers était planifié depuis longtemps et que des réunions et plannings hebdomadaires étaient réalisés en fonction de l'avancement des travaux dans les délais contractuels ; qu'en effet, il a déjà été constaté, par les attestations produites, que ce salarié effectuait un horaire supérieur nécessaire à l'exécution des nombreuses tâches confiées et ce en parfaite connaissance de l'employeur ; que dès lors les premiers juges, ayant pris en compte le décompte tel qu'il ressort des opérations d'expertise qui en ont soustrait, contrairement aux prétentions de la société appelante, les jours fériés, les jours d'arrêt pour maladie ainsi que les périodes de congés payés, ont pu valablement estimer que le rapport d'expertise concluait justement au nombre d'heures supplémentaires constatées et à la somme justement calculée de ce chef ; qu'ainsi le jugement sera confirmé en ce qui concerne la somme allouée à ce titre ainsi que celle allouée au titre des congés payés afférents ; que, sur les repos compensateurs, par des motifs que la Cour adopte, c'est justement que les premiers juges ont alloué une somme justement calculée pour la seule période du mois de juillet 1997 au 31 décembre 2000 ; que, sur les dommages et intérêts supplémentaires, que, par des motifs que la Cour adopte, les premiers juges ont justement réparé le nécessaire préjudice résultant de l'omission de mentionner les heures supplémentaires effectuées et qui n'ont pu être prises en compte dans la liquidation des droits à pension de l'intimé » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES QUE « M. X... fait valoir qu'il était présent à l'atelier le matin à partir de 6h30 pour faire partir la main-d'oeuvre sur le chantier, vérifier si le personnel et le matériel étaient au complet, combler les besoins en matériel ou en personnel afin que le chantier puisse être opérationnel ; que le soir, il restait jusqu'à 18h30-19h afin de répondre à la demande en matériel et main d'oeuvre des chefs de chantier et chefs d'équipe pour organiser le travail du lendemain ; qu'il produit l'attestation de M. Maurice Y..., responsable de matériel de Travaux Publics, qui indique que M. X..., ayant le poste de dispatcheur à Vitrolles et à Marseille, était présent au dépôt le matin à partir de 6h30 et restait le soir tous les jours jusqu'à 18h30-19h afin d'accomplir le travail qui lui était demandé ; qu'il produit également l'attestation de M. Jean Z..., mécanicien, qui indique que l'amplitude de travail de M. X... variait de 10h à 11 h en moyenne par jour ; que les bulletins de salaire de M. X... pour l'année 1997, 1998 et jusqu'au 1/07/1999 mentionnent un horaire mensuel de 185,25 heures sans qu'aucune heure supplémentaire n'y figure et ne soit rémunérée ; que M. X... produit également l'analyse effectuée par un expert amiable M. A... qui a chiffré le montant des heures supplémentaires non réglées et ses incidences à la somme de 45.590,82 euros ; que l'employeur fait valoir que M. X... ne rapporte pas la preuve que les heures supplémentaires ont été effectuées à la demande de l'employeur ; qu'il verse aux débats une copie de l'horaire hebdomadaire des bureaux à compter du 1er juin 1999 et indique que M. X... était soumis à l'horaire collectif de l'entreprise ; qu'il fait valoir également que les tâches de M. X... ne nécessitaient pas une organisation au jour le jour car les chantiers de la société étaient planifiés de longue date notamment en réponse à des appels d'offre, que des réunions et des plannings hebdomadaires étaient réalisés en fonction de l'avancement des travaux réalisés selon des délais contractuels ; que cependant il résulte de l'attestation de M. Y..., alors chef de chantier dans l'entreprise, que M. X... faisait des heures supplémentaires afin d'effectuer le travail qui lui était demandé ; qu'en outre, selon une jurisprudence constante, le salarié a droit au paiement des heures supplémentaires accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur ; que la conviction du Conseil est emportée sur l'existence d'heures supplémentaires réalisées sur la période du 10 juillet 1997 au 31 décembre 2000 ; que M. X... réclame la somme de 45.590,82 € pour cette période ; que l'expert désigné par le Conseil, M. Jacques B..., a décompté les jours fériés, les jours de maladie, les congés payés pour la période de juillet 1997 au 31 décembre 2000 et a chiffré les heures supplémentaires à la somme de 36.525,68 euros ; que, sur les repos compensateurs, (…), la prescription quinquennale instituée par l'article L.143-14 du code du travail s'applique à toute action engagée à raison des sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail ; que tel est le cas d'une demande tendant au versement de sommes qui auraient dues être payées au titre du repos compensateur ; qu'en conséquence il ne sera accordé à M. X... que la somme de 12.414,20 € et 1.241,42 € au titre des repos compensateurs et incidence congés payés pour la période du 10 juillet 1997 au 31 décembre 2000 ; que sa demande relative à la période du 1er février 1982 au 10 juillet 1997 sera rejetée ; que, sur la demande de dommages-intérêts pour absence de cotisation auprès des organismes sociaux, l'omission des heures supplémentaires sur les bulletins de paie a nécessairement causé un préjudice au salarié dans la liquidation de ses droits à la retraite ; qu'il lui sera alloué la somme de 19.347,65 € en réparation de son préjudice » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en se fondant sur la circonstance selon laquelle Monsieur X... « était présent dans l'entreprise à partir de 6 heures 30 pour occuper ses fonctions de « dispatcheur » (…) jusqu'à 18 heures 30 voire 19 heures » pour déduire l'existence d'heures supplémentaires, sans vérifier si le salarié travaillait de manière continue au cours de cette plage horaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART QU'en cas de litige relatif au nombre d'heures travaillées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, dès lors que ce dernier a préalablement apporté des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en se fondant uniquement sur deux attestations de salariés versées aux débats par Monsieur X..., ne comportant aucune précision quant au nombre et à la période d'accomplissement des heures supplémentaires prétendument réalisées, pour retenir que le salarié apportait des éléments de nature à étayer sa demande de rappel d'heures supplémentaires pour l'ensemble des jours de travail effectués entre le 10 juillet 1997 et le 31 décembre 2000, et ce alors que l'employeur démontrait au contraire que l'intéressé était soumis à l'horaire collectif de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'un salarié n'a pas le droit au paiement des heures supplémentaires qu'il a accomplies sans l'accord au moins implicite de l'employeur ; qu'en se bornant à retenir que la société GERLAND PROVENCE avait «connaissance» de l'accomplissement d'heures supplémentaires par Monsieur X..., pour la condamner au paiement de diverses sommes à titre d'heures supplémentaires, sans vérifier si, comme elle le soutenait, le salarié n'avait pas accompli lesdites heures supplémentaires sans son accord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'en vertu de l'article L.3121-22 du code du travail (anciennement L. 212-5, I), dans sa version applicable au litige, sauf disposition conventionnelle dérogatoire, les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour les huit premières heures, puis de 50 % pour les heures suivantes ; que la convention collective en vigueur ne prévoyait pas de régime dérogatoire ; que la cour d'appel a dès lors violé le texte précité en validant le calcul retenu par l'expert fixant à 36.525,68 € le montant des rappels d'heures supplémentaires sur la base d'un taux de majoration de salaire de 200 %, et non de 25 % pour les huit premières heures supplémentaires hebdomadaires, puis de 50 % pour les heures suivantes ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE constitue une heure supplémentaire toute heure de travail accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire de travail ; que les jours fériés, les jours de congés payés, et les jours d'arrêt-maladie, ne peuvent, en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, être assimilés à du temps de travail effectif, de sorte qu'ils ne sauraient être pris en compte dans la détermination de l'assiette de calcul des droits à majoration et bonification en repos pour heures supplémentaires ; qu'en validant le calcul par lequel l'expert a fixé le nombre d'heures supplémentaires accomplies par le salarié sans décompter intégralement de la durée hebdomadaire du travail effectif les jours d'absence de l'intéressé (jours d'ARTT, jours de congés payés, jours d'arrêt de maladie et jours fériés), la cour d'appel a violé l'article L. 3121-22 du code du travail ;
ALORS, DE SIXIEME PART, QUE, dans son rapport d'expertise, l'expert n'a décompté les jours d'absence du salarié de la durée hebdomadaire du travail prise en compte pour le calcul des heures supplémentaires qu'à hauteur des heures supplémentaires non effectuées au cours de ces jours d'absence (rapport d'expertise p. 11 § 8 et p.12 § 1) ; qu'en retenant au contraire que l'expert a « soustrait, contrairement aux prétentions de la société appelante, les jours fériés, les jours d'arrêt pour maladie ainsi que les périodes de congés payés » lors du décompte des heures supplémentaires (arrêt p. 4 § 12), la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise en violation de l'article 1134 du code civil ;
ALORS, DE SEPTIEME PART, QUE les juges du fond doivent analyser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en condamnant la société à verser 19.347,65 € au salarié à titre de dommages-intérêts motif pris de ce que « l'omission des heures supplémentaires sur les bulletins de paie a nécessairement causé un préjudice au salarié dans la liquidation de ses droits à la retraite », sans viser, ni analyser les pièces sur lesquelles elle s'est fondée et sans préciser le mode de calcul retenu pour fixer le montant de ces dommagesintérêts, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et a violé l'article 455 du code de procédure civile.