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16/12/2010 | FRANCE | N°09-70891

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 décembre 2010, 09-70891


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à l'intérieur d'un appartement occupé par Mme X..., propriété de son neveu M. Y..., lequel, un mois auparavant, y avait procédé au raccordement de la gazinière qui appartenait à celle-ci au robinet d'arrêt mural, s'est produite une explosion ayant notamment causé des dommages matériels dans d'autres appartements de l'immeuble, dans d'autres immeubles et à des véhicules ; qu'après une expertise amiable et une expertise ordonnée en référé, la société Mutuel

le d'assurance des instituteurs de France (MAIF), assureur d'un appartement vo...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à l'intérieur d'un appartement occupé par Mme X..., propriété de son neveu M. Y..., lequel, un mois auparavant, y avait procédé au raccordement de la gazinière qui appartenait à celle-ci au robinet d'arrêt mural, s'est produite une explosion ayant notamment causé des dommages matériels dans d'autres appartements de l'immeuble, dans d'autres immeubles et à des véhicules ; qu'après une expertise amiable et une expertise ordonnée en référé, la société Mutuelle d'assurance des instituteurs de France (MAIF), assureur d'un appartement voisin endommagé, a assigné en réparation et en garantie Mme X... et son assureur multirisques, la société Prima, laquelle a assigné en garantie M. Y... et son assureur, la société MACIF ; que sont intervenues volontairement à l'instance aux mêmes fins les sociétés MAAF et Pacifica, assureurs d'autres biens endommagés ;
Attendu que le premier moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 1382 et 1383 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Prima à payer à la société MAIF la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt énonce, par motifs adoptés, que la société MAIF justifie avoir subi un préjudice spécifique du fait de l'attitude de la société Prima, qui a refusé de verser l'indemnité réclamée sur le fondement de la présomption de responsabilité édictée à l'article 1384, alinéa 1er, du code civil et incombant à son assurée Mme X... ; qu'au vu des circonstances de la cause, il y a lieu d'indemniser ce préjudice à hauteur de la somme de 1 500 euros ;
Qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser une faute de la société Prima de nature à révéler un abus de droit dans l'exercice de sa défense, la cour d'appel a violé le textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Prima à verser à la société MAIF la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt rendu le 21 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société MAIF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette toutes les demandes présentées de ce chef ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Prima

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré Madame Madeleine X... responsable des dommages causés par l'explosion survenue dans son appartement le 23 octobre 2001 sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, d'AVOIR dit que la compagnie d'assurances PRIMA, assureur multirisques habitation de Madame Madeleine X... devrait garantir son assurée du paiement des sommes qui seraient mises à sa charge, d'AVOIR condamné in solidum Madame Madeleine X... et la SA PRIMA à payer à la compagnie d'assurances MAIF la somme de 14 704, 50 € en principal, outre les intérêts à compter du 29 janvier 2004, et ce, jusqu'à parfait paiement, d'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts sur les sommes dues en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil, d'AVOIR déclaré fondée l'intervention volontaire de la compagnie d'assurances PACIFICA, agissant par subrogation aux droits de son assurée, la SCI COLLARD, d'AVOIR condamné in solidum Madame X... et la SA PRIMA à payer à cette compagnie la somme de 42 882, 44 € en principal, outre les intérêts à compter du 7 décembre 2006, d'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts sur les sommes dues en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil, d'AVOIR condamné la SA PRIMA à verser à la MAIF la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et d'AVOIR débouté la SA PRIMA de son recours contre Monsieur Y... et de la compagnie d'assurances MACIF ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« il est constant que I'origine de l'explosion survenue le 23 octobre 2001 vers 8 h 45 se situe dans l'appartement du rez-de-chaussée de l'immeuble sis au Havre ..., occupé par Mme X... depuis le 21 septembre 2001 ; Attendu qu'en sa qualité d'occupante de l'appartement, Mme X... en est la gardienne, de même que de I'ensemble des éléments qui s'y trouvent ; qu'elle doit donc répondre, à l'égard des tiers, sur le fondement de I'article 1384 alinéa 1 du code civil, des dommages causés par le fait des choses dont elle a la garde ; Qu'elle ne pourrait s'exonérer de cette responsabilité qu'en démontrant qu'elle a transféré la garde de la chose à l'origine de I'explosion à un tiers ou qu'en rapportant la preuve d'un cas fortuit ou de la force majeure ; que c'est ce que soutient la SA PRIMA, selon laquelle M. Y..., qui a installé la gazinière et le flexible de raccordement au gaz, est responsable du sinistre, soit en qualité de gardien de l'installation, soit en raison de sa faute sur le fondement de l'article 1382 et Mme X... peut alors exciper d'un cas de force rnajeure à savoir le raccordement défectueux de la cuisinière par M. Y... ; Attendu que le sinistre a donné lieu à deux rapports d'expertise, celui de M. Z..., daté du 28 mars 2002, expert agréé par la Cour de cassation requis par le Procureur de la République du tribunal de grande instance du Havre, qui s'est rendu sur les lieux le 24 octobre 2001 de 10 h à 18 h et celui de M. A..., daté du 7 juillet 2004, expert désigné par ordonnance de référé du 6 mai 2003 ; qu'il convient de souligner que la MAIF n'était pas partie à cette instance en référé ; que cependant, le rapport de M. A... a pu être discuté par cette partie et peut dès lors être retenu comme élément de discussion dans le présent débat ; Attendu que si les deux experts s'entendent pour conclure à une concentration explosive de gaz dans l'appartement occupé par Mme X... à partir des installations et canalisations situées dans cet appartement, ils ne s'accordent pas sur I'origine de cette concentration de gaz ; Que M. Z... envisage deux hypothèses, la première, celle de I'ouverture des robinets d'un brûleur et du four de la gazinière (volontaire parce que ces ouvertures ne peuvent avoir été provoquées par l'explosion elle-même) dans la soirée précédant I'explosion, robinets retrouvés ouverts par la police lors de son arrivée sur les lieux du sinistre, et la seconde, celle de la désolidarisation du flexible de I'about lisse du robinet d'arrêt mural entre 7 h50 et 8 h 20 environ, auquel cas toutefois selon lui, I'explosion provoquée n'avait guère de chance d'ouvrir les deux robinets de la gazinière ; Que M. A... écarte totalement la première des hypothèses émises par M. Z... en expliquant que le volume de gaz d'environ 15 m ² déversé intempestivement dans le logement de Mme X... en y entraînant la formation d'un mélange explosif, ne peut pas être la conséquence de l'ouverture des deux brûleurs de la cuisinière – qui selon lui résulterait de la manipulation de cet appareil lors de son évacuation dans la cour par les pompiers – dont le débit pendant une durée de 14 h 45 ne pouvait conduire qu'à un déversement de 8, 32 m3 ; que selon M. A..., la concentration de gaz ne peut donc être que la conséquence d'une fuite en aval de I'ancien robinet de gaz, consécutive à la désolidarisation de la cuisinière avec ce robinet ; que M. A... en déduit que le déversement de gaz est la conséquence directe du débranchement du raccordement de gaz de la cuisinière au niveau du raccord non réglementaire entre le tube souple et le flexible de sécurité, ce qu'il qualifie le " bricolage " réalisé par M. Y... ; Attendu qu'il peut être souligné que M. A... a dépassé les limites de sa mission en portant une appréciation purement juridique, soit en affirmant péremptoirement que Mme X... n'a aucune responsabilité dans ce sinistre, ce qu'il n'envisage que sous I'angle de la responsabilité pour faute ; Attendu que par ailleurs, M. A... a commencé à procéder aux opérations d'expertise plus de 18 mois après le sinistre ; qu'il se livre à des calculs qui ne reposent pas sur des constatations matérielles ; qu'il indique (page 12 du rapport) que le commandant de police lui a appris que les trois scellés constitués dans le cadre de cette affaire, à savoir la cuisinière Radiola, le tuyau d'arrivée de gaz avec un robinet de gaz souple et le compteur de gaz, avaient été détruits sur instruction du parquet, de sorte qu'il n'a pas pu les examiner ; qu'en revanche, M. Z... a visité les lieux le lendemain du sinistre et a pu examiner ces pièces ; Attendu que dans ces conditions, la cause de la concentration explosive de gaz n'a pas été déterminée de façon sûre ; qu'en tout état de cause, ainsi que I'a souligné le tribunal, le fait que M. Y... ait procédé au raccordement de la gazinière appartenant à sa tante un mois avant l'explosion, n'a pas enlevé à Mme X... la garde de cet équipement, cuisinière et tuyaux de raccordement ; qu'elle en a gardé l'usage, la direction et le contrôle ; qu'elle avait ainsi toute possibilité de déplacer la cuisinière, même légèrement, ce qui pouvait altérer le flexible de raccordement ; que de même, la preuve n'est pas rapportée que I'intervention de M. Y... aurait constitué pour elle un cas de force majeure, car elle avait également la possibilité de faire brancher sa propre cuisinière par un professionnel ; Que dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que Mme X... doit être déclarée responsable des dommages causés par l'explosion survenue dans son appartement le 23 octobre 2001 sur le fondement des dispositions de I'article 1384 alinéa 1 du code civil et qu'il lui appartient de répondre des conséquences directes et indirectes de ce sinistre ; que partant, Mme X... et sa compagnie d'assurances, la SA PRIMA, sont tenues in solidum à en réparer les conséquences dommageables ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a été fait droit à la demande d'indemnisation de la MACIF et à celle de la SA PACIFICA ; que cependant, les condamnations prononcées à l'encontre de la SA PRIMA et de Mme X... le seront in solidum ; Attendu que les prétentions et demandes de la SA PRIMA sont ainsi toutes rejetées ; que celle-ci est déboutée de son appel ; que dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sous la réserve susmentionnée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'« il est constant que l'origine de l'explosion de gaz se situe dans'appartement du rez-de-chaussée occupé par Madame Madeleine X.... Dans son rapport, Monsieur Z..., expert intervenu peu après le sinistre émet deux hypothèses sur les causes possibles de fuite de gaz :- " ouverture volontaire des robinets d'un brûleur et du four de la gazinière... "- " la désolidarisation du flexible de l'embout lisse du robinet d'arrêt mural... " Par contre, Monsieur A..., expert désigné par ordonnance de référé du 6 mai 2003, conclut à l'absence de responsabilité de Madame X..., l'origine du sinistre ayant été causée par le raccordement défectueux de la cuisinière à l'installation de gaz réalisé par Monsieur Y.... Il y a lieu de souligner le caractère contradictoire des conclusions de ces deux expertises alors même que les premières constatations effectuées par Monsieur Z... ont une valeur certaine et qu'elles sont corroborées par des déclarations circonstanciées de voisins de Madame X... attestant que cette-ci oubliait, fréquemment, de fermer tes robinets de gaz. Par ailleurs, il convient de relever que la Compagnie d'Assurances la MAIF n'était pas partie à l'instance en référé ayant donné lieu à la désignation de Monsieur A.... En tout état de cause, l'action initialement formée par la Compagnie d'Assurances MAlF a pour fondement juridique les dispositions de l'article 1384 alinéa 1. En l'espèce, les dommages qui ont, régulièrement, été indemnisés par la MAIF, trouvent leur origine dans l'explosion survenue au domicile de Madame X... et suite à la défaillance d'installations qu'elle avait sous sa garde à l'intérieur de son appartement. Indépendamment de l'origine de la présence de gaz dans l'appartement, cette explosion trouve, également, sous origine dans une étincelle due à un appareil appartenant à Madame X... et que celle-ci avait sous sa garde. Cette garde s'entend des pouvoirs de direction, contrôle et d'usage et le fait que Monsieur Y... ait procédé au raccordement de la gazinière un mois avant le sinistre n'enlève pas à Madame X... sa qualité de gardienne de l'équipement en cause. En effet, Madame X... n'a pas été dépossédée à son insu de la garde du branchement litigieux du fait de l'assistance à titre bénévole de son neveu pour installer cette gazinière. Cet équipement a été utilisé pendant plus d'un mois et il ne saurait être allégué un quelconque transfert de garde. Dans ces conditions, Madame X... doit être déclarée responsable des dommages causés par l'explosion survenue dans son appartement le 23 octobre 2001 sur le fondement des dispositions de l'article 1384 alinéa 1 du Code Civil et il lui appartient de répondre des conséquences directes et indirectes de cette explosion. La défenderesse et sa Compagnie d'Assurances la SA PRIMA doivent être tenues solidairement à réparer les conséquences de ce sinistre (...) En l'espèce, les circonstances de fait et les contradictions entre les rapports d'expertise ne permettent pas d'établir, de façon incontestable, l'existence d'un lien de causalité entre la prétendue faute commise par Monsieur Y... et le dommage dont il est aujourd'hui demandé réparation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Dans ces conditions, les demandes en condamnation et en garantie tant de la SA PRIMA que de la SA PACIFICA à l'égard de Monsieur Y... et de son assureur la Compagnie d'Assurances MACIF seront rejetées » ;
1. ALORS QUE l'avis de l'expert A... reposait sur les constatations matérielles de l'expert Z..., rapport auquel la Cour d'appel a reconnu une valeur certaine ; qu'en écartant le rapport A..., dont les conclusions différaient de celles de l'expert Z... en raison d'une méthode de calcul opérée par le premier et ignorée par le second, pour la raison que l'expert A... n'avait pas procédé à des constatations matérielles, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant et, partant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
2. ALORS QUE l'avis de l'homme de l'art ne peut être écarté comme ne reposant pas sur des constatations matérielles, sauf au juge à établir qu'elles étaient indispensables ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le rapport de l'expert A..., que celui-ci avait procédé aux opérations d'expertise et procédé à des calculs ne reposant pas sur des constatations matérielles, la Cour d'appel a violé l'article 144 du Code de procédure civile ;
3. ALORS QUE la remise de la chose à un tiers bénévole afin qu'il effectue des travaux sur celle-ci emporte transfert de sa garde à ce dernier ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que Monsieur Y..., dont il n'était pas contesté qu'il avait agi en qualité de tiers bénévole, avait procédé au raccordement de la gazinière appartenant à sa tante un mois avant l'explosion ; qu'en affirmant que le fait qu'il ait procédé à ce raccordement ne lui avait pas transféré la garde du flexible qu'il avait lui-même raccordé, la Cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
4. ALORS QUE le motif dubitatif équivaut au défaut de motifs ; qu'en énonçant qu'en tout état de cause, Madame X... aurait eu toute possibilité de déplacer la cuisinière, même légèrement, ce qui aurait pu altérer le flexible de raccordement ; que la Cour d'appel a ainsi statué par un motif dubitatif, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
5. ALORS QUE le gardien d'une chose s'exonère de sa responsabilité en établissant que le fait du tiers présentait les caractères de la force majeure ; que l'arrêt attaqué a relevé que la fuite de gaz survenue dans les locaux occupés par Madame X... avait deux origines possibles, à savoir l'ouverture des robinets d'un brûleur et du four de la gazinière d'une part, la désolidarisation du flexible de l'about lisse du robinet d'arrêt mural, d'autre part ; que la société PRIMA faisait valoir que la première hypothèse ne pouvait être retenue dès lors que l'ouverture de deux robinets de la gazinière depuis la veille ne pouvait pas avoir conduit à un déversement suffisant pour provoquer une explosion ; qu'en se bornant à écarter le rapport A... qui concluait en faveur de la thèse de la société PRIMA, faute pour l'expert d'avoir procédé à des constatations matérielles, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'ouverture des robinets d'un brûleur et du four de la gazinière dans la soirée précédant l'explosion avait pu causer la concentration gazeuse à l'origine de l'explosion, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
6. ALORS QUE le fait du tiers exonère le gardien lorsqu'il présente, lors de l'accident, un caractère imprévisible et irrésistible pour celui-ci ; qu'en affirmant que la preuve n'était pas rapportée que le raccordement de la cuisinière au robinet d'arrêt mural par Monsieur Y... aurait constitué pour Madame X... un cas de force majeure car celle-ci aurait aussi eu la possibilité de faire brancher sa cuisinière par un professionnel, sans rechercher si une dame âgée telle que Madame X... pouvait prévoir, de manière à empêcher le dommage, que son neveu et propriétaire des lieux, Monsieur Y..., ne disposait pas des compétences nécessaires pour raccorder une cuisinière à un robinet d'arrêt mural, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
7. ALORS QU'en l'absence de contact entre une chose et le siège du dommage, seul le caractère d'anormalité de cette chose, laquelle doit être identifiée, engage la responsabilité du gardien ; qu'en affirmant, par motif adopté des premiers Juges, qu'indépendamment de l'origine de la présence de gaz dans l'appartement, l'explosion trouvait également son origine dans une étincelle due à un appareil que Madame X... avait sous sa garde, sans constater que cette étincelle révélait l'anormalité de cet appareil et sans identifier celui-ci, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
, invoqué à titre subsidiaire
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SA PRIMA à verser à la MAIF la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« il est constant que I'origine de l'explosion survenue le 23 octobre 2001 vers 8 h 45 se situe dans l'appartement du rez-de-chaussée de l'immeuble sis au Havre ..., occupé par Mme X... depuis le 21 septembre 2001 ; Attendu qu'en sa qualité d'occupante de l'appartement, Mme X... en est la gardienne, de même que de I'ensemble des éléments qui s'y trouvent ; qu'elle doit donc répondre, à l'égard des tiers, sur. le fondement de I'article 1384 alinéa 1 du code civil, des dommages causés par le fait des choses dont elle a la garde ; Qu'elle ne pourrait s'exonérer de cette responsabilité qu'en démontrant qu'elle a transféré la garde de la chose à l'origine de I'explosion à un tiers ou qu'en rapportant la preuve d'un cas fortuit ou de la force majeure ; que c'est ce que soutient la SA PRIMA, selon laquelle M. Y..., qui a installé la gazinière et le flexible de raccordement au gaz, est responsable du sinistre, soit en qualité de gardien de l'installation, soit en raison de sa faute sur le fondement de l'article 1382 et Mme X... peut alors exciper d'un cas de force majeure à savoir le raccordement défectueux de la cuisinière par M. Y... ; Attendu que le sinistre a donné lieu à deux rapports d'expertise, celui de M. Z..., daté du 28 mars 2002, expert agréé par la Cour de cassation requis par le Procureur de la République du tribunal de grande instance du Havre, qui s'est rendu sur les lieux le 24 octobre 2001 de 10 h à 18 h et celui de M. A..., daté du 7 juillet 2004, expert désigné par ordonnance de référé du 6 mai 2003 ; qu'il convient de souligner que la MAIF n'était pas partie à cette instance en référé ; que cependant, le rapport de M. A... a pu être discuté par cette partie et peut dès lors être retenu comme élément de discussion dans le présent débat ; Attendu que si les deux experts s'entendent pour conclure à uns concentration explosive de gaz dans l'appartement occupé par Mme X... à partir des installations et canalisations situées dans cet appartement, ils ne s'accordent pas sur I'origine de cette concentration de gaz ; Que M. Z... envisage deux hypothèses, la première, celle de I'ouverture des robinets d'un brûleur et du four de la gazinière (volontaire parce que ces ouvertures ne peuvent avoir été provoquées par l'explosion elle-même) dans la soirée précédant I'explosion, robinets retrouvés ouverts par la police lors de son arrivée sur les lieux du sinistre, et la seconde, celle de la désolidarisation du flexible de I'about lisse du robinet d'arrêt mural entre 7 h50 et 8 h 20 environ, auquel cas toutefois selon lui, I'explosion provoquée n'avait guère de chance d'ouvrir les deux robinets de la gazinière ; Que M. A... écarte totalement la première des hypothèses émises par M. Z... en expliquant que le volume de gaz d'environ 15 m ² déversé intempestivement dans le logement de Mme X... en y entraînant la formation d'un mélange explosif, ne peut pas être la conséquence de l'ouverture des deux brûleurs de la cuisinière – qui selon lui résulterait de la manipulation de cet appareil lors de son évacuation dans la cour par les pompiers-dont le débit pendant une durée de 14 h 45 ne pouvait conduire qu'à un déversement de 8, 32 m3 ; que selon M. A..., la concentration de gaz ne peut donc être que la conséquence d'une fuite en aval de I'ancien robinet de gaz, consécutive à la désolidarisation de la cuisinière avec ce robinet ; que M. A... en déduit que le déversement de gaz est la conséquence directe du débranchement du raccordement de gaz de la cuisinière au niveau du raccord non réglementaire entre le tube souple et le flexible de sécurité, ce qu'il qualifie le " bricolage " réalisé par M. Y... ; Attendu qu'il peut être souligné que M. A... a dépassé les limites de sa mission en portant une appréciation purement juridique, soit en affirmant péremptoirement que Mme X... n'a aucune responsabilité dans ce sinistre, ce qu'il n'envisage que sous I'angle de la responsabilité pour faute ; Attendu que par ailleurs, M. A... a commencé à procéder aux opérations d'expertise plus de 18 mois après le sinistre ; qu'il se livre à des calculs qui ne reposent pas sur des constatations matérielles ; qu'il indique (page 12 du rapport) que le commandant de police lui a appris que les trois scellés constitués dans le cadre de cette affaire, à savoir la cuisinière Radiola, le tuyau d'arrivée de gaz avec un robinet de gaz souple et le compteur de gaz, avaient été détruits sur instruction du parquet, de sorte qu'il n'a pas pu les examiner ; qu'en revanche, M. Z... a visité les lieux le lendemain du sinistre et a pu examiner ces pièces ; Attendu que dans ces conditions, la cause de la concentration explosive de gaz n'a pas été déterminée de façon sûre ; qu'en tout état de cause, ainsi que I'a souligné le tribunal, le fait que M. Y... ait procédé au raccordement de la gazinière appartenant à sa tante un mois avant l'explosion, n'a pas enlevé à Mme X... la garde de cet équipement, cuisinière et tuyaux de raccordement ; qu'elle en a gardé l'usage, la direction et le contrôle ; qu'elle avait ainsi toute possibilité de déplacer la cuisinière, même légèrement, ce qui pouvait altérer le flexible de raccordement ; que de même, la preuve n'est pas rapportée que I'intervention de M. Y... aurait constitué pour elle un cas de force majeure, car elle avait également la possibilité de faire brancher sa propre cuisinière par un professionnel ; Que dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que Mme X... doit être déclarée responsable des dommages causés par l'explosion survenue dans son appartement le 23 octobre 2001 sur le fondement des dispositions de I'article 1384 alinéa 1 du code civil et qu'il lui appartient de répondre des conséquences directes et indirectes de ce sinistre ; que partant, Mme X... et sa compagnie d'assurances, la SA PRIMA, sont tenues in solidum à en réparer les conséquences dommageables ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a été fait droit à la demande d'indemnisation de la MACIF et à celle de la SA PACIFICA ; que cependant, les condamnations prononcées à l'encontre de la SA PRIMA et de Mme X... le seront in solidum ; Attendu que les prétentions et demandes de la SA PRIMA sont ainsi toutes rejetées ; que celle-ci est déboutée de son appel ; que dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sous la réserve sus-mentionnée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « la Compagnie d'Assurances MAIF justifie avoir subi un préjudice spécifique du fait de l'attitude de la SA PRIMA qui a refusé de verser l'indemnisation réclamée sur le fondement de la présomption de responsabilité édictée à l'article 1384 alinéa 1er du Code Civil et incombant à son assurée Madame X.... Au vu des circonstances de la cause, il y a lieu d'indemniser ce préjudice à hauteur de la somme de 1 500 € » ;
ALORS QUE des dommages-intérêts pour résistance abusive ne sauraient être accordés sans caractériser une faute de nature à faire dégénérer en abus l'exercice de se défendre en justice ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la société PRIMA s'est bornée à refuser de garantir les conséquences de l'explosion survenue dans les locaux occupées par son assurée au vu du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur A... qui excluait toute responsabilité de celle-ci dans la survenance du sinistre ; qu'en accordant néanmoins à la société MAIF une indemnité d'un montant de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, sans relever aucune faute susceptible de révéler un abus du droit de la société dans l'exercice de sa défense, la Cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 09-70891
Date de la décision : 16/12/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 21 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 déc. 2010, pourvoi n°09-70891


Composition du Tribunal
Président : M. Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.70891
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