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13/10/2010 | FRANCE | N°09-71591

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 octobre 2010, 09-71591


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu le principe de droit international relatif à l'immunité de juridiction et l'article 43 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires ;
Attendu que l'Etat étranger et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige, participe par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de l'Etat et n'est donc pas un acte de gestion ;

Attendu selon l'arrêt attaqué, que Mme

X... a été engagée en 1992 par un contrat à durée déterminée d'une année par l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu le principe de droit international relatif à l'immunité de juridiction et l'article 43 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires ;
Attendu que l'Etat étranger et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige, participe par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de l'Etat et n'est donc pas un acte de gestion ;

Attendu selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée en 1992 par un contrat à durée déterminée d'une année par le ministre de l'éducation nationale de Turquie et a occupé les fonctions de secrétaire administrative de l'attaché d'éducation du consulat de Turquie à Strasbourg jusqu'à son licenciement intervenu le 26 juin 2005 ;
Attendu que pour dire les juridictions françaises incompétentes, la cour d'appel retient que Mme X... ne peut invoquer le privilège de juridiction établi par l'article 14 du code civil "pour évincer l'application de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations diplomatiques établissant une immunité de juridiction d'un Etat étranger dans la mesure des actes de souveraineté relevant de sa mission", que l'intéressée exerçait les fonctions de secrétaire administrative au consulat général de Turquie au bureau de l'attaché d'éducation, qu'il est constant qu'elle assurait la représentation du consulat auprès des autorités publiques françaises en charge de la situation des étudiants turcs, soit le rectorat et l'inspection académique, qu'à ce titre elle représentait l'Etat dont elle était salariée dans les relations entre le consulat et les administrations françaises pour organiser et gérer le séjour des étudiants turcs à Strasbourg, que de ce fait, elle était "employée consulaire" au sens de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires, et "membre du personnel de la mission" selon les dispositions de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 applicables au consulat de Turquie, que selon l'article 33 (sic) de la Convention de Vienne du 24 avril 1963, les fonctionnaires consulaires et les employés consulaires ne sont pas justiciables des autorités judiciaires et administratives de l'Etat de résidence pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions consulaires, et que dans ces conditions, seules les juridictions turques auxquelles la loi turque donne compétence pour les litiges opposant un salarié à une administration peuvent connaître de l'action civile engagée par Mme X... à l'encontre de l'Etat turc ;
Attendu cependant que, si l'article 43 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires reconnait une immunité de juridiction aux fonctionnaires et employés consulaires pour les actes accomplis dans l'exercice des fonctions consulaires, il ne leur interdit pas de former une action devant les juridictions de l'Etat de résidence à l'encontre de l'Etat qui les emploie, celui-ci pouvant opposer à leurs demandes l'immunité de juridiction sur laquelle la juridiction saisie est tenue de statuer ;
Qu'en statuant comme elle a fait en faisant une fausse application de l'article 43 de la Convention de Vienne, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne le consul de Turquie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le consul de Turquie à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré les juridictions françaises de l'ordre judiciaire incompétentes et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
AUX MOTIFS QUE Madame X..., de nationalité française ne peut invoquer le privilège de juridiction établi par l'article 14 du Code civil pour évincer l'application des Traités auxquels la France est partie en particulier la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations diplomatiques établissant une immunité de juridiction d'un Etat étranger, dans la mesure des actes de souveraineté relevant de sa mission ; que Madame X... exerçait les fonctions de secrétaire administrative au Consulat général de Turquie à STRASBOURG au bureau de l'attaché d'éducation, selon l'attestation de fonction délivrée par le ministère des affaires étrangères ; mais qu'il est constant qu'elle assurait la représentation du Consulat auprès des autorités publiques françaises en charge de la situation des étudiants turcs, soit le Rectorat et l'Inspection académique ; qu'à ce titre, elle représentait l'Etat dont elle était salariée dans les relations entre le Consulat et les administrations françaises pour organiser et gérer le séjour des étudiants turcs à STRASBOURG ; que de ce fait, elle était « employée consulaire » au sens de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires et « membre du personnel de la mission », selon les dispositions de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 applicable au Consulat de Turquie à STRASBOURG ; que selon l'article 33 (lire 43) de la Convention de Vienne du 24 avril 1963, les fonctionnaires consulaires et les employés consulaires ne sont pas justiciables des autorités judiciaires et administratives de l'Etat de résidence, pour les actes accomplis dans l'exercice des fonctions consulaires ; qu'une seule exception est prévue pour l'action civile résultant d'un contrat qui n'a pas été conclu expressément ou implicitement en tant que mandataire de l'Etat d'envoi, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que dans ces conditions, seules les juridictions turques, auxquelles la loi turque donne compétence pour les litiges opposant un salarié à une administration, peuvent connaître de l'action civile engagée par Madame X... à rencontre de l'Etat turc, dispositions impératives que la salariée a d'ailleurs reconnue applicable en engageant elle-même une action devant le tribunal administratif d'Ankara ; que les juridictions françaises sont dès lors incompétentes pour en connaître ; que c'est donc à tort que le Conseil de prud'hommes de STRASBOURG a retenu sa compétence ;
ALORS QUE les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; qu'en relevant en l'espèce que la salariée, secrétaire administrative au Consulat général de Turquie au bureau de l'attaché d'éducation, entrait en contact avec le Rectorat et l'Inspection académique pour organiser et gérer le séjour des étudiants turcs à Strasbourg sans responsabilité particulière dans l'exercice du service public consulaire ou diplomatique, en sorte que l'emploi et le licenciement de la salariée ne constituaient que des actes de gestion et n'étaient pas couverts par le principe de l'immunité de juridiction, pour en déduire l'incompétence des juridictions françaises, la Cour d'appel a violé par refus d'application les principes de droit international relatifs à l'immunité de juridiction des Etats étrangers;
ALORS encore QU'en se fondant sur la Convention de Vienne du 24 avril 1963 et la Convention de Vienne du 18 avril 1961 elles les a violées par fausse application ALORS surtout QU'a titre subsidiaire ce n'est que pour les seuls les actes accomplis dans l'exercice des fonctions consulaires que les fonctionnaires et les employés consulaires ne sont pas justiciables des autorités judiciaires et administratives de l'Etat de résidence ; que le seul fait pour la salariée, secrétaire administrative au Consulat général de Turquie au bureau de l'attaché d'éducation, d'entrer en contact avec le Rectorat et l'Inspection académique pour simplement organiser et gérer le séjour des étudiants turcs à Strasbourg sans aucune responsabilité particulière dans l'exercice du service public consulaire relevant de la souveraineté de l'Etat turc, est exclusif de l'exercice d'une fonction consulaire ; qu'en statuant autrement, la Cour d'appel a violé l'article 43 de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 ;
ALORS ENCORE a titre subsidiaire QUE les membres du personnel administratif et technique de la mission diplomatique ne bénéficient pas de l'immunité de juridiction civile de l'Etat accréditaire, même pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions, s'ils sont ressortissants de l'Etat accréditaire ou y ont résidence permanente; qu'en l'espèce ayant constaté que la salariée était ressortissante française, tout en opposant à l'action de la salarié l'immunité de juridiction des membres du personnel de la mission, la Cour d'appel a violé les articles 31, 37 et 38 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-71591
Date de la décision : 13/10/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 01 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 oct. 2010, pourvoi n°09-71591


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Delvolvé, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.71591
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