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03/11/2010 | FRANCE | N°09-67928

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 novembre 2010, 09-67928


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mai 2009), que Mme X... a été engagée à partir du 9 mai 2000 en qualité de cadre consultant par la société Michaël Page ingénieurs et techniciens, aux droits de laquelle est venue, à compter du 22 janvier 2001, la société Michaël Page conseil (la société) au sein de laquelle Mme X... a pris les fonctions de responsable des ressources humaines ; que la salariée a bénéficié d'un congé de maternité de février 2004 au 23 novembre 2004 ; q

ue, considérant qu'à son retour ses attributions de manager des ressources hum...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mai 2009), que Mme X... a été engagée à partir du 9 mai 2000 en qualité de cadre consultant par la société Michaël Page ingénieurs et techniciens, aux droits de laquelle est venue, à compter du 22 janvier 2001, la société Michaël Page conseil (la société) au sein de laquelle Mme X... a pris les fonctions de responsable des ressources humaines ; que la salariée a bénéficié d'un congé de maternité de février 2004 au 23 novembre 2004 ; que, considérant qu'à son retour ses attributions de manager des ressources humaines lui avaient été retirées, que ses protestations n'avaient pas été suivies d'effet et qu'au contraire elle avait été victime d'une volonté de la déstabiliser, Mme X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur par courrier du 2 mars 2005 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que pour que la prise d'acte puisse produire les effets d'un licenciement abusif, encore faut-il que le comportement de l'employeur apparaisse comme fautif et suffisamment grave ; que tel ne saurait être le cas d'une modification des conditions de travail, décidée unilatéralement par l'employeur, qui ne consiste qu'en de simples changements d'organigrammes et en une réduction du périmètre et du champ des responsabilités attribuées au salarié et qui ne porte ni sur sa rémunération ni sur sa qualification, les nouvelles tâches, bien que réduites, qui lui sont confiées entrant toujours dans le champ de ses fonctions et de sa qualification professionnelle ; qu'en estimant, cependant, que la salariée était fondée à prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, en raison d'un comportement prétendument fautif et grave de celui-ci, la cour d'appel a donc violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble son article L. 1221-1 ;
2°/ qu'à l'issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'à l'issue de son congé de maternité, Mme X... percevait toujours la même rémunération, qu'elle avait la même qualification et occupait le même poste qu'auparavant ; qu'en se fondant, pour retenir que la salariée n'avait pas retrouvé son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente, sur les seules circonstances, inopérantes, tirées de changements dans les organigrammes de l'entreprise et d'une réduction du périmètre et du champ des responsabilités, quand ces dernières entraient pourtant bien dans ses fonctions et dans sa qualification professionnelle, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient pourtant de ses propres constatations, a violé l'article L. 1225-25 du code du travail, ensemble ses articles L. 1221-1 et L. 1231-1 ;
3°/ que la modification du contrat de travail s'oppose au changement des simples conditions de travail, décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction ; que, dès lors que les mesures prises par l'employeur n'affectent ni la qualification de l'intéressé ni sa rémunération, elles ne portent pas atteinte à un élément du contrat de travail ; que l'employeur peut ainsi, dans le cadre de son pouvoir de direction, apporter des changements aux fonctions du salarié lorsque les tâches demandées, bien que différentes de celles exercées antérieurement, répondent à sa qualification ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les modifications invoquées par Mme X... ne portaient ni sur sa rémunération ni sur sa qualification professionnelle, que les nouvelles tâches qui lui étaient confiées entraient toujours dans le champ de ses fonctions et de sa qualification et que ces modifications ne consistaient qu'en de simples changements d'organigrammes et en une réduction du périmètre et du champ des responsabilités attribuées à la salariée ; qu'elle a également constaté que ces modifications avaient également affecté d'autres salariés dans l'entreprise et qu'elles participaient d'un effort d'organisation par l'employeur de ses structures hiérarchiques et plus généralement de l'ensemble de ses orientations stratégiques, économiques et fonctionnelles ; qu'en ayant, toutefois, considéré que ces modifications ne portaient pas sur les conditions de travail de l'intéressée, mais sur son contrat de travail, de sorte que la salariée était fondée à les refuser, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient pourtant de ses propres constatations, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble son article L. 1231-1 ;
Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé qu'à l'issue du congé de maternité la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente, la cour d'appel, qui a relevé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve, qu'à son retour de congé de maternité Mme X... avait été repositionnée à un niveau hiérarchique inférieur à celui qu'elle occupait précédemment et corrélativement privée de ses fonctions managériales, qu'elle s'était vu retirer certaines responsabilités tenant à sa fonction et que son champ professionnel avait fait l'objet d'une évolution régressive, a pu décider que l'emploi offert n'était pas similaire à celui qu'elle occupait précédemment et a estimé que le manquement de l'employeur était suffisamment grave pour justifier la prise d'acte de la rupture à ses torts par le salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Michaël Page conseil aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Michaël Page conseil à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Michaël Page conseil

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en date du 2 mars 2005 par Mme A...
X... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, d'avoir condamné son employeur, la société MICHAEL PAGE CONSEIL EURL, au paiement de 10. 257, 99 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 1. 025, 79 € de congés payés afférents, de 5. 698, 88 € d'indemnité conventionnelle de licenciement et de 21. 000, 00 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les dépens, 500, 00 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et 2. 500, 00 € au titre de ceux exposés en appel ;

Aux motifs que « l'article L 1225-5 du code du travail dispose qu'à l'issue du congé de maternité la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assortie d'une rémunération au moins équivalente ;
… que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire d'une démission ;
Qu'en l'espèce, il résulte de l'avenant au contrat de travail signé entre les parties le 22 janvier 2001 que Madame X... s'est vu confier les fonctions de « responsable des ressources humaines » ;
Qu'à l'issue de son retour de congé de maternité expirant le 23 novembre 2004, elle a adressé dès le 7 décembre 2004 un courriel à sa hiérarchie dans lequel elle indiquait : « Je constate que mes fonctions n'ont absolument plus rien à voir avec celles que j'ai quittées il y a quelques mois » et elle fait part d'une rétrogradation dans l'organigramme ;
Que dans un courriel du 15 décembre 2004, Monsieur Bruno C..., directeur, indique : « comme tu le sais, le départ de Benoît pendant ton indisponibilité a engendré un remaniement structurel de notre organisation. Nos rattachements hiérarchiques ont nécessairement évolué pour permettre la continuité de notre activité en privilégiant une organisation dynamique et fonctionnelle des équipes. » ;
… que si sur ses bulletins de paie, il est constant que le statut de cadre, la qualification de responsable des ressources humaines, le salaire et les accessoires du salaire de Madame X... sont restés identiques à ceux antérieurs à son départ en congé maternité, il résulte cependant de la simple lecture comparée des organigrammes de la société qu'au moment de son départ en février 2004 Madame X... figurait en N-2, alors qu'à son retour de congé maternité elle figurait en N-3 ;
Qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la lecture du dernier organigramme édité par la société de 2004 révèle également un positionnement à un rang inférieur du poste de travail puisque Madame X... s'est retrouvée au même niveau hiérarchique que les quatre autres responsables des ressources humaines figurant sur cet organigramme ;
Que dans son courrier en date du 10 février 2005, Monsieur Antoine D...directeur (pièce 16 de la salarié e) reconnaît que « cette réorganisation fonctionnelle (effectuée pendant le congé maternité) a touché le quotidien de l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise et doit nous permettre de rationaliser les compétences de chacun afin de gagner en efficacité. C'est la raison pour laquelle les dossiers juridiques et notamment prud'homaux, sur lesquels tu as pu intervenir épisodiquement pour assurer … le lien avec le service juridique, sont aujourd'hui traités directement par notre service juridique et nos avocats. » M. D...indique par ailleurs « les seuls changements intervenus l'ont été dans le cadre d'une réorganisation qui a touché l'ensemble des collaborateurs » ;
… que si l'organisation par l'employeur de ses structures hiérarchiques et plus généralement de l'ensemble de ses orientations stratégiques, économiques et fonctionnelles relève de son pouvoir de direction, en revanche ses effets sur le contenu du travail des salariés ne peuvent lui être imposés ;
… en l'espèce, que Madame X... établit qu'elle s'est vu retirer certaines responsabilités tenant à sa fonction, qu'elle a fait l'objet d'un déclassement fonctionnel ; que son champ professionnel a fait l'objet d'une évolution régressive ;
Que ces faits constituent des modifications des éléments substantiels de son contrat de travail qu'elle était en droit de refuser ; qu'en conséquence sa lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur en date du 2 mars 2005 est fondée et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;
1. Alors que, d'une part, pour que la prise d'acte puisse produire les effets d'un licenciement abusif, encore faut-il que le comportement de l'employeur apparaisse comme fautif et suffisamment grave ; que tel ne saurait être le cas d'une modification des conditions de travail, décidée unilatéralement par l'employeur, qui ne consiste qu'en de simples changements d'organigrammes et en une réduction du périmètre et du champ des responsabilités attribuées au salarié et qui ne porte ni sur sa rémunération ni sur sa qualification, les nouvelles tâches, bien que réduites, qui lui sont confiées entrant toujours dans le champ de ses fonctions et de sa qualification professionnelle ; qu'en estimant, cependant, que la salariée était fondée à prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, en raison d'un comportement prétendument fautif et grave de celui-ci, la Cour d'appel a donc violé l'article L. 1231-1 du Code du Travail, ensemble son article L. 1221-1 ;
2. Alors que, d'autre part, à l'issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté qu'à l'issue de son congé de maternité, Mme X... percevait toujours la même rémunération, qu'elle avait la même qualification et occupait le même poste qu'auparavant ; qu'en se fondant, pour retenir que la salariée n'avait pas retrouvé son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente, sur les seules circonstances, inopérantes, tirées de changements dans les organigrammes de l'entreprise et d'une réduction du périmètre et du champ des responsabilités, quand ces dernières entraient pourtant bien dans ses fonctions et dans sa qualification professionnelle, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient pourtant de ses propres constatations, a violé l'article L. 1225-25 du Code du Travail, ensemble ses articles L. 1221-1 et L. 1231-1 ;
3. Alors qu'enfin, la modification du contrat de travail s'oppose au changement des simples conditions de travail, décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction ; que, dès lors que les mesures prises par l'employeur n'affectent ni la qualification de l'intéressé ni sa rémunération, elles ne portent pas atteinte à un élément du contrat de travail ; que l'employeur peut ainsi, dans le cadre de son pouvoir de direction, apporter des changements aux fonctions du salarié lorsque les tâches demandées, bien que différentes de celles exercées antérieurement, répondent à sa qualification ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que les modifications invoquées par Mme X... ne portaient ni sur sa rémunération ni sur sa qualification professionnelle, que les nouvelles tâches qui lui étaient confiées entraient toujours dans le champ de ses fonctions et de sa qualification et que ces modifications ne consistaient qu'en de simples changements d'organigrammes et en une réduction du périmètre et du champ des responsabilités attribuées à la salariée ; qu'elle a également constaté que ces modifications avaient également affecté d'autres salariés dans l'entreprise et qu'elles participaient d'un effort d'organisation par l'employeur de ses structures hiérarchiques et plus généralement de l'ensemble de ses orientations stratégiques, économiques et fonctionnelles ; qu'en ayant, toutefois, considéré que ces modifications ne portaient pas sur les conditions de travail de l'intéressée, mais sur son contrat de travail, de sorte que la salariée était fondée à les refuser, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient pourtant de ses propres constatations, a violé l'article L. 1221-1 du Code du Travail, ensemble son article L. 1231-1.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-67928
Date de la décision : 03/11/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 mai 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 nov. 2010, pourvoi n°09-67928


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.67928
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