LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Reims, 4 septembre 2009), que, le 18 juin 2003, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Troyes a autorisé des agents de l'administration fiscale, en application de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, à procéder à des visites et saisies dans des locaux situés 1 bis avenue Pierre Brossolette, à Romilly-sur-Seine, susceptibles d'être occupés par la société Top Affaires, en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale des sociétés Dipro et Top Affaires au titre de la TVA et de l'impôt sur les sociétés ;
Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'avoir confirmé la décision du juge des libertés et de la détention, alors, selon le moyen, que si les dispositions transitoires rendant la loi rétroactive ont institué un droit de recours contre des ordonnances rendues antérieurement à la promulgation de la loi, elles ont d'une part porté atteinte au droit au respect des biens protégé par l'article 1er du Protocole n° 1, en empêchant M. X... de bénéficier au fond, de la décharge automatique des impositions établies sur le fondement de pièces saisies dans le cadre d'un procédure de saisies condamnée par la Convention européenne des droits de l'homme, et, d'autre part, porté atteinte au droit au recours effectif et au procès équitable défendus par les articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu que les dispositions de l'article 164 de la loi du 4 août 2008, qui introduisent la possibilité d'un appel devant le premier président de la cour d'appel en matière de droit de visite des agents de l'administration des impôts, permettent d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite ; qu'ainsi elles ne constituent pas une immixtion du législateur dans un litige en cours et ne contreviennent ni à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni à l'article premier du premier Protocole additionnel à cette dernière ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les deuxième et troisième moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Odent, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé la régularité de l'ordonnance du 18 juin 2003 ;
AUX MOTIFS QUE le droit au procès équitable et, en particulier, le droit au recours effectif est un motif impérieux d'intérêt général justifiant la rétroactivité d'une disposition législative, et ce d'autant que cette rétroactivité ne peut avoir aucune conséquence préjudiciable pour les personnes concernées par la visite domiciliaire ; que c'est ainsi que la loi du 4 août 2008 a expressément permis l'application des dispositions nouvelles aux procédures engagées antérieurement à sa publication, ce qui a mis Monsieur Raymond X... en mesure de saisir le premier président de la cour d'appel dans le cadre de la mise en place d'un recours effectif contre l'ordonnance du 18 juin 2003, le souci corollaire d'éviter par là même un risque d'annulation des visites domiciliaires autorisées avant la publication de la loi n'entraînant aucune violation des textes européens sur les droits de l'Homme, notamment les articles 6-1 et 13 qui visent à protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs ;
ALORS QUE si les dispositions transitoires rendant la loi rétroactive ont institué un droit de recours contre des ordonnances rendues antérieurement à la promulgation de la loi, elles ont d'une part porté atteinte au droit au respect des biens protégé par l'article 1er du Protocole n° 1, en empêchant l'exposant de bénéficier au fond, de la décharge automatique des impositions établies sur le fondement de pièces saisies dans le cadre d'un procédure de saisies condamnée par la CEDH, et, d'autre part, porté atteinte au droit au recours effectif et au procès équitable défendus par les articles 6 § 1 et 13 de la convention européenne des droits de l'Homme.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé la régularité de l'ordonnance du 18 juin 2003 ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que l'administration fiscale a adressé au juge le 13 juin 2003 un projet d'ordonnance prérédigé, l'appropriation des motifs n'étant pas en soi un manquement à l'obligation de vérifier de manière concrète le bien-fondé de la demande d'autorisation, les motifs et le dispositif étant réputés établis par le juge qui a rendu et signé l'ordonnance, et que les pièces justificatives ont été remises le 18 juin à 14 heures 30, le jour même où l'ordonnance critiqué a été rendue ; que la multiplicité d'ordonnances identiques n'était pas par ailleurs en soi contraire aux garanties essentielles ; qu'en conformité avec le but de l'article L. 16 de permettre au juge de vérifier l'existence de présomptions selon lesquelles le contribuable concerné se soustrairait à l'établissement ou au paiement de l'impôt, l'administration fiscale a présenté des documents permettant de supposer la détention par l'appelant de documents relatifs à une fraude fiscale alléguée de la part des SARL DIPRO et TOP AFFAIRES en raison de fortes présomptions sur l'implication de Monsieur Raymond X... dans leur gestion de fait (…) ; que la demande d'autorisation de visite des locaux de la société TOP AFFAIRES à Romilly et éventuellement de saisies était bien fondée sur des présomptions suffisantes de fraude fiscale, Monsieur Raymond X... affirmant sans le démontrer que le juge aurait rendu sa décision sans examiner les pièces produites par l'administration ;
ALORS QUE le juge devant vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée, le respect de cette obligation essentielle ne peut être considéré comme établi par de simples considérations réputées existantes et beaucoup trop abstraites et générales pour constituer en elles-mêmes un ensemble constitutif de présomption de fraude ; qu'ainsi l'ordonnance est entachée d'une violation des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et des principes régissant la charge de la preuve.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé la régularité de l'ordonnance du 18 juin 2003 ;
AUX MOTIFS QUE l'indépendance et l'impartialité, qui sont des caractéristiques essentielles de toute fonction juridictionnelle, ne sont pas remises en cause parce que la juridiction chargée du contrôle du déroulement des opérations de visite et de leur autorisation n'est pas collégiale, Monsieur Raymond X... ne faisant aucune démonstration que la soumission du contentieux à un juge unique serait en soi une violation du droit à un procès équitable ou du droit à un recours effectif ;
ALORS QUE, loin de mettre en cause les indiscutables qualités des magistrats chargés du contrôle des ordonnances de saisie, l'exposant entendait seulement relever que les dispositions transitoires de la nouvelle loi ne leur donnaient pas tous les moyens nécessaires à l'exécution de leur mission de juge d ‘ appel, de telle sorte qu'elles ne pouvaient même pas assurer les objectifs que l'on prétendait fournir aux contribuables, la cour entachant donc sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.