LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 juillet 2009), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 3 juin 2008, Bull. IV n° 110) que la société Sodico a conclu, le 11 juillet 1997, avec la société Comptoirs modernes économiques de Rennes (la société CMER) un contrat de franchise pour l'exploitation d'un magasin d'alimentation sous l'enseigne "Comod" ; qu'aux termes de ce contrat, d'une durée de sept ans, à compter du 15 juillet de la même année, la société Sodico s'engageait à effectuer l'essentiel des achats nécessaires à l'exploitation de son magasin auprès du franchiseur ; que cette société a notifié, le 14 mars 2002, à la société Comptoirs modernes supermarché ouest (la société CMSO), venant aux droits de la société CMER, la rupture de leurs relations contractuelles et a déposé l'enseigne "Comod" pour lui substituer l'enseigne "G 20" ; que, par arrêt infirmatif du 3 juillet 2002, la cour d'appel de Rennes, statuant en référé, a condamné la société Sodico, d'une part, à déposer l'enseigne "G 20" et à remettre l'enseigne "Comod" et, d'autre part, à poursuivre avec la société CMSO leurs relations contractuelles jusqu'au terme prévu au contrat, et ce sous astreinte ; que, par actes des 26 et 27 mars 2002, la société CMSO a fait apport, à la société Prodim, de la branche d'activité de franchiseur et d'animateur du réseau de franchise "Comod", y compris des contrats y afférents et, à la société CSF, de la branche d'activité d'exploitation commerciale et d'approvisionnement de fonds de commerce de type supermarchés ; qu'après la réalisation de ces apports partiels d'actifs, placés sous le régime des scissions, les sociétés Prodim et CSF ont assigné la société Sodico en liquidation d'astreinte, puis, au fond, en nullité de la résiliation du contrat, en poursuite des relations contractuelles et en indemnisation de leur préjudice ; qu'après avoir assigné les sociétés Diapar et Groupe 20 en indemnisation de leur préjudice, en tant que tiers complices de la rupture abusive du contrat par la société Sodico, pour avoir, du 22 mars au 27 juillet 2002, approvisionné cette dernière et permis l'apposition de l'enseigne "G 20" sur le magasin concerné, les sociétés Prodim et CSF ont assigné la société Diapar en indemnisation de leur préjudice pour avoir continué à approvisionner la société Sodico, après avoir reçu, le 29 juillet 2002, la signification de l'arrêt rendu en référé le 3 juillet de la même année, qui obligeait la société Sodico à poursuivre ses relations contractuelles avec la société CMSO ;
Attendu que les sociétés Prodim et CSF font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé que les sociétés Prodim et CSF ne pouvaient pas se prévaloir, pour mettre en cause la responsabilité délictuelle de la société Diapar du contrat de franchise litigieux, dans la mesure où ce contrat n'aurait pu leur être transmis par voie d'apports partiels d'actifs soumis au régime des scissions, sans répondre au moyen péremptoire des exposantes, tiré de ce que l'article L. 236-3 du code de commerce devait être interprété à la lumière de la directive communautaire n° 82-891 du 17 décembre 1982 qui ne comporte aucune restriction concernant la transmission des contrats intuitu personae, a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que les apports partiels d'actif soumis au régime des scissions emportent transmission universelle du patrimoine aux sociétés bénéficiaires, en ce compris les contrats conclus intuitu personae ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé le contraire, a violé l'article L. 236-3 du code de commerce devant être interprété à la lumière de la directive communautaire n° 82-891 du 17 décembre 1982 ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu qu'en raison du caractère "intuitu personae" du contrat de franchise conclu par la société Sodico, celui-ci ne faisait pas partie des contrats transférés de plein droit aux sociétés Prodim et CSF au titre des apports partiels d'actifs, la cour d'appel qui a ainsi répondu en les écartant aux conclusions invoquées, a satisfait aux exigences du texte suscité ;
Et attendu, d'autre part, que le moyen qui reproche à la juridiction de renvoi d'avoir statué conformément à l'arrêt de cassation qui la saisissait, est irrecevable ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Prodim et CSF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Diapar la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Odent, avocat aux Conseils pour les sociétés Prodim et CSF.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, ayant décidé qu'un contrat de franchise n'avait pas été transmis par voie d'apports partiels d'actif soumis au régime des scissions, débouté un franchiseur (aux droits duquel se sont trouvées les sociétés PRODIM et CSF) de son action en responsabilité pour concurrence déloyale, intentée à l'encontre d'un concurrent (la société DIAPAR) ;
AUX MOTIFS QUE la société CMSO avait apporté à la société CSF la branche complète d'activité d'exploitation commerciale et d'approvisionnement de fonds de commerce de type supermarché et à la société PRODIM sa branche d'exploitation commerciale de fonds de commerce alimentaires de proximité, ainsi que la franchise et l'animation du réseau de franchise Comod et Marché + ; que ces apports partiels d'actif ayant été soumis au régime des scissions, ils emportaient transmission universelle du patrimoine de la société CMSO aux sociétés PRODIM et CSF de tous les droits, biens et obligations dépendant de la branche autonome d'activité qui faisait l'objet de l'apport, à l'exception des contrats conclus intuitu personae qui ne sont transmissibles aux sociétés bénéficiaires qu'à la condition que le cocontractant ait donné son accord ; que le contrat de franchise stipulait en son article 2-2 : - que le contrat était conclu par le franchiseur en considération de la personne du franchisé de sorte que tout fait quelconque qui aurait pour effet ou pour conséquence de substituer au franchisé une ou d'autres personnes et de restreindre de manière importante son indépendance, emporterait le droit pour le franchiseur de résilier immédiatement le contrat sans indemnité ; - que le contrat était conclu par le franchisé en considération de la notoriété et de l'organisation du groupe Comptoirs Modernes et du franchiseur, indépendamment des personnes qui les contrôlaient et les dirigeaient ; que, contrairement à ce que prétendaient les sociétés PRODIM et CSF, le contrat n'était pas seulement conclu en considération de la personne du franchisé, mais aussi en considération de la personne du franchiseur qui apportait son enseigne et son savoir-faire, l'enseigne et le savoir-faire étant une considération déterminante de l'engagement du franchisé ; que le contrat de franchise était donc bien un contrat intuitu personae ; que, contrairement encore à ce que soutenaient les sociétés PRODIM et CSF, les apports partiels d'actif n'avaient pas été sans incidence sur le contrat de franchise, puisqu'il n'était pas contesté que l'enseigne Comod avait quasiment disparu ; que, compte tenu du caractère intuitu personae du contrat de franchise, il ne faisait pas partie des contrats transférés de plein droit aux sociétés PRODIM et CSF, dans le cadre des apports partiels d'actifs ; que la société PRODIM n'avait jamais consenti à la transmission du contrat de franchise aux sociétés PRODIM et CSF qu'elle avait résilié le 14 mars 2002, en suite de quoi elle s'était fournie auprès de la société DIAPAR ; que, dès lors que les sociétés PRODIM et CSF n'étaient pas parties au contrat de franchise, elles étaient mal fondées à agir en responsabilité délictuelle contre la société DIAPAR, ne pouvant se plaindre d'une violation d'un contrat qui ne leur avait pas été transmis et avait pris fin en tout état de cause avec les apports partiels d'actif ; que le contrat de franchise ayant cessé ses effets avec les apports partiels d'actif, les sociétés PRODIM et CSF étaient mal fondées en leurs prétentions selon lesquelles elles pouvaient, sur le fondement de l'arrêt du 3 juillet 2002, obtenir une indemnisation, puisqu'elles n'avaient pas qualité pour demander l'exécution du contrat de franchise qui ne leur avait pas été transmis ;
1° ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé que les sociétés PRODIM et CSF ne pouvaient pas se prévaloir, pour mettre en cause la responsabilité délictuelle de la société DIAPAR, du contrat de franchise litigieux, dans la mesure où ce contrat n'aurait pu leur être transmis par voie d'apports partiels d'actifs soumis au régime des scissions, sans répondre au moyen péremptoire des exposantes, tiré de ce que l'article L 236-3 du code de commerce devait être interprété à la lumière de la directive communautaire n° 82-891 du 17 décembre 1982 qui ne comporte aucune restriction concernant la transmission des contrats intuitu personae, a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE les apports partiels d'actif soumis au régime des scissions emportent transmission universelle du patrimoine aux sociétés bénéficiaires, en ce compris les contrats conclus intuitu personae ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé le contraire, a violé l'article L 236-3 du code de commerce devant être interprété à la lumière de la directive communautaire n° 82-891 du 17 décembre 1982.