LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 110-4 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., exerçant l'activité de kinésithérapeute et de conseillère technique thermale, a fait l'objet le 12 novembre 1997 d'un redressement fiscal pour les années 1994 et 1995, fondé sur une comptabilisation erronée de ses frais de déplacement ; que le 22 janvier 2004, le tribunal administratif a rejeté son recours contre le redressement ; que le 13 octobre 2006, elle a assigné son expert-comptable, la société Fiducial expertise, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en réparation de son préjudice, sollicitant le remboursement de la somme payée au titre du redressement ;
Attendu que pour confirmer le jugement ayant déclaré l'action de Mme X... prescrite au titre des années 1994 et 1995, l'arrêt retient que le point de départ de la prescription est, non la connaissance certaine et définitive du dommage, mais le jour où l'obligation contractuelle est exécutée et que les dates des factures de l'expert-comptable établies pour l'exercice 1994, le 5 mai 1995, et pour l'exercice 1995, le 25 avril 1996, doivent être considérées comme les dates ultimes auxquelles les obligations afférentes à ces exercices respectifs ont été exécutées ; qu'il en déduit que compte tenu de la date de l'assignation, le délai de la prescription n'ayant été ni interrompu ni suspendu, la fin de non recevoir opposée est fondée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement ayant déclarée prescrite l'action de Mme X... à l'égard de la société Fiducial expertise, devenue Fidexpertise, au titre des exercices 1994 et 1995, l'arrêt rendu le 18 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Fiducial expertise aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré prescrite l'action de Madame X... prescrite au titre des années 1994 et 1995 ;
AUX MOTIFS DU PREMIER JUGE QU'" en application de l'article L. 110-4 du Code de Commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes.
Madame X... et la société FIDUCIAL EXPERTISE ont été tenues d'une obligation contractuelle selon laquelle, le professionnel en sa qualité d'expert comptable avait mission d'établir les comptes annuels de Madame X..., tout en respectant son obligation de conseil et d'information.
Madame X... met en cause la défaillance de son expert comptable dans le respect de ses obligations pour les exercices comptables de 1994 et 1995.
Il est constant que le point de départ de la prescription doit être fixé au jour de l'exécution de la prestation contractuelle incriminée.
En l'espèce, l'acte introductif d'instance délivré par Madame X... est daté du 13 octobre 2006, aussi les prestations contractuelles antérieures au 13 octobre 1996 sont prescrites ; ce qui concerne les comptes de l'exercice 1994, arrêtés au cours du premier trimestre 1995 et ceux de l'exercice 1995, arrêtés au premier trimestre 1996 (jugement p. 4 alinéas 1 à 5 des motifs). "
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE " l'appelante fonde expressément ses demandes d'indemnisation sur la responsabilité contractuelle de la S. A. FIDUCIAL EXPERTISE ;
Celle-ci reprend devant la Cour l'exception soulevée déjà en première instance de la prescription de l'action concernant les années 1994 et 1995 ;
L'article L. 110-4 du Code de Commerce dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans, selon la rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 et en vigueur au moment de l'engagement de l'action ;
Contrairement à ce que soutient l'appelante, ce texte ne renvoie nullement aux dispositions et conditions d'application de l'article 2270-1 du Code Civil qui concerne la responsabilité extra-contractuelle ;
Madame X... critique l'exécution par la S. A. FIDUCIAL EXPERTISES de ses obligations contractuelles ; en cette matière, le point de départ de la prescription est non, comme elle le soutient, la connaissance certaine et définitive du dommage, mais le jour où l'obligation contractuelle est exécutée ;
En l'espèce, il n'est pas discuté par l'appelante que la présentation des comptes annuels 1994 et 1995 a été faite durant le premier trimestre de l'année suivante, soit, respectivement, le premier trimestre des années 1995 et 1996 ; la facture indiquant le solde dû pour l'exercice 1994 est datée du 5 mai 1995 et celle indiquant le solde dû pour l'exercice 1995 est datée du 25 avril 1996 ; ces dates doivent être considérées comme les dates ultimes auxquelles les obligations afférentes à ces exercices respectifs ont été exécutées ;
Madame X... a engagé son action par assignation du 13 octobre 2006 ;
Elle ne justifie, ni même ne prétend en cause d'appel, que le délai de prescription de son action en responsabilité aurait été interrompu ou suspendu ; c'est par des motifs pertinents que le premier juge a indiqué que les dispositions de l'article 2244 ancien du Code Civil, en vigueur au moment de l'engagement de l'instance, n'étaient pas applicables, les recours exercés et la saisine de la juridiction administrative, aux fins d'annulation du redressement fiscal, ne tendant pas aux mêmes fins et n'ayant pas de lien avec la demande tendant à voir reconnaître la responsabilité de l'expert-comptable ;
En tout état de cause, alors même qu'elle n'était pas empêchée d'agir, le jugement du Tribunal Administratif ayant été rendu le 22 janvier 2004, elle pouvait agir avant l'échéance du délai de prescription, le 5 mai 2005 et le 25 avril 2006 ;
La fin de non-recevoir opposée en application de l'article 122 du Code de Procédure Civile à la demande concernant les années 1994 et 1995 est fondée (arrêt p. 5 alinéas 1 à 10). "
ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime ; que par jugement du 22 janvier 2004, le Tribunal administratif a validé le redressement opéré pour les années 1994 et 1995 ; qu'en énonçant que le point de départ de la prescription est non la connaissance certaine et définitive du dommage mais le jour où l'obligation contractuelle a été exécutée c'est-à-dire le 5 mai 1995 et le 25 avril 1996 pour en déduire que son action engagée le 13 octobre 2006 était prescrite, quand le dommage ayant été révélé à Madame X... le 22 janvier 2004, date de la décision de justice lui confirmant le redressement, son action en justice engagée le 13 octobre 2006 n'était pas prescrite, la Cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du Code de commerce.