LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° Y 09-41.480 et Z 09-41.481 ;
Met hors de cause MM. X... et Y... ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Nîmes, 27 janvier 2009), que MM. Y... et X..., salariés non-cadres, ont été engagés respectivement en 1979 et en 2003 par la société Rocheblave environnement ; que le marché dont cette société était titulaire a été attribué le 14 juin 2007 à la société Urbain net à compter du 1er juillet 2007 ; que la société sortante a, par lettres des 13 et 18 juin 2007, transmis à l'entreprise entrante un état du personnel à reprendre ; que la société Urbain net n'a pas repris les contrats de travail de MM. Y... et X... ; que se retrouvant sans travail à compter du 1er juillet 2007, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation solidaire des deux sociétés à leur payer diverses indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la société Rocheblave environnement fait grief à l'arrêt de dire que la rupture des contrats de travail lui est imputable et de la condamner à payer diverses sommes, alors, selon le moyen, qu'en lui opposant un manquement aux dispositions de l'article 3-3 de l'avenant n° 15 du 13 décembre 2005 constituant l'annexe V de la convention collective nationale du déchet et relatif aux "salariés affectés partiellement au marché transféré", sans avoir préalablement constaté en fait que tel aurait été le cas de MM. Y... et X..., la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard du texte précité ;
Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 2 et 3-3 de l'avenant n° 15 du 13 décembre 2005 constituant l'annexe V de la convention collective nationale du déchet qu'en cas de changement de titulaire d'un marché, les conditions de la reprise des salariés non-cadres de l'entreprise sortante, engagés par contrat à durée indéterminée et affectés sur le marché depuis au moins six mois au cours des douze derniers mois à la date d'effet du nouveau marché, dépendent de leur temps d'affectation sur le marché transféré ; que si les salariés qui étaient affectés en totalité sur ce marché doivent être repris, le temps d'affectation des salariés qui y étaient partiellement affectés doit être comptabilisé pour déterminer le nombre de salariés en équivalent temps plein devant être transférés, le choix des salariés transférables s'effectuant par ordre décroissant du temps d'affectation sur le marché ; que l'entreprise sortante doit communiquer à l'entreprise entrante, au plus tard dans les quinze jours qui suivent la notification du changement de titulaire du marché, un état du personnel à reprendre comportant le temps d'affectation de chacun des salariés ; qu'à défaut, l'ancien titulaire du marché n'ayant pas mis le nouveau titulaire du marché en mesure de déterminer quels salariés devaient être transférés est responsable de l'absence de reprise des contrats de travail, peu important le temps d'affectation effectif sur le marché en cause des salariés dont le contrat n'a pas été repris ;
Et attendu qu'ayant constaté que la société Rocheblave environnement, par ses lettres des 13 et 18 juin 2007 adressées à la société Urbain net, ne lui avait, malgré sa demande, pas transmis les éléments concernant la durée de travail de chacun des salariés travaillant sur le marché transféré et retenu qu'il en résultait une impossibilité pour l'employeur entrant de connaître le temps d'affectation de MM. Y... et X... sur ce marché et de leur appliquer les dispositions conventionnelles concernant la reprise, la cour d'appel qui a retenu que la rupture du contrat de travail des salariés était imputable à la société Rocheblave environnement a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Rocheblave environnement aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Rocheblave environnement ; la condamne à payer, d'une part, à la société Urbain net la somme de 2 500 euros, d'autre part, à MM. X... et Y... la somme globale de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen commun produit aux pourvois n°s Y 09-41.480 et Z 09-41.481 par la SCP Tiffreau et Corlay, avocat aux Conseils, pour la société Rocheblave environnement.
Le moyen reproche à la Cour d'appel d'AVOIR, par infirmation du jugement entrepris, « dit que seules sont applicables les dispositions conventionnelles et que la Société ROCHEBLAVE ENVIRONNEMENT est responsable de la rupture du contrat par leur méconnaissance ; condamne la Société ROCHEBLAVE ENVIRONNEMENT à payer à la SARL URBAIN NET le montant des sommes acquittées au titre des condamnations de première instance (…) condamne la Société ROCHEBLAVE ENVIRONNEMENT à rembourser les indemnités de chômage en application de l'article L. 122-14-4 devenu L. 1235-3 du Code du travail dans la limite de six mois (…) ».
AUX MOTIFS QUE « selon l'article 3-3 de l'annexe V de la Convention collective, les conditions de reprise des personnels ouvriers par les employeurs en cas de changement de titulaire d'un marché public, l'ancien titulaire doit communiquer au nouveau, au plus tard dans les 15 jours qui suivent la notification du changement de titulaire du marché, un état du personnel à reprendre ; que les documents fournis doivent comprendre (…) que la lettre du 13 juin 2007 de la Société ROCHEBLAVE ENVIRONNEMENT ne comporte pas tous les renseignements aux rubriques précitées et ne mentionne que les noms, prénoms, dates de naissance, postes occupés et les types de contrat ; qu'il n'était pas même prévu un envoi complémentaire par cette lettre ; qu'à la suite de l'expédition le 18 juin 2007 par la Société URBAIN NET d'une lettre invoquant la méconnaissance des obligations conventionnelles, la Société ROCHEBLAVE écrivait pour apporter des éléments complémentaires ; que toutefois, n'ont pas été mentionnées les dispositions particulières pour les salariés affectés partiellement aux marchés transférés à savoir : pour le personnel remplissant les conditions définies à l'article 2.1. affecté partiellement auxdits marchés, le nombre de salariés s'apprécie en équivalent temps plein. La notion d'équivalent temps plein se calcule comme suit : le temps d'affectation pour chaque salarié est comptabilisé de façon à déterminer le nombre de salariés à temps plein transférables. Les entreprises appliquent ensuite les règles d'arrondis suivants, de manière à obtenir le nombre entier inférieur si le résultat comporte une valeur décimale inférieure, ou strictement égale à 0,50 ou le nombre entier supérieur si le résultat comporte une valeur décimale strictement supérieure à 0,50. Le temps d'affectation s'apprécie comme la durée du travail théorique effectuée sur le marché sans pouvoir y exclure notamment les heures de délégation éventuelles, les congés payés, les jours de réduction du temps de travail, les heures de formation, les temps de pause et les absences pour maladies ou accidents du travail. Une fois le nombre de salariés à transférer déterminé, le choix des salariés transférables s'effectue par ordre décroissant du temps d'affectation sur le marché ; qu'il était donc matériellement impossible pour l'employeur entrant de faire application de ces dispositions, en l'absence de connaissance précise de la durée du travail de chacun des salariés sur le marché en cause ; qu'ainsi, il résulte des éléments fournis que, lors du premier envoi, du courrier, la société sortante n'a pas satisfait à ses obligations conventionnelles et, lors du second, n'a pas donné les précisions quant à la durée du travail, étant précisé que la notion d'équivalent à temps plein ne se calcule pas de manière individuelle, mais en cumulant le temps de travail de tous les salariés à temps partiel ; que cette méconnaissance est directement à l'origine du litige, en sorte que la société sortante est responsable de la rupture du contrat de travail et doit en supporter les conséquences (…) qu'il sera fait d'office application des dispositions de l'article L. 122-14-4 devenue L. 1235-3 du Code du travail et la Société ROCHEBLAVE ENVIRONNEMENT sera condamnée à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois (…) »,
ALORS QUE, en opposant à la Société ROCHEBLAVE ENVIRONNEMENT un manquement aux dispositions de l'article 3-3 de l'avenant n° 15 du 13 décembre 2005 constituant l'annexe V de la Convention collective nationale du déchet et relatif aux « salariés affectés partiellement au marché transféré », sans avoir préalablement constaté en fait que tel aurait été le cas de M. Y... la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard du texte précité.